À son premier appel, Jacob n’avait pas décroché. Il était au travail. L’excuse était donc toute trouvée. En réalité, il ne savait pas comment la jeune femme allait réagir après son aveu de la veille. Il savait qu’elle n’avait pas apprécié qu’il parle d’elle à ses proches. Alors qu’il pensait avoir bien fait de se montrer sincère auprès des gens qu’il aimait, la réaction de Victoria l’avait fait finalement douté. Toutefois, le soir venu, il accepta l’appel et se mit à sourire en la voyant de l’autre côté de son écran. Il lui demanda comment elle allait, sans même lui laisser le temps de répondre, et enchaina aussitôt, s’excusant une nouvelle fois pour son impair. Le lieutenant ne voulait pas qu’elle lui en veuille, et il ignora ses mots, poursuivant et se mit à sourire « Je plaisante. Je ne leur ai pas tout dévoilé ». Non, il n’avait pas expliqué la manière dont elle avait réagi lorsqu’il avait tenté de la ramener chez elle. Ils ignoraient également tout de la fausse-couche. Jacob pencha la tête sur le côté alors qu’il sentit qu’elle se moquait de lui « Pour être sincère, pas beaucoup », et se rendit compte à l’odeur qu’il était en train de rater son plat. Il se retourna donc hâtivement pour remuer, tout en tendant l’oreille en direction de Victoria qui rouspéta de poursuivre cette conversation avec son dos. Il se mit à sourire, et récupéra le téléphone pour lui montrer ce qu’il préparait, puis la cala dans un coin « Je prépare une ratatouille » et releva son regard sur la jeune femme « Très drôle ! Ce n’est pas brûlé » et surveilla son plat avant de marmonner « Enfin pas totalement ».

Il remua, jusqu’à ce que Victoria reprenne la parole en lui avouant qu’elle ne lui en voulait pas « Je n’ai jamais voulu te blesser » avoua-t-il avec sincérité avant d’être touché par les mots qui suivirent, et lui rendit son sourire tendre « Je le sais ça » avant de lui adresser un clin d’œil, remua ses légumes et ajouta « Moi aussi, même si tu es un peu cinglée » et se mit à rire de bon cœur, puis ajouta « J’ai eu mon premier mort en décomposition dans une baignoire remplie d’eau. J’ai… » et grimaça « J’ai vomi mon petit-déjeuner ». C’était dans ces moments-là qu’il se demandait pourquoi il n’était plus chirurgien. Il se servit une assiette, déposa la poêle dans l’évier, et récupéra son portable, se rendant jusqu’à la table basse « Et toi ? Raconte-moi cette ascension ! » répliqua-t-il avec un enthousiasme certain.

« -et tu trouves ça drôle ? » demanda Vic alors qu’il tentait de la faire marcher, et que ça fonctionnait plutôt bien. La jeune femme avait prit du recule sur tout ça et elle n’en voulait pas à Jacob. Elle imaginait que sa famille avait sans doute posé des questions, et qu’il avait tout simplement répondu. Après tout, maintenant, Jacob connaissait ses parents alors, il était presque logique que de son côté, ses proches avaient voulu en savoir plus. Surtout si sa famille était aussi protectrice que celle de Victoria. « -t’es sérieux ? » demanda la jolie brune quand il avoua ne pas avoir beaucoup dormi. « -ok… alors tu vas apprendre que je ne suis pas quelqu’un de rancunier. J’ai été surprise que tu parles de moi à ta famille, que tu donnes quelques détails, mais de la à faire la gueule pendant trois jours. Non, je ne fonctionne pas comme ça. » ils étaient rapidement devenu amis, sans vraiment se connaitre. Il y avait des ajustements à faire. Rien d’insurmontable.

Elle regarda ce qui se trouvait dans la casserole et grimaça : « -ça a l’air bien cramé. » et c’était sa faute. Elle avait appelé alors qu’il était en train de faire la cuisine. « -ba si un peu quand même. » renchérit la jeune femme alors qu’il affirmait que non, le diner n’était pas immangeable. Vic revint sur le fait qu’elle ne lui en voulait pas, histoire qu’il se le cale bien en tête. « -j’assume t’inquiète. » s’amusa-t-elle ensuite, avec un sourire doux sur les lèvres. « -oh sérieux ? » grimaça la jeune femme avec dégout. « -et tu me parles de ça alors que tu vas manger ? » elle évita d’imaginer quoi que se soit. « -je sais pas comment tu fais… » souffla la jeune femme. Il avait vraiment un métier particulier. Il fallait avoir le cœur bien accroché. De la passion aussi peut-être un peu pour encaisser tout ça. Vic réprima un bâillement, portant sa main devant sa bouche. « -pardon… » souffla la jeune femme avant de se frotter les yeux. Elle n’aurait peut-être pas dû s’allonger de tout son long dans son lit. La fatigue de la journée était bien présente.

« -franchement c’était super. J’ai fait ça à mon rythme parce que c’était pas évident. Mais je suis assez fière de ne pas avoir abandonné en chemin. Je suis arrivée en haut à bout de souffle mais ça valait vraiment le coup. Tu as vu les photos ? » oui, forcement il les avait vu : « -c’était beau… C’était puissant même je dirais. J’avais la sensation d’être toute seule là-haut, et en même temps… d’être plus proche de lui. » il savait parfaitement de qui elle parlait. « -je te cache pas que j’ai pleuré… mais ça m’a fait du bien. C’est un peu comme si je m’étais prouvée que je pouvais être encore vivante… » oui, d’accord, elle était peut-être bien un peu cinglé.

Jacob haussa les épaules, sans se départir de son sourire, et rétorqua un « Oui, un peu ». En réalité, il était surtout inquiet que la jeune femme lui en veuille d’avoir parlé d’elle à sa famille. Seulement, ils s’étaient tous montrés curieux sur cette femme à qui il rendait régulièrement visite, et cacher la vérité n’aurait fait qu’attiser davantage leur curiosité, et le cas échéant, les ragots. Il finit toutefois par avouer que sa nuit avait été courte, se préoccupant réellement de la réaction de Victoria lorsqu’elle aurait gambergé sur tout cela durant la journée. Il fixa son écran alors que la jolie brune prit le temps de le rassurer sur le fait qu’elle n’était pas rancunière, et qu’elle ne lui en voudrait pas des jours durant d’avoir été sincère auprès de sa famille. Il hocha finalement de la tête « D’accord… » et se mit à esquisser un sourire timide « C’est une amitié récente, j’ai encore besoin de temps pour faire quelques ajustements ». En d’autres termes, pour apprendre à la connaître. Mais les paroles de Victoria le rassura. Il plaça ensuite le téléphone à ses côtés à la demande de cette dernière, et jeta un regard à sa poêle « Mais non… ». Bon, il n’était pas particulièrement convaincu, et ajouta « Lorsque je te ferais à dîner à ton retour, je serais plus vigilent sur la cuisson. Pour ce soir, ça ira parfaitement » répliqua-t-il avec aplomb, avant de sourire à la jeune femme. En réalité, Jacob n’avait pas envie de recommencer toute la préparation de sa ratatouille, et il allait donc se satisfaire de son plat pour ce soir.

« Vaut mieux dans ton cas ! » renchérit-il alors qu’ils venaient de s’avouer qu’ils s’aimaient. Un amour entre deux amis. Une amitié sincère et sans ambigüité ou sous-entendu. Une amitié construite sur la sincérité et la franchise. Puis le sujet dévia quand elle lui demanda comment s’était déroulée sa journée, et évoqua donc le corps en décomposition de ce matin « Et alors ? Il ne mange pas avec moi ce soir » et porta sa cuillère en bois jusqu’à ses lèvres pour s’assurer que c’était bon et se servit une assiette, emmenant la jeune femme avec lui sur la table basse « Pour manger ou faire ce métier ? ». Un sourire tendre étira les lèvres du lieutenant alors qu’il porta sa fourchette à ses lèvres « Ne t’excuse pas ». Victoria avait le droit d’être fatiguée, de vouloir rejoindre les bras de Morphée. Mais avant cela, Jacob voulait en savoir davantage sur son ascension. C’était avec une certaine fierté pour la jeune femme qu’il écouta son récit « Oui, oui » confirma-t-il la bouche pleine, et hocha lentement de la tête « Pleurer fait du bien ». Cela libéré le corps et l’esprit. « Je suis content que tu l’ais fait et que ça t’ais fait du bien » répliqua-t-il tout en continuant de manger « Ce n’est pas si brûlé que ça », et ajouta « Quel est ton programme pour demain ? ».

« -rassures toi, tu n’es pas le seul… » souligna Victoria. Ils allaient apprendre peu à peu à savoir comment l’autre fonctionnait. Maintenant, Jacob était au courant qu’elle n’avait pas la rancune tenace. Loin de là même, surtout avec les gens qu’elle aimait. Vic pardonnait vite. Surtout pour si peu. Oui, d’accord sur le coup, elle l’avait mal prit. Mais à quoi servirait il de faire la gueule ? ça ne changerait rien. De plus, elle comprenait, maintenant qu’elle avait prit un peu de recul, qu’il avait seulement voulu expliquer à ses proches qui était cette femme qui débarquait dans sa vie. Quand elle voyait comment sa propre mère était capable de se faire des films rapidement, elle imaginait sans mal que du côté de Jacob, les choses pouvait tourner de la même façon. Ils n’en avaient pas envie tout les deux. Ils ne s’étaient pas rapproché pour ça. A cause de ça. Même s’il avait un tas de qualité, sans compter qu’il était bel homme, Vic n’était pas du tout prête à ouvrir son cœur à un nouvel amour. Même si Roberto avait disparu depuis des mois, elle ne portait le deuil que depuis peu. Il en était de même pour Jacob, qui en plus avait son divorce sur les bras, ainsi que son ex-femme.

Par sa faute, Jacob allait mangé un plat avec un gout de brûlé. Cela ne semblait pas le chagriner. « -oh parce que tu comptes me faire à diner ? » demanda Vic d’un ton taquin. Elle qui pensait qu’ils en resteraient à une pizza. Mais cela lui allait parfaitement, même si elle n’était pas capable de fixer une date pour le moment. Elle lui avoua l’aimer. Ce n’était pas rien. Il comptait vraiment pour elle. Et elle fut heureuse d’entendre que cela était réciproque. La vie leur avait fait du mal, mais au milieu de tout ce chagrin, ils étaient parvenus à trouver une belle amitié. Ce n’était pas rien. « -oui je sais mais bon… » c’était tout de même peu ragoutant. « -pour faire ton métier gros malin ! » renchérit-elle avant d’ajouter : « -manger, je sais déjà que tu as du mal sans t’en mettre de partout. » elle attendait de voir s’il allait s’en sortir ce soir. « -je veux pas que tu crois que c’est ta conversation qui m’ennuis. Je suis seulement bien fatiguée. » mais elle n’avait pas la moindre envie de raccrocher.

Ensuite, elle lui raconta son ascension et le bien que cela lui avait fait. Elle sourit avec douceur en écoutant sa réponse. « -je suis assez fière également. » elle ne pensait pas être capable d’aller jusqu’au bout, surtout toute seule. Mais finalement, elle l’avait fait. Et ne regrettait pas d’avoir repoussée ses limites. « -tant mieux si c’est mangeable. » sourit Vic. « -pour le moment rien de spéciale, ça va dépendre de l’heure à laquelle je me lève. » elle n’avait pas de planning serré, ni d’horaire à respecter. Elle se laissait porter. « -et toi ? Tu bosses durant le weekend ? » elle ne savait pas comment était organiser son job. Peut-être que ce n’était pas le cas et qu’il avait prévu des choses. « -j’ai envie d’essayer le surf… » déclara la jeune femme un brun rêveuse. « -enfin faut que je trouve un prof histoire d’avoir quelques bases. » sinon, ça allait être la catastrophe.

Un tendre sourire vint étirer les lèvres du lieutenant alors qu’il ne quittait pas l’écran de son portable du regard. Oui, leur amitié était récente, et ils en étaient encore à leur balbutiement, et cela, même si l’affection qu’ils éprouvaient l’un pour l’autre était déjà bien présente. Victoria comptait d’ores et déjà beaucoup pour le trentenaire, et il tenait à sa présence dans sa vie. Bien évidemment, cela avait quelque peu attisé la curiosité de ses proches qui s’étaient mis à imaginer une relation amoureuse utopique et impossible. Elle était belle, intelligente, avec un caractère de feu… Elle pourrait rendre tout homme heureux, mais ce n’était pas ce que recherchait Jacob aujourd’hui, et ils étaient sur la même longueur d’ondes tous les deux. Ils affrontaient actuellement le deuil d’un être aimé, et de surcroît, il venait de mettre fin à dix ans de mariage, et bien plus d’union. Il ne voulait pas rencontrer à nouveau une femme. Il appréciait la relation qu’il avait avec Victoria, sans ambigüité, sans sous-entendu. Aucun geste était mal interprété. Ils pouvaient être entiers et sincères l’un envers l’autre sans craindre que leurs sentiments changent, et c’était tout ce qui fallait à Jacob aujourd’hui. Il voulait poursuivre avec cette légèreté entre eux, comme lorsqu’il lui assura qu’il ne brûlerait pas le dîner qu’il lui ferait à son retour « Oui, tu as peur ? » demanda-t-il faussement inquisiteur, avant de rire « On ne dirait pas ainsi, mais je suis plutôt doué en cuisine ». Victoria n’était pas obligée de le croire. Après tout, elle le voyait à l’œuvre et il venait de faire brûler son dîner.

Un petit rire résonna dans le salon « Je me pose actuellement la question » finit-il par avouer avec un plus sérieux « J’envisage depuis quelques temps à quitter la police et à redevenir chirurgien… J’aurais sûrement besoin de me requalifier » et haussa les épaules. Il y réfléchissait encore. Il finit par pencher la tête sur le côté « Eh ! Je sais me tenir » et finit par lui montrer la serviette de table qu’il avait posé sur ses genoux. Lui-même ne se faisait pas confiance en matière d’alimentation. Puis elle s’excusa de bailler et ajouta « Tu peux raccrocher et dormir si tu le souhaites » souffla-t-il avec un sourire doux sur les lèvres. Il l’écouta ensuite évoquer son ascension. Jacob était fier d’elle, fier de ce qu’elle avait accompli avec le poids du deuil sur les épaules « C’est le plus important ». Il fallait avant tout être fier de soi. Les gens avaient toujours une opinion sur tout, et elle était rarement optimiste. Alors que la seule personne à même de juger ses actes, c’était soi-même. « Hum… hum… Tu es du genre grasse matinée ? » répliqua-t-il avec taquinerie. « Non, pas cette semaine, je vais pouvoir dormir aussi ». Même si généralement, il était levé aux aurores. Il continua de poursuivre son repas tout en écoutant la jolie brune « Le surf ? Intéressant » et ajouta « J’aurais pu t’aider, mais je suis un peu loin » et ajouta « Tu sens plus apaisée ? ».

« -horriblement ! » s’amusa Vic en riant. Dieu qu’elle les aimait ces rires. Elle avait cette sensation qu’ils balayaient son chagrin. Comme un grand coup de vent frais. Ce petit vent qu’elle adorait le matin, assise sur la marche devant la maison, en buvant son café. « -je t’ai pas jugé et je n’ai jamais douté de tes capacités en cuisine. » s’amusa à nouveau la jeune femme. Il semblait avoir besoin de se justifier. « -j’éviterais seulement de les venter à ma mère. » avait elle ajouté avec un sourire tendre aux lèvres. Elle ne pensait pas avoir mis le doigt sur un sujet important. « -oh c’est vrai ? » elle avait plu ou moins comprit que Jacob en avait marre de son job. Enfin pas du job en soit, mais de la façon de le faire. Des contraintes et des obstacles. Peu à peu, il ne trouvait plus son utilité. Ça pesait sur son moral. Mais de là à ce qu’il envisage de revenir à la médecine. « -ah oui ? » elle avait la sensation de tomber des nues. Elle s’en voulu soudainement d’avoir été si auto centré. « -pourquoi tu veux revenir en arrière exactement ? » demanda la jeune femme pour y voir plus claire. « -si tu veux pas en parler ce soir tu le dis. » elle ne voulait pas le forcer. Mais c’était lui qui avait abordé le sujet donc bon…

Elle rit de nouveau en voyant la serviette sur ses genoux. « -c’est pas genoux que tu as tâché la dernière fois je te signale. » elle aimait le taquiner. Malgré le vidéo, le conversation, Vic était fatiguée. « -je n’ai pas envie de raccrocher. » avait elle avoué sans le quitter des yeux. Non, pace qu’elle aimait trop ces moments rien que tous les deux. Elle lui expliqua sa journée, sa fierté. Puis elle évoqua son planning du lendemain. Rien de précis. « -pas du tout ! » s’amusa la jeune femme. « -ça fait des années que je n’ai pas dormi au-delà de 7h du mat. Mais… je crois que j’ai cumulé beaucoup de retard de sommeil. Mon corps en a besoin je pense… » il fallait être réaliste. Elle avait dangereusement tiré sur la corde depuis trop longtemps. Alors ce voyage, c’était un peu de vacances. Elle faisait comme elle voulait. « -je ne t’imagine pas non plus gros dormeur… mais peut-être que je me trompe… » elle parla de son idée d’apprendre à faire du surf. « -tu sais surfer ? » elle plissa les yeux comme si elle doutait vraiment de l’information. « -alors celle-là, je l’avais pas vu venir. » c’était la vérité. Peut-être un peu blessante d’ailleurs. « -le prends pas mal, je voulais pas… » elle ferma les yeux. « -je t’imaginais pas surfeur. » vraiment pas. Peut-être parce qu’il était flic, marié, et… non vraiment… « -hum… oui… oui je crois… » il y avait encore bien du chemin à faire… mais aujourd’hui, elle avait la sensation d’avoir fait un pas en avant. Ils avaient passé encore deux bonnes heures au téléphone, avant que Vic ne s’endorme, sans s’en rendre compte, épuisée par sa journée.

La couvant du regard avec tendresse, Jacob apprécia de l’entendre rire. Cela signifiait qu’elle se sentait mieux malgré les évènements de ces derniers mois. Elle parvenait à rire de nouveau, à sourire. Ce n’était peut-être rien pour beaucoup, mais pour lui, cela signifiait beaucoup « Je prends note ! » répliqua-t-il donc faussement vexé avant de froncer les sourcils, contrastant avec son sourire en coin « Pourquoi ça ? » et revint sur sa remarque précédente « Tu l’as fait dans ta tête, je t’ai entendu » rétorqua-t-il tout en tapotant sa tempe du doigt, et reprit son couvert en main. La bouche pleine, Jacob ne fit qu’acquiescer de la tête à sa première question concernant son souhait de changer de carrière à nouveau, l’avala et poursuivit et haussa les épaules, prit une gorgée de son verre d’eau et se décida à répondre « Oui, si tu n’es pas trop fatiguée » et ajouta « Parce que j’ai la sensation de ne côtoyer que la… » hésita un instant et souffla « La mort au quotidien. Quand j’interviens, il n’y a plus d’espoir ». Le lieutenant se sentait presque inutile aujourd’hui, esclave de la politique en place, du manque de moyen, de la recrudescence de la criminalité « Au moins, quand j’étais chirurgien, je sauvais des vies. J’avais la sensation d’être utile à la société et… » il poussa un soupir « Tu as raison, je n’ai pas vraiment envie d’en parler ce soir ». Victoria était fatigué, et lui aussi en cette fin de semaine. Il réfléchissait, tout simplement. Cela n’engagerait à rien. Peut-être que dans un mois, il ne voudrait plus être chirurgien et qu’il poursuivrait dans sa carrière de flic.

Un regard pour la serviette qu’il venait de lui montrer, et leva son index pour la faire patienter, s’éloignant quelques secondes pour revenir avec une serviette autour du cou cette fois-ci « Je suis parais pour le dîner » et lui adressa un clin d’œil et un sourire, avant de se saisir de sa fourchette pour poursuivre son dîner, puis acquiesça « Moi non plus ». Il appréciait ces conversations en visio, d’échanger avec elle sur leur journée respective. Jacob se mit à rire face à son aplomb « Ça te fera le plus grand bien, je pense ». Il en était même certain. « Je ne le suis pas non plus ». Il avait perdu l’habitude de dormir au-delà de sept ou huit heures depuis l’internat de médecine, et il ne le regrettait pas. Cela lui permettait de profiter pleinement de son week-end. Il se mit à sourire alors que Victoria semblait soudainement surprise d’apprendre qu’il savait surfer, et répliqua un « Bien sûr » tout en plissant les yeux avec elle, et hocha de la tête en constatant que la jolie brune avait soudainement besoin d’une pelle pour creuser son trou, et finit par avouer « Non, je ne sais pas surfer ! Mais je sais nager ! » comme si c’était information était pertinente. Il posa ses couverts dans son assiette vide, retira ses serviettes et sourit à Victoria « Je suis content de l’apprendre ». Ils continuèrent de discuter encore deux longues heures, et la jeune femme finit par rejoindre les bras de Morphée devant lui, ce qui le fit sourire. Il posa le téléphone sur l’oreiller sans raccrocher, et continua de lui parler d’une voix douce, presque inaudible, et finit par s’endormir également. Au petit matin, il ouvrit les yeux en premier et remarqua que la jeune femme lui faisait toujours face « Bonjour toi » murmura-t-il avant de se frotter les yeux « Tu as bien dormi ? ».

« -pourquoi ça ?! » s’amusa Victoria en reprenant les mots de Jacob. « -hé bien parce que ses yeux tu es déjà l’homme parfait alors si j’ajoute à la liste que tu sais cuisiner, elle n’a pas finit de me rabattre les oreilles avec ses idées. » elle sourit : « -ma mère respecte le fait que j’ai besoin de temps, mais je crois qu’elle veut aussi que j’avance. » elle leva les yeux au ciel. « -elle n’est pas insistante, mais je comprends parfaitement ses sous-entendu. Enfin c’est ma mère quoi… » soupira la jeune femme. « -quoi ?! Mais pas du tout ! » s’offusqua faussement Victoria. « -la prochaine fois qu’on s’appelle, fait un effort et je te croirais ! » le charia la jeune femme.

Ils en vinrent à parlé du travail de Jacob. Vic baissa les yeux en l’écoutant, lisant la couverture devant elle. « -je comprends que ça soit pesant. Mais tu pourrais peut-être changer de branche en restant lieutenant non ? » elle sourit : « -je n’y connais pas grand-chose… » avoua la jeune femme. « -à l’hôpital aussi la mort est présente… » souffla-t-elle. Si c’était ça dont il ne voulait plus, pas certain que retourner à la médecine soit une bonne solution. « -pas de souci. » elle n’était pas certaine de vouloir s’étendre sur le sujet non plus. Pas ce soir. Une autre fois. Elle était disposée à l’aider à y voir plus claire. Mais là tout de suite, elle n’avait pas envie de parler de ça. Enfin de leur rapport à la mort.

« -oh ba t’es beau comme ça ! » s’amusa la jeune femme en le voyant avec sa serviette autour du cou. Ils étaient en phase. Pas envie de stopper cette conversation. « -je pense oui… » souffla Vic avant de lui souhaiter un bon appétit. « -oui, moi aussi. Tu comptais m’aider pour quoi du coup ? » demanda Vic curieuse. Ils discutèrent de tout, de rien et ce jusqu’à ce que Victoria s’endorme comme un bébé. Elle ouvrit les yeux avec difficulté au petit matin. « -salut… » souffla la jeune femme. « -t’as pas… t’as pas raccroché ? » elle sourit : « -oui j’ai bien dormi, mais j’ai des courbatures… » elle grimaça en s’étirant. « -tu m’as déplacé dans ton lit ? » s’amusa la jeune femme. « -j’ai pas ronflé au moins ? » techniquement elle ne ronflait pas, mais bon. Elle s’étira, mais resta allongée tout de même, n’ayant pas la moindre envie de se lever tout de suite. « -si tu te lèves, je veux bien un café… » un sourire doux accompagna cela.

La tête de Jacob se pencha légèrement en entendant la jolie brune répéter mot pour mot ses paroles, donnant l’effet d’un écho au travers du téléphone. Ça le faisait sourire lorsqu’elle se moquait de lui ainsi « Tu attises ma curiosité ». Est-ce que la mère de Victoria craignait qu’il cuisine trop bien et qu’elle délaisse ses plats cuisinés avec amour pour les siens ?! Si tel était le cas, elle pouvait être rassurée, les plats mijotés par les mamans étaient toujours meilleurs. Lorsque Victoria lui confia les raisons de ce secret qu’elle voulait garder sur ses talents culinaires, Jacob resta interdit. Jamais il n’aurait envisagé une telle raison de garder le silence. Le lieutenant se mit à rougir, son coude sur son genou et son menton posé dans sa main, ses doigts renfermés sur ses lèvres, il ne savait pas comment réagir, en dehors de se sentir soudainement bien mal à l’aise de paraître si parfait aux yeux de la mère de la jolie brune. Il redressa la tête dans un petit rire nerveux « Je… Je ne savais pas qu’elle me voyait ainsi… Je veux dire, je suis loin d’être parfait ». Sinon il serait toujours marié et vivrait le parfait amour avec Sharon encore aujourd’hui. « Je vais sûrement briser le cœur de ta maman, parce que je t’aime, mais pas de cette manière Vic’ » répliqua-t-il avec un sourire amusé sur les lèvres, en sachant pertinemment que c’était réciproque « C’est pour cela que j’ai dû parler de toi aussi à ma famille. Eva imagine déjà un mariage en grande ponte » renchérit-il avec un petit rire « Nos familles sont dingues ! ». Il ne s’offusquait donc pas de la tentative vaine de sa mère de vouloir les lier. Il avait grandi avec la même mère. Elles voulaient seulement voir leur enfant heureux en amour. C’était légitime. Toutefois, Jacob ne souhaitait rencontrer personne. Son cœur était bien trop douloureux pour accueillir qui que ce soit qui en soit pas une amie. « Oooooh ! Tu ne sais pas mentir ! » répliqua-t-il ensuite concernant sa cuisine « Tu me lances un défi ? Très bien. Mission acceptée ! Tu seras subjuguée que tu voudras que je te cuisine la même chose à ton retour ! » tout en pointant son index à l’attention de son écran de téléphone posé à proximité.

Un nouvel haussement d’épaule suivit la proposition de Victoria alors qu’ils évoquèrent son travail « Oui, oui. Je pourrais. La brigade des stups est à la recherche d’un nouveau lieutenant. Après tout, je suis divorcé, personne ne m’attends le soir » et émit un petit rire nerveux. Plus besoin de se justifier sur ses absences de plusieurs semaines ou de plusieurs mois. Il n’avait pas de femme qui l’attendait le soir, pas même un chat ou un poisson rouge. Alors qu’est-ce qui l’en empêchait ? Il fixa un instant son téléphone et finit par hocher lentement de la tête « Je sais, mais c’est différent… ». Ce n’était pas une prostituée tuée par qu’elle n’avait pas dit « oui » à son client, ce n’était pas un nouveau-né dans un sac poubelle, ou encore le corps d’un voisin en décomposition depuis deux semaines et dont l’odeur a alerté le reste de l’immeuble… Néanmoins, Jacob n’était prêt à en parler ce soir. Lui aussi était fatigué de sa semaine et aspirait à une fin de soirée différente que de se morfondre sur sa situation professionnelle. Ce fut donc sur une note plus légère que le lieutenant revint avec une serviette autour du cou « Je suis toujours beau ! C’est toi qui me l’as dit » et prit place sur le canapé pour dîner et finit par lui avouer qu’il ne savait pas surfer, se mettant à rire de bon cœur « Je ne sais pas. Je t’aurais donné l’exemple de ce qu’il ne faut absolument pas faire dans l’eau », tel que chuter dans l’eau, ou de se cogner la tête avec sa planche de surf. Ils finirent par poursuivre la conversation sur des sujets légers, entrecoupés de rires, puis Victoria sombra dans les bras de Morphée et le beau brun n’avait pas envie de raccrocher, alors il l’installa dans son lit, prenant appui contre l’oreiller voisin, et s’endormit à son tour.

Quand Jacob ouvrit les yeux au petit matin, il se mit à sourire tout en saluant la latine de l’autre côté du continent « Belle déduction Sherlock Holmes ! » répliqua-t-il tout en se frottant les yeux et réprimant un bâillement « C’est ça de faire des folies de son corps » et finit par observer son lit et acquiesça en reportant son attention sur elle « Oui. Mais on n’a pas couché ensemble, j’ai gardé mon pyjama » et se mit à rire doucement, calant ses mains sous sa joue « Non, tu as été silencieuse. Et moi ? » en redressant légèrement la tête « Hum… Ok » et finit par se lever, l’emmenant avec lui jusque dans la cuisine et servit deux tasses de café, la déposant à proximité de Victoria « Tu veux du sucre ? Un nuage de lait ? » et porta le sien à ses lèvres « Tu ne diras pas à ta mère qu’on a dormi ensemble cette nuit, je n’ai pas envie de la voir débarquer parce qu’on a partagé le même lit sans être marié » et prit une nouvelle gorgée avant de regarder l’heure « Eh ! Presque neuf heures ! ».

« -attends t’es en train de rougir là ? » cela la fit rire de nouveau. « -me dis pas que c’est la lumière, je suis certaine que tu rougis ! » comment ce passer de ces conversations en visio. Elle les adorait. Et cela lui permettait d’apprendre à mieux connaitre l’homme à qui elle tenait tant. « -oh ba je me doute bien que tu as des défauts, comme n’importe qui ! » il était humain après tout. « -je sais, et c’est ce que je lui ai dit. Qu’on était amis et rien d’autre. Mais quand elle a une idée en tête ! » elle leva les yeux au ciel pour souligner son propos. « -Eva ? Eva ta sœur que j’ai vu hier ? » oui ba oui, forcement cette Eva là. « -elle a pu mettre un visage sur l’étrange femme qui est rentrée dans ta vie. » un nouveau rire : « -c’est aussi pour ça qu’on les aime. » Vic savait que sa mère n’insisterait pas outre mesure. Mais elle avait su faire passer le message à sa fille. Cependant, Vic était au claire avec ses sentiments pour Jacob. L’homme qu’elle aimait, était mort. Et pour le moment, il occupait encore toute la place dans son cœur. Peut-être que dans un an ou plus, elle serait à nouveau prête à aimer. Mais actuellement, ce n’était pas le cas. Pas comme ça.

« -alors détrompe toi, je sais mentir lorsqu’il le faut. » s’amusa de nouveau la jeune femme. « -tu m’en veux pas mais j’attends de voir. Mais bon, on a l’image, le son, mais pas encore les odeurs… » ce qui était regrettable parfois. Ils parlèrent ensuite du changement de carrière que trottait dans la tête de Jacob. « -quoi ? Non ! Pas d’accord ! Tu m’as moi ! et je t’attends le soir ! Pas dans ton canapé pour boire une bière certes, mais quand même. Hors de question, tu oublies les stups. Je pourrais pas supporter un silence de quelques semaines. Même de quelques jours d’ailleurs ! » elle était plus que sincère. « -et si tu pouvais trouver un truc qui ne te mette pas en danger tout le temps, ça m’arrangerait. » pour ça aussi elle était sincère. Elle ne voulait pas le perdre. Le sujet en resta là, il reviendrait surement plus tard, dans quelques temps. « -c’est vrai, mais ça n’empêche pas le ridicule parfois ! » ça lui faisait tellement de bien de parler ainsi, de se charrier et de rire. Il avait raison, petit à petit ça revenait. « -comme quoi ? Perdre son maillot ? » ce n’était qu’une idée, elle n’était pas certaine de la mettre en application. Elle verrait bien, suivant l’envie.

Le lendemain matin, elle fut surprise au réveil de voir Jacob de l’autre côté de l’écran. C’était agréable de commencer la journée en voyant son visage. Son sourire et surtout sur ce ton de taquinerie. « -tu portes un pyjama ? Fais voir » demanda la jeune femme tout sourire malgré les yeux encore plein de sommeil. « -ba écoute j’avais même pas remarqué qu’on était encore en ligne alors j’imagine que tu ne ronfles pas. » mais au vu de sa fatigue de la veille, pas sur que cela l’aurait dérangé. Vic se redressa dans le lit, et sourit en le voyant s’affairer dans la cuisine. « -non noir c’est parfait… » répondit la jeune femme en baillant de nouveau. Elle colla son dos contre le mur, se disant qu’elle aurait vraiment apprécier prendre ce café avec lui. « -oh who oulà ! Je vais surtout pas lui mettre le mot mariage en tête tu veux bien ! » elle se pencha pour récupérer une boite de biscuit, histoire de déjeuner avec lui. « -t’as quelque chose de prévu ? » demanda Vic alors qu’il regardait l’heure. « -roh je suis en train de mettre des miettes de partout. » le truc qui lui faisait détester les petits déj’ au lit. Ils discutèrent encore une petite heure comme ça, puis elle déclara qu’elle devait prendre une douche et qu’elle ne comptait pas l’emmener avec elle jusque-là. Sans compter qu’elle avait envie d’un vrai café. Lorsqu’elle raccrocha, Vic avait le sourire aux lèvres. Malheureusement, elle fit tomber son téléphone dans les wc et s’en suivit un silence de plusieurs jours. Le temps qu’elle parviennent à en acheter un autre, à récupérer ce qu’il y avait dans l’ancien. Il le fallait, elle ne connaissait pas les numéros par cœur. Heureusement, elle tomba sur une personne compétente et réussit enfin à appeler Jacob. « -salut toi ! » lança la jeune femme avant d’enchainer : « -pardon pour le silence prolongé, mais j’ai eu un petit souci de téléphone. Ça va ? » un léger froncement de sourcils en l’observant. « -dis moi que tu n’as pas contacter Interpol ? »