Asil savait … il savait ce que penser Bran. Perdre à nouveau une femme qu’il aime … Oui. Mais Asil avait perdu l’amour de sa vie. Il avait son deuil. Et son amour pour Saraï valait celui de Bran, d’une certaine manière. Il fallait de l’amour. Et puis… Même s’il ne voulait pas s’en souvenir, Saraï était une femme bonne et juste. Elle lui dirait d’aimer. D’ailleurs, elle n’apprécierait pas qu’il se soit laissé aller. Lien de couple volé par une sorcière ou pas. Bref. Bran et lui avaient eu de quoi maudire l’autre dans toutes les langues qu’ils connaissent le temps que tout se pose. Il observa la jeune femme rentrer et se dit qu’il serait si simple d’avoir du désir sexuel pour elle. Mais. Non.

Les époques sont peut-être différentes, mais lui ne l’était pas … Et puis, même sans dire un mariage il fallait une entente, un désir de faire la vie avec l’autre … et la jeune femme avait été claire. Donc. « Ta gueule Bran » cria-t-il avec l’espoir que la rumeur disant que ce stupide loup entende les pensées soient vraies. Asil sourit à peine.

- Je l’ai confronté à ses conneries et il en a fait de même. Ce qui fait qu’on est tous les deux grandement agacé par l’existence de l’autre, pour le moment.

Cela ne serait pas long… et puis, au fond c’était de bonne guerre. Asil avait plus secouer le cocotier que ce qu’avait fait Bran … mais n’empêche que ça rester agaçant de devoir lui donner raison… De nos jours, aucune femme acceptera de se marier comme ça. Et il n’avait aucune envie de faire quoi que ce soit sans ça… Il préféra soupirer et relever les mèches qui danser devant ses yeux.

- Alors, qu’en est-ce que l’on part ? Si tu lui as parlé, il a dû te dire que je ne te quitterais pas. Mais que je me ferais passer pour un loup soumis. Je me demandais si je ne pouvais pas prendre mon esprit dans la roseraie pour donner l’impression que je suis un peu comme toi.

Il eut un frisson. Un esprit. Bon. Il n’était pas chamanique. Quoi que ? Qui peut le dire, il ne se souvient pas de sa vie humaine … mais il savait que ça serait utile s’il pouvait être qu’un loup. Se faire passer pour soumis, oui, mais pourquoi un soumis accompagnerait Hazel ? Surtout pour aller chercher un autre loup.  

Il rit un peu, Asil. C’est vrai. C’était une dispute de famille. Il s’était implanté dans la famille de Bran. Et pour le coup, si Bran avait raison et que la jeune femme voulait vraiment de lui… Il serait vraiment dans la famille. C’était drôle. Alors il rit. Un peu. Quand il lui proposa de demander de l’aide à l’esprit de la roseraie, elle lui dit que c’était déjà fait. Il se tendit. Il ne pouvait pas le voir, lui. Il n’avait aucune idée de qui que quoi. Il regarda autour de lui.

- Je ne le vois pas. Je dois … lui parler ? Il se racla la gorge doucement en cherchant où il pourrait être, salut petit esprit. J’espère que tu ne regretteras pas… C'est important.

Il se sentait stupide. Dans sa tête, il imaginait une rose, à l’image de la rose dans Alice aux pays des merveilles. Une rose à la tête douce et souriante. Il ne savait pas s’il pouvait demander à Hazel de lui décrire son esprit.

- Je peux me faire passer pour un loup stupide. Savoir que j’ai un esprit mais ne pas le voir. Je me dis que même si c’est pour une journée, ça pourrait faire une différence… S’il le veut bien.

Il parlait à quelque chose d’invicible à travers quelqu’un qui pouvait voir l’invisible … Il se sentait étrangement visible d’un coup. Palpable. Il ne savait même pas qui était l’esprit. Mais il n’était pas malveillant. Les esprits ne sont ni bons ni mauvais. Celui-ci l’était indéniablement. Parce qu’il était sûr que la sensation de bien-être de sa roseraie venait de lui. Maintenant. Pas du souvenir de sa femme mais de cette être intangible qu’il ne pouvait voir et comprendre. Pourquoi avoir suivi un vieux loup triste ? Asil ne voyait pas de bonne raison, mais il était content. Et puis, ça le rapprochait un peu d’Hazel.

- Et j’ai envie de venir. Pour ton aïeul, je suis sûr de pouvoir loué sa puissance en tant que petit soumis. Enfin pour tes tresses … tu veux que j’essaie pendant qu’on parle ? Pour avancer un peu Gretel. Pour le reste il y a milles questions qu’il faudrait poser avant de commencer, mais nous n’avons pas le temps. Alors commençons par le principal. Nous avons l’appuie de deux esprits. Est-ce que tu penses que d’autres pourront se rallier à notre cause ? Je leur ferai un flan à la rose en échange.

BON. Ce n’était pas comme s’il pouvait faire autre chose hein … Il ne voyait pas du tout comment avoir un esprit de son côté. Sauf son petit bout de chou (oui il finit par le voir comme un bébé esprit) qui avait choisi de le suivre… et ça le rendait vraiment heureux. Même s’il ne le voyait pas, Asil avait décidé qu’il aimait cet être qu’il ne voyait pas.

- Tant qu’on donne pas mon esprit … Mhh… tu pourrais me dire son nom ? Je veux dire il accepte de me suivre, moi, je pourrais l’appeler autrement que « mon esprit ». Et je vois pour ton oncle, dit lui bien que j’ai les moyens. Pour un présent.

Même si la fortune n’était pas le pire chose. Il pouvait aider avec ses moyens financiers. Quand il voulait faire un présent, ce qui arrivait que rarement, il offrait des roses. Plus exactement un rosier à planter. Bran en avait un planté dans sa maison. Quels loups avaient aussi des rosiers sur leurs tombes.

- Pas question que j’offre mes roses, fit-il en vocaliser ses pensées. Je les offre qu’aux gens que j’aime.

Et il avait offert deux rosiers à Hazel.

Asil était mal avisé. Il faisait son possible à essayer de trouver un esprit qu’il ne pouvait pas voir. Il suivit le regard de la jeune femme sur son épaule et fit un sourire vers là. Il ne savait pas pourquoi, il avait envie d’aimer CET esprit. Les autres, bof, bof. Mais lui était … différent ? C’était le sien déjà. Pas qu’à lui mais c’était … il était avec lui quoi. Et la dernière présence avec lui, c’était Mariposa …

- J’ai donné naissance … C’est un peu comme mon enfant ? C’est possible ? Il écarquilla les yeux avant de faire un sourire, l’intangible était trop compliqué pour lui, je suis papa… ! Cela serait un véritable plaisir, de pouvoir l’écouter. Puis, s’il est grincheux, on pourra faire les grincheux ensemble ! Par exemple se moquer de Bran et de ses fils.

Mais pas de sa fille. Il fallait décider que la fille ne méritait pas, encore, leur commentaire de grincheux. Il essaya d’écouter… Mais Asil le savait, il était en train d’écouter comme un loup, non comme une personne liée à un esprit. Il était lié à cet esprit … Et il ne savait pas encore comment écouter … « psychique ». Il releva encore la tête, tendant l’oreille vers l’épaule qu’elle avait regardé … Non… Il ne pouvait rien déceler. Il ne savait même pas que l’esprit était là. Il observa le dessin en essayant de visualiser la rose, puis il sourit.

- J’aimerais un portrait. Pas parce que ton dessin est mauvais mais pour … visualiser ce petit bout de chou… de rose. Une jolie petite rose. Je n’aurais pas à feindre mon intérêt pour l’apprentissage. Même si je te veux comme professeur, je saurais manier les mots pour que cela semble diriger vers elle.

Il n’aimait pas Sierra. Son existence le déranger. Elle voulait éviter le conflit, mais son côté soldat avait une opinion différente. Il ferait ce qu’on demande … mais il pense réellement qu’il faudrait sauver les loups soumis à Sierra… et pour ça la pousser loin. Il sourit encore à la jeune femme. Pas de nom. Il ferma les yeux et essaya de penser à comment « ressentir ». Il essayait d’imaginer une boule de couleur pour des émotions…Mhhh… Ouais mais c’était son imagination pas l’esprit, si ?

- Dis moi si je me trompe…. Rose ? Non. Il n’aime pas. Rosa non plus… Aucune traduction du mot « rose » parce que c’est trop simple ? Ouais trop simple, vraiment simpliste. Il faut quelque chose de plus… rare. Juliet ? Non plus.

Il cherchait vraiment alors que des idées lui traversaient l’esprit mais qu’aucun nom ne pourrait aller à l’esprit de la rose. Les noms étaient ou trop simples, ou trop dur, ou ne collait pas à ce qu’il « ressentait »… Il n’en savait rien lui comment appeler des enfants. D’un coup, il pensa à la rose. Aux roses. Les multitudes de roses qui peuplent sa roseraie.

- Opalia, fit-il alors en ouvrant les yeux. C’est le nom d’une variété de rose blanche. Elle existe sans entretien, s’occupe d’elle seule et pourtant embellit toujours un intérieur. C’est d’ailleurs cette variété que j’ai mise chez toi. Parce qu’elles sont magnifiques et existent. Même quand on ne le sait pas. Elles sentent bon à la fleuraison. Est-ce que ça lui plait ? Opalia.

Retournant son visage su Hazel, il demanda la vérification alors qu’il ne pensait clairement pas pouvoir trouver mieux.

Il était papa. Bon, il l’avait déjà été. Adoptivement. Mais là, il avait un enfant. Un enfant qui était à côté de lui. C’était … effrayant. Et cool. Plus cool qu’effrayant d’ailleurs. Un esprit qui l’aimerait, un peu. Il aimait cette idée. Il leva le nez, fier d’être un vieux loup têtu. Oui. Il l’était. Et il allait réussir parce qu’il en avait très envie. Il ne se rappelait la dernière fois où il avait eu envie de pratiquer quelque chose, et pas seulement parce qu’il s’ennuyer. Il sourit à ce qu’elle expliqua sur sa famille. Bran va avoir du retard avec tout ça.

- Tu entends ça petit gars ! Tu vas avoir un vrai portrait tout beau !

Et il allait le mettre dans la roseraie. Ou pas. Dans la roseraie c’est déjà le berceau de l’être … alors peut-être valait-il mieux le mettre sur sa cheminée. C’était bien ça aussi. Au milieu de la cheminée. Bim. Cette maison appartient à Asil et à son petit bout de rose ! Il fit un nouveau sourire. Il se sentait étrange d’apporter autant d’importance à quelque chose qu’il ne voyait pas … mais c’était aussi délicat. Il se rapprochait du monde de la femme en face de lui. Pour la courtiser, connaître son monde était un plus. Il sourit d’avoir réussi à le nommer et la suivit. C’était nouveau. Cela aussi on oublie de le dire quand on parle d’immortalité. Il y a toujours une nouvelle chose à découvrir. Il suivit les indications.

Il devrait avoir peur. Il le sait. Mais non. C’était l’effet Hazel. Si Hazel pouvait le faire « attendre » une nouvelle chose, Bran le pourrait aussi. Il avait une famille capable de l’impensable … Il se plaça comme voulu et ferma les yeux en respirant doucement. Son loup n’était pas à l’aise mais Asil le calma en lui rappelant qui il y avait en face de lui. Il se calma en se plantant dans son esprit. Mais sa queue battant l’air laissait transparaître son émotion. Il n’aimait pas l’invisible. Sauf leur enfant. Une fois le loup sous contrôle, il pouvait écouter ses paroles. Il essayait. Vraiment. Il savait où était chaque rose. C’étaient ses roses. Il savait où se trouvait chaque chose.  A leur place.

Alors qu’est-ce qui ne l’était pas ? Si un être était ici, il n’était pas à sa place. Il devait bouger. Laisser un trou. Il respira doucement en essayant vraiment de ressentir, tournant la tête. Plus sur son épaule donc. Asil tourna la tête et chercha… Il avait envie de pencher la tête sur le côté mais arrêta avant.

- Il est … flou. C’est comme un nuage. Quelque part. Je le sais. Mais …

Il laissa son loup s’approcher et sentir lui aussi. Il était plus calme maintenant qu’il pouvait voir qu’il ne risquait rien… ni lui, ni Hazel. Le loup fit la même chose qu’Asil, cherchant à trouver et grognant. Il proposa plusieurs positions. Des roses. Il voyait les roses. Mais le nuage était toujours partout. Asil ne le voyait pas plus. Déjà le trouver.  

- Il est sur mon épaule ? Est-ce qu’il est … Il attend. Non ?

Son loup jappa dans son esprit alors qu’Asil donnait les mauvaises réponses pour lui. Asil n’était pas d’accord.

- Mon loup pense qu’il est concentré.

Ouais … Quelqu’un qui attends en se concentrant, on appelle ça quelqu’un d’attentif hein les gars… Asil ouvrit les yeux.

- On a bon ?

A peine cette phrase avait-il franchi ses lèvres qu’un grondement purement métabolique se fit entendre. Asil reporta son attention sur son ventre. C’était l’heure de manger. Le loup avait faim. Il fit un sourire à Hazel en demandant s’il pouvait se lever « comme ça ». Au cas où il fallait faire quelque chose en particulier. Une fois debout, il rejoint l’intérieur de la maison et invita Hazel à prendre son violon, qu’il avait réparer pendant son ennuie et fit à manger. Un flan à la rose. C’était le dessert mais il le commença d’une main experte avant de se mettre à faire le repas parfait. Après une petite demi-heure, parce qu’il fallait bien le temps pour faire à manger, il prit des assiettes qu’il mit sur la table. Il avait mis un rosier entre eux alors qu’il allait chercher le plat. Quand on était un loup, un plat était suffisant pour tout le monde. Il suffisait juste d’en faire de grosse quantité. Même s’il n’invitait personne, Asil avait de quoi faire pour un régiment.

- Poulet à la vanille, accompagné de lentilles et des Alokos et un flan à la rose en dessert.

Il était assez content. Ce plat … Bon. Pour tout avouer il ne l’avait jamais cuisiné. Il l’avait juste vue faire… Mais l’odeur était cohérente avec ce qu’il sentait, il prit l’assiette de la jeune femme et lui servit une grosse assiette. Il se sentait presque triste de ne pas pouvoir nourrir aussi Opalia. C’était peut-être, aussi, pour ça que les loups avaient du mal avec l’intangible. Ils ne savaient pas du tout comment s’en occuper.

- buen apetito

- Comment on remercie un esprit ? Je l’aurais bien nourri, avoue-t-il, mais il ne peut pas se nourrir.

Sinon, son esprit serait une rose avec pleiiiin de pétales tellement qu’il le nourrirait … et nourrir une rose de rose, est-ce que ça ne serait pas du cannibalisme ? Mhhh… il avait encore beaucoup de questions à se poser sur cet être. Il finit de macher son poulet avec un bonheur qu’il ne cacha pas. Observant la jeune femme quand elle posa une question. Il sourit.

- Tu accepterais un rencard officieux ? demanda Asil avec lenteur.

Mais il avoue que c’était l’envie de faire plaisir. De rajouter un peu de douceur dans leur repas. De le rendre moins « repas de travail » et plus « repas ensemble ». Mais comme il l’avait fait remarquer à Bran, il fallait d’abord que la jeune femme ait envie de se faire courtiser avant quoi que ce soit. Il rit.

- Il y a plein de chose que je ne sais pas faire, mais j’ai eu des années pour me perfectionner dans toutes les choses utiles. Faire un feu, survivre dans la rue, faire une cabane et faire à manger.

Manger, trouver de l’eau, trouver où dormir. Des activités de survie. Il lui fallait survivre. Il était aussi vieux, et il s’ennuyait beaucoup. Il réfléchit en s’enfonça à peine dans sa chaise. Il y avait eu plusieurs activités qu’il ne savait pas faire et dont il avait abandonné l’activité.

- Tout ce qui demande de la minutie. Je ne sais pas réparer une horloge par exemple, sauf si les engrenages sont gros. Dès qu’il s’agit de minuties, de petites choses, je suis incapable d’y arriver. Un peu comme les … Attends.

Il sortit de table et revient avec des petites perles. C’était des perles que l’on mettait sur une blanche avec des pics et qu’il fallait ensuite mettre au fer à repasser. Il lui tendit simplement avec un papier d’explication qui était avec le kit.

- Chaque fois que j’arrivais à mettre une de ses perles de l’enfer, tout finissait par terre … Et franchement, je n’ai rien trouvé de plus énervant que ce machin. Je suis incapable d’en mettre trois sans que tout le reste se fasse la malle.

Il n’avait pas d’exemple à lui montrer … parce qu’il n’avait simplement pas eu le courage et la persévérance pour aller jusqu’au bout. C’était le genre de chose qui, au lieu de faire passer le temps au loup et le canaliser, l’avait simplement agacé prodigieusement.

Ces machins de l'enfer: