« -je suis d’accord… » elle en avait déjà raz le bol avant qu’il ne débraque au sein de la cellule, aujourd’hui c’était encore pire. Elle voulait que ça s’arrête. Qu’ils sauvent tous ces gens, et qu’ils puissent souffler juste après. « -bien plus depuis hier soir… » pour Ian, cela ne faisait que quelques mois… « -ça fait un an que je supporte tout ça… j’en ai ma claque… » elle voulait sortir de tout ça. Même si aujourd’hui, grâce à Ian, elle avait quelque chose à quoi se raccrocher pour ne pas lâcher prise. Eli avait hoché la tête en regardant son café. Oui, s’en sortir vivant. « -une fois finit, on se trouve une petite plage tranquille et on se fait oublier… » c’était beau sur le papier. Seraient-ils capable de le faire ? Eli vivait pour et par la CIA, et ça depuis longtemps. Ils n’allaient peut-être rien décider du tout. Envoyé directement sur une autre mission. Peut-être qu’elle ferait l’objet d’une enquête. Elle passerait pas la case psy, elle le savait. « -ça me va… » avait elle répondu avec un sourire tendre. « -quand tu veux… » son regard brillait de ces sentiments qu’elle n’était plus capable de réprimer. Oui, elle voulait plus de lui, plus de nuit ensemble…

Un joli rire pour son cul, puis elle pencha la tête sur  le côté. « -ça colle au personnage… » s’il avait eut un appartement grand luxe, elle aurait eut plus de doute encore. Un non de la tête. « -non, j’ai pas vraiment de lieu attitré… à cause des infiltrations à répétition. » une gorgée de café et elle ajouta : « -j’ai un appart ici, mais… je n’y ai pas mis les pieds depuis un an… » elle était logée ici, pour la mission. Même s’ils s’étaient racontés les grandes lignes, ils avaient encore plein de chose à découvrir l’un sur l’autre. Malheureusement, le temps jouait contre eux ce matin. D’abord la CIA, puis Toby…

Une fois à l’agence, Eli adopta une posture fermée. Elle n’avait pas envie de subir le moindre reproche. Elle voulait des infos, des ordres et se tirer d’ici. La jeune femme annonça la couleur afin que la réunion ne dure pas trop longtemps. Rien qu’à voir Wayne, elle avait envie de le taper. Elle resta debout, et entreprit de marcher avec lenteur, en long et en large, sur deux mètres, écoutant avec attention. Les premiers mots étaient prometteur. Oui ! Oui ! comme ça tout serait terminé. Elle ferma les yeux en s’immobilisant, de dos aux trois hommes. Des projets sans fondements… putain… elle serra les dents, avant de reprendre son va et vient. « -ok ! Venez pas nous faire chier si y’a des morts. » avait elle répliqué alors qu’on lui reprochait de trop l’ouvrir avec les intervenants de la cellule. Ils voulaient que la bombe soit posée. C’était prendre un gros risque. Elle fixa Brennan droit dans les yeux lorsqu’il parla d’eux. Elle plissa les yeux presque comme si elle le menaçait alors qu’elle trouvait clairement déplacé ce qu’il venait d’ajouter. Wayne était donc au courant. Lorsque Brennan s’approcha d’elle, Eli leva les deux mains devant elle, comme pour lui faire comprendre qu’il valait mieux pour lui qu’il évite de se montrer trop proche. Dwayne se retrouva le nez en sang, et cela tira un léger sourire à la jeune femme. « -pour le moment, aller vous faire foutre. » conclue Eli avant de se tirer à son tour.
Une heure plus tard, elle jetait un coup d’œil à Ian qui venait de garer son suv dans la zone de stockage du bureau. Elle posa rapidement sa main sur la sienne, avant de sortir de la voiture pour en faire le tour et rejoindre le coffre.

