Un petit rire résonna dans l’appartement alors qu’il sentait que Victoria s’inquiétait soudainement en ce qui concernait la cuisson des plats préparés par sa mère. Cela faisait bien longtemps qu’il n’avait pas rit ainsi, et c’était grâce à Victoria. Son retour à ses côtés était réellement nécessaire à son équilibre « Je vais m’occuper de la cuisine, d’accord ? » et lui sourit avec amusement. « Tu es là maintenant, tout ira bien » rétorqua-t-il pour sous-entendre que dorénavant, tout irait pour le mieux. Plus de surmenage. Elle était ici chez elle. Et de ce qu’il pouvait comprendre, le lieutenant n’avait pas à s’inquiéter de la colocation. Ils étaient tous les deux sur la même longueur d’ondes et se complétaient assez bien quant à la manière de prendre la douche, par exemple « Je ne m’inquiétais pas ». Jacob avait vu son appartement, et il savait que cette dernière était organisée et ordonnée. Il n’éprouvait pas la moindre inquiétude les concernant. Ce qui n’était pas le cas de la mère de Victoria. Ce qui était légitime. Alors Jacob lui proposa de la rassurer en lui assurant qu’il veillait sur elle. Il se mit à rire en entendant la réponse de la jolie brune qui ne voulait en aucun cas apporter cette précision à sa mère « Je constate qu’elle me met encore sur un piédestal ». Ce qui était également le cas de sa famille en ce qui concernait Victoria. Chacun vantait ses mérites et ses qualités. Elle était la femme parfaite pour lui à leurs yeux, sans prendre en considération qu’elle n’était qu’une amie « J’ai souvent raison » rétorqua-t-il avec un clin d’œil, avant de rire doucement. Il plaisantait. Il avait souvent tort également, mais il connaissait sa sœur, et leur entente ne relevait pas du miracle. C’était presque une évidence pour lui. Un hochement de tête pour seule réponse, et Jacob lui montra l’appartement « Tu sais que tu as de la place dans tous les cas. C’est à toi ». Et sur ces mots, il lui souhaita une bonne nuit et rejoignit les bras de Morphée.

Comme tous les matins depuis qu’il s’était fait tirer dessus, Jacob s’était levé aux aurores. Il avait prit le temps de petit-déjeuner avec le levé du jour, puis avait patiemment attendu l’infirmière qui s’occupa de ses blessures. Lorsqu’elle fut partie, troquant sa place avec Victoria qui était sortie de la salle de bain, il lui tendit une tasse de café fumante et répondit à ses questions. Oui, il allait bien, mais non, il n’avait pas bien dormi. Ce qui le rassura, c’était que Victoria avait passé une nuit agréable et cela le fit sourire « Il te donne des somnifères ? » et prit une gorgée de café tout en acquiesçant « Ce n’est rien. De toute manière, je ne suis pas sensé trop bouger… », ce qui l’agaçait quelque peu. Il porta de nouveau le breuvage brun à ses lèvres avant de s’appuyer contre le comptoir dos à lui, faisant face à Victoria « Oui ». Jacob hocha de nouveau de la tête « Il y a cinq heures environ, mais vas-y. Il reste des toasts, et je dois avoir de la confiture et du beurre dans le réfrigérateur », rétorqua-t-il en ouvrant la porte de ce dernier pour en sortir le beurre et la confiture qu’il disposa devant Victoria. Son geste resta en suspens quelques secondes en entendant la jeune femme « Je me suis fait tirer dessus. Il n’y a rien à dire » rétorqua-t-il avant de lui sourire avec douceur.

Vic avait passé une très bonne nuit. Mais comme elle venait de l’avouer à Jacob, son psy lui avait prescrit des médicaments qui l’aidait de ce côté-là. « -des anxiolytiques. » précisa la jeune femme. « -quand je suis rentrée, j’ai eu beaucoup de mal à trouver le sommeil. A cause de ce qui s’est passé au Guatemala. Ce qui j’ai cru voir, et aussi… » un pincement de lèvres. « -et aussi ce qui s’est déroulé entre toi et moi. » elle voulait parler de cette dispute qui avait ruiné leur amitié en l’espace de quelques minutes. « -j’étais contre au départ, et puis après une semaine sans dormir… » impossible de faire autrement. « -j’en avais besoin. Ça m’aide. » elle n’avait pas envie de prendre ce traitement trop longtemps, mais pour le moment, elle en avait besoin.

