"Quelle conversation étrange" me dis-je après un énième baiser, remarquant que ces derniers se font plus pressants… Plus passionnés aussi… Beaucoup plus passionnés. Mais cela ne me déplaît pas, au contraire, mes lèvres comme mon corps semblent se prêter au jeu sans aucune difficulté. Je ne cesse de le répéter – toujours pour moi-même cependant – mais ce naturel entre nous m'envoute tout en me surprenant.

– Si mon manageur continue de m'imposer tout ça, je ne sais pas si j'aurais envie de continuer. Et puis…

Ses baisers ressemblent à une forme de ponctuation qui me prête à sourire. Ce qui éveille mes sens et m'amuse en même temps. Pourtant, je comprends que notre discussion s'arrête là, au moment où mes pieds cessent de toucher le sol après qu'il ait évoqué la possibilité de monter un duo avec son batteur. Je suppose que parmi tous les membres de son groupe, c'est celui qui se rapproche le plus d'une famille à ses yeux.

Je m'accroche à lui et j'éclate de rire. Tom n'est pas vraiment ce que l'on peut appeler un homme musclé, mais dans ses bras, j'ai l'impression d'être aussi légère qu'une plume. Il me dépose sur le canapé et se presse doucement contre moi. Il ne s'agit pas d'un jeu de force. Je pourrai me soustraire aisément de son étreinte si l'envie me prend… Mais je n'éprouve aucunement cette envie. Il retire son pull et je fais de même. Il ne fait pas froid si près du poêle, néanmoins ce n'est pas ce qui me réchauffe le plus pour l'instant. Je souris avant de l'entraîner contre moi. Ses lèvres sur mon cou me poussent à fermer les yeux, je frissonne de bien-être, savourant ce petit plaisir coupable, notant que chacun de ses baisers semblent s'imprimer sur ma peau.

Toujours aussi spontanément, mes mains viennent se perdre sur la sienne, franchissant sans aucune honte la barrière de tissu imposée par sa chemise… Je n'aime pas cette chemise. Elle n'est pas moche, son tissu de qualité est même plutôt doux, mais son crime repose uniquement sur sa présence à ce moment-là. Je recherche ses lèvres… J'en ai besoin pour respirer. Je sais que ce raisonnement est faux, que cette réflexion est stupide, pourtant je ressens cette envie, ce besoin presque vital qui me pousse à agir sans réfléchir. Je veux sentir sa peau contre la mienne… Son parfum…

Et son téléphone se met à sonner, évidemment. J'éclate de rire.

– Je vais vraiment finir par croire que c'est un signe… lui dis-je avant de déposer un baiser sur sa joue.

Ma chemise termine à nouveau au sol. Je n'aurais pas pensé qu'elle pourrait être aussi encombrante lorsque je l'avais acheté quelques mois plus tôt.
Et je frissonne tandis que les mains d'Emily s'égarent sur ma peau nue.
Je n'ai vraiment pas envie d'être raisonnable et Emily ne m'aide vraiment pas à garder les idées claires.
Ma main glisse sous son chemisier, cherchant un contact qui m'électrise et me fait soupirer de désir.

Mon téléphone sonne, et Emily éclate de rire.
Je pouffe à mon tour, malgré un agacement bien présent.

"– Je vais vraiment finir par croire que c'est un signe…"

"-  Un signe que même les chanteurs célèbres ont droit qu'on les laisse tranquille", je gémis avec exaspération. "Je vais l'éteindre. Au moins on aura la paix."

Je lui vole un baiser, puis je me lève tandis que ce fichu appareil continue de vibrer. Et je soupire en voyant l'identité de l'appelant.