Cela faisait presque une dizaine d’années que Ian n’effectuait plus de mission sous couverture pour le FBI. Ce danger perpétuel, ce rôle qu’il fallait interpréter au quotidien, au point d’en perdre parfois la notion du réel et de ce qui ne l’était pas, sans parler des principes qui étaient bien souvent bafoués… Et en acceptant cette mission de la CIA, l’agent Edwards avait avant tout songé à retrouver l’assassin de Byron Foster, sans se douter un instant du poids qui reposerait sur ses épaules. A maintes reprises, il avait regretté son choix d’accepter une telle mission. Et maintenant qu’il était aux côtés d’Eli, sur les marches de cet escalier de secours, il savait aussi qu’il avait pris, certes, une décision difficile, mais qui était également celle qu’il devait prendre. Ainsi, il avait pu rencontrer cette femme à qui il tenait tant et qui, contrairement aux apparences, défendait les mêmes idéaux que lui. Toutefois, ça ne lui empêchait pas, comme aujourd’hui, de vouloir que tout cela cesse afin de reprendre le cours d’une vie normale. Il en venait presque à regretter ses tueurs en séries et criminels en tout genre… Un regard pour la jeune femme qui semblait partager son état d’esprit, lui adressant un sourire. Elle aussi était fatiguée, et bien plus depuis hier soir. Néanmoins, cela ne faisait pas deux mois qu’il était infiltrée, mais un an… « Un an… » murmura-t-il davantage pour lui que pour elle « Dans un mois, toute cette histoire sera derrière nous », et s’ils parvenaient à s’en sortir vivant, c’était également une nouvelle page qui pourrait s’écrire pour eux deux. Ian émit un petit rire discret « Je ne rêve plus que de ça depuis hier soir ». Depuis qu’elle lui avait parlé de s’enfuir tous les deux. Ils l’auraient bien mérités après tout cela. Rien que tous les deux. Loin de la CIA. Du FBI également. Mais en attendant, le seul plaisir qu’ils pouvaient s’octroyer, c’étaient ces petits instants de quiétude, et les nuits dans les bras l’un de l’autre. Eli était séduite par l’idée « On pourrait commencer ce soir, par exemple » proposa-t-il avec douceur.

Et peut-être qu’après toute cette histoire, Ian parviendrait à lui faire découvrir son appartement, pour le peu de temps qu’il s’y trouvait. Il était amené à enquêter partout aux États-Unis, et le confiait régulièrement à la bonne garde de Benny qui restait le plus souvent à leurs bureaux de Washington. Il était décoré sobrement, avec beaucoup de livres en tout genre, et des plantes vertes un peu partout. Il aurait aimé pouvoir vivre dans un tel endroit le temps de son infiltration, mais il devait occupé un appartement plus en adéquation avec son profil « Le matelas au sol n’était pas nécessaire » sans parler de l’eau chaude qui disparaissait par magie, et de la nuisance sonore de ses voisins certains soirs. « Tu… Tu pourrais me le montrer quand tout ça sera derrière nous ». Ça lui permettrait d’en découvrir davantage sur la belle brune. Si la CIA lui laissait quelques semaines de répit après cette mission. Ce qui n’était pas certain.

Lorsqu’ils arrivèrent à l’Agence de Langley, Ian déclina l’offre de s’asseoir autour de l’imposante table qui occupait l’espace. Il n’en éprouvait pas la moindre envie et il n’était pas le seul. Ils écoutèrent le discours d’Ezékiel sans prononcer le moindre mot. Durant un instant, ils avaient effleuré le doux espoir que tout cela cesse aujourd’hui, mais la CIA avait besoin de preuves concrètes. Quelle agence de merde, avait aussitôt pensé l’agent Edwards qui posa son regard sur une Eli irritée par toute cette histoire qui prit la parole pour la seconde fois depuis leur arrivée en ces lieux. Il ne renchérit pas, lui lançant un simple regard noir quand il fit l’affront d’évoquer leur relation. Ils étaient suffisamment adultes pour gérer au mieux leur relation, et ce, sans qu’elle n’empiète sur leur mission. Ian se rapprocha de la belle brune à l’approche des deux agents de la CIA, et Ian saisit l’occasion que Dwayne prenne la parole pour lui mettre son poing dans la gueule. Sa main lui fit un mal de chien, mais c’était nécessaire. Un regard pour la jeune femme qui ne desserrait pas des dents. La conversation avec Brennan attendrait.

Une heure plus tard, Ian posait sa tête contre le dossier du siège conducteur, laissant échapper un soupir las. En sentant la main d’Eli sur la sienne, il tourna la tête en sa direction. Ils devaient y aller. L’agent sortit du véhicule et contourna le SUV pour ouvrir le coffre et de sa main encore valide, il aida la jeune femme à extirper la caisse de son coffre « Ah ! On ne vous attendez plus vous deux ! » répliqua Toby en sortant de son antre. « Vous avez récupéré votre argent ? » demanda Ian. Leur dirigeant fit un signe de main, signifiant que c’était une question futile « Bien sûr. Un appel et tout est rentré dans l’ordre ». Ce dernier appela Robby pour qu’il récupère sa cargaison avec l’aide du Doc qui, comme à son habitude, grignotait encore. « Bon, bon. Avec Robby, on a décidé de réorganiser l’équipe. Jiminy ne fait plus partie des nôtres » « Tu l’as tué espèce de salopard ! » répliqua Max qui arriva en toute hâte en leur direction. Ian se précipita pour faire barrage, la retenant de se tuer sur le gourou de la cellule « Ne fait pas ça… Max. Reprends-toi » lui murmura-t-il à l’oreille. L’afro-américaine le repoussa des deux, mains, le contraignant à reculer « Mon sauveur ! Ca fait deux fois. Je vais devoir te faire un cadeau à force » répliqua Toby sur un ton presque jovial « Une prochaine fois peut-être, tu veux » et l’agent retourna à proximité de la belle brune « Pourquoi avoir buté le chauffeur ? » finit-il par demander, amer de l'entendre se ravir autant de la mort de ce dernier. Et alors qu’il s’attendait à ce que Toby réponde, ce fut la voix de son chien de garde qui résonna, alors qu’il revenait jusqu’à eux « Parce qu’il n’était plus trop d’accord avec le plan. Plus trop d’accord. Qu’est-ce que c’est ça encore ?! » et émit un petit rire qui fit froid dans le dos « Enfin, je ne parle pas pour toi chérie. Toi, on sait que tu aboies, mais tu ne mords pas » répliqua-t-il en caressant la joue d’Eli. Ian bouillonnait intérieurement, mais se fit violence pour ne rien laisser transparaître « Qui est le nouveau chauffeur ? » « On a décidé qu’on n’en avait plus besoin ». L’agent acquiesça lentement de la tête et finit par demander « Bien. On fait quoi maintenant ? ». Robby et Toby échangèrent un regard et un sourire amusé « Tu vois ?! C’est cet état d’esprit que je veux. Prends des notes Max. La transaction avec les Syriens aura lieu mercredi prochain. Le gaz sarin dans les mains, on aura plus que deux petites semaines pour finir de tout préparer et boom ! ». Toby éclata de rire à ce dernier mot « J’adore ce mot. Boom. Boom » et tourna les talons pour retourner dans son bureau, amusé tel un enfant le soir de Noël, s’exclamant un « Qu’est-ce qu’on marre quand même ! ». Ian jeta un coup d’œil à sa montre et demanda à Eli « Je te laisse conduire…. Je crois que je dois aller à l’hosto » tout en montrant sa main abimée.

« -je l’espère vraiment… » souffla Eli avec un sourire las. « -à la mort de Bayron, j’ai demandé à être retiré de l’affaire. » elle avala une gorgée de café. « -ils n’ont pas voulu. Et aujourd’hui, j’apprends qu’ils… » elle se mordit les lèvres. « -je comprends pas… ça n’a pas de sens… » Ian avait peut-être des infos pour l’aider à y voir plus claire. Ils avaient envie, l’un comme l’autre d’être loin de tout ça. Une plage de sable fin… le bruit de la mer… cocktail et maillot de bain. Ça faisait rêver. Eli se plaisait à imaginer cela, ainsi elle évitait de se persuader que l’un ou l’autre allait y passer. « -en théorie… oui… » ils verraient s’ils pouvaient se rejoindre sans être suivