Cette soirée avait une saveur différente de celles qu’ils avaient vécues par le passé. Il existait des moments où ils ne vibraient plus sur la même fréquence l’un et l’autre. Ils peinaient à se comprendre. Et ce soir en était le parfait exemple. Oui, Jacob avait mal réagit à l’évocation de cet homme, mais cela n’avait rien à voir avec cette main qu’il avait posé sur la sienne. C’était bien différent des accusations qu’avaient porté sa sœur. Il l’avait vu franchir une nouvelle étape dans sa guérison, et peut-être se sentir prête à commencer une nouvelle relation. Peut-être avec Vinz. Peut-être avec un autre. Peut-être pour une nuit. Peut-être pour plus. Il constatait seulement qu’à tout moment, elle pouvait prendre son envol et s’éloigner de lui, mais aussi, qu’elle pouvait revenir à lui bien plus abimée qu’elle ne l’était en partant… Tout ce que souhaitait Jacob, c’était son bonheur. Mais pour le moment, il tentait de parvenir à communiquer avec Victoria, et ce n’était pas une mince affaire « Je ne sais pas moi, quand tu me raconteras ta journée. Tu auras peut-être envie de dire que ton patron t’a sauvé la mise avec un client, ou qu’au contraire, il a agi en abruti fini ». C’était aussi simple que cela. Un froncement de sourcils, puis un petit sourire en coin alors qu’elle trouvait son argument pertinent « Je n’ai fait aucun raccourci ! Je n’ai pas réagi pour sa main sur la tienne, seulement parce que tu le connaissais. Il peut te toucher autant qu’il le souhaite, tant qu’il ne te fait pas de mal, je m’en moque ! » et ajouta « Comment as-tu dit déjà ?! Ah oui ! Ah ! Bam ! ». Il pencha ensuite la tête sur le côté sans renchérir. Il n’en avait pas envie.

Il l’observa un instant, sans mot dire, le temps que l’information lui parvienne, puis souffla un « Il faudrait peut-être y réfléchir, tu ne penses pas ? Dans tous les cas, je ne pense pas avoir été un obstacle dans ta vie au quotidien », ou alors il devait aller consulter, parce qu’il ne s’en rendait pas compte. Un soupir et rétorqua « Je m’en moque de sa main sur la tienne ! Seulement, j’ai envie que tu te sentes en confiance avec lui au quotidien, au travail ». Il tenta une note plus légère et se mit à sourire tout en haussant les sourcils « Je ne te pensais pas si fougueuse ». Le livreur arriva à la bonne heure pour leur apporter la pizza qu’ils dévorèrent avec appétit, et tourna la tête en direction de Victoria « Je trouve que si, au contraire » et ajouta « Petite, mais puissante, mais tu ne ferais pas le poids » avec un regard taquin tout en portant sa part de pizza à sa bouche. Il se montra maladroit, une fois n’était pas coutume, et acquiesça « Oui, il faut préciser ! Je l’ai pris chez Tony, à trois blocs d’ici ». En effet, elle était délicieuse, à moins que ça soit parce qu’ils avaient faim. Une grimace déforma le visage de ce dernier « C’est de ma sœur dont on parle, s’il te plaît » et réprima un frisson de dégoût.

Quelques jours plus tard, Jacob terminait de se préparer pour le dîner en famille mensuel. Il osa une dernière tentative pour la convier à l’accompagner, mais elle déclina « Oui, je te regarde » tout en esquissant un petit sourire en coin. Il déposa ses lèvres sur sa joue, et sourit lorsqu’elle l’imita « Promis ! » et quitta l’appartement. Sans vraiment prêter attention à l’heure, Jacob était parvenu à franchir le seuil de l’appartement avant minuit, comme convenu, et s’affala sur le lit de la jolie brune, retrouvant cette dernière à lire toujours le même bouquin « Tu ne t’es pas trop ennuyée sans moi ? » répliqua-t-il en souriant et se retourna sur le dos pour fixer le plafond « Bien. J’ai mis les points sur les i nous concernant. Je pense qu’ils auront compris. Eva à tout de même émis l’hypothèse qu’on se trompait peut-être sur toute la ligne en… » et fronça les sourcils « ... en voulant rester amis ». Il se redressa sur un coude pour faire face à Victoria « Est-ce que c’est ce dont tu voulais parler la dernière fois ? Qu’on faisait peut-être erreur sur toute la ligne ? » et se leva du lit « Je vais prendre une douche, me brosser les dents parce que j’ai des relents de vin et de pain de viande qui remontent et c’est désagréable ».

Victoria avait fixé Jacob, un sourire sur les lèvres. Le sourire était là parce qu’il venait de jouer les gamins autant quelle. Mais aussi parce qu’elle n’était pas du tout convaincu que de ce qu’il venait d’avancer. Si elle se mettait à lui raconter un jour qu’elle avait couché avec son patron sur le bar au moment de fermeture, non, vraiment, elle n’était pas du tout certaine que cela ne lui fasse rien. « -mais est ce que j’ai dit ça ? » non mais la conversation prenait une tournure vraiment absurde. Et c’était pour cela que Vic avait décidé que la musique leur ferait du bien, tout comme le fait qu’elle quitte la pièce quelques instants. Finalement, le fait que Jacob ne comprenne pas ce qu’elle voulait dire lui allait parfaitement bien. Autant éviter de remettre tout ça encore une fois en question. Il fallait qu’elle prenne le temps de mettre ses idées au claire. La pizza était bonne, la conversation beaucoup plus apaisée. Finalement, ils avaient évité de trop s’engueulé.

Le jeudi soir, Vic avait passé une soirée en solitaire, chose qui n’était jamais arrivé depuis qu’ils habitaient ensemble. Lorsque Jacob rentra, elle chassa son malaise personnelle et lui sourit : « -c’était assez étrange de passer une soirée seule à l’appart… je dois bien l’avouer. » de là à s’être ennuyer… disons qu’elle avait mit à profit son temps seule… Vic avait remonté son livre, mais elle savait d’avance qu’elle ne lirait pas une ligne de plus. Alors avec lenteur, elle marqua sa page et se pencha pour déposer le livre sur la table de chevet. Elle reprit sa position en ayant bien entendu l’hésitation de Jacob. Elle n’eut pas le temps de répondre quoi que soit qu’il se levait pour aller prendre une douche. Elle espérait qu’il restait assez d’eau chaude…

La jeune femme resta dans son lit une minute, peut-être deux. Et puis… et puis elle se leva, direction la cuisine. Elle fit chauffer de l’eau et se prépara une infusion. Elle en fit de même pour Jacob, si jamais il en voulait. Qu’est ce qu’elle allait bien pouvoir lui répondre ? Ils étaient pourtant d’accord l’autre soir. Une autre vie… c’était la conclusion à laquelle ils étaient parvenue. Et pourtant… Vic avait la sensation que tout était assez confus dans sa tête, alors que d’extérieur elle clamait la même chose que lui. Ils étaient amis ! En regardant la par la fenêtre, elle cru entendre du bruit à la porte, comme si on voulait entrer. Un froncement de sourcils et elle alla voir. Elle regarda par l’œillet, personne. Elle ouvrit alors pour vérifier. Un pas en avant et elle se retrouva propulsé contre le mur, le bras d’un type sous la gorge, qui l’étouffait avec force. « -tu sais où il hein ?! » elle frappa dans l’entre jambe et le type grogna. Il l’avait lâché. Le souffle court, elle regarda son agresseur avant de foncer dans l’appartement et d’en refermer la porte. Pas assez rapidement.

