Plus il s’avançait sur le sujet de l’amour, plus il se questionnait. Jusqu’où irait-elle dans ces questions ? Elle restait sur des idées d’ordres générales, sur une conception globale, même si l’amour était finalement bien plus complexe dans leur relation. Et c’est en cherchant à l’expliquer à l’elfe qu’il se rendit compte au fur et à mesure de choses qui étaient évidentes pour les humains. Il préférait seulement que cela reste ainsi… qu’elle ne cherche pas à en savoir plus sur lui. Il commençait à deviner qu’elle était suffisamment curieuse pour le questionner sur lui et ses relations, bien qu’elle commençait aussi à savoir une chose sur lui, il n’appréciait pas beaucoup parlé de son passé.

Lyn n’en fit rien et le suivit simplement dans la grande salle. La même serveuse vint les voir alors qu’ils s’installaient. La salle était plus calme, quelques personnes étaient descendues, et vu leur visage et les grognements, ils avaient certainement consommé plus qu’une bière hier soir. Edwin commanda une omelette et de l’eau. « Tu ne veux rien ? » Questionna-t-il à Lyn, bien qu’il est compris qu’elle ne mangeait pas grand-chose et que la veille semblait l’avoir suffi.

Il s’appuya sur le dossier, commençant à fouiller dans son sac. Il releva ses yeux vers elle un instant, jetant ensuite un regard furtif à la serveuse. « Ah ça ? J’imagine qu’elle est jalouse. Elle pense sûrement qu’on a eu des relations… sexuelles. » Lui expliqua-t-il, essayant d’utiliser le terme direct pour ne pas la perdre avec toutes les expressions que les humains utilisaient. « Si elle est jalouse c’est parce qu’elle aurait voulu être à ta place. » Il n’était pas sûr que Lyn ait fait le lien la veille entre ses explications sur les relations intimes et les regards insistants de la serveuse. En lui répondant, il avait également sortit la boite, qu’il posa sur la table et en sortit une carte du continent qu’il étala sur la table.

Lorsqu'il me demanda si je voulais manger quelque chose, je me contentais de secouer la tête. Je préférais attendre de voir à l'extérieur si la nature n'avait pas mieux à m'offrir que l'étrange nourriture humaine dans laquelle ils ne pouvaient s'empêcher de rajouter tout un tas de choses étranges. Et puis, je n'avais pas particulièrement faim non plus…

Quand je l'interrogeais sur les raisons qui pouvaient pousser la demoiselle à me regarder de la sorte, Edwin m'expliqua qu'elle était jalouse. Encore une chose que je ne comprenais évidemment pas, autant dans le terme que dans les raisons données par mon compagnon. Après tout, nous nous étions contentés de dormir, ce que tout être vivant fait durant la nuit… Edwin avança alors qu'elle aurait aimé être à ma place…

– Mais… Il ne faut pas être amoureux pour faire ça ? lui demandais-je, surprise. Toi et moi, on n'est pas… Elle non plus.

Décidément, ces humains … J'avais encore énormément de choses à apprendre à leur sujet. Même si je doutais fort de pouvoir un jour les comprendre.

– Alors, fille veut faire… relation sexuelle avec toi ? Et toi, tu veux ?

Comme il s’y attendait, Lyn n’avait pas fait le rapprochement et était encore loin de comprendre toutes les nuances, et la différence, que faisait les humains entre ces notions. Il pouvait comprendre qu’elle soit perdue, cela n’avait rien de simple. Les enfants étaient tout autant perdu, sauf que eux, ils vivaient plongés dans la culture et grandissaient au fur et à mesure en comprenant ces choses. Plus ou moins… Certains loupaient quelques étapes parfois. Enfin bref.

« Chez les humains… On dissocie… On sépare ces notions, entre les sentiments amoureux et l’envie d’avoir des relations sexuelles avec quelqu’un… On peut très bien être attirer physiquement par quelqu’un, avoir du désir pour elle et juste passer un bon moment. » Essaya-t-il de lui expliquer en étant au plus juste sur les relations intimes entre les humains. Puis la question le surpris un peu. Il reposa les yeux sur la serveuse, qui se rendit de l’attention nouvelle qu’il lui portait. Elle glissa une mèche derrière son oreille en lui souriant. Il reposa ses yeux sur Lyn. « Oui, elle voulait des relations sexuelles avec moi et… Encore un sujet qu’entre humain ils n’abordaient pas normalement… Ca aurait pu m’intéresser. » Lui avoua-t-il.

– D'accord, rétorquais-je simplement en écoutant les nouvelles explications d'Edwin.

Moi qui pensais que pour les humains, intimité rimait forcément avec sentiment, je me trompais donc lourdement. Ainsi donc, les messieurs d'hier soir avaient ressenti une attirance pour moi… Bien que je ne ressemblais en rien à la demoiselle plantureuse qui continuait de faire les yeux doux à Edwin. Elle envoyait plusieurs signaux démontrant son intérêt, chose que Edwin lui-même avait perçu dès la veille et continuait à percevoir à présent.

Il m'avoua alors qu'il aurait pu être intéressé par cette femme… L'ennui se trouvant probablement dans ma présence… L'avais-je donc empêché de passer "un bon moment". Je me demandais donc ce qui pouvait conduire à cette attirance… Après tout, ils ne s'étaient parlé que pour passer commande. On ne pouvait donc pas parler d'attirance intellectuelle ou spirituelle… Était-ce donc purement physique ?

– Et avec moi ? Tu voudrais ?

Ses explications semblèrent satisfaire la curiosité de Lyn. En tout cas, en partie. Il se doutait que ce n’était pas avec ces quelques réponses qu’il répondait à tous les questionnements qu’elle pouvait avoir. Mais certaines choses devaient être vécues. Ou peut-être que les Alèns n’étaient pas capable de ressentir du désir comme les humains, encore moins de l’amour ? Leur conception de la « reproduction » était presque aussi étrange pour lui. Quoique… Il savait que chez certains nobles, les mariages arrangés existaient. Ils n’étaient cependant pas dans la même idée que ce que Lyn avait pu lui expliquer. Seulement pour la reproduction, une fois, sans plus. Peut-être que les elfes avaient également plus de mal à enfanté que les humains ? Cela pourrait parfois expliquer bien des choses. Cependant, Edwin se retenait de poser des questions sur son peuple. Il ignorait si cela était la bonne solution, mais il préférait laisser Lyn lui en parler si elle le souhaitait.

Puis, alors qu’il pensait que les questions ne pourraient pas être plus gênante pour lui, Lyn le questionna plus loin encore. Il se figea en posant les yeux sur elle. Son regard se fit un peu trop insistant certainement, mais il eut besoin de la détailler quelques instants. « C’est plus compliqué que pour la serveuse... » Non, c’était bien différent avec elle. Il ne voulait pas la vexer, même s’il pensait qu’elle ne le prendrait pas mal. Comment lui faire comprendre ? « Mais… Je ne pense pas, pas dans l’état actuel en tout cas. »

– Je vois ,dis-je en posant une main sur mon menton.

J'observais la serveuse avec attention, cherchant à énumérer les différences qu'il pouvait y avoir entre elle et moi… Elles étaient nombreuses en réalité, nous étions très différentes l'une de l'autre. Ainsi, je pus en conclure qu'il s'agissait d'une histoire de "goût" plutôt visuel basé sur l'apparence physique. À l'image des plats que l'on m'avait donné à goûter et que je n'avais pas su apprécier de part mes propres habitudes et préférence. Je devais probablement être fade à côté de cette demoiselle. En tout cas, aux d'Edwin puisque j'intéressais les hommes alcoolisés la veille au soir. Mon constat terminé, je haussais les épaules. Je n'avais, pour l'heure, plus aucune question sur le sujet.

– La carte ? lui demandais alors, curieuse de voir à quoi pouvait ressembler cette feuille d'arbre inconnu. Aller où ?

Lyn semblait penser avoir compris les raisons qui le poussait à ne pas s’intéresser à elle. Pourtant, il était certain qu’elle n’avait pas saisi correctement. En même temps, il n’avait pas été spécialement clair, mais ce n’était pas si simple à expliquer. ce n’était pas le genre de sujets dont il avait l’habitude d’aborder avec les gens – avant ou après la malédiction. Il n’avait jamais été trop porté sur les émotions avant, encore moins maintenant. Mais s’il voulait qu’elle comprenne les émotions humaines, il devrait être un peu plus explicite. Il croisa les bras sur sa poitrine. « Ce n’est pas que tu es déplaisante. Tu es jolie… Ca, n’importe qui le remarquerait, mais la beauté n’était pas le propre des elfes de toute façon ? Mais, avec toi j’ai un rôle de professeur, cela change tout. » Ainsi qu’un rôle de protecteur, mais il préféra le garder pour lui. Il aurait été plus à l’aise de passer immédiatement à autre chose, comme Lyn semblait l’avoir fait, mais il préférait mettre les choses au clair. Il n’aimait pas laisser le doute s’installer.

Finalement, Edwin sortit la carte qu’il utilisait, la dépliant pour l’étaler sur la carte. Il fit attention à bien la défroisser, puis prit le temps de se repérer. « C’est la carte du continent sur lequel nous sommes. Il en existe des plus précises, mais ça nous ira. » A force de voyage, Edwin savait s’orienter correctement et connaissait bien les routes principales et secondaires. Il trouva rapidement l’endroit aproximatif où ils se trouvaient. Il posa son doigts non loin du trait bleu représentant le bras de la rivière, au-dessus de la forêt des Alèns. « Nous sommes ici à peu près. La ville la plus proche qui nous permettra de trouver ce que l’on souhaite ce serait… Teirm Il posa son doigt sur le dessin représentant une ville, dont les lettres étaient écrites dessous. A pied, cela risque de nous prendre un moment. Peut-être quinze… Non, onze ou douze jours si on garde le rythme d’hier. » Estima Edwin, déjà concentré sur planifier l’itinéraire à suivre.

Étant passée à autre chose, il me fut bien difficile de comprendre les explications d'Edwin. Il me qualifia de "jolie" avant de justifier son désintérêt en déclarant avoir le rôle du "professeur", ce qui, visiblement, changeait tout.

– C'est quoi, un "professeur", lui demandais-je avant de réaliser qu'il passait beaucoup de temps à m'expliquer les choses qui m'étaient encore inconnues.

Peut-être était-ce donc cela un "professeur", une sorte d'enseignant. Ainsi donc, peut-être me voyait-il comme une enfant à qui il devait tout apprendre. Tout me sembla alors bien plus évident.

– Je comprends, dis-je finalement en levant la main afin de lui montrer qu'il n'avait pas besoin de m'enseigner cette notion.

Puis, il sortit la fameuse carte. Cette chose étrange pliée en plusieurs endroits. À l'évidence, il ne s'agissait pas d'une feuille d'arbre, ou alors celui-ci devait être très grand. J'en touchais les bords pour en admirer la texture et surtout la flexibilité. Aucune feuille morte de ma connaissance n'était aussi souple que celle-ci…

Encore une fois, Edwin employa des mots compliqués que j'eu bien du mal à saisir. Il parlait de continent, ce que j'associais aussitôt au plus gros dessin. Je suivis ses instructions en observant la position de son index.

– C'est si loin ? demandais-je en l'observant avec des yeux ronds. Pourtant, juste là…

Avec mon pouce et mon index, je séparais la distance décrite entre les deux points qu'Edwin venait de désigner… Le "continent" devait être énorme finalement… Je me sentais réellement très impressionnée.

– Et ça ? demandais-je en lui montrant un point un peu plus petit se trouvant entre les deux autres. Dessous, il y avait une inscription impossible à décrypter.

Lyn sembla troubler un instant tandis qu’il reprenait le sujet si épineux de l’attirance potentielle qu’elle pouvait dégager. Il voulut lui répondre, mais elle l’arrêta juste avant. Elle semblait avoir saisi ce qu’il entendait par cette notion. Est-ce qu’elle comprenait également en quoi cela changeait la façon dont il la voyait, comparé à la serveuse ? Peut-être… Il choisit de ne pas insister. L’elfe avait déjà beaucoup à apprendre et en quelques jours, il avait déjà parlé plus que ces dernières années. C’était déjà bien assez, surtout des sujets aussi… gênant pour la race humaine. Même s’il valait mieux qu’elle découvre tout ceci avec lui, qu’avec quelqu’un de moins scrupuleux.

Tout en inspectant sa carte, Edwin observa du coin de l’œil l’elfe, qui semblait découvrir la matière, mais également les différents symboles. Il voulait bien admettre que le peuple de Lyn soit plutôt renfermé, loin de l’envie d’exploration des humains, mais de là à ignorer les notions géographiques ? Il allait devoir vraiment reprendre des choses très basique. Lui qui étudiait ça depuis son enfance. « Nous n’avons pas vraiment le temps pour que je t’explique les notions de distance sur une carte, mais ce soir ou en marchant je pourrais mieux t’apprendre. » Edwin préférait partir rapidement. Eviter de rester dans un endroit trop longtemps, surtout un simple village où les rumeurs se répandaient vite était vital. Il choisit quand même de répondre. « C’est un pont. Il passe au-dessus de la rivière qu’on a longé. » Il commençait à comprendre que les Aléns ne devaient pas être de grands constructeurs. Leur mode de vie était très différent.

Le petit-déjeuner qu’il avait commandé arriva enfin et Edwin mangea rapidement en continuant de lire la carte, retenant les directions et les différents aléas du chemin. Le chemin ne présentait pas de grandes difficultés, mais ils risquaient peut-être de croiser des bandits. Qu’importe, il pourrait les maitriser.

Très concentrée sur les explications de mon "professeur" j'essayais tant bien que mal d'en déduire ce qu'il n'avait pas le temps de m'expliquer à ce moment-là. Ainsi, je le laissais manger son repas tranquillement sans l'interrompre avec de nouvelles interrogations. Après tout, ne pouvant rentrer chez moi, je me doutais bien qu'il me faudrait apprendre, un jour ou l'autre, à me débrouiller seule. Je ne pourrais constamment compter sur Edwin qui, même s'il se montrait patient, en aurait vite assez de devoir sans cesse tout expliquer.

Le repas achevé, nous pûmes retrouver Murmure à l'écurie. Ce dernier, toujours aussi bavard, m'expliqua qu'une jolie pouliche l'avait tenue éveillée une bonne partie de la nuit afin de lui narrer ses récentes aventures. Décidément, les équidés devaient avoir des vies bien plus trépidantes que les nôtres. Sitôt que nous nous fûmes éloignés de la bâtisse, Elros fit son apparition en se secouant. Je le saluais, lui aussi en lui demandant comment s'était passée sa nuit, mais le loup ne me répondit pas.

– Où veux-tu acheter cheval ? Il y en a plein à l'écurie.

D'ailleurs, je me demandais bien ce que voulait dire "acheter"... Enfin, logiquement, il s'agirait d'un échange. J'avais bien compris que, chez les Hommes, rien ne s'obtenait facilement.

– Murmure dit que Danseur n'a plus d'humain à lui. Robe noire…