"- J'espère que tu as une excellente raison de m'appeler, Jeff, car je suis occupé", je lance en décrochant.
L'éclat de rire de ce dernier me fait tout de même sourire. Cela faisait longtemps que je n'avais pas entendu le son de sa voix.
" - Doucement, Tom", me raille-t-il. " Encore et un peu et on pourrait croire que tu es en plein rendez-vous galant ou quelque chose du genre."
" - Quelque chose du genre, en effet", je m'armonne en glissant un regard vers Emily, qui n'a pas bougé du canapé.
Elle est décoiffée, ses lèvres sont rougies par nos baisers, et son chemisier est de travers. Elle est tout bonnement magnifique.
" Tommy", me taquine-t-il, " Le tombeur de ces dames."
Je lève les yeux au ciel à cette remarque mais je ris tout de même.
"- Je te rappelle demain", Jeff reprend d'un ton plus sérieux. "J'ai plein de choses à te raconter. Et c'était aussi pour voir avec toi les détails de ton retour. Je viendrai te chercher à l'aéroport. Tu peux t'attendre à un commité d'accueil.  Jake a prévenu tous les médias."
Et je soupire. Je n'ai vraiment pas envie de devoir gérer ça.
"- Merci de l'info", je soupire.
"- Allez, beau gosse, je ne te dérange pas plus. Passe une excellente soirée."
Et je sais qu'il me lance un clin d'oeil à l'autre bout de la ligne.

Je raccroche et éteint mon téléphone. Quiconque essaiera de me joindre pourra bien attendre demain.

"- Problème résolu", j'annonce à Emily en la rejoignant sur le canapé. "Plus de téléphone, plus d'appel. Juste nous."

Je m'installe à nouveau contre elle, et pose mes lèvres sur sa joue.

Il m'abandonne quelques instants pour répondre à son appel. En attendant, je l'observe, là, torse nu dans ma cuisine, son téléphone à l'oreille. Je sais que la personne à l'autre bout du fil n'est pas son manager. Le sourire qu'il affiche, malgré son agacement, en dit plutôt long sur le lien qui l'unit à son interlocuteur. À l'évidence, ils sont proches, des amis sans doutes. Il ne s'attarde pas et finit par éteindre ce fichu rabat-joie qui ne cesse de nous interrompre dès que nous faisons mine de nous rapprocher.

– Plus de téléphone, plus d'appels. Juste nous.
– Juste nous… J'aime cette expression, dis-je avant de m'asseoir sur ses genoux pour mieux revenir l'embrasser.

C'est au tour de mon chemisier de terminer sur le sol… Les souvenirs du dernier instant avorté sont encore bien ancrés dans ma mémoire, si bien qu'il ne faut que peu de temps pour me remettre dans l'ambiance. Nos baisers s'intensifient, ils se détachent doucement de nos lèvres pour se permettre de parcourir quelques morceaux de peau. Mes mains, curieuses, se baladent sur son torse, prenant un malin plaisir à se lancer dans la découverte de ses muscles. Les battements de mon cœur s'emballent, mon souffle se fait plus court… Du moins, jusqu'à ce qu'un autre souvenir ne se rappelle à moi.

– Est-ce que tu as pensé à… tu sais ? je murmure, légèrement inquiète de voir se moment si parfait de nouveau arrêté par un si petit détails… Très important le détails cependant.

"- Juste nous… J'aime cette expression"

Elle s'installe sur mes genoux, et mon cerveau se déconnecte une fois de plus alors qu'elle m'embrasse à nouveau.
Son attention toute entière est dirigée sur moi, sur cette exploration de mon torse avec des doigts fins et joueurs. Et cela ne fait rien pour calmer le feu qui couve toujours en moi.
Je ne réfléchis plus. Mes mains et mes lèvres s'activent par réflexe pour chercher un contact toujours plus brûlant.
Son chemisier ne tarde pas à rejoindre le sol, et je m'émerveille une fois de plus de la douceur de sa peau.

" – Est-ce que tu as pensé à… tu sais ?"

Sa question met un très long moment à faire chemin dans mon esprit, tandis que mes mains jouent  avec le lien plaqué contre son dos et qui ne tarde pas à s'ouvrir.
Le tissu glisse le long de ses bras, mettant à nu ses seins.
J'hausse un sourcil. J'ai bien envie de la taquiner un peu, de lui répondre que je ne vois pas du tout oú elle veut en venir.
Je lui prends la main.

"- Je pense que le mieux serait d'aller vérifier ça dans la chambre.  C'est là qu'a disparu mon sac, n'est-ce-pas ?" Je lui réponds avec un clin d'oeil.

Le chemin vers cette pièce met bien plus longtemps que prévu. Mais il m'est difficile de rester concentré alors que la peau d'Emily continue de se dévoiler au contact de mes mains.

Mes lèvres chassent les siennes dans un jeu du chat et de la souris qui me fait tourner la tête. J'en veux plus, toujours plus.

Je me prends les pieds dans mon pantalon lorsque ce dernier glisse le long de mes jambes, ce qui m'arrache un éclat de rire. Et celui-ci est encore sur mes lèvres tandis que j'embrasse Emily une fois de plus.

Quand nous atteignons enfin la chambre, je parviens à me détacher quelques secondes de l'étreinte d'Emily pour aller fouiller dans mon sac. Et lorsque je reviens, c'est pour lui glisser dans la main ce petit emballage plastifié, porteur de notre précieux sésame qui nous évitera bien des problèmes.

Je lui glisse à l'oreille quelques mots qui me viennent, au sujet de la douceur de sa peau, et de la manière avec laquelle nos corps semblent faits pour danser l'un avec l'autre.

Mes gestes se font plus lents, alors qu'une tendresse particulière s'installe. J'ai envie de prendre mon temps. Et c'est bien différent de la ferveur qui m'a animé un peu plus tôt. Je ne réfléchis plus, et je laisse mon corps doucement s'unir au sien.

–Je pense que le mieux serait d'aller vérifier ça dans la chambre. C'est là qu'a disparu mon sac, n'est-ce-pas ? ma réponse est silencieuse, un simple sourire suffit.

Nous poursuivons notre petit manège sur le chemin, continuant de nous embrasser tout en marchant, semant des vêtements sur notre passage. J'éclate de rire lorsque Tom trébuche sur son pantalon. Un rire qui se perd ensuite sur ses lèvres quand il revient m'embrasser. J'aime cette complicité qui s'est peu à peu installée entre nous. Cet échange en est la preuve tant il est dépourvu du moindre embarras. On rit, on s'embrasse… On se rapproche, on s'éloigne. On joue, l'un comme l'autre à se provoquer, chahutant joyeusement avec les diverses sensations que nous faisons naître chez l'autre. Si ses regards m'ensorcellent, ses baisers me font tout bonnement chavirer…

Il ne me relâche que pour fouiller dans son sac, avant de placer le petit carcan encore emballé dans ma main. Je lui souris de nouveau, retenant difficilement une blague que j'estime assez mauvaise. À la place, je le lui rends en silence avant de reculer de quelques pas pour regagner mon lit.

L'amusement qui existait jusqu'alors, laisse doucement sa place à une incroyable tendresse. Nos corps s'unissent dans cette danse pleine de douceur qu'aucun de nous n'est pressé de voir s'achever. Le temps semble se suspendre… Plus rien n'existe mis à part nous… Mis à part lui. Nos soupirs se muent en une sorte de musique lente qui change régulièrement de tempo jusqu'à ce que la fébrilité n'explose pour de bon. J'ai le souffle court, mon cœur bat si fort que je peux l'entendre résonner jusqu'à mes oreilles. Je l'embrasse de nouveau avant de lui offrir un sourire des plus satisfaits…

– On n'aurait jamais dû faire ça, je murmure. Te laisser partir sera encore plus difficile maintenant…

Je planne dans un cocon doux et feutré au cours des minutes qui suivent notre union. Je me sens bien, incroyablement détendu dans les bras de cette femme qui a su renverser mon monde en si peu de temps. Ou peut être est ce l'attachement que j'éprouve à son égard qui me fait raconter n'importe quoi.
Je n'ose pas encore poser des mots sur ce que nous partageons. C'est encore trop tôt, trop fragile.
Je me contente de la serrer contre moi, tandis que mes doigts dessinent des arabesques sur sa hanche.
Et c'est Emily qui me sort de cet état de contemplation.

"– On n'aurait jamais dû faire ça. Te laisser partir sera encore plus difficile maintenant…"

Mes lèvres s'égarent sur son épaule nue. Et ma main se resserre.

Je tourne plusieurs fois cette phrase dans mon esprit. Et les regrets m'assaillent. Et si finalement tout ceci n'avait pas été une bonne idée ? Et si je me voilais la face en me persuadant que nous avons un avenir, tous les deux ?
Pour autant, je sais que je m'en serais voulu si longtemps si j'avais quitté Emily sans agir au sujet de cette attirance réciproque qui couvait entre nous.

"- Je ne regrette absolument pas", je lui confie à voix basse. "J'emporterai avec moi le souvenir de tout ce que nous avons partagé. Et j'aurai encore plus envie de revenir ici. Le plus rapidement possible."

Je cueille un baiser sur ses lèvres.

"- Tu me manqueras chaque jour, chaque minute que je passerai loin d'ici", je lui promets ensuite. "Surtout en plein milieu de ce fichu concert."

Je lui caresse le visage, sans la lâcher du regard.

"- Tu m'attires comme un aimant, Emily. Sois certaine que je reviendrai."

Elle est encore plus belle ainsi, tandis que s'exprime en nous cette langueur qui ne tardera pas à se métamorphoser en l'état d'entre deux qui précède le sommeil.

J'ignore si elle croit mes paroles, ou si l'espoir qui m'anime brûle autant en elle.

Mes gestes se font plus lents encore. La fatigue me guette. La journée a été riche en émotions.

–Je ne regrette absolument pas. J'emporterai avec moi le souvenir de tout ce que nous avons partagé. Et j'aurai encore plus envie de revenir ici. Le plus rapidement possible, souffle-t-il doucement avant de m'embrasser de nouveau.

– Peut-être en feras-tu une chanson un jour, raillais-je avec une tendresse évidente avant de me lover dans ses bras.

Je colle mon oreille à son cœur, j'ai besoin de l'entendre battre, d'entendre sa voix résonner dans sa cage thoracique. Je m'empare ensuite de sa main, la serrant doucement dans la mienne… C'est donc ça, j'éprouve aussi le besoin étrange de le toucher.

– Tu me manqueras chaque jour, chaque minute que je passerai loin d'ici. Surtout en plein milieu de ce fichu concert.

Il a l'air si sûr de lui, c'en est déroutant. Je ne peux pourtant pas m'empêcher de rire tout contre lui, rétorquant qu'il n'aurait certainement pas une seule minute à lui pour penser à moi. Le contact de sa main douce sur ma joue me fait fermer les yeux un instant… Je me sens si bien à ce moment-là.

– Tu m'attires comme un aimant, Emily. Sois certaine que je reviendrai.
– Ne fais pas de promesse, s'il te plaît, je murmure en embrassant la main qui, jusque-là, me caressait la joue. Si tu dois revenir, tu reviendras…

Je me redresse légèrement, assez pour effleurer sa joue à mon tour. J'ai beau sourire, je préfère garder toutes mes émotions pour moi. Elles sont là. Elles hurlent à travers tout mon être, mais je préfère les étouffer encore un peu. Leur donner un nom reviendrait à reconnaître leur existence, mais je ne me sens pas prête pour cela… Peut-être même ne le serai-je jamais.

– Dors bien, je chuchote à son oreille avant de reprendre ma place dans ses bras.

Si je ne tarde pas à m'endormir, il m'est impossible de le rester. Le réveil affiche deux heures lorsque je m'éveille… Mes yeux sont grands ouverts, je sais que je ne pourrais pas me rendormir. Je prends toutes les précautions du monde pour m'extirper du lit sans le réveiller… J'enfile un simple peignoir et les quelques vêtements que je retrouve sur le sol pour ne pas faire davantage de bruits.

J'attrape la couverture qui repose sur le canapé, la pose sur mes épaules et quitte la maison pour gagner mon atelier. Il fait froid… Peut-être serait-il temps pour moi d'envisager d'installer un chauffage d'appoint. Je récupère une toile vierge et la pose sur le chevalet. Je n'ai pas d'idée précise… Alors j'allume simplement la radio, cherchant une station intéressante jusqu'à tomber sur une chanson intéressante. Je m'installe ensuite sur mon tabouret, les yeux fermés… Je réfléchis. Je cherche, je visualise… Puis lorsque l'idée me vient, je commence à tracer mon ébauche… Pour une fois, il ne s'agit pas d'un paysage… Mais plutôt d'une forme assez banale… Je m'amuse sans réellement réfléchir… J'ajoute des couleurs, quelques tracés… Je joue avec ma toile comme une gamine. Je veux juste essayer quelque chose de nouveau… rien de plus… Et comme à chaque fois qu'une œuvre m'emballe, je ne vois pas le temps passer. Le soleil se lève en apportant de nouvelles couleurs à ma toile. Je décide de les adopter… Je les ajoute, les reflets avec. Je pose mon pinceau pour utiliser un chiffon, la semelle de ma chaussure, un bout de papier froissé… J'aime beaucoup le résultat. Je m'éloigne pour l'observer et je remarque que si, de prêt, l'œuvre ne ressemble à rien, à bonne distance on remarque deux corps entrelacés dans ce qui ressemble à une flaque d'eau. Mes petits ajouts donnent du corps à la toile.

Je l'observe longuement, les bras croisés… Jamais je n'ai peint pareille toile… Et jamais je n'ai été aussi satisfaite de mon travail.

Je suis épuisé, et la présence d'Emily dans mes bras m'apaise encore plus. Au point que je ne mets guère de temps à trouver le sommeil.
Et je dors comme un bienheureux, ne redoutant cette fois même pas les insomnies qui me prennent de temps à autre sans prévenir.

Lorsque je reprends conscience, je suis tout d'abord surpris par la texture des draps, bien plus doux que ceux auxquels je m'étais habitués à l'auberge. Et puis il y a ce matelas, qui ne grince pas autant.
Je cligne des yeux, et les évènements de la veille me reviennent peu à peu à l'esprit.
Je tends un bras, prêt à serrer à nouveau Emily contre moi, cherchant un peu de chaleur.
Mais ma main ne se referme que sur un draps frais.

Où est-elle passée ?

Les yeux maintenant grand ouverts, je décide de me lever.
Le jour commence à peine à pointer le bout de son nez, et je prends le temps de m'étirer avant d'aller en quête de quelques vêtements.

J'enfile une chemise chaude, et un pantalon de jogging, avant de m'avancer pieds nus en direction de la pièce principale.

"- Mily ?"

Ce surnom me vient facilement à présent. Et il faut dire que je lui ai suffisamment murmuré à l'oreille la nuit précédente.
Je frissonne à l'air glacé de la pièce, et je triture le poêle quelques minutes avant de réussir à le mettre en route.

Nix, qui somnolait jusqu'alors dans un coin de la pièce, vient aussitôt se lover devant ce dernier.
Je peux enfin m'approcher de lui, et il me laisse le caresser sans broncher.
Je suis ravi de cette constatation. Peut-être a-t-il enfin décidé de m'adopter.

Je passe les minutes qui suivent à nettoyer la vaisselle de la veille, qui attendait patiemment sur la table. Mais il faut dire qu'Emily et moi étions occupés à autre chose hier soir.

Une demi-heure s'écoule, et je décide enfin d'aller voir où Emily peut bien se trouver. L'horloge affiche déjà 8h30 lorsque j'ouvre enfin la porte qui mène vers l'extérieur, Nix sur mes talons. J'ai une petite idée d'où Emily peut avoir décidé de se cacher, et j'ai jusqu'alors préféré éviter de l'interrompre. Mais je suis curieux. Et surtout, j'ai envie de la voir.

Une tasse de café fumante à la main, j'entre discrètement dans cette grange qui lui sert d'atelier.

Je souris en la trouvant enfin, immobile, les bras croisés, fixant une peinture vraisemblablement tout juste terminée.
Elle est magnifique, ainsi, vêtue d'un simple peignoir et d'une couverture, les cheveux emmêlés, un sourire sur les lèvres.
La toile en elle-même est d'une qualité à laquelle je ne m'attendais pas. Et surtout, elle diffère des paysages qu'Emily a pu me montrer jusqu'à maintenant. Car il ne s'agit cette fois pas d'un paysage, mais plutôt d'une scène qui fait écho à ce que nous avons partagé la nuit dernière.

Deux amants, enlacés.

Et mon cœur se met à battre plus vite.

Je repère une table près de l'entrée, sur laquelle je pose délicatement la tasse de café.
Puis je m'avance vers Emily, d'un pas silencieux.
Lorsque je suis enfin à sa hauteur, je glisse un bras autour de sa taille, et dépose mes lèvres sur sa tempe.

Et je réajuste la couverture sur ses épaules, pour éviter que cette dernière ne tombe.

"- Elle est sublime", je lui glisse à l'oreille. "J'en déduis que tu as été inspirée par notre soirée d'hier ?"

Je suis tellement concentrée sur l'analyse de ma propre toile que je n'entends pas Tom rentrer dans la grange. Je cherche les zones de peintures à combler, les détails à peaufiner… En sommes, je cherche ce qu'il reste à fignoler.

Sa main sur ma taille manque presque de me faire sursauter tant sa présence ici me surprend. Quelle heure est-il ?

–Elle est sublime. J'en déduis que tu as été inspirée par notre soirée d'hier ?

Pour toute réponse, je me contente d'un sourire qui se veut aussi taquin qu'énigmatique. Il s'agit probablement d'une once de fierté mal placée, mais il m'est difficile d'avouer que la soirée de la veille a pu avoir une quelconque influence sur mon inspiration… Même si, à l'évidence, c'est totalement le cas. Je ne compte pas le nier pour autant, voilà pourquoi je lui souris avant de déposer un baiser sur sa joue à mon tour.

– Bien dormi ? je demande avant de me tourner vers lui pour l'enlacer tendrement. J'avais peur de te réveiller cette nuit, je suis heureuse de constater que cela n'a pas été le cas.

Je m'empare de ses lèvres avant de reculer, lui annonçant par la même occasion, que j'allais prendre une douche avant de m'habiller plus décemment.

– Un petit déjeuner dehors, ça te dit ? je demande tout en l'entraînant joyeusement dans la maison.

Je suis de bonne humeur, cela doit se voir… J'essaie de me contenir, mais ce n'est pas si facile… Alors je me contente de disparaître sous la douche afin de me préparer à sortir. Je n'ai plus qu'à enfiler un bon pull et un jeans. Il fait plutôt beau aujourd'hui.

Je le guide ensuite jusqu'à mon petit repaire du matin, là où les œufs et le café sont tout bonnement délicieux. Les regards se posent de nouveau sur nous, mais puisque personne ne vient nous déranger, cela ne me gène pas vraiment.

– Que veux-tu faire aujourd'hui ? je l'interroge avant de mordre dans mon toast. Des préférences ?

"– Bien dormi ? J'avais peur de te réveiller cette nuit, je suis heureuse de constater que cela n'a pas été le cas."

Elle m'enlace, après m'avoir déposé un baiser sur la joue.

"- La nuit a été bonne.", je lui réponds aussitôt.

Je ne lui retourne pas la question. Les cernes sous ses yeux témoignent de son manque de sommeil.

" Je vois que ce n'est pas le cas pour toi", je la taquine ensuite. "Une sieste dans la journée te fera du bien."

En ma compagnie, bien évidemment. Tout pour profiter un peu plus longtemps de la chaleur de son corps contre le mien.

"Et puis... Tu m'as manqué, ce matin", je lui chuchote à l'oreille.

Elle m'embrasse, et je réponds aussitôt à ce baiser. La passion de la veille a laissé place à une tendresse délicieuse, que j'ai envie de faire durer le plus longtemps possible.

"– Un petit déjeuner dehors, ça te dit ?"

Je m'empresse d'accepter alors qu'elle me mène en direction de la maison.

Je ne résiste pas à l'envie de la rejoindre sous la douche. Et si cette dernière dure un peu plus longtemps que nécessaire, je n'arrive même pas à y voir le moindre inconvénient.

Je ne peux m'empêcher de sourire tandis qu'Emily et moi avançons main dans la main dans la fraicheur du matin. La pluie de la veille a laissé place à un ciel bien plus dégagé, avec des rayons de soleil qui viennent même me réchauffer le visage. J'en ai presque oublié les déconvenues de la veille.

Je baisse la tête lorsque nous entrons dans le café, alors que tous les regards se tournent dans notre direction. Impossible de passer inaperçu, visiblement, maintenant que les gens ont compris qui j'étais.
Je leur dédie un sourire gêné. Fort heureusement, aucun ne m'adresse la parole.

Emily et moi nous asseyons à une table, et je me plonge sans tarder dans le menu.
Il y a quelque chose d'agréable dans cette normalité d'un simple petit déjeuner partagé dans un bar, après une nuit passée ensemble. Le froncement de sourcil d'Emily lorsqu'elle lit le menu devant elle m'arrache un rire silencieux. Et j'attrape une fois de plus sa main, caressant de mon pouce le dessus de cette dernière.

Notre petit déjeuner ne tarde pas à arriver, et je m'y attaque sans tarder. Le café est excellent, bien meilleur que celui que j'ai bricolé ce matin, et qui doit être maintenant complètement froid dans cette tasse que j'ai abandonné dans l'atelier d'Emily.

"– Que veux tu faire aujourd'hui ? Des préférences ?"

Je mets probablement bien trop de temps à lui répondre, mais je ne peux la lâcher du regard. C'est une scène somme toute banale, que de partager un petit déjeuner avec elle, mais cela a quelque chose de précieux, et de temporaire. J'ai envie de profiter pleinement de ces instants.

"– Tant que je suis avec toi...".

Je lui dédie un sourire qui doit avoir l'air parfaitement idiot sur mon visage. Mais je n'ai pas envie de cacher ma joie à l'idée de passer une journée de plus en sa compagnie.

"– Mais je ne dirais pas non à explorer un peu la côte, si Sean est disposé à nous prêter Bethy ?"

J'ai bien envie d'explorer un peu plus les environs, dans une sorte de mini road-trip sur la journée. Reste à savoir si Emily sera motivée par cette idée.

"Toi, moi, la route qui s'offre à nous, et un pique-nique sans personne pour venir nous embêter ? j'ajoute en lui caressant la main. "Qu'en dis-tu ?"

Il faudra aussi que je rappelle Jeff. Mais avec le décalage horaire, il ne fait aucun doute que mon ami doit encore être au lit.
Je me promets de lui passer un coup de fil dans la journée.