« Si tu veux réitérer les soirées en solitaire, tu n’as qu’à me le dire. Je n’aurais qu’à passer la soirée chez un ami ou une de mes sœurs » avait-il rétorqué avec douceur, avant de lui faire part du déroulé de sa propre soirée. Ce fut au fil des explications que son esprit se souvint que Victoria avait employé les mêmes termes qu’Eva. Est-ce que c’étaient d’eux deux dont elle voulait parler l’autre soir ?! Il ne la laissa par répondre immédiatement. Il éprouvait un grand besoin de prendre une douche et de se brosser les dents, ce qu’il fit en premier, puis se délecta sous une douche chaude, jusqu’à ce que l’eau froide vienne mettre un terme à ce petit moment de détente. Il avait réprimé un petit cri de surprise et avait quitté la douche à contrecœur. Il enfila son pantalon de pyjama et un débardeur, la serviette sur la tête, il sortit de la salle de bain tout en se déchant ses boucles désordonnées, mais marqua un arrêt face à la scène qui se déroulait devant lui. Il jeta la serviette au sol et se hâta jusqu’à l’homme qui venait de faire intrusion dans l’appartement, se ruant sur ce dernier pour l’éloigner de Victoria. Il ne resta pas plus d’une minute au-dessus de l’individu et fut rapidement projeté sur le parquet, son agresseur se précipitant sur lui pour venir le frapper au visage et dans le torse, lui tirant un cri de douleur au moment où son poing rencontra sa plaie tout juste cicatrisée.
Jacob finit par lui assener un coup dans le nez, lui permettant ainsi de se dégager de son emprise et se hâta jusqu’au meuble de l’entrée, tentant de récupérer son arme dans le tiroir.

Jacob était rentré, et lorsqu’il avait lancé la conversation, après s’être laissé tomber sur le lit de Victoria, celle-ci avait prit le temps de poser son livre. Pas la peine de le garder en main. « -je n’ai pas dit que c’était mieux qu’une soirée avec toi. » précisa la jeune femme alors qu’il proposait de lui laisser plus de soirée seule si elle le désirait. En réalité, elle n’en savait rien. Elle avait apprécié ce temps seule, mais elle adorait aussi leur soirée à deux. « -on a qu’à dire une fois par mois si tu veux. » et puis il avait parlé de sa propre soirée, et il avait prononcé exactement les même mots qu’elle, quelques jours plus tôt. Cela sembla faire le chemin dans son esprit. Il lui posa même la question. Mais ne lui laissa pas le temps d’y répondre.

En attendant que l’eau chauffe dans la bouilloire, elle se demanda si il lui en voulait, de ne pas avoir osé en parler l’autre soir. Il était tard, est ce qu’ils allaient avoir cette conversation maintenant ? Elle n’était pas certaine de le vouloir. Encore une fois, à cause de cette peur de tout briser et de le perdre. Et en même temps, doucement une idée faisait son chemin dans son esprit… la vie était courte… il souhaitait son bonheur. C’était réciproque. Et si ce bonheur s’était ça ? Et si leur entourage avait raison ? S’ils étaient aveugles, ou se voilait vraiment la face. Elle était là, sa tasse fumante entre les mains, son sachet ayant déjà trop infusé, perdu dans ses pensées… et puis elle cru entendre la porte d’entrer, comme qui on actionnait la poignée.

Elle décida d’aller voir. Elle fit l’erreur d’ouvrir et de regarder dans le couloir. Reflexe ou non, elle frappa dans l’entre jambe de son agresseur avec son genou, ce qui lui fit lâcher prise. Le souffle court, elle n’eut pas le temps de se masser la gorge. Vic se précipita dans l’appartement, referma la porte sur le type qui cria et l’insulta lorsqu’elle lui coinça le bras. Il était bien plus fort qu’elle, alors malgré toute la force qu’elle pouvait y mettre, il parvint à ouvrir la porte, la propulsant contre le mur. « -Jacob ! » cria la jeune femme en la voyant se précipité sur leur agresseur. Elle était quelque peu sonnée, mais lorsqu’il recula le nez en sang, elle décida de lui sauter sur le dos, une main sur le visage, ses ongles dans sa peau, un doigt dans l’œil. Le type hurla, recula et Vic percuta à nouveau le mur tout en s’accrochant encore et encore au type. Elle savait où était l’arme de Jacob, juste gagner du temps pour qu’il la récupère. Le type finit par la faire passer par devant, le chut lui coupa le souffle. « -dit moi ce qu’il a fait de mon fric pétasse ! » lui cria l’agresseur. Elle savait de qui il parlait. Mais n’avait pas de réponse à lui donner.
 

Victoria avait semblablement apprécié sa soirée en solitaire, il lui proposa donc de réitérer l’expérience si elle le désirait. Un petit sourire se glissa sur les lèvres du lieutenant « C’est différent, et tu as le droit d’avoir apprécié » répliqua-t-il en n’était pas le moins du monde vexé par cette confidence. Il comprenait aussi qu’elle puisse vouloir une soirée seule avec elle-même. « Comme le jeudi soir, par exemple ? » en faisant référence au repas de famille qui était organisé une fois par mois. Et en parlant de ce dîner, il se confia sur sa propre soirée, et peu à peu, les paroles d’Eva firent leur chemin dans l’esprit du lieutenant, résonnant avec écho aux mêmes paroles prononcées par Victoria quelques jours auparavant. Il ne la laissa par répondre, souhaitant avant tout prendre une douche et se brosser les dents. Ce qu’il fit aussitôt. La douche fut rapidement écourtée avec la soudaine arrivée d’eau froide sur son corps nu, lui laissant tout juste le temps de se rincer. Il enfila ensuite son bas de pyjama et son débardeur, prêt à rejoindre les bras de Morphée d’ici peu. Néanmoins, en sortant de la salle de bain, il se retrouva confronté à un intru qui venait de faire violemment irruption dans l’appartement, s’en prenant physiquement à Victoria. Sans réfléchir davantage, il se rua sur son agresseur. Jacob encaissa les coups les uns après les autres, jusqu’à parvenir à lui assener un coup de tête pour lui briser le nez et le sonner quelque peu. Un moment de répit qui permis au lieutenant de se précipiter jusqu’au meuble de l’entrée, récupérant son arme alors que Victoria tentait de garder son emprise sur l’individu, lui permettant ainsi d’avoir le temps de charger le 9mm avec lequel il tira pour faire tomber l’agresseur au sol. Il se rapprocha en toute hâte jusqu’à l’individu blessé « Police ! Un geste et je t’abats comme un chien ! ». Il s’éloigna tout en le gardant en joue, récupérant son portable dans la veste de blaze qui trônait sur le canapé « Je suis le lieutenant Reyes. On vient d’entrer par effraction à mon appartement… ».

Tout en gardant son arme pointée sur l’individu, Jacob se rapprocha de la jolie brune, caressant sa joue « Vic… Ça va ? » demanda-t-il avec inquiétude. Il ne fallut pas plus de cinq minutes pour voir débarquer des hommes en uniforme à son appartement, ainsi que les premiers secours. Ils prirent rapidement en charge l’agresseur, récupérant également l’arme de service du Lieutenant qui ne quittait pas la jolie brune du regard. Il se rapprocha de cette dernière, blessée, et la serra dans ses bras non sans grimacer sous ses propres blessures « Je suis là, tout va bien maintenant… » lui souffla-t-il, et se recula en entendant l’ambulancier s’adresser à eux « Vous devriez aller à l’hôpital tous les deux ». Il hocha lentement de la tête et entoura ensuite le visage de Victoria entre ses mains « On va se rendre à l’hôpital, s’assurer que tu n’as rien, et on rentre ensuite ». Il vit Wendy arriver à leur hauteur « Vous le connaissiez ? » « Je pense que c’est une connaissance à Roberto Andrea. Il parlait d’argent » « On va mettre un flic en uniforme en bas de chez vous pour la nuit, et demain également ». Il acquiesça « Merci ». Jacob glissa sa main dans le dos de la jeune femme pour l’entrainer jusqu’à sa chambre « Il faut que tu te changes. Je m’absente une seconde, je suis à côté » et troqua rapidement son pyjama pour un jean et une chemise ouverte par-dessus son débardeur, puis revint auprès de la jeune femme « Tu viens ? ».

Elle avait hurlé. Lorsque la détonation de l’arme avait eu lieu. Oui, elle avait hurlé de peur, de surprise aussi. Malgré le fait qu’elle soit sonné par sa chute au sol. Elle s’était reculée le plus rapidement possible de son agresseur, en proie à une peur certaine. Avec lenteur, elle s’était remise sur ses jambes, avant une envie folle de mettre un grand coup de pieds dans le ventre du type. Elle avait un gout métallique dans la bouche. Elle eut envie de hurler Jacob d’appuyer sur la détente. De tuer ce type. Mais Vic s’était contentée de reprendre son souffle, en essayant de tenir sur ses jambes. Pour le moment, elle était en colère. Elle avait envie de savoir ce qu’il faisait là, comment il l’avait trouvé, de quoi est ce qu’il parlait exactement, comment connaissait il Roberto ? Une foule de question se bousculait dans sa tête alors qu’elle fixait avec rage l’homme au sol. En sentant la main de Jacob sur sa joue, elle souffla un : « -non… » non ça n’allait pas. Elle avait mal partout et un connard était venu l’agressé ici, chez lui.

Et puis ce fut comme une invasion. Des uniformes de plusieurs couleurs. Flic et secours. Trop de personnes, trop de cris, de questions, d’intervention. Elle tituba légèrement et trouva refuge contre le comptoir de la cuisine. Elle suivit du yeux les flics qui embraquait leur agresseur. « -non… Non Jacob tout va pas bien. » alors qu’il tentait de la serrer dans ses bras et qu’elle restait rigide comme un piquet, comme pétrifiée par tout cela. Elle ferma les paupières lorsque l’ambulancière lui mit sa lampe dans les rétines. Cela la ramena sur terre et elle regarda enfin Jacob. « -tu… tu dois aussi te faire examiner. » elle vira la lampe en râlant : « -je suis pas aveugle c’est bon ! » et surtout elle avait bien vu que Jacob avait prit des coups aussi. Un regard pour Wendy. Un non de la tête. Tête qu’elle avait ensuite tourné lenteur pour fixer Jacob du regard. Entendre le nom et le prénom de son ex conjoint venait de lui faire quelque chose… Elle se détacha et se détourna, passant ses deux main dans ses cheveux, avant de joindre ses mains sur sa nuque. Un long soupire avant d’avoir à nouveau un léger vertige. Elle se figea en sentant la main de Jacob. « -ok… » marmonna la jeune femme en gagnant sa chambre sans vraiment écouter la suite. Elle enfila un jogging, et un pull capuche, et elle prit quelques secondes pour s’asseoir sur son lit, visage entre les mains, légèrement penchée en avant. Qu’est ce que c’était encore que ce bordel… Un léger sursaut en entendant Jacob. Puis un hochement de tête. Elle se saisit de son téléphone, et le rejoignit dans la salle. Avant de passer la porte d’entrer, elle lui saisit la main : « -ça va toi ? » mais avant qu’il n’ait pu répondre, elle se blottit contre lui.

 

En rentrant ce soir, Jacob pensait se délecter sous une longue douche chaude, puis rejoindre Victoria sous les draps pour discuter un peu, de tout et de rien peut-être, et ensuite, il aurait sombré dans les bras de Morphée jusqu’au petit matin. Finalement, sa douche avait été écourtée à cause d’un manque d’eau chaude, et de surcroît, un homme avait pénétré dans leur appartement. Ce dernier semblait en vouloir personnellement à Victoria. Jacob s’était donc rué sur lui, et s’en était suivi une altercation entre les deux hommes jusqu’à ce qu’il parvienne à se dégager de son emprise pour récupérer son arme. Leur agresseur jeta ensuite son dévolu sur la jolie brune, et ce fut à ce moment-là qu’il fit feu à une seule reprise. Seulement pour le blesser suffisamment pour qu’il reste immobile jusqu’à l’arrivée des secours. Son arme toujours pointée sur l’individu, Jacob caressa la joue de la jeune femme et son cœur se serra à sa seule réponse. Il avait tant envie de la serrer dans ses bras, de l’éloigner de tout cela, mais il ne pouvait pas. Pas jusqu’à l’arrivée des renforts et des secouristes qui arrivèrent sur les lieux à vitesse grand V. Jacob fit une nouvelle tentative pour rassurer Victoria, mais sentit qu’elle n’était pas réceptrice à ses paroles « Ok, ok… » souffla-t-il donc en se reculant. Il laissa l’ambulancière faire ses premières constatation sur l’état de santé de la jeune femme que ça irrita bien rapidement « Ils vérifient si tes pupilles sont réactives… J’encaisse, ne t’inquiète pas pour moi » répliqua-t-il avant que Wendy ne les interroge sur leur agresseur. Il avait l’étrange sensation que ça avait un lien avec feu le fiancé de Victoria.

Sur ces dernières paroles, Jacob accompagna la jeune femme à hauteur de leurs chambres voisines, la laissant seule quelques minutes, seulement le temps de troquer son pyjama pour une tenue plus convenable pour se rendre à l’hôpital afin qu’ils passent un bilan de santé pour s’assurer que leurs blessures restaient superficielles. Il revint auprès de Victoria, ne désirant pas la laisser seule plus longtemps. Il l’observa assise sur le rebord de son lit et fit entendre sa voix. Elle était à fleur de peau. Il l’était aussi. Tout cela semblait si irréel, invraisemblable. Il posa son regard sur sa main qu’elle venait de saisir avant de relever lentement ses yeux sur son visage. Il n’eut le temps de rétorquer quoi que ce soit qu’elle vint se blottir tout contre lui. Il relâcha ses doigts pour entourer son corps meurtri de ses bras, posant sa tête contre la sienne « Je vais bien maintenant que je te sais en sécurité », et resta un instant ainsi, avant de se reculer et lui adressa un doux sourire « On va à l’hôpital, et on ira dormir chez mes parents pour ce soir. D’accord ? ». Son appartement était devenue une scène de crime, et ils se sentiraient sûrement plus serein ainsi. Il glissa sa main dans celle de la jeune femme et fit signe à Wendy, lui informant qu’ils ne passeraient pas la nuit dans leur appartement ce soir. Elle en prit bonne note, et se dirigèrent jusqu’à l’hôpital. Jacob s’en sortit avec quelques hématomes importants, et de nouveaux points sur sa blessure par balle. La cicatrice encore récent s’était déchirée sous l’impact des coups reçus. Il resta ensuite dans la salle d’attente, patientant le retour de la jeune femme, priant pour qu’elle n’ait rien de grave.

« -non elle me crame les yeux ! Je vais bien ! » râla-t-elle de nouveau, tendant le coup pour voir partir leur agresseur. Il sortait d’où ? C’était qui ?! Il voulait quoi ?! Comment savait il qui elle était ?! Elle lança ensuite un regard noir à la nana qui venait de recommencer. « -c’est lui qu’il faut examiner pas moi ! » ajouta la jeune femme agacée par tout ça. « -laisse moi m’inquiété si j’en ai envie. » il n’allait pas jouer les supers héros plus longtemps ! Il n’était pas totalement remis et voilà qu’il prenait des coups. Non, ce n’était pas elle qu’il fallait examiner tout de suite. Quelques minutes plus tard, elle était dans sa chambre en train d’enfiler un pantalon de jogging, par-dessus son pyjama. Par geste mécanique plus qu’autre chose. Le regard dans le vide, elle zippa son pull, et comme la plus part du temps garda la capuche sur la tête. Puis elle prit quelques secondes pour s’asseoir. Comment est ce que ça avait pu arriver ?! Un sursaut, un oui de la tête et elle finit par retenir Jacob, passant ses deux bras autour de son cou. Elle avait eu tellement peur ! Et si ça s’était déroulé deux heures plus tôt, qu’il n’avait pas été présent à l’appartement. « -non… non pas d’accord. Pas chez tes parents. Pas chez les miens non plus. Un hôtel. Il était peut-être pas seul ce type… » elle déglutit en jetant un regard à Wendy. « -je veux mettre personne d’autre en danger… » voulant dire par là, que ce qui s’était produit était sa faute. Wendy précisa qu’elle donnerait l’hôtel choisi. Elle tenait Jacob au courant.

Dans l’ambulance, elle avait glissé ses mains dans les poche de son pull, avait fixé son regard dehors, fixant les gouttes de pluie sur la vitre. Sa jambe droite n’arrêtait pas de bouger. Elle était sur les nerfs… Vic fut séparé de Jacob à leur arrivée. Chacun de son côté, chacun son médecin. Elle essaya de prendre sur elle pour se montrer coopérative. Mais elle en avait marre de répondre à des question. On lui fit passer une batterie de teste pour voir si il n’y avait pas de commotion cérébrale. On lui avait fait trois points à l’arcade. Finalement, elle était ressortie de là en ayant mal partout parce que peu à peu les hématomes se pointaient… Mais le reste allait bien. En arrivant dans la salle d’attente, elle chercha Jacob du regard. Un léger sourire en le trouvant. Elle se laissa tomber à côté de lui, et vint poser sa tête contre son épaule. « -alors c’est moche comment ? » en voulant parler de sa cicatrice. « -de mon côté, il faudra s’alarmé si jamais je vomis… » merveilleux n’est ce pas…

L’exaspération de Victoria laissait tout à penser qu’elle était à fleur de peau, et c’était légitime. Elle venait de se faire agresser au sein même de son appartement. Jacob avait tenté de lui faire entendre raison, mais abdiqua bien vite en s’adressant à l’ambulancière « Veuillez nous laisser s’il vous plaît » et fit un signe de tête pour confirmer ses propres dires. Il allait bien. Il fonctionnait. De toute manière, d’ici une heure tout au plus, ils seraient examinés sous toutes les coutures à l’hôpital. L’ambulancière s’éloigna donc pendant que le trentenaire poussa un léger soupir « Inquiète-toi si tu veux alors ». Ce n’était pas le moment de la contredire. Le corps du lieutenant était meurtri, et il savait qu’il ne pourrait pas échapper à la consultation de toute manière. Seulement, pour le moment, c’était Victoria qui le préoccupait davantage. Il l’avait vu se débattre contre son agresseur pour lui laisser le temps de se saisir de son arme, et il savait ce que son corps avait enduré. Il l’accompagna donc jusqu’à la chambre pour qu’elle se change, et en fit de même. Lorsque ce fut chose faite, il retourna auprès de cette dernière qui sursauta au son de sa voix. C’était normal. Le contraire l’aurait interpellé. La jolie brune avait finit par se blottir tout contre lui, et décida de la serrer tout contre lui, ses bras autour de sa taille alors que ceux de cette dernière entouraient son cou. Ils restèrent ainsi quelques secondes. Ils en avaient besoin tous les deux. Une manière comme une autre de se rappeler qu’ils étaient en vie.

« Un hôtel donc » confirma le trentenaire qui ne souhaitait pas se confronter aux choix de Victoria qui semblait craindre le pire. Il échangea brièvement avec Wendy et se rendirent ensuite à l’hôpital. Comme prévu, Jacob fut ausculté sous toutes les coutures, s’attardant particulièrement sur sa blessure encore fraiche, puis avait pris place dans la salle d’attente, patientant jusqu’à l’arrivée de Victoria qui se laissa choir à ses côtés, venant aussitôt blottir sa tête contre son épaule. Il déposa un baiser sur sa chevelure brune avant de répondre « Ils m’ont refait quelques points » et passa son bras autour de ses épaules « Donc pas de téquila pour ce soir » et émit un léger rire, timide, qui s’estompa bien vite. « Si je n’étais pas rentré avant minuit… » et sentit sa gorge se nouer rien qu’à la simple pensée qu’il aurait pu la perdre ce soir. Il resserra son emprise autour de son corps, posant sa tête contre la sienne « Je n’ai pas envie de rester dans cet endroit une minute de plus. Wendy m’a envoyé l’adresse de l’hôtel où on passera la nuit. Je dois seulement faire un détour à l’appartement », et se leva, gardant son bras autour des épaules de la jeune femme. Comme prévu, il demanda au taxi de faire un arrêt à son appartement dont avait pris possession ses collègues en uniforme et la police scientifique. Jacob salua tout ce beau monde d’un signe de main, serra la main de ceux qui lui ont été familier, et récupéra sa seconde arme rangée dans son tiroir de table de chevet et la glissa dans le holster qu’il avait placé à sa ceinture quelques secondes auparavant. Puis rejoignit Victoria « On peut y aller ».

En arrivant à l’hôtel, Jacob donna le nom d’emprunt que lui avait communiqué sa coéquipière par message, récupéra les clefs et montèrent au deuxième étage de l’immeuble, parcouru quelques mètres dans le couloir pour atteindre la chambre. Il se mit à sourire en remarquant le lit deux places « Apparemment Wendy a pensé qu’on était plus que colocataire » et referma la porte à double-tour, vérifia toute la chambre et se laissa tomber sur le lit tout en poussant un long soupir « Comment tu te sens ? ».

Malgré l’espèce de torpeur dans laquelle elle se trouvait, Vic avait encore son caractère bien trempé et des éclairs de lucidité. Elle savait parfaitement que Jacob avait été blessé. Elle savait également qu’elle avait eu terriblement peur. Et elle savait aussi que l’ambulancière l’emmerdait à vouloir prendre soin d’elle. Depuis quand on prenait soin des gens en les aveuglant ! Nouvelle phase de lucidité. Hors de question d’aller chez les parents de Jacob. Chez les siens non plus. Donc ça serait l’hôtel. Peu importe lequel. Elle ne voulait pas que quelqu’un d’autre soit blessée. A cause d’elle. Parce que c’était évident, cet homme était venu pour elle, à cause d’elle. Par sa seule présence elle avait mit Jacob en danger. Elle n’avait pas cessé de penser à cela tout en râlant pour les examens médicaux. Elle était morte de fatigue, avait mal de partout et souhaitait seulement dormir. Si encore son cerveau le lui permettait.

En salle d’attente, elle vint poser sa tête sur celle de Jacob. Elle s’était bien défoulée sur le personnel soignant, il était temps d’arrêter les conneries. Elle n’avait plus vraiment d’énergie pour cela. Peu à peu l’adrénaline devait redescendre… ça devait aider. « -t’abuse… » avait elle soufflé pour répondre au sujet de la téquila, un léger sourire étirant ses lèvres. « -tu aurai dû m'aider à faire disparaitre le corps..." elle le regarda, levant uniquement les yeux, un léger sourire taquin sur les lèvres. "-mais tu étais là… » avait soufflé Vic « -ce qui prouve la débilité du type au passage… » il aurai pu intervenir toute la soirée. Il avait attendu que Jacob soit rentré ? Quel était l’intérêt ? « -moi non plus ! » et elle se leva avec lenteur, ce qui contrastait avec l’entrain mit dans ses mots. Il était temps de lever le camp et d’aller se coucher. Un hochement de tête et ils furent bientôt chez eux. Vic laissa Jacob faire ce qu’il avait à faire. De son côté, elle se chargea de faire un sac pour eux deux. Pyjama, brosse à dent, gel douche… une tenue de rechange. Le minimum. Elle tapa également dans le chocolat et les chips dans les placards de la cuisine. Un nouveau hochement de tête, et ils quittèrent les lieux pour l’hôtel.

Vic colla son dos en refermant la porte avec ses fesses, détaillant rapidement la chambre. Un regard pour Jacob. « -j’imagine que personne n’était au courant que tu vis avec la nana du… » mais elle la ferma en baissant les yeux. « -je sais pas qui c’était ce type… je l’avais jamais vu… » il allait poser des questions, elle le savait. Il était flic pas babysitter. « -et j’ai été débile d’ouvrir la porte… » oui, vraiment… Elle bougea la tête de gauche à droite. « -tu veux prendre une douche en premier ? » un sourire : « -j’imagine qu’il y a assez d’eau chaude… » elle était épuisée.