Ariel disparait soudainement et je commence à paniquer quand je remarque qu'en fait, elle s'est juste assise. Je pousse un soupir de soulagement, puis je me rappelle tout ce que je viens de dire, et merde, mais en fait, je me sens stressée - de ouf bien sûr - mais bien. Genre, en fait, ça fait vraiment du bien de parler. Je suis la première étonnée, alors que je le dis tout le temps que la clef de tout c'est la co-mmu-ni-ca-tion, genre on le voit bien dans tous les livres, tous les films et toutes les histoires en fait. Il faut parler et ça règle tout, mais jusque là, je ne pensais pas que c'était si vrai.

C'est donc légèrement tendue, mais aussi un peu soulagée, que j'attends la réponse d'Ariel. Sauf que cette réponse ne vient pas. Ariel est assise, presque par terre, franchement, elle a pas l'air confortable. Et elle sue ? Mais non, ça c'est mon prénom normalement, pourquoi elle est dans cet état-là ? Je commence à réellement m'inquiéter, surtout quand elle commence à faire des bruits bizarres avec sa bouche. AH ELLE RESPIRE ? C'est ça qui fait ce bruit ? Oh la merde, on est vraiment pas bien loti là.

Devant moi, trois choix, j'appelle les pompiers (pif), je hurle à l'aide dans le magasin - une boutique qui fait des muffins au chocolat absolument divins ! - (paf) ou je m'accroupi auprès d'elle pour tenter de la calmer (pouf).

Je prends mon courage à deux mains et me mets à croupie dans la rue, face à ma meilleure amie, la personne la importante de ma vie et commence à parler.

- Respire ok ? Avec moi, inspire.

Je prends une grande inspiration.

- Expire

Je relâche tout l'air de mes poumons, en exagérant le trait bien sûr, mais j'ai lu que c'était ce qu'il fallait faire dans ce genre de cas.

- Je suis là, ok, je suis juste là. Et toi t'es là aussi. Tu veux bien compter avec moi ?

J'essaie de ne pas trop parler, parce que là elle a besoin de calme, enfin je crois ? Je me trompe peut être, mais je ne suis pas le centre là, c'est elle qui est en train de crever. Merde. Est-elle réellement en train de mourir ? Est-ce que genre j'ai fait la pire connerie de l'univers ? Mon coeur se met à tambouriner dans ma poitrine et je commence à avoir peur. Je vais la voir partir sous mes yeux ? Peut être est-ce autant pour moi que pour elle, mais je me mets à compter - même si je déteste les maths, au moins il faut avouer que ça détourne l'esprit.

Arrivée à 10, je fais une pause. Je crois qu'elle respire un peu mieux.

- Encore, on recommence, mais cette fois-ci, que les nombres paires et surtout, continue de respirer ok ?

J'ai les larmes aux yeux, j'ai le coeur en feu, j'ai les mains archi moites, mais j'y retourne. Deux, quatre, six.

- Ariel, meurs pas, s'teupl, je peux pas vivre sans toi.

Merde, je crois que je pleure en disant ça. Est-ce que j'ai tout gâché ?

J'essaie de respirer avec Sue, elle est... incroyable ? Je suis là à paniquer, au bord de l'apoplexie (oui, je connais des mots savants, euh ça veut dire quoi exactement ? j'ai pas vraiment le temps de vérifier, là), et elle me sort que je dois compter les chiffres pairs, les chiffres impairs. Tu sais quoi, si j'étais pas en train de mourir, je lui ferais remarquer que C'EST DES MATHS CA, SUE !!! N'empêche que, comme je disais, elle est incroyable, parce que ça, c'est une technique hyper importante pour calmer les crises d'angoisses, dont Micheline m'avait parlé. Comment elle sait ça, Sue ?

J'essaie de l'écouter et de l'imiter, mais je vois bien que moi, je fais un bruit surprenant, entre le ballon de baudruche percé et la ventouse des WC. Et franchement, le bruit de ma crise de panique me fait... paniquer ?

J'essaie de me calmer quand même, promis, mais en face de moi il y a Sue qui pleure, elle est toute rouge et décoiffée, ohlala, et si on mourrait toutes les deux ? Je suis juste en train de penser ça, et de me dire qu'en fait, si moi je meurs ça va, mais que Sue meure ça non, il n'en est pas question, quand elle me dit :

- Ariel, meurs pas, s'teupl, je peux pas vivre sans toi.

Je respire déjà moyen mais là je me mets à pleurer... par le nez ? Enfin, ça sort plus ou moins, par où je ne sais pas, c'est dégoûtant mon dieu je pense qu'elle va devoir reculer de trois mètres tellement je suis repoussante, mais surtout, le saviez-vous ? Quand on a du liquide qui sort par tous les trous, il est encore plus compliqué de respirer. JE FAIS DES BULLES.

J'attrape mon téléphone dans ma poche, et je le colle dans la main de Sue. J'espère qu'elle saura quoi en faire.



Je me réveille dans mon lit, moelleux et chaud. J'ai de la morve collée sur la joue, et j'ai atrocement soif. Les rideaux sont tirés mais il fait jour dehors. Tout est calme. Délicieusement calme. L'air entre dans mes poumons et en ressort, presque sans bruit, doucement, sans douleur. Je me redresse.

Un verre d'eau est posé sur ma table de nuit, je l'avale en deux énormes gorgées (et j'en renverse la moitié, bien sûr). Je crois qu'on est demain. Enfin, par rapport à hier, quoi.

Hier, quand Sue a appelé ma mère en panique. OH MON DIEU. Je viens seulement de réaliser. On a séché ! Ma mère a dû venir me chercher en ville, alors qu'on avait séché ! Je vais me faire TUER !!! Ohlàlà, j'espère que Sue n'a pas eu d'ennuis.

Donc, ma mère est arrivée, Sue pleurait, je pleurais, ma mère pleurait, on a pleuré. Elles respiraient, moi pas trop. Alors ma mère m'a emmenée aux urgences, et Sue... ben, je sais pas ? Je me souviens qu'elle était dans la voiture avec nous, mais après ? Après franchement c'est flou. Je crois qu'ils m'ont donné des calmants ? Je me mords l'intérieur de la joue. J'ai fait n'importe quoi, je crois ? Oui, je suis plutôt quelqu'un d'angoissé, mais normalement je gère. Avec Micheline, on était même tombées d'accord pour dire que j'avais pas du tout besoin de traitement. Il s'est passé quoi ?

Je me mets debout doucement, et constate que je tiens bien sur mes deux jambes - chouette, je suis en forme pour la plus belle session de remontrances de ma vie ! Trop hâte de me faire punir. Je vais sans doute être privée de sortie, et avec un peu de chance, à la place, j'irais voir Micheline. Je l'aime beaucoup, hein, mais je suis pas sûre qu'elle soit enthousiaste à l'idée de remplacer Sue au titre de meilleure amie. Ouais, parce que, pas sûre que j'aie le droit de voir Sue, vu qu'on a fait cette bêtise ensemble... et si elle est punie, elle aussi ? Bon, en tout cas, là... il va falloir qu'on parle, affiche de Spiderman ou pas (on est même pas arrivées jusqu'au cinéma, dommage). Clairement, c'est fini, de se cacher des trucs. Elle a tout vu, y compris des fluides étranges sortant de mon nez et mes yeux.

J'enfile mes chaussons, et je m'apprête à sortir de la chambre, quand j'entends...

PIF

Toquer à la porte de ma chambre.

PAF

Sonner à la porte de la maison.

POUF

Sonner le téléphone.