Ça avait été plus fort quelle. Sur le coup, elle ne s’était pas imaginé Ian capable de compassion à son égard. Dans l’esprit d’Eli, il s’inquiètait surtout pour le bon déroulé du plan et pour son propre cul. Après tout, ils étaient en binôme elle et lui. Si Eli flanchait ou décidait de désobéir aux ordres, ça risquait d’avoir un impact sur lui. Alors oui, elle l’avait vu ainsi. Se laissant aveuglé par ce qu’elle avait ressentit en le voyant si bien s’entendre tout d’un coup avec Robby et Doc. Il avait raison, elle était bien trop naïve. Alors, elle avait réagit au quart de tour, pour remettre des limites, pour lui faire comprendre qu’elle n’avait pas besoin de lui. « -ferme la ! » avait elle crié avait de quitter les lieux pour rejoindre le toit. En passant par l’escalier, elle avait crié un : quoi ?! Y’a un problème ?! » A Max et Doc en bas qui semblaient se demander ce qui se passait.

Les mains tremblantes, elle tira frénétiquement sur sa cigarette. Elle allait devenir dingue. Le tabac lui fit du bien, l’air frais aussi surtout. La nuit était tombée. D’ici, on voyait les étoiles. Debout sur le bord, elle avait fermé les paupières pour tenter de retrouver un peu de calme. Comment est ce qu’elle allait arrêter ce bordel. Est-ce qu’elle devait changer de discours ? Si elle continuait dans cette direction, elle allait être mise à l’écart. Ian avait tort, elle n’avait pas signé pour ça. Loin de là. Les plans ne cessaient d’évoluer et plus la CIA attendait, plus cela devenait dangereux. Un léger regard en arrière quand la porte s’était ouverte et refermée. « -quoi… » avait elle soufflé avec de la lassitude dans la voix. C’était trop demander qu’on lui foute la paix plus de cinq minutes.

« -si t’es monté ici simplement pour me dire ça, c’était pas la peine. » avait répliqué Eli sans le regarder, sentant seulement sa présence à ses côtés. Pas trop proche était c’était tant mieux. Elle avait ouvert la bouche pour lui répondre au sujet de sa naïveté mais elle serra les dents. Elle se tourna pour lui faire face en même temps que lui. C’était donc ça, de la compassion… « -t’es conscient que je vais pas te présenter d’excuses ? » elle savait qu’il n’était pas monté ici pour ça. Mais elle était une tête de con, comme il venait si bien de le dire. Elle le laissa rejoindre la porte, mais elle finit par le regarder, des points d’interrogation dans les yeux. Ça voulait dire quoi ça ? Eli le laissa partir. Pas la peine de lui courir après. Surtout pas la peine de se retrouver coincé dans le petit escalier exigüe ensemble. Un long soupire en jetant sa clope, puis elle se passa les deux mains dans les cheveux, levant la tête vers la nuit étoilée. Elle avait envie de hurler.

Une grosse demi-heure plus tard, elle retrouva Ian et Jiminy prêt des véhicules. « -reste une tâche là. » avait elle dit en pointant du doigt la carrosserie, à l’intention d’Ian. Pas sûr que ça brise la glace Un pincement de lèvres, alors qu’elle croisait les bras. Heureusement il ne faisait pas chaud et il n’avait pas décidé de laver la voiture en retirant sin t-shirt. Il fallait vraiment qu’elle trouve un coup d’un soir. Bref… elle se pinça les lèvres et dit avec un léger coup de tête en arrière : « -tu viens, Tobby veux nous voir. » elle n’attendit pas sa réponse, et le devança de quelques pas.

Sa réaction soudaine et abrupte rappela à Ian qu’il ignorait encore tout de la jeune femme. Ce n’était pas une nuit dans un hôtel et quelques heures de conversation qui aurait pu y changer quelque chose. Lui aussi avait été naïf à sa manière et devait se reprendre au plus vite. Après tout, qu’est-ce qui lui assurait que tout cela n’était pas un jeu ?! Qu’est-ce qui lui assurait que la balle qui prendrait ne proviendrait pas de son arme ?! Après tout, ça faisait des mois qu’elle avait intégré cette cellule et qu’en agissant avec une conscience soudaine, elle se payait peut-être seulement sa tête. Peut-être cherchait-elle à le manipuler, à le tester, pour s’assurer qu’il ne changerait pas son fusil d’épaule au moment venu. Que personne ne pourrait modifier sa trajectoire, pas même elle. En réalité, Ian était un peu perdu. À certains moments, il avait l’impression qu’elle jouait avec lui, comme pour l’attirer à elle, ce qui était agréable, devait-il bien l’avouer, et de l’autre, elle était à la limite de lui jeter son poing à la gueule parce qu’il n’avait pas employé les bons moments. Cette vélocité entre ces deux aspects de sa personnalité allait devoir contraindre l’agent du FBI à se montrer plus prudent à l’avenir. La sympathie qu’il éprouvait pour elle depuis la veille au soir devait disparaître, parce que s’il n’était que l’objet d’une mauvaise plaisanterie, c’était de sa vie qu’il allait payer. Toutefois, il monta sur le toit pour tenter de renouer le contact. Sa mission restait de s’intégrer à la cellule pour leur soutirer un maximum d’informations, notamment de la part de la jeune femme « Tu pourrais juste la fermer par moment ?! » finit-il répliquer avant de poursuivre. Il fit une dernière approche à son attention. Une part de lui l’obligeait à se méfier, mais l’autre tentait néanmoins de le raisonner. Peut-être que la démarche d’Eli était sincère et qu’elle ne souhaitait pas tuer tous ses gens. Il maugréa presque contre lui-même. Il avait la sensation de ne pas être pleinement objectif la concernant, parce que son profil différait de celui des autres. Mais peut-être que c’était ça le danger, finalement. « Je n’attends pas des excuses. J’essaie juste de te faire comprendre qu’à trop interpréter, tu risques de foutre la merde », et quitta le toit après un dernier coup d’œil en sa direction.

