Nate avait préféré vite passer à autre chose. Il voulait à tout prix éviter toute contrariété. Le moment était trop précieux et fragile pour se permettre de le gâcher avec des futilités. Alors il n’avait pas insisté, évitant alors des discussions houleuses inutiles. Il était parti pour se jeter dans l’eau froide, suivi de près par Matt. Et il riait, Nate, il riait comme il ne le faisait plus dans sa vie de tous les jours. Ça faisait du bien. Il se sentait vivant et ce n’était pas seulement à cause du froid qui lui engourdissait les membres. Il profitait. Embrassades, câlins et rires, il avait l’impression d’avoir dix-sept ans de nouveau. C’était exceptionnel. Tout ces soucis lui paraissaient être bien loin. Et comme s’ils ne s’étaient jamais quitté, ils avaient retrouvé chacun leurs petites habitudes après leur baignade. Il ne manquait que des chevaux quelque part pour que Nate se sente vraiment comme à la ferme ce fameux été là. Nate avait préparé le repas, Matt s’était occupé du feu. Comme avant. Ils parlaient peu. Les sourires que lançaient Nate à Matt et les câlins qu’il lui faisait en retour étaient leur principal moyen de communication. C’est pour ça que Nate fut légèrement surpris des interrogations de Matt une fois qu’il fut à table. Il n’avait pas l’habitude de parler de lui et pourtant… les rares fois où il s’était véritablement livré à quelqu’un, c’était à Matt. « Eh bien… J’étais un très gentil petit garçon, toujours fourré dans les jupons de sa mère. » Nate avait légèrement rougit, détachant son regard de celui de Matt un court instant pour observer le coucher de soleil derrière lui. « Au lycée, j’étais plutôt populaire… Capitaine de l’équipe de football. » Plutôt populaire, c’était de la modestie de sa part. Il était très populaire parce qu’en plus d’être mignon et en réussite scolaire, il était gentil. Juste gentil. Il n’avait jamais un mot de travers pour personne, il était toujours prêt à soutenir son prochain et il ne semblait ne même pas remarquer à quel point il était bien vu. « Mais tu as raison… J’étais timide. Tous mes amis ont eu des copines bien avant moi. La première, j’avais presque dix-huit ans déjà. » Et ce n’était pas faute d’avoir été sollicité avant mais, pour des raisons évidentes aujourd’hui, Nate n’avait jamais aimé courir les filles. Il avait sourit, dévisageant à son tour Matt. « Et toi alors ? » Il avait coupé un morceau de sa viande. « Je suis sûr que t’étais une vraie tête brulée. Tu m’aurais détesté. » qu’il avait rajouté avec un sourire complice.  
 

- Ca ne m'étonne même pas

Nate avait toujours eu le profil du parfait genre. Il était beau, souriant, gentil et populaire ça j'en avais été certain. Mais cette apparence cachait une grande timidité. Il n'était pas à l'aise avec les femmes. Lui et moi savions pourquoi maintenant. Mais les gens devaient se dire que ça ne faisait qu'en rajouter à son charme. Il était, parfait et modeste par dessus le marché. Et ils s'arrêtaient à ça. Ils ne voyaient pas à quel point il était malheureux. Il se conformait à l'image que les gens avaient de lui, s'oubliant au passage. Il aurait été beaucoup plus heureux loin de tout ça, à vivre simplement, à mes côtés... Ne plus avoir à cacher qu'il aimait les hommes, qu'il n'était pas le mari si parfait que ça.

Je haussais vaguement les épaules alors qu'il parlait de moi.

- J'étais le cancre de la classe. Celui qui était planqué au fond de la classe parce que l'école le saoulait et qu'il n'y pigeait rien. Je séchais dés que je pouvais. La plupart des filles me fuyaient. C'est Sandra Becker qui a réussi me coincer pour le bal de promo. C'est là que j'ai échangé mon premier baiser. Et... ça n'a pas continué.

Moi et les femmes ça n'avait jamais vraiment été fait pour marcher. En fait homme ou femme je n'avais jamais vraiment été du genre à me lier avec les autres. Nate avait été l'exception. Mais en même temps il était impossible de ne pas fondre devant sa gentillesse, son sourire...

- Je t'imagine très bien dans ton joli maillot de foot. Tu devais être absolument à tomber à courir comme ça sur le terrain. Je suis certain que toutes les filles devaient craquer pour toi. Et toi tu ne voyais rien.

Je ris doucement en imaginant la scène. C'était tout à fait le genre de Nate. Il avait attendu ses dix huit par timidité et parce qu'il ne voyait rien, pas parce qu'il manquait de prétendante. Son Alison devait certainement se dire qu'elle avait une chance folle de l'avoir. Il y avait sûrement eu tellement de filles qu'il avait repoussé et ça avait fini par être elle l'heureuse élue. Et moi... moi parfois je me demandais pourquoi il ne cessait de revenir voir un gars comme moi.

Nate avait haussé un sourcil intrigué quand Matt avait dit que ça ne l’étonnait pas. Pourquoi ça ? Etait-il si transparent ? Nate ne s’était jamais senti compris avant de connaitre Matt. Et pourtant, ce dernier était très différent de lui. Il avait commencé à parler de sa propre enfance et Nate eut un sourire amusé en comprenant qu’il était son opposé total. Les contraires s’attirent, il parait. dans le cas de Matt et Nate, c’était peut-être bien vrai. « Sandra Becker… » que Nate avait répété entre deux sourires. C’était marrant de parler de tout ça. A l’époque, c’était vachement moins marrant mais avec le recul… Ça le faisait rire. « Elle était belle Sandra dans sa robe de bal ? J’espère qu’elle l’était, fallait bien qu’elle t’arrive au moins à la cheville. » Et Nate avait ce point commun avec Matt : ils s’idéalisaient l’un et l’autre. A ses yeux, il n’existait pas d’homme plus charmant que Matt et ce même s’il était incroyablement difficile à apprivoiser. « N’importe quoi ! » que Nate s’était exclamé en riant de bon coeur lui aussi. Il n’avait pas eu l’impression d’avoir eu de filles qui gravitaient autour de lui. En tout cas, il n’y avait pas fait attention. « J’avais beaucoup de copains et beaucoup de copines… C’es tout. » Et c’était sans doute très naïf de sa part de s’imaginer qu’il était normal d’être ami avec autant de filles. Il se souvenait qu’elles lui disaient qu’il était différent… Elles n’avaient pas idée à quel point. C’était le premier diner agréable qu’il avait depuis des mois. « Elle était comment, ta mère ? » que Nate se risqua, l’ambiance se faisant tout de suite moins légère. Il était curieux, évidemment. Il avait l’impression qu’il n’en savait jamais assez sur Matt. Il aimerait tout savoir de lui, le connaitre mieux que personne. Pour quelqu’un qui aimait aussi peu parler de lui-même, c’était laborieux. Et ils avaient tous les deux le point commun d’être orphelin d’un de leurs parents, ça avait le mérité d’être un peu creusé.  
 

Je haussais vaguement les épaules alors qu'il me parlait de Sandra et de sa robe. Elle ressemblait surtout à une grosse meringue rose là dedans. Elle n'avait pas arrêté de glousser toute la soirée. Elle avait même insisté pour qu'on danse et je n'aimais pas ça. J'avais dansé au mariage de Nate uniquement parce que je voulais le faire chier et parce que j'étais bourré. Et j'étais loin d'être beau ce soir. Je portais l'un des vieux costume de mon père. Il me grattait. J'étais mal à l'aise dedans et je transpirais beaucoup trop. J'avais détesté chaque minute de cette soirée et le baiser qu'on avait échangé n'avait été que le coup de grâce.

Je relevais la tête de mon plat en entendant sa question. L'ambiance se fit plus pesante d'un coup. En général je n'aimais pas parler de ma mère, pas même avec ma soeur. Elles étaient plus grandes et avaient toutes quitté la maison quand on l'avait perdu. Elles n'avaient pas vu son état se dégrader au fil des jours. Elles n'avaient pas été là dans les pires moments. Elles ne pouvaient pas comprendre ce que mon père et moi avions traversé. Elles en parlaient parfois, évoquant des souvenirs qui étaient bien loin de mes miens et je ne répondais jamais.

- C'était une mère.

Je haussais vaguement les épaules, ne sachant pas trop quoi dire de plus. Je n'étais pas doué pour parler de ce que je ressentais et encore moins doué pour dire ce que je pensais des autres. Et ma mère restait toujours un sujet sensible.

- Elle était douce, gentille, patiente. Un peu effacé aussi. Elle obéissait à mon père. Elle n'osait jamais le contrarier.

Même quand ça lui arrivait de... de me punir. Elle n'osait jamais intervenir pour l'arrêter quand il allait trop loin. Elle n'osait même pas venir me soigner. Elle l'avait fait une fois et elle l'avait regretté elle aussi.

Je baissais les yeux sur mon assiette, perdu dans mes pensées. Je n'aimais pas repenser à ma mère. Elle avait eu ses défauts c'était vrai, mais il n'avait pas mérité de souffrir comme ça. Parfois je me disais que ça aurait été plus simple si elle avait été encore là, ou si je n'avais pas été le seul garçon. Si j'avais pu avoir un frère ainé pour reprendre la ferme. J'aurais pu partir peut être. J'aurais peut être fui depuis longtemps avec Nate et on ne serait pas dans cette situation.

Nate saisissait toutes les opportunités pour mieux connaitre Matt. Ça faisait quelques années maintenant qu’ils se connaissaient mais Nate avait toujours l’impression d’avoir encore tant à apprendre sur Matt. Et d’un autre côté, c’était un peu le cas. Ils ne partageaient pas leur quotidien, il y avait tout un tas de choses qu’il ignorait au sujet de son amant… Et qu’il ignorerait toujours. Mais il tentait quand même, à travers certaines questions, de le connaitre plus intimement encore. Le sujet de la mère de Matt l’intriguait. Il n’en parlait jamais spontanément et puisqu’ils avaient ce point commun… Nate s’était attendu à comprendre ce que ressentait Matt. Mais pas vraiment. Il n’avait pas cet air lugubre quand il parlait de son père, sans doute parce qu’il l’avait à peine connu. Quelqu’un qu’il n’a pas connu ne pouvait pas lui manquer… Sa douleur était différente. Alors que Matt et sa mère… Ça avait l’air complexe. Vu l’état du cowboy, Nate aurait pu ressentir des remords à avoir abordé le sujet mais ça n’avait pas été le cas. Il aimait beaucoup trop voir cette profondeur chez lui. Alors, avec un sourire plein de compassion, il était venu caresser sa jambe sous la table. « Tu crois qu’elle aurait compris, elle ? Pour nous ? » Nate n’avait que peu d’espoir sur la question. Sa propre mère le renierait probablement et pourtant, Dieu sait qu’elle aimait son fils. « Je veux dire… On est quand même pas les seuls, si ? Il doit bien y avoir d’autres mecs qui vivent ce qu’on vit… Peut-être même des filles. » Nate haussa les épaules. Sa machine à rêves était en route. Pour la première fois depuis des mois, Nate imaginait un futur plus beau. « Si on était nombreux, on aurait peut-être plus besoin de se cacher. » C’était beaucoup d’hypothèses et tellement peu de certitudes mais Nate était assez convaincu que rien n’était jamais gravé dans la pierre. Tout pouvait changer… Il sonda Matt du regard, prêt à se faire traiter de fou. Il n’aurait pas tort quelque part mais la naïveté de Nate avait toujours été un de ses plus beaux défauts.
 

- Je ne sais pas... je pense qu'elle aurait suivi l'avis de mon père.

Et mon père ne l'accepterait jamais ça c'était clair. Ma mère n'avait jamais exprimé ses propres opinions. Elle était croyante, pas autant que mon père mais presque. Elle aurait jugé ça durement également. Peut être qu'elle aurait fini par l'accepter mais elle n'aurait jamais osé le dire clairement.

Je terminais mon plat, méditant un peu sur ce qu'il venait de me dire. D'autres personne comme nous oui il devait y en avoir. Je savais qu'on était pas les seuls. J'en avais déjà vu. Mais est ce qu'on sortirait de l'ombre un jour ça j'en doutais. On ne serait pas assez nombreux. Et même si on l'était, ils étaient beaucoup plus nombreux en face. Ils ne l'accepteraient jamais. On serait toujours pointé du doigt dans le meilleur des cas. Et.. on pourrait aller jusqu'à subir bien pire.

Je repoussais mon assiette en soupirant doucement avant de me mettre à parler.

- Quand j'étais gamin... il y avait deux hommes qui vivaient ensemble dans une ferme pas loin. Ils faisaient leur vie. Ils n'emmerdaient personne. Un jour... on s'étonnait de ne plus les voir à la messe depuis un moment. Avec ma mère on est parti chez eux voir comment ils allaient. On les a retrouvé... leurs cadavres étaient entrain de pourrir. Ils avaient été tabassés. Quelques hommes de la ville les ont enterrés dans la plus grande discrétion. Il n'y a même pas eu de cérémonie pour eux. Quelques jours plus tard, mon père est revenu sur ce qui s'était passé lors de la messe. Il disait... qu'ils étaient des pêcheurs. Qu'ils vivaient dans la débauche et la luxure et qu'ils avaient reçu le juste châtiment de Dieu. Je n'ai jamais su si mon père avait participé à leur mise à mort mais il l'approuvait en tout cas.

Et c'était déjà bien assez à mes yeux. Suffisamment pour que je prenne conscience du fait que jamais il ne devrait être au courant pour moi.

- C'est ça le monde dans lequel on vit Nate. Je ne pense pas qu'on soit seuls. Il doit y en avoir d'autres comme nous. Mais les gens, ils ne nous accepteront jamais.

Est ce qu'on pourrait vivre ensemble un jour sans que je ne craigne pour sa vie? Ca j'en doutais fort.

Evidemment, que Nate pensa intérieurement quand Matt déclara que sa mère aurait été de l’avis de son père concernant son orientation sexuelle. Il les avait tous tyrannisé, ce vieux fou. Pas étonnant que ses soeurs se soient toutes barrées. Nate aurait sans doute fait de même si sa mère avait été aussi désagréable… mais elle l’avait choyée. Nate considérait son enfance heureuse malgré l’absence de son père et ça ne devait certainement pas être le cas de Matt. Le cowboy avait mis du temps à donner son avis sur les idées révolutionnaires de Nate. Quand il l’avait fait néanmoins, ça avait été édifiant. Nate s’était retrouvé pendu à ses lèvres, paralysé sur place d’entendre l’histoire la plus sordide qu’il lui avait été donné d’entendre jusque-là. Il savait que cette différence pouvait générer des frictions… Mais jamais il ne s’était jamais imaginé que ça pouvait aller aussi loin. Il avait déglutit. Ses idéologies en prenaient un coup. On voyait un fin voile embrumer son regard. Nate ne savait même pas s’il était en colère ou juste profondément triste. Il refusait cette réalité. Si Matt avait raison et que c’était bien le monde dans lequel ils vivaient, Nate était incapable de le voir en face. Mais il comprenait mieux ses réticences quant à un avenir commun. Il avait été choqué. Traumatisé peut-être même ? Nate secoua lentement la tête. « Le monde change. » Il avait haussé les épaules, piquant une dernière fois dans son assiette avec sa fourchette avant de repousser définitivement l’assiette vide. Nate ne pouvait pas se permettre de ne pas être positif, s’imaginer que les choses n’iraient jamais mieux lui donnait envie de disparaitre. « Il changera pas tout seul. Faudra bien que quelque chose se passe un jour. » Mais quoi ? Ça Nate n’en avait aucune idée. Il n’avait pas les moyens non plus. Il était marié et sa femme était enceinte. C’était pas vraiment le moment de militer. Et puis, il y avait tellement de combats à mener… Il doutait d’avoir un jour le courage d’envoyer balader le monde entier. Pas tout seul en tout cas.
 

Je haussais vaguement les épaules pour toute réponse. Je doutais que le monde change un jour. Les choses étaient ainsi et il faudrait bien se faire une raison. Je ne partageais pas l'optimisme de Nate là dessus. Je n'avais jamais été aussi optimiste que lui de toute façon. Et c'était une des raisons pour lesquelles j'avais été autant blessé en le voyant se marier. Il avait toujours été le rêveur de nous deux. Celui qui pensait qu'on pourrait finir ensemble, qu'on pourrait trouver un moyen d'être tous les deux. Mais il était aussi celui qui avait baissé les bras et cédé à la pression en épousant une femme. Parce que je restais persuadé, qu'il n'aurait pas du l'épouser si vraiment il croyait en nous.

Je me levais sans un mot, débarrassant nos deux assiettes. Je retrouvais notre petite routine, m'occupant de la vaisselle alors qu'il était occupé du repas. Je pouvais laisser mes pensées divaguer tranquillement. Mais je n'aimais pas vraiment le chemin qu'elles empruntaient. Je me remettais à penser à nous deux, à notre avenir, à ce qui pourrait nous arriver après ce week end. Je savais déjà qu'on ne se reverrait quasiment plus. Il aurait son enfant à gérer. Il ne pourrait tout faire et il ne pourrait pas l'abandonner. Puis le temps et les années passant, il finirait par m'oublier. Il rentrerait dans sa routine, sa petite vie de bon père de famille. Nous deux, c'était certainement la dernière fois que ça avait lieu.

Je fouillais un peu dans les placards avant de me retourner vers lui.

- Il y a une bouteille de whisky. Je pense que mon beau frère l'a caché là pour les soirs où il n'arrive pas à supporter ma soeur. Ca te dit?

Je lui en mettrais une autre en remplacement. De toute façon il n'oserait pas s'en plaindre ouvertement. Ca l'obligerait à avouer qu'il avait planqué la bouteille là et ma soeur le tuerait.

Et après son monologue Matt n’avait plus parlé. Plus du tout. Il avait débarrassé en silence et s’était occupé de la vaisselle. Comme avant. Nate ne l’avait probablement jamais entendu parler autant et ça avait été pour raconter l’histoire de deux pauvres types qui s’étaient fait liquider. Ça aurait du l’éclairer, lui donner envie de se faire petit et discret. Mais non. Il lui manquait les moyens mais l’envie d’arrêter de se cacher commençait à germer dans la tête de Nate. Oh, il n’en avait évidemment pas plus parlé. Pour quoi faire ? Matt lui ferait la morale. Il n’était pas fait du même bois tous les deux. D’ailleurs, leurs points communs étaient rares, pour ne pas dire inexistants. Et pourtant, il n’y avait personne que Nate regardait avec autant d’admiration que lui. Et c’est exactement comme ça que Nate le regardait alors que Matt faisait la vaisselle : avec admiration. Ce moment n’avait donc aucunement besoin de mot pour être beau mais, après un certain temps, Matt s’était mis à fouiller les placards pour en sortir une bouteille de whisky. « Mon Dieu, qu’est-ce que je le comprends ! » qu’il avait laissé échapper un peu trop rapidement. Lui-même avait eu tendance à abuser de la bouteille pour mieux supporter son quotidien avec Alison. Ceci étant, il n’avait pas prévu de se confier à Matt à ce sujet. Il avait détourné le regard, gêné. Ça lui apprendra à tourner sa langue dans sa bouche avant de parler. Il faisait tellement attention à ce qu’il disait en temps normal… Avec Matt, il se lâchait. Seulement, il y avait des choses que, même avec Matt, il valait mieux ne pas aborder. « Je vais chercher des verres. » qu’il avait dit pour échapper momentanément au regard de Matt. Ses yeux étaient si… spéciaux que, des fois, Nate avait l’impression qu’ils étaient capables de sonder son âme. Il s’installa sur le canapé après avoir posé les verres sur la table basse. « Et toi ? Tu n’arrives déjà plus à me supporter ? » qu’il demanda avec malice en l’entrainant à ses côtés sur le canapé après l’avoir laissé servir l’alcool. Nate le serrait tendrement contre lui. Le temps passait déjà beaucoup trop vite à son goût.
 

Je fronçais les sourcils en entendant sa réaction. Bon d'accord ma soeur pouvait être insupportable et je comprenais que mon beau frère ait besoin d'un petit verre de temps en temps pour la supporter, mais ça Nate n'était pas sensé le savoir. Il n'y avait qu'une explication à sa réaction, c'était tout simplement parce qu'il vivait la même chose que lui, parce que lui aussi avait besoin de temps en temps d'un petit verre pour tenir. Je lui aurais bien dit qu'il le méritait, qu'il l'avait bien cherché, qu'il l'avait épousé alors qu'il en assume les conséquences. Mais je ne voulais pas. Je n'avais plus la force de me disputer. Je voulais juste profiter de cet instant.

J'allais me blottir contre lui sur le canapé. J'attrapais mon verre pour prendre une gorgée.

- Non pas du tout. J'adore être avec toi...

Il ne mentait pas. Il se sentait bien avec lui. Il aurait aimé pouvoir rester un moment avec lui, même des jours et des jours. C'était un rêve, un doux rêve qui ne se réaliserait jamais. Le quotidien était dur avec mon père. C'était certain que j'avais eu besoin de m'éloigner, de fuir un peu cette ambiance pour pouvoir le retrouver. Mais je n'en étais pas au point de boire pour oublier tout ça. J'encaissais sans rien, même si c'était difficile.

- Tu ne la supportes plus c'est ça? Vivre avec elle au quotidien?

Je caressais doucement son torse d'une main, tenant mon verre de l'autre pour boire de temps en temps. L'ambiance était douce avec la cheminée pour seul éclairage. Ca me rappelait notre été à deux, quand le soir nous faisions l'amour sur notre lit de fortune avec juste la cheminée pour éclairage.

- Ca ira peut être mieux quand le bébé sera là. Tu seras sûrement heureux de l'avoir.

Je haussais doucement les épaules avant de conclure.

- De toute façon, tu ne peux plus partir.