Pour le programme de la journée, elle ne savait pas vraiment quoi proposer. Elle avait un rendez-vous, et comme il durait deux heures généralement, cela allait bloquer une bonne partie de l’après-midi. « -on peut allé se balader à la plage pour le reste de la matinée si tu veux. » cela leur ferait du bien de prendre l’air. Quelque chose de pas trop long, de tranquille, histoire que Jacob ne se fatigue pas trop. Elle fit rapidement le calcule. Cela faisait donc une éternité qu’il était debout. « -merci. » elle commença à préparer ses tartines et osa évoqué le sujet des nuits compliqués et surtout de ce qui était arrivé au lieutenant. « -je sais ça… » oui, elle était au courant qu’il s’était fait tiré dessus. Elle maudissait l’homme qui avait osé pointer son arme sur lui, et surtout qui l’avait laissé pour mort dans cette ruelle. « -par contre, je ne suis pas tout à fait d’accord avec la suite… » elle ne voulait pas le brusquer ou l’obliger à quoi que se soit. Mais ce n’était pas rien. « -je sais que tu es un homme, que tu es flic en plus de ça et j’imagine que tu n’es pas vraiment familier avec le fait de parler de tes traumatismes. » elle faisait peut-être une généralité, et cela trop rapidement mais elle ne pensait pas se tromper. « -ça fait… beaucoup… à gérer. » il n’était pas encore remis de son divorce, encore moins de la mort de Mia, qui n’avait pas eut autant de chance que lui.

« -comprends moi bien, je ne veux pas te forcer à quoi que ce soit… seulement… » comment dire cela. « -j’imagine ta peur, ton angoisse, ta douleur… » beaucoup d’émotion qu’il semblait avoir gardé en lui. Et c’était sans doute tout cela qui lui pourrissait ses nuits. « -si tu as besoin de parler, je suis là maintenant… et je ne compte aller nulle part. » il allait l’avoir sur le dos un bon moment. « -je dormirais avec toi ce soir. » c’était sans appel. Durant leur trois semaines au Guatemala, ils avaient constaté que Jacob avait le sommeil moins agité lorsqu’ils dormaient ensemble. Peut-être que sa présence l’aiderait à trouver le sommeil et chasserait ses mauvais rêves. Victoria l’espérait en tout cas.
 

Apparemment, Jacob n’était pas le seul à subir des nuits agitées depuis quelques. À la seule différence que la jeune femme s’était vu prescrire des médicaments pour lui permettre de rejoindre les bras de Morphée. Le lieutenant n’avait jamais évoqué ses cauchemars avec quiconque du corps médical, parce que certains avaient exercés avec lui par le passé, et qu’il connaissait également les effets que cela pouvait avoir. La preuve en était, Victoria ne l’avait pas entendu se lever au cours de la nuit, et il voulait pouvoir répondre à son téléphone en cas d’urgence… Déformation professionnelle. Néanmoins, il trouva que c’était un beau pas en avant qu’avait effectué Victoria en trouvant ce thérapeute et en se confiant à lui sur ce qui s’était passé par le passé, et notamment au Guatemala. De ce qu’il pu comprendre, il ne fut pas le seul à avoir été impacté par leur dispute, et souffla un « Je n’ai pas beaucoup dormi non plus à mon retour… ». Elle avait été contre. Il comprenait. Il l’était également en ce qui le concernait « C’est le principal, non ? » rétorqua-t-il avec douceur. Ainsi, elle avait sûrement l’esprit plus clair aux réveils, loin des pensées négatives qu’il était facile de nourrir durant la nuit, en quête des bras de Morphée.

Une gorgée de café juste avant de proposer de sortir un peu aujourd’hui. Son médecin ne serait pas particulièrement enthousiaste à cette idée, mais il lui était difficile de rester cloitré entre ces murs trop longtemps, d’autant plus après une semaine clouée dans un lit d’hôpital. Un sourire alors que Victoria proposa une balade sur la plage avant son rendez-vous « C’est parfait ». Ce n’était pas lui qui allait la contrarier. L’air de la mer et marcher à ses côtés lui ferait le plus grand bien. Pas longtemps, mais suffisamment pour s’aérer l’esprit et le corps. Il sortit ensuite le beurre et la confiture pour la jolie brune afin qu’elle déjeune à son tour. En ce qui le concernait, cela faisait maintenant quelques heures qu’il avait pris son petit-déjeuner. Il pouvait remercier ses cauchemars. Sans réellement de surprise, Victoria se proposa à lui prêter une oreille attentive sur ce qui s’était produit dans cette ruelle. Pour Jacob, c’était simple. Il s’était fait tirer dessus, et le tireur l’avait laissé pour mort au milieu des bennes à ordures et des rats. Rien de plus à dire. Le dos contre l’établi, ses chevilles croisées et sa tasse de café dans la main, Jacob releva son regard sur Victoria qui n’était pas satisfaite de sa réponse. Il s’en serait douté. Il réprima un petit rire nerveux face au cliché, véridique pour autant, de la jeune femme « Je suis aussi un médecin… Seulement… » et elle ajouta que ça faisait beaucoup à gérer pour un seul homme. Il resta silencieux quelques secondes, puis poussa un soupir. Bien sûr que cette balle lui rappelait Mia. Il avait eu la chance de s’en sortir. Pas elle. Ça remuait. Ça réveillait des souvenirs douloureux…

Jacob termina son café alors que la jolie brune tenta de trouver les mots pour … le rassurer ?! Lui dire qu’elle était présente si jamais il était prêt à se confier sur cet évènement traumatisant. Il déposa sa tasse dans le fond de l’évier, et s’avança jusqu’à elle « Avec plaisir » souffla-t-il, puis ajouta à quelques centimètres d’elle « Je sais, et je t’en remercie… mais je suis pas encore prêt » et déposa ses lèvres sur sa chevelure brune « Je vais me brosser les dents, je reviens ». Il se dirigea dans la salle de bain, posa ses mains de chaque côté du vasque et inspira profondément, quitte à grimacer sous la douleur, puis se brossa les dents, avant de rejoindre Victoria pour faire cette promenade sur le bord de mer. Jacob parvint à rouler jusqu’à la plage, et ferma les yeux en arrivant, respirant l’air iodé, et se tourna en direction de la jolie brune « C’était une bonne idée de venir ici », et passa son bras autour de ses épaules « Je te promets qu’on en parlera tôt ou tard. Peut-être ce soir, demain, ou dans la semaine. Seulement, j’ai besoin d’un peu de temps. D’accord ? » et lui sourit avec douceur.

Il n’avait pas beaucoup dormi non plus… Bêtement, cela lui fit du bien de l’entendre. Comme si elle avait douté qu’il soit réellement impacté par ce froid entre eux. « -oui… » oui bien sur, ce qui comptait c’était qu’aujourd’hui elle dormait et qu’elle se sentait déjà bien mieux. Petit à petit, son esprit était plus au clair. Les séances aidaient beaucoup. Vic avait vraiment la sensation d’avancer. Elle n’avait pas le choix de toute manière. Elle devait avancer. Laisser partir Roberto. Il ne reviendrait pas. Comme Jacob le lui avait crié dans cette ruelle au Guatemala : il était mort. Elle devait se faire à cette idée, l’accepter, même si c’était douloureux. Aujourd’hui, elle devait s’occupé d’elle, de reconstruire sa vie malgré cette absence.

Elle proposa une balade sur la plage. Rien de trop physique. Rien de trop long. Seulement prendre l’air et le soleil. Un hochement de tête. Elle déjeunait et ils pourraient y aller. Mais avant ça, elle tenait à aborder le sujet sensible. Comme elle l’évoqua, Jacob était un homme, qui pensait certainement être capable de gérer ses soucis sans l’aide de personne. Sauf qu’il cumulait beaucoup. Et que par conséquent ses nuits n’étaient pas réparatrices. Elle se contenta de le fixer du regard. Oui, elle savait qu’il était médecin. Mais cela ne semblait pas le pousser à prendre soin de sa santé mentale. Vic baissa les yeux sur son café en l’entendant soupirer. Elle décréta que le soir venu, elle dormait avec lui. Peut-être que sa présence ne changerait rien, mais elle espérait qu’elle aurait une sorte d’effet placebo. Que si jamais un mauvais rêve venait troubler son sommeil, il viendrait se blottir dans ses bras et que cela pourrait le rassurer. « -ok… » avait elle soufflé avant de le regarder s’éloigner. Elle comprenait. Elle ne le brusquerait pas. Il savait que maintenant elle était là. Elle resta silencieuse durant le cours trajet en voiture, et apprécia le soleil sur son visage en descendant de la voiture. Un sourire, puis elle glissa son bras dans le dos de Jacob afin d’avancer avec lui. « -d’accord… » il avait entendu son message. C’était déjà bien.

En rentrant de sa séance de psychothérapie, elle se laissa tomber sur le canapé, venant poser sa tête sur les genoux de Jacob. « -comment tu vas ? La balade ne t’as pas trop épuisé ? » elle ferma les yeux : « -on va arrêter ça. Je veux pas passer mon temps à te poser ce genre de question. » elle n’était pas là pour jouer les gardes malades. Il n’avait pas besoin de ça de toute façon. « -ça te dit un petit jeu ? » elle se redressa et récupéra un jeu de carte dans son sac. Puis elle s’installa de l’autre côté de la table basse. « -tu sais jouer à la bataille ? » elle sourit : « -oui, forcement tu sais jouer. » il avait une grande famille. Jeu simple mais qui pouvait être très amusant. Elle distribua sans attendre, et lança le jeu.

Cela faisait plusieurs semaines que les nuits de Jacob étaient perturbées. Dans un premier temps, ça avait été le résultat de leur dispute au Guatemala, signant la fin de cette amitié à laquelle il tenait tant. Puis, dans un second temps, cette balle qu’il avait pris dans l’abdomen. Chaque nuit, il se revoyait arme au poing, incapable de se mouvoir, recevant encore et encore ces deux balles. Il s’écroulait alors dans son propre sang et restait ainsi, jusqu’à recevoir la balle fatale. Ce n’était qu’à ce moment-là qu’il ouvrait soudainement les yeux pour se rendre compte que tout cela n’était qu’un mauvais rêve et qu’il était seulement dans sa chambre à coucher… Et chaque nuit, le même scénario se répétait, sans jamais parvenir à s’en défaire. Alors oui, il comprenait que Victoria veuille qu’il en parle, qu’il se confie sur son traumatisme, mais il n’était pas encore prêt à mettre des mots sur cet évènement, sur ses cauchemars. Au quotidien, le lieutenant parvenait à fonctionner correctement. Il ne sursautait pas constamment au moindre bruit. C’était suffisant pour ce dernier. Pas besoin de somnifères ou de consultation chez un psychothérapeute. Il y réfléchirait le jour où cela impactera également ses jours. Il apprécia toutefois son attention de vouloir dormir avec lui cette nuit, veillant ainsi sur ses mauvais rêves. Pour autant, il ne sentait pas encore prêt à en parler et le lui confia sur cette plage. Mais il parviendrait à le faire. Tôt ou tard.

Lorsque Victoria s’éclipsa de l’appartement pour son rendez-vous chez le thérapeute, Jacob s’écroula sur le canapé et finit par dormir quelques minutes avant de sursauter au fracas de taule. Deux voitures s’étaient rentrées dedans en bas de chez lui. Un regard pour la ruelle, et se servit un café et se posa jusqu’au retour de la jolie brune avec un livre. Il le referma à l’arrivée de cette dernière à qui il adressa un sourire alors qu’elle venait de poser sa tête sur ses genoux. Le lieutenant déposa le livre à ses côtés et glissa ses doigts dans sa chevelure brune « J’ai tenté de dormir un peu, mais j’ai été réveillé par un accident… J’ai donc lu en t’attendant » tout en désignant le roman d’un coup d’œil. Il la laissa se redresser « Si tu veux » et acquiesça avec amusement « Oui, j’y ai joué étant enfant avec mes sœurs ». Souvent les dimanches pluvieux où ils ne pouvaient pas être dehors. Il la laissa distribuer tout en leur servant deux cafés, lui déposant la tasse à ses côtés « Comment s’est passé ta séance ? ».

Ils avaient dormi ensemble ce soir-là. Vic avait mit un bon moment à fermé l’œil. C’était vers les 4h du matin que Jacob s’était redressé dans les draps. C’était le froid causé par le manque de couette qui avait éveillé Victoria. En ouvrant à peine les yeux, elle s’était redressée, avait posé une main sur l’épaule de Jacob et l’avait forcé à venir s’allonger de nouveau. Dans ses bras, la tête sur son épaule. Avec douceur, elle avait glissé ses doigts dans les boucles de Jacob et l’avait bercé durant de longues minutes. Jusqu’à ce qu’il parvienne à retrouver le sommeil. Elle n’avait pas cherché à ce qu’il parle. Il lui avait clairement dit qu’il ne voulait pas parler pour le moment, alors ce n’était pas au milieu de la nuit que ça serait l’idéal. Il avait besoin de sommeil. Et de rien d’autre. Au petit matin, elle s’était extirpée du lit, le laissant dormir encore un peu. Elle avait prit le temps de faire de pancakes et les avait servit à Jacob avec un grand sourire lorsqu’il s’était levé à son tour.

Peu à peu, ils avaient trouvé une sorte d’équilibre. Dormir ensemble procurait à Jacob un environnement serein, qui estompait les cauchemars. Alors ils avaient convenu que ça serait ainsi pour le moment. Enfin, Vic ne lui avait pas laissé le choix. C’était soit ça, soit il allait consulter. Forcement, il avait choisi la méthode douce. Mais ça restait leur petit secret. Elle avait soigneusement gardé sa chambre. Parce qu’ils ne souhaitaient pas avoir droit à des sous-entendu venant de leur proches. Jacob se remettait bien de ses blessures. Même si parfois il tournait comme un lion en cage. De son côté, les entretiens ne donnaient rien. Elle avait la sensation de ne plus êtes faite pour bosser.

Un matin, alors qu’il était en train de prendre son petit déjeuner, on sonna à la porte. Vic se précipita hors de la salle de bain, enfilant en même temps qu’elle marchait son t-shirt : « -ça doit être le livreur pour mon colis. » mais contre toute attente, c’était une femme qui se trouvait en face d’elle lorsqu’elle ouvrit la porte. « -bon… bonjour… je peux vous aider ? » demanda Victoria alors que l’autre semblait avoir les yeux qui sortaient de leur orbites. Elle la regarda des pieds à la tête. Oui, d’accord, elle portait seulement un tshirt… un tshirt à Jacob… trop grand. Trop long. Qu’est ce qu’il foutait dans sa pile de lingue d’ailleurs ? Le femme demanda alors d’un ton sec et cassant si Jacob habitait encore ici. Précisant : « -ça dois être le cas puisque vous portez un tshirt à lui. » Vic fronça les sourcils. « -vous patientez ? » demanda-t-elle en mettant une touche d’ironie dans sa voix. Elle se prenait pour qui celle-là ? Elle revint vers la cuisine et dit : « -y’a… y’a une femme qui demande à te voir… » puis à voix plus basse : « -pourquoi ton tshirt était dans ma penderie ? » alors que c’était principalement elle qui pliait le lingue.

Victoria lui avait posé un ultimatum. Soit il acceptait sa présence à ses côtés durant la nuit pour apaiser ses mauvais rêves, soit il consultait un thérapeute pour se voir prescrire un traitement lui permettant de fermer l’œil toute la nuit durant. Jacob avait opté pour la première option, dans un premier temps. Ça lui rappela le Guatemala, alors qu’ils devaient partager l’unique chambre d’ami de son oncle et de sa tante. Sans grand étonnement, la première nuit, Jacob avait vu ses rêves hantés par les souvenirs de son agression et s’était réveillé au beau milieu de la nuit. À peine fût-il redressé dans les draps, que la main de Victoria l’attira à lui et il se retrouva blottie au creux de ses bras, retrouvant bien vite ceux de Morphée également, jusqu’à tard le lendemain. Un sourire avait étiré les lèvres du lieutenant en constatant qu’elle avait pris le temps de préparer le petit-déjeuner pour eux au petit matin. Les deux semaines qui suivirent, ils continuèrent de dormir l’un avec l’autre. Toutes ces nuits n’étaient pas paisibles pour autant, mais sa présence avait comme un pouvoir apaisant sur sa personne. Les cauchemars se rarifiaient peu à peu, sans pour autant disparaître, mais il parvenait néanmoins à fermer l’œil quelques heures de plus que par le passé. C’était leur secret rien qu’à eux, pour ne pas venir amplifier les ragots les concernant. Ils étaient lassés de leur entourage et de leurs sous-entendus constant sur leur nouvelle cohabitation, alors s’ils apprenaient qu’ils passaient également leur nuit ensemble… Non, Jacob ne souhaitait pas attiser davantage les conversations à leur encontre, et seulement apprécier de retrouver un sommeil plus calme.

Assis sur le tabouret de la cuisine, lisant le journal de bon matin, son café en main, il n’eut le temps de réagir qu’il entendit Victoria se hâter hors de la salle de bain jusqu’à la porte d’entrée de leur appartement, lui tirant un petit sourire amusé, et se reconcentra sur sa lecture après un « Je te laisse gérer ». Une gorgée de café tout en tournant la page de son journal, il tendit toutefois l’oreille, et releva lentement la tête en remarquant que la jolie brune tardait à la porte. Un froncement de sourcils alors qu’elle évoqua la présence d’une femme qui désirait le voir. Il se leva pour la rejoindre, et haussa les épaules « Qu’est-ce que j’en sais moi, mais il te va bien », et posa sa main sur la porte tout en observant Victoria s’éloigner quelque peu. Il reporta son attention sur nulle autre que son ex-femme. Il resta interdit face à la posture fermée de Sharon « Moi aussi je suis ravi de te voir après tout ce temps » et la laissa entrer dans son antre « Je te sers un café ? » et sans attendre sa réponse, servit deux tasses « Je vois que tu as trouvé de la compagnie pour ta convalescence. Infirmière ? ». Jacob lui tendit la tasse « Non, c’est une amie et ma colocataire » « C’est comme ça qu’on dit aujourd’hui ? ». Jacob sentit ses doigts remuer, sensiblement irrité par son ex-femme « Sharon, qu’est-ce que tu es venu faire ici ? » « J’ai appris par ton capitaine que tu avais été blessé en service, je voulais m’assurer que tu allais bien, mais je constate que tu es assez en forme » en sous-entendant une probable aventure avec Victoria « Je ne pensais pas que tu voulais être au courant de mes déboires » « On a partagé notre vie durant plus de dix ans Jacob… » souffla-t-elle. Le trentenaire la fixa un instant et souffla un « Désolé, j’aurais dû t’appeler quand j’étais à l’hôpital, mais je vais bien. Je t’assure ». « C’est ce que je constate ».

Jacob prit une gorgée de café et ajouta « Tu es seulement venue pour ça ? » « Non. J’ai vendu notre appartement et le notaire a besoin de ta signature » « Quand est le rendez-vous ? » « Dans deux petites semaines environ ». Il acquiesça et ajouta « Je serais présent ». Il tourna ensuite la tête en direction de Victoria « J’ai omis de faire les présentations… Sharon, mon ex-femme, voici Victoria, mon amie ». L’ex-femme l’observa de la tête au pied avant de poser son regard sur son ex-mari « Victoria. Comme cette femme qui a perdu son fiancé et que tu aidais quand on était encore marié ? ». Puis s’en suivit ce petit rire nerveux, cette paume de main s’abattant sur son front et le fameux « Qu’est-ce que je peux être conne ». Ce qui fit froncer les sourcils de Jacob « Sharon… » « Mia n’était pas la première et j’ai été imbécile de croire que si ». Il se redressa de contre le comptoir pour s’approcher de son ex-femme « On n’a jamais eu d’aventures ! Sharon, s’il te plaît » « Et je dois te croire alors que je la retrouve avec ton t-shirt dans ton appartement ?! », elle leva les deux mains en l’air alors qu’il tentait de la retenir « Lâche moi ! Notre divorce a été la meilleure décision de ma vie ! Je t’enverrais la date du rendez-vous et ensuite, je ne veux plus te revoir ! Tu entends ?! Plus jamais ! » et quitta l’appartement en claquant la porte. Les bras de Jacob retombèrent le long de son corps, puis finit par se reculer contre l’établi de la cuisine, et enfouit son visage entre ses mains dans un soupir, et finit par les poser sur le comptoir derrière lui, relevant son regard sur Victoria « Je te présente mon ex-femme ».

Elle qui s’attendait à voir le livreur, à faire un sourire, une signature et récupérer son colis, voilà qu’elle se retrouvait en face d’une parfaite étrangère qui semblait lui en vouloir à cause d’un tshirt. Sur le coup, elle ne fit pas du tout le rapprochement. Elle fit attendre la femme dehors, et informa Jacob de la visite. Elle le laissa filer vers la porte en plissant les yeux lorsqu’il évoqua à son tour le tshirt. Sans attendre, elle fila dans sa chambre afin de s’habiller convenablement. Elle hésita quelques secondes à revenir directement dans la pièce à vivre, mais elle tendit plutôt l’oreille. Vu le regard que cette femme avait posé sur elle, ça n’était peut-être pas une grande idée de venir s’imposer dans la conversation. Elle écouta alors à la porte, même si ça ne se faisait pas. Vic finit par ouvrir de grands yeux, et faire un oh avec sa bouche. L’ex-femme ! Roh la boulette ! Elle l’avait totalement oublié celle-ci ! Normal qu’elle ait eu envie de la tuer. Et qu’elle ait reconnu sans mal le tshirt appartenant à Jacob.

Bon, pas la peine de rester planqué plus longtemps… Si elle se montrait, ça serait sans doute plus simple de faire comprendre à Sharon qui elle était. Alors, Vic gagna la cuisine et elle fit seulement un hochement de tête pour dire bonjour convenablement cette fois-ci. Mon amie… il n’avait pas mieux ? ça allait sonner comment aux oreilles de sa jalouse d’ex-femme ? « -heu… je suis là… juste à côté… vous êtes au courant ? » elle détestait les gens qui faisait ça. Puis elle regarda Jacob en ne comprenant pas le petit mélodrame. Elle venait de comprendre quoi au juste ? « -quoi ?! Mais vous avez un problème sérieusement ? Vous pensez vraiment que je me suis envoyée en l’air avec Jacob alors que mon fiancé avait disparu ? » non mais sérieusement ?! « -comment pouvez vous imaginer une chose pareil ? » elle était sur le cul. C’était du délire. « -pour lui aussi j’en suis certaine ! » avait alors lancé la belle brune même si ce n’était clairement pas ses affaires. Lorsque la porte claqua, elle regarda Jacob. « -je le pense. Vraiment ! » et voilà elle était en colère.

Mais elle prit sur elle. « -je suis désolée… pour le tshirt, le scandale et son interprétation… je me suis surement trompée de pile en pliant le linge et j’ai pas fait attention. Je pensais vraiment que c’était le livreur, pas ta… parano d’ex femme. » le mot était peut-être dur mais il était vrai. Comment pouvait elle penser une seule seconde que Vic avait trouvé du réconfort dans les bras de Jacob alors que son fiancé était présumé mort. Du délire. « -ma relation avec Roberto n’était sans doute pas la plus belle du monde, mais ton mariage n’était pas non plus le plus réussi. »

En se levant ce matin, Jacob était à milles lieux d’imaginer une visite impromptue de son ex-femme à son appartement. Il n’avait pas terminé son café qu’il se retrouvait à en proposer un à Sharon, qui s’était visiblement inquiété pour son état de santé. Mais la conversation prit une tournure bien différente au moment de faire les présentations. Des Victoria, il n’en avait pas rencontré des centaines dans sa carrière, elle était la seule. Par conséquent, Sharon n’avait pas mis longtemps avant de faire le lien entre celle qui habitait dorénavant avec lui et la femme en qui il était venu en aide alors qu’ils étaient encore mariés. La présence de la jeune femme à ses côtés n’arrangea rien à la conversation, et Jacob lui lança un regard quand elle signala sa présence, mais n’eut le temps de rétorquer quoi que ce soit que Sharon prit les devants « Oui, et c’est bien ça le problème ! » avant de poursuivre. Bien évidemment, Jacob se retrouva entre les tirs croisés, et rétorqua un « Ne lui parle pas ainsi ! Si tu dois t’en prendre à quelqu’un, c’est à moi, pas à elle » dès plus calme pour ne pas jeter davantage d’huile sur le feu. Ces derniers jours, le lieutenant en était presque venu à oublier le caractère de feu de la jeune femme, mais maintenant, il s’en souvenait parfaitement bien alors qu’elle intervenait pour le défendre, ainsi qu’elle-même, trouvant la théorie de son ex-femme pour le moins incohérente « Qu’est-ce que j’en sais moi ! Il n’est pas difficile à convaincre quand il s’agit de baisser son pantalon, demandez à sa coéquipière ! ». Jacob se redressa pour se placer entre les deux femmes, se tournant face à Sharon un instant « J’ai commis une erreur, et je me suis excusé. Une fois. Ça ne s’est produit qu’une seule fois » puis percuta et ajouta « On est divorcé de toute manière, je n’ai plus de compte à rendre ! ». Son ex-femme finit par claquer la porte, exigeant de ne plus jamais croiser sa route à compter d’aujourd’hui. Jacob poussa un soupir, et posa son regard sur Victoria, soufflant un « Je sais ».

Jacob posa ses mains sur le comptoir face à elle, et rentra la tête entre ses épaules tout en expirant tout l’air de ses poumons, et releva son regard sur la jolie brune qui était semblablement bien agacée de la visite inopinée de son ex-femme et des accusations proférées par cette dernière « Ce n’est rien… » murmura-t-il tout en se redressant, et lança un dernier regard à Victoria « Je n’ai jamais dit que mon mariage était parfait… » répliqua-t-il avec plus de dureté dans la voix, et quitta la cuisine pour se rendre dans la salle de bain, posant son dos contre la porte close. Il poussa un long soupir et prit une longue douche, se rendit ensuite dans sa chambre pour se vêtir correctement et retourna dans la cuisine, se servant un nouveau café qu’il but près de la fenêtre donnant sur la rue, et finit par faire un tour en extérieur, seul avec ses pensées, ne revenant qu’au bout d’une heure. Il s’installa alors dans le canapé, avec un livre et lorsqu’il prit conscience qu’il relisait inlassablement la même ligne, Jacob rejoignit Victoria « Mon mariage n’a jamais été parfait. J’ai passé les derniers mois à dormir sur le canapé, et j’ai même finis par la tromper… Mais je l’ai aimé comme tu as aimé Roberto. Avec ses imperfections. Aujourd’hui, je prends conscience qu’on aurait jamais pu vieillir ensemble tous les deux » et ajouta « Elle n’aurait pas dû te traiter ainsi, je m’excuse pour elle. Sharon essaie de me faire autant de mal que j’ai pu lui en faire, alors elle s’en prend à toi, tout autant qu’à moi … ». Il se rapprocha d’elle « Tu es en colère ? ».

« -non, je ne suis pas d’accord, elle n’a rien à dire sur rien. » avait enchainé Victoria alors que Jacob demandait à son ex-femme de s’en prendre à lui. Comment pouvait il rester calme face à Sharon qui l’accusait à tort, encore et encore. Victoria était outrée d’entendre de tel propos. Parce qu’ils étaient faux et surtout par ce qu’ils la faisaient passer pour une femme facile, capable de coucher avec le premier venu alors qu’elle pleurait encore la disparition de son fiancé. La jalousie rendait les gens vraiment dingue. « -vous devriez la fermer ! » avait rétorqué Victoria alors que Sharon osait parler de Mia. Comme si elle ignorait que la jeune femme était décédée. « -vous devriez vous remettre en question et vous demandez pourquoi il a voulu trouver du bonheur ailleurs. » Jacob n’avait pas tout les tors dans cette histoire, et Sharon ne semblait pas vouloir le voir. Il n’y avait jamais des tors que d’un côté dans des soucis de couple.

Heureusement Sharon décida de quitter les lieux. Cela ne fit pas retomber la colère de Victoria pour autant. Elle était hors d’elle. Elle s’excusa pour son comportement, même si cette histoire de mauvais t-shirt n’était qu’un malentendu. Elle ferait plus attention la prochaine fois. Même si elle espérait vraiment ne jamais revoir cette femme. La belle brune se mordit les lèvres en entendant la réplique de Jacob et le laissa rejoindre la salle de bain sans rien dire. Cela ne l’empêcha pas de gagner sa chambre et d’en claquer la porte sous la colère. Elle hurla un grand coup en enfouissant son visage dans son oreiller. Elle resta allongée sur son lit durant de longues minutes. Elle ne bougea pas en entendant la porte de la salle de bain, encore moins quand la porte d’entrer se referma. Elle laissa seulement passer un long soupire.

Au bout d’un moment, elle récupéra son ordinateur, et se remit sur ses recherches d’emploi. Rien ne lui plaisait. Rien ne collait. Cela n’arrangeait pas son humeur. Elle leva uniquement les yeux quand Jacob ouvrit la porte. Elle avait de nouveau baissé les yeux sur son écran, mais il ouvrit la bouche. Elle en fit de même, prête à lui dire qu’il n’avait pas de compte à lui rendre. Cependant, elle l’écouta et finit par refermer son ordinateur. « -tu n’as pas à t’excuser pour elle. » avait répondu Victoria pour commencer. Puis elle inspira et ajouta : « -je le suis. Et en même temps.. j’ai réfléchit. » elle sourit : « -ouais ça m’arrive parfois… » elle déposa son ordinateur sur son bureau et reprit place sur son lit : « -si je me mets deux secondes à sa place, je peux comprendre sa réaction. J’imagine qu’elle t’aime toujours pour avoir cette réaction. Et que ça doit être douloureux de se dire que tu avances de ton côté, sans elle. Que tu es passé à autre chose. » ce qui techniquement n’était pas le cas. Enfin pas comme l’imaginait Sharon. « -et je n’ai pas prétendu que ton mariage était parfait. Et je te présente des excuses si je t’ai blessé en disant cela. C’est juste que… je n’aime pas vraiment qu’on me traite de trainée, ni qu’on s’en prenne aux gens que j’aime. »