En arrivant à l’étage inférieur, Ian préféra la compagnie du Cricket qui le convia à nettoyer le fourgon de la cellule. Il ne se fit pas prier pour prendre en main les produits et commencer à nettoyer le véhicule de fond en comble. Il apprécia que Jiminy ne soit pas davantage curieux concernant sa dispute avec Eli. Il n’avait pas envie d’échanger sur le sujet avec quiconque de toute manière. Une demi-heure plus tard, la voix de cette dernière se fit entendre, et il lui lança un simple regard, poursuivant ce qu’il était en train de faire. Un soupir lui échappa quand elle lui demanda de le suivre pour rencontrer Toby. Il échangea un bref regard avec Jiminy qui lui souhaitait presque un bon courage silencieux. Quant à Ian, il le resta tout le long du trajet jusqu’à son chef « Alors les tourtereaux, on s’apprête à divorcer ? » répliqua Toby en tournant dans son siège afin de leur faire face « Papa et maman se disputent, ça ne veut pas dire qu’on ne t’aime plus » avait renchérit Ian sans le moindre sourire, et en évitant soigneusement de croiser les prunelles noires d’Eli. « Qu’est-ce que tu nous veux ? ». Toby le jaugea du regard quelques secondes, puis se leva de son siège et étala une carte de la ville sur la table entre deux « Voici Washington. Notre belle capitale. La Maison-Blanche est ici – tout en désignant l’endroit de l’index, et le fit glisser jusqu’à une destination à proximité – Ici, c’est Gallery Place. Notre cible. Le centre est adjacent au Capital One Arena et de Gallery Place Station, la station de métro, qui est notre deuxième cible. J’aime bien tout rassembler au même endroit » s’amusa ce dernier tout en faisant glisser son index sur la carte au fil de ses explications « Vous allez vous y rendre tous les deux, prendre des photos. Noter tout ce qui est pertinent ». Ce n’était pas une proposition, mais un ordre. « Je pensais planifier la petite sauterie pour le jour de l’indépendance. Un jour de fête pour notre beau pays. L’armée sera des festivités. Ça marquera les esprits comme le jour où tout doit cesser ». Son rire résonna ensuite dans la pièce tout en repliant le plan « Quelle belle journée ! Vous ne trouvez pas » et reprit son sérieux aussitôt, prenant place derrière ses écrans comme s’ils n’existaient plus « Tu vas ajouter des feux d’artifices à ceux déjà présent » « C’est ça l’idée » lui répondit le gourou de la cellule sans même se retourner.

Le regard toujours rivé sur la table dorénavant vide, Ian se rendit compte qu’il avait cessé de respirer cette dernière minute. Il devait rapidement reprendre contenance, sinon ils allaient découvrir sa véritable identité, et allait finir avec la même balle dans la tête que Byron. Ce qui n’était pas souhaitable. La CIA n’allait pas envoyer ses agents se faire tuer les uns après les autres. O’Brien quitta donc la pièce et retourna au fourgon pour le nettoyer. Toby faisait d’élargir la catégorie des cibles à atteindre. Ce n’était plus des familles, des innocents, c’était également des militaires… Un choix difficile à encaisser pour l’ancien Marines qu’il était. « Tout va bien le nouveau ? » « Je crois que j’ai bouffé un truc qui ne fallait pas dans ce restau à la con hier soir. Ça va passer » répondit simplement Ian, et continua de nettoyer la voiture. Il avait oublié à quel point c’était parfois difficile de tenir un rôle.

« -hé j’t’ai pas supplié de me suivre pour venir me faire chier ! » pourquoi est ce qu’il était monté sérieux si c’était seulement pour lui dire de la boucler ! Il pouvait tout aussi bien lui foutre la paix, laisser une ou deux heures s’écouler tranquillement, histoire qu’elle se calme. Eli eut bien du mal à croire que c’était simplement de la compassion. Elle avait été sympa, il avait voulu l’être en retour. Techniquement, elle aurait dû se sentir mal non ? Il n’en était rien. Ils n’étaient pas là pour devenir les meilleurs amis du monde. Quoi qu’il dise, ça ne changerait rien. Elle n’allait pas s’excuser, et elle n’avait pas non plus envie de se confier. Et voilà qu’il lui donnait une sorte de mise en garde ou de conseil… Elle le laissa quitter le toit sans rien ajouter de plus.

Malheureusement la distance ne dura pas autant qu’Eli l’aurait souhaité. Tobby voulait la voir, et Ian également. Alors elle était allée le chercher. « -caches ta joie. » alors qu’il soupirait. Il n’avait pas été engagé pour laver des voitures. Eli jeta un coup d’œil à Ian lorsqu’il s’autorisa à répondre à Tobby. « -même pas en rêve, il serait bien trop contente d’être débrassé de moi. » elle bougea de deux pas et énonça exactement la même phrase d’Ian, avec une synchronisation parfaite. « -qu’est ce que tu nous veux ? » elle regarda de nouveau Ian. Elle aurait pu sourire. Elle n’en fit rien. Malgré tout, elle fit deux pas vers lui. Clairement elle préférait être proche de lui que de Tobby. Eli posa ses deux mains sur la table, cambrée en avant, elle suivit les instructions du chef de la cellule. Il semblait enfin se décider. Il y avait une sorte de soulagement. Enfin, les choses sérieux allaient se lancer. Ça voulait dire fin de la mission. Fin de tout ça. Et puis il y avait aussi cette angoisse, cette peur qui venait de lui tordre le ventre. Un peu plus encore lorsqu’il donna la date. « -ok… » ils allaient se rendre sur place et faire le repérage. Une fois Tobby de retour devant ses écrans, Eli leva les yeux sur Ian. Le plan avait disparu et il restait pourtant figé sur la table. Elle aurait pu lui demander si ça allait, parce qu’elle le trouvait un peu pâle. Mais elle n’en fit rien. Parce qu’ils n’étaient pas seul. « -ça va bien nous prendre quelques jours. » avait elle ajouta alors qu’Ian s’était tiré. « -alors commencé dès demain. » Elle hocha la tête et retourna à ses quartiers. Bon… elle avait le lieu et la date. C’était encore possible que Tobby change la date. Il était tellement imprévisible. Une heure plus tard, Max avait récupéré les plans des sites. Il était tard, Eli décida de se tirer et d’aller dormir. En partant elle croisa Ian. Afin de le retenir, elle posa sa main sur son bras. Qu’elle retira rapidement. « -hey... est ce que tu veux qu’on regarde les plans ce soir ? » ils pouvaient toujours partager une pizza. En vérité, elle était fatiguée et voulait aller dormir. Mais si Ian voulait avancer le boulot maintenant, alors elle resterait.

Frottant ardument l’intérieur du fourgon, jusqu’à presque en voir son reflet, Ian ressassa leur dispute soudaine et abrupte. Après la soirée de la veille, il avait presque oublié qu’elle était un membre permanent de la cellule. Si Toby avait jeté son dévolu sur cette dernière, ce n’était pas uniquement pour son joli minois. Il avait su, sûrement, y déceler une certaine noirceur qu’elle ne laissait pas encore paraître aux yeux du nouveau venu. Peut-être qu’elle ne faisait que jouer avec lui depuis le début. Qu’il n’était que l’objet d’une machination orchestré par le chef de la cellule parce qu’ils avaient fini par découvrir sa réelle identité, ou qu’ils craignaient que la CIA n’envoie un nouvel agent pour les infiltrer. Peu importe. Tout ce que retenait l’agent du FBI en cet instant, c’était que l’instabilité de la jeune femme risquait de lui porter préjudice. De toute manière, il devait garder en mémoire qu’il n’était pas venu rencontrer de futurs amis. D’ici quelques semaines, il resserrait les menottes autour de leurs poignets ou serait amené à les exécuter pour sauver sa vie et celle des centaine d’innocents qu’ils souhaitaient exécutés de sang-froid au nom de leurs convictions. La distance, l’entente cordiale… C’était le comportement qu’il devait dorénavant adopté à l’encontre d’Eli tant qu’il n’en saurait pas davantage sur ses intentions à son encontre. Et en pensant au loup, il en voyait la queue. Il laissa échappé un soupir en apprenant qu’ils devaient rejoindre tous les deux Toby. « Tu veux aussi que je saute de joie pour te satisfaire ?! » répliqua-t-il sans même lui adresser un regard, et la talonna jusqu’à l’antre de leur chef qui ne put s’empêcher de faire une remarque pour laisser sous-entendre que leur dispute avait fait grand bruit dans le garage désaffecté. « Malheureusement, les rêves n’ont pas vocation à se réaliser » souffla-t-il en continuant de fixer le leader du groupe.

D’une même voix, ils posèrent la question sur la raison de leur présence dans son bureau. Il leva tout juste ses yeux sur elle, ne parvenant pas à croiser ses prunelles, puis reporta son attention sur la carte que Toby venait d’étaler devant eux, et identifia les cibles l’une après l’autre. Il leur fit même la primeur de la date. Toby souhaitait marquer les esprits et le pays en choisissant le jour de l’Indépendance pour les attentats. Ainsi, ce ne seront pas que des familles qui seront les victimes de leur machination, mais également les militaires de toute arme et de tout grade. Une nouvelle qui impacta d’avantage Ian en raison de son passé militaire. Il peina à cacher son désarroi face à cet aveu, et préféra quitter la pièce que de prendre le risque de trahir sa couverture si jamais son interlocuteur venait à se retourner et ne constate son teint soudainement bien pâle. L’agent trouva alors refuge dans le fourgon qu’il termina de nettoyer durant une vingtaine de minutes, puis aida ensuite Cricket sur la mécanique de l’autre véhicule. Il s’essuya les mains avec un chiffon quand il croisa la route d’Eli qui lui saisit le bras brièvement, mais assez pour qu’il pose son regard sur sa main. Il releva lentement ses yeux bruns sur cette dernière qui le convia à passer la soirée en sa compagnie. Pour travailler. Il tourna tout juste la tête en sentant que Cricket était intéressé par la réponse, lui aussi. « Pas ce soir » et laissa tomber le chiffon au pied de la voiture, récupéra sa veste posée sur le siège passager, et quitta le garage non sans un dernier coup d’œil en direction d’Eli.

Sur le chemin du retour jusqu’à son studio, il s’arrêta dans une épicerie de quartier et fit l’acquisition de deux bouteilles de whiskey. En franchissant le seuil de son appartement, son premier réflexe fut de se saisir d’un verre dans le placard au-dessus de l’évier et de le remplir. En une gorgée, il en avait avalé le contenu. Il répéta ce geste à mainte reprises, jusqu’à ce que la première bouteille soit entièrement vide. Somnolant sur la seule chaise de son appartement, la tête contre le mur, Ian sursauta en entendant la sonnerie stridente de son portable. Il maugréa à voix haute, et se leva de sa chaise en titubant, risquant de peu de faire chuter ladite chaise au sol. Il la rattrapa dans un geste maladroit, et fit quelques pas jusqu'à son lit, tendant les bras pour maintenir un certain équilibre. En constatant le nom affiché sur son portable, il se mit à rire nerveusement. La CIA attendrait demain matin qu’il ait décuvé. Il se laissa tomber en travers sur le lit et s’endormit ainsi, entièrement vêtu de sa tenue tâchée d'huile de moteur et de produits d'entretien. Le lendemain matin, la tête dans ses bras, écoutait le bruissement des bulles de l’aspirine remonter au-dessus de l’eau stagnante dans son verre. Pour autant, il ne culpabilisait pas d’avoir bu à outrance la veille au soir. Ça lui avait permis d’anesthésier son esprit l’espace de quelques heures.

Elle avait sourit en détournant le visage. Il était rancunier. Il le lui avait dit. Il allait donc lui falloir un peu de temps pour digérer ce qui venait de se passer. Pas de problème, elle pouvait gérer le fait qu’il fasse la gueule. Elle pouvait également comprendre qu’il fasse la gueule. Mais pour le moment, ils avaient du boulot. La jeune femme avait levé les yeux au ciel. Il aimait avoir le dernier mot. Elle allait être sympa et lui laisser celui-là. La plan qui venait de s’étaler sous leur yeux lui fila des frissons. Il y avait le lieu et la date. Et ça allait être horrible. A nouveau elle ressentit une pression de dingue s’abattre sur ses épaules. Elle devait arrêter ça. Il fallait vraiment qu’elle contacte l’agence. De façon discrète. Si elle voulait éviter de rejoindre Byron. Avant de partir, Eli s’était rapproché d’Ian. Elle voulait savoir si il voulait bosser maintenant, ou si ça attendrait le lendemain. « -parfait. Rendez-vous à midi demain. Ici. » elle le laissa partir, histoire de ne pas le suivre. « -pourquoi t’es pas sympa avec lui ? » Eli avait tourné la tête. Max la regardait avec son sourire de super copine. « -j’ai pas à être sympa. » « -il s’est passé quoi là haut ? » « -rien. » « -Eli… » « -j’ai pas envi d’en parler. Je suis fatiguée. A demain. » et elle traça la route jusqu’à sa moto.

De retour chez elle, la belle brune fila sous la douche. Elle eut envie de s’y noyer. Il fallait qu’elle parle à quelqu’un. Les infos devaient remonter. Alors elle alluma la bougie à sa fenêtre. Une heure plus tard, elle se rendait dans une superette du coin. « -on dois trouver un moyen de communiquer sans que je me fasse buter. » avait elle dit entre les ravioli en boite et le thon. « -inscrivez-vous sur Tinder. » « -quoi ? » elle avait tourner la tête pour regarder son interlocuteur. « -vous m’avez compris. » trois secondes plus tard, il s’était déjà envolé. En rentrant chez elle, Eli s’allongea sur son lit, fixa l’écran de son téléphone pendant un long moment. Puis elle l’avait posé, avait éteint la lumière, mais dix minutes plus tard, elle allumait à nouveau. « -Tinder… putain… » elle fila à la salle de bain, regarda son reflet et décida de faire quelques photos sexy. Elle créa ensuite un compte et rapidement, elle eut des messages. « -bordel… » trop de message. Un message la fit sourire : j’aime ton petit côté Tomb Raider. ok, ça c’était la CIA. Et elle savait qui était derrière. Ils firent mine de discuter de quelques trucs, puis elle donna une l’adresse et la date. L’info était passé.

Le lendemain matin, elle se sentait un peu plus sereine. L’agence avait un lieu et une date. Ils allaient pouvoir avancer. Elle gara sa moto, retira son casque. « -on dirait une pub pour du shampoing… » commenta Jiminy. Eli avait souri. « -Ian est déjà ? » « -non madame. » « -merci Jiminy. » un clin d’œil et elle grimpa jusqu’à son espace. Elle déposa son casque, quitta ses gants et s’installa pour étudier les plans que Max lui avait fourni. Autant commencer à bosser avant qu’Ian se pointe. Son porta vibra. Elle ignora. A nouveau. Elle soupira. Putain d’application de rencontre de merde. Ça s’arrêtait jamais.

« Si tu veux » fut sa réponse quant au rendez-vous qu’elle fixa pour le lendemain midi, comme si tout cela n’avait que peu d’importance finalement. Il éprouvait toujours une certaine rancœur vis-à-vis d’Eli et de sa réaction qu’il jugeait disproportionnée. Et comme si cela ne suffisait pas, Toby devenait de plus en plus ambitieux dans son entreprise. La date choisie fut reçu tel un coup de massue par Ian. Tout prenait une dimension plus concrète, mais aussi plus meurtrière. Le 4 juillet, c’étaient les États-Unis qui se trouvaient dans les rues. Les fanfares défilaient sur les routes, les familles festoyaient, les militaires paradaient en uniforme. C’était un jour de fête, et Toby avait décidé de l’inscrire dorénavant comme étant un jour de deuil pour les américains. Comment pouvaient-il se réjouir d’un tel évènement ?! Pour eux, ça serait la consécration de plusieurs mois de travail et la médiatisation de leur cause au journal du 20H. Pour les innocents tués, ça deviendra le jour où ils ont perdu un membre qui leur était cher. Et puis il y avait Eli qui s’obstinait à penser qu’elle pourrait faire changer toute la cellule d’avis. La naïveté à son paroxysme. Et pourtant, une part de lui espérait qu’elle y parvienne. Finalement, lui aussi était un peu naïf. L’alcool donc fut le seul remède qu’il trouva pour inhiber ses pensées. Les verres se succédèrent jusqu’à ce qu’il ne reste pas une seule goutte de whiskey au fond de la première bouteille, et sans la sonnerie de son portable, il aurait volontiers entamé la seconde bouteille. Cela faisait bien longtemps qu’il avait sombré dans ce vice. Généralement, il se limitait à un verre ou deux, mais la journée l’avait contraint à boire davantage…

Le lendemain matin, Ian avait enfoui son visage entre ses bras croisés sur le rebord de la table, écoutant le bruissement des bulles d’aspirine remontant lentement à la surface. Une migraine lui vrillait les tempes, et ce qu’il avait vomi au beau milieu de la nuit n’avait rien arrangé à ses brûlures d’estomac. Il releva ses yeux sur son café sûrement froid maintenant, et avala cul sec l’aspirine, grimaçant de dégoût au contact du liquide contre sa langue, et s’en suivit une longue gorgée de café noir. Il en commanda également un au Starbucks du coin de la rue en se rendant au Bureau. Rien que le grincement de la porte d’entrée lui fit fermer les paupières avec force derrière ses lunettes de soleil. Il fit quelque pas, et une nouvelle grimace tordit le visage de l’agent du FBI lorsque Max cria son prénom à l’autre bout du garage. La main levée pour la stopper dans son élan, il la supplia d’un « Moins fort...je t’en prie ». Cette dernière esquissa un petit sourire en coin, trouvant sûrement intéressant que le nouveau se bourre la gueule après une dispute houleuse avec la jeune femme. En tout cas, ce fut ce qu’il comprit quand elle prit la parole à nouveau, sur un ton plus bas par respect pour sa gueule de bois « On se noie dans l’alcool pour apaiser ses chagrins d’amour ? ». Les sourcils au milieu du front, il observa Max avec une lueur réelle d’incompréhension « Qu’est-ce que tu racontes ? » « Ta dispute avec Eli » « J’en ai rien à foutre d’Eli et de notre dispute » « Ta bouche dit « non », mais ta gueule me donne raison. Enfin bref, elle t’attends pour bosser » « Vous vous êtes donnés le mot pour me les briser ou... Roh et puis laisse tomber, je suis trop mal pour continuer ». A la place, il se dirigea jusqu'à l'escalier donnant sur l’antre de la jeune femme. Un soupir et une longue gorgée de café suivit le bref échange qu’il venait d’avoir avec Max, et grimpa les marches d’acier. Il posa sa veste sur le rebord de la table, ainsi que ses lunettes de soleil, et prit place sur le même tabouret que la veille, cachant son visage dans son coude replié sur la table. Quelques secondes, parce qu’il fut interrompu par le vibreur du portable d’Eli « Tu as reçu un message » grommela-t-il.

Eli était arrivée comme soulagée, au bureau. Avec leur idée d’application de rencontre, elle était parvenu à communiqué les informations en sa possession. Le profil pouvait parfaitement collé avec un besoin de trouver un mec pour un soir, histoire de décompresser. C’était plutôt pas mal comme idée. Même si ça ne filtrait pas tout les messages qu’elle pouvait recevoir. Elle n’avait pas prit le temps de regarder comme ça fonctionnait vraiment, comme elle pouvait désactiver les notifications également. Quoi qu’il en soit, elle avait du boulot ce matin. Elle devait regarder ces plans, étudier les endroits qu’ils devaient aller observer avec Ian. Enfin si monsieur décidait de se montrer. Il était en retard. Elle détestait ça. Même si clairement ça ne changeait rien aujourd’hui qu’ils aient cinq ou 30 minutes de retard, elle n’aimait pas ça. Et elle n’allait pas se taper tout le job alors qu’il était encore au fond de son lit. Il lui fallait combien d’heure de sommeil pour être en forme sérieusement ?

La jeune femme se mit au travail, étalant les plans devant elle, sur la table. Elle prit un crayon, un marqueur, et elle commença à évaluer le truc. Son téléphone ne cessait de vibrer dans sa poche arrière. Ça la gonflait. Mais elle attendait un appel alors pas question de le mettre en silencieux. Penchée en avant haut dessus des plans, elle finit par y déposer ses coudes. Elle jeta un regard à Ian lorsqu’il décida enfin de se pointer. « -et toi t’es en retard. » avait-elle répliqué d’un ton assez froid. Il trainait avec lui une odeur d’alcool qu’elle était loin d’apprécier également. Pas pour ses narines. C’était en rapport à son passé. A celui de véritable Eli. Elle demanda : « -t’es en état de bosser ou t’as encore besoin de dormir un peu et surtout de décuver ? » elle se redressa avec lenteur et râla sur son téléphone. Elle appuya sur l’application en s’éloignant de quelques pas. Puis elle chercha comment arrêter ce truc. Elle ne s’était jamais inscrite sur ce genre de truc. Elle n’allait quand même pas demander de l’aide à Max ?! Ils allaient tous être au courant, Robby allait encore la faire chier. Il devait bien y avoir une option. « -je vais fumer, tu veux venir prendre l’air ? » elle s’était adressée à Ian, ne sachant pas vraiment s’il s’était endormi sur la table ou non.

Elle n’avait pas la moindre envie de faire cette reconnaissance toute seule. Avec lui, non plus. Surtout s’il était dans un tel état. Elle lui jeta un regard à la limite du dédain. L’alcool… « -je suis pas certaine que Tobby appréciera qu’on prenne du retard, alors… je sais pas ce que t’as fêté hier soir, mais… » elle se mordit les lèvres. Elle allait lui demander de faire un effort. Elle finit par soupirer et laisser tomber, avant de quitter la pièce. Elle allait faire le boulot toute seule. Finalement, elle serait peut-être plus tranquille ainsi.

Ian n’était pas un alcoolique notoire. Ses mains ne tremblaient pas lorsqu’il ne buvait pas son verre de scotch quotidien, et il ne portait pas encore les stigmates de l’alcool sur son visage ou son corps. Toutefois, dire qu’il se réservait uniquement pour les grandes occasions serait mentir. Lorsqu’il avalait deux ou trois verres successivement, cela signifiait que la journée avait été difficile, mais qu’il parviendrait à dormir paisiblement le soir venu. Néanmoins, lorsque ça dépassait la dose qu’il jugeait normale, alors c’était une toute autre histoire. C’était une nécessité. Peu importe la migraine au petit matin, ça lui permettait de dormir et de dissimuler les angoisses qui l’accablait. Hier soir, ça avait été une nécessité. Cela faisait bien des années qu’il n’avait pas été un agent infiltré, et son passé sous couverture n’avait pas eu les mêmes enjeux. Pas d’explosifs, d’anthrax ou encore de mort de plusieurs centaine d’innocents. Finalement, Ian avait foncé tête baissée, comme bien souvent le concernant, et il en venait à regretter son choix d’avoir accepté cette mission d’infiltration au sein de la cellule. Mais il était trop tard pour alimenter des regrets. Il ne pouvait pas disparaître en espérant que la CIA enverrait un nouvel agent au pied levé le lendemain matin. Et puis disparaître, c’était la défense des lâches. Il n’en était pas un. Bordel de merde ! Il avait servi son pays dans des endroits bien plus dangereux que ce garage abandonné, alors pourquoi était-il si affecté ?! Ces gens comptaient sur lui. La CIA, le FBI également. Il s’était donc rendu au Bureau avec pour objectif d’arrêter ces gens de commettre l’irréparable. Enfin, il s’y rendait avec une gueule de bois certaine, alors l’assurance qui accompagnait bien souvent ces décisions était restée sous les couvertures, laissant Ian abordait cette journée avec une migraine qui lui vrillait les tempes et la nausée sciée au corps. Il se délesta de sa veste et de ses lunettes de soleil sur un coin de table, et enfouit son visage dans le creux de ses bras quelques secondes, avant qu’il ne soit dérangé par le téléphone d’Eli. Il semblerait qu’il ne soit pas le seul à être rancunier au vu du ton employé par cette dernière pour lui signifier son retard. Il se redressa à peine de la table « Tu es à une demi-heure près ?! Tu as changé ton fusil d’épaule et tu es pressée d’aller tuer tous ces gens à coup d’anthrax ? ». Parce qu’en ce qui le concernait, il n’avait pas particulièrement hâte.

Un soupir et redressa de nouveau la tête pour regarder Eli dans les yeux « Je ne suis plus saoule si c’est ce qui t’inquiète. J’ai juste une gueule de bois affreuse ». Ce qui était bien différent. Il n’avait plus de gramme d’alcool dans le sang, et était donc lucide. C’était seulement les conséquences de l’excès de scotch qui le handicapait en cet instant. « Ton numéro de téléphone s’est retrouvé sur un site de petites annonces ou quoi ? » fit-il par demander, la tête de nouveau contre ses bras croisés sur le rebord de la table. « Je veux bien… » et se leva du tabouret non sans difficulté, se saisissant de son gobelet de café au passage. Il remarqua le regard qu’elle venait de lui adresser, comme s’il n’était qu’une merde et n’apprécia pas particulièrement. La mâchoire serrée, il leva le visage au ciel tout en poussant un soupir de lassitude quant au comportement de la jeune femme. Il finit par la rejoindre sur le toit quelques minutes après. Seulement le temps d’apaiser la colère qui se développait en lui après ses remontrances implicite parce qu’il avait abusé de la bouteille la veille au soir. Prenant place à sa hauteur, il avala une longue gorgée de café, et finit par rétorquer « Je n’ai rien fêter du tout hier soir, d’accord ?! J’ai appris une mauvaise nouvelle et j’ai trouvé du réconfort avec une bouteille de scotch qui avait de jolies formes. Ok ?! » et après une nouvelle gorgée de café, qu’il espérait, ferait disparaître les effluves d’alcool qui remontaient de temps à autre « Tu peux me crier dessus, ne pas réussir à me blairer, j’en ai rien à foutre. Par contre, le regard que tu m’as lancé en bas, ne t’avises plus jamais de le refaire » et se tourna pour lui faire face « J’ai des soucis avec l’alcool, mais ça ne fait pas de moi une merde qu’on peut laisser sur le rebord de la route. Chacun ses vices. Je n’ai jamais conduit en étant ivre, je ne suis pas violent et je bois toujours seul. J’emmerde personne. Donc tes jugements de valeur à la con, tu peux te les foutre là où je pense » et termina son gobelet qu’il jeta dans la poubelle près de la porte et quitta le toit.

Ian avait la gueule de bois. Elle détestait ça. Il devait visiblement avoir une belle migraine puisqu’il était arrivé avec lunettes de soleil sur le nez. « -ah t’es capable d’aligner plus de dix mots. C’est pas mal. » elle avait tellement de mauvais souvenir liés à l’alcool. Eli aurait pu s’en foutre, Ian menait bien sa vie comme il le voulait. Seulement ce comportement la dérangeait vraiment. Il venait taper en plein dans des blessures personnelles profondes, qui avaient bouleversé sa vie. Qu’il ait une grande gueule ça pouvait passer. Mais le problème d’alcool. Non. « -merveilleux. » avait elle marmonné. De base il était déjà de mauvaise humeur, ça n’allait donc pas s’arranger aujourd’hui. Eli eut la sensation que l’espèce de trêve de la nuit qu’ils avaient passé ensemble pour cette cargaison de C4, était déjà tellement loin. « -occupes toi de ton cul tu veux. » avait elle répliqué alors qu’il évoquait son téléphone qui ne faisait que vibrer.

Elle avait besoin de fumer. D’air frais également. Il n’était pas encore paré pour le décollage. Elle lui proposa de venir aussi, histoire de changer d’air. Elle ne pu s’empêcher de le regarder avec dédain, voir presque un peu de mépris. Ça avait été plus fort quelle. Eli préféra ne rien dire et disparue rapidement, devançant Ian sur le toit. Elle alluma tout aussi rapidement sa clope et ferma les yeux pour savourer la première bouffée. Un regard pour Ian qui venait d’arriver. « -d’accord. » répondit Eli avant d’ajouter un « -ok » froid et distant. Elle tira sur sa cigarette en regardant en bas, et ne releva que ses yeux quand Ian reprit la parole. « -je dois prendre ça comme une menace ? » elle s’était tournée en même temps que lui. Déjà il était lucide avec le truc. Il reconnaissait avoir un problème. Eli l’écouta jusqu’au bout, sans rien dire, terminant sa clope en même temps. Elle le laissa également se tirer. Ils étaient les pro de la conversation quand ils n’étaient pas enfermé dans une voiture…

Un long soupire, puis elle jeta son mégot avant de retourner à ses cartes. Elle entra dans la pièce avec lenteur, cherchant quoi dire. « -on aurait mieux fait de bosser hier soir, ça t’aurait évité une migraine ce matin. » la soirée se serait peut-être terminé de façon bien différente. La belle brune vint prendre place juste à côté de lui, collant ses fesses contre la table à laquelle il était accoudé. « -Ça fait longtemps ? » elle décida de préciser : « -que tu bois quand ça ne va pas ? » elle croisa les bras. « -écoute je… » elle soupira. « -j’ai besoin que tu restes focus tu vois… » elle serra les dents à cause de son téléphone. Elle le dégaina et elle esquissa un sourire en coin. Il était pas mal celui-là. Elle rangea son téléphone et reprit : « -je vais faire le reconnaissance toute seule. Tu devrais rentrer te coucher. » c’était en quelque sorte, de la bienveillance.

Ian ne parvenait pas à savoir si c’était en raison de son retard ou de sa gueule de bois que la porte-flingue de la cellule était agacée. Cela résultait peut-être bien un peu des deux tout fin de compte. La rancune de la veille n’était pas parvenue à se dissiper durant la nuit, autant pour l’un que pour l’autre, et ne se retint pas de lui lancer un regard noir alors qu’elle renchérissait « Je comprends, tu n’es pas habituée » et ajouta « Sept cette fois-ci ». Pourquoi insistait-elle tant à vouloir le faire sortir de ses gongs de la sorte ?! Il en venait presque à se demander si le soir de la transaction n’était finalement qu’une illusion, un rêve résultant de quelques verres de trop. Parce qu’au vu de leurs échanges depuis leur retour, leur entente n’avait pas pu être réelle. La fusillant toujours du regard pour ses commentaires inutiles et absurdes de surcroît, il tenta d’engager la conversation sur un autre sujet. Son téléphone, plus précisément. Une tentative vaine qui fut soldée par un échec. « Tu devrais peut-être envisager de te faire prendre le tiens. Ça te détendrait un peu » fit-il par rétorquer vulgairement. Ce n’était pas dans ses habitudes de s’exprimer de la sorte, mais Eli commençait à l’exacerber de plus en plus à chaque parole prononcée. Puis il y eut ce regard de mépris, trahissant la manière dont elle le considérait. Une personne sans intérêt, sans valeur. Ian pouvait accepter bien des débordements, mais pas celui-ci. Il la suivit alors jusqu’au sommet du garage désaffecté et prit aussitôt la parole pour justifier, dans un premier temps, les raisons de son ivresse, puis il en vint à la menacer ouvertement de ne plus jamais réitérer ce regard qu’elle avait osé poser sur lui quelques minutes auparavant « Considère-le comme tu veux, j’en ai rien à foutre ». Chacun avait ses vices et ses travers. Toutefois, Ian n’avait pas à supporter le moindre jugement de valeur d’une personne qui allait tuer de sang-froid des centaine de personnes d’ici quelques semaines. Sur ces mots, il quitta le toit avant que leur dispute ne s’entende jusqu’aux étages inférieurs. Cela avait bien fait suffisamment jaser la veille.

Debout face à la table sur laquelle se trouvait les différents plans, Ian avait posé ses mains sur le rebord et observa en détail les dessins devant lui. Après tout, c’était pour cela qu’il était présent. Pour faire son travail. Il osa un bref regard à l’attention d’Eli qui venait de pénétrer dans la pièce, et se reconcentra sur les plans des bâtiments. Il comprit, aux paroles employées par la jeune femme, qu’elle tentait d’enterrer la hache de guerre. Il releva alors ses yeux sombres sur cette dernière « Rien ne nous aurait empêcher de nous bourrer la gueule en travaillant ». Mais peut-être que l’issue aurait été différente, et ils en avaient parlé durant leur nuit à l’hôtel. Ça ne devait pas se produire. Et pour cela, ils devaient éviter de travailler ensemble, dans une même pièce, à la nuit tombée. Il se reconcentra que brièvement sur les plans parce qu’Eli appuya ses fesses contre le bois, et ne put s’empêcher de leur accorder un bref coup d’œil avant de relever ses yeux à hauteur des siens. Il ne maintint pas le contact visuel bien longtemps, et observa de nouveau les dessins devant lui, sans vraiment leur prêter réelle attention « Depuis que j’ai vu la moitié de mon escadron se faire exploser sous mes yeux en Irak… » et si cela n’avait pas suffi, il était rentré pour au pays pour signer la demande de divorce de son ex-femme. L’alcool lui avait alors paru être une bonne idée. À cette époque-là, Ian buvait bien plus qu’aujourd’hui. Il avait arrêté ensuite quelques années à la suite de son entrée au sein du FBI, mais la difficulté du travail l’avait rapidement replongé dans ses vieux travers et aujourd’hui, il parvenait difficilement à s’en défaire… Il n’en était pas fier, mais ça lui permettait de résister.

Ian finit par se redresser alors qu’Eli reprenait la parole et il détourna les yeux, presque honteux de son état. Oui, il était alcoolique et oui, c’était difficile à accepter au quotidien. Il finit par affronter son regard tout en soufflant un « Je ne bois que le soir… ça n’altère en rien mon travail. Je peux te l’assurer » et fronça les sourcils alors qu’elle avait sourit à son téléphone. Pourquoi ça le dérangeait tant ?! Ils ne se connaissaient pas encore la semaine dernière « Un mec ? » osa-t-il toutefois demandé, comme s’il avait besoin d’une confirmation, alors qu’il n’était pas certain de vouloir savoir. Il laissa ranger le petit appareil dans sa poche et fut interloqué de ce qu’elle ajouta. Il fit un pas en sa direction « Ne fait pas ça Eli. C’est aussi mon travail. Si tu me laisses sur le banc de touche, qu’est-ce que vont penser les autres ? Que le nouveau n’est pas capable de faire son travail et que penses-tu qu’il va arriver ? Soit je vais finir dehors, exclu de la cellule, soit comme ton ami Byron, et aucune de ces options me séduit tout particulièrement. Laisse-moi venir. On ira manger avant. J’invite ». Ian ne souhaitait pas être exclu de quoi que ce soit. Sa mission était de rapporter assez d’informations à la CIA pour démanteler la cellule. Si l’agence ou le FBI apprenait qu’il n’avait pas accompagné l’un des membres en raison d’une gueule de bois, il en était finit de sa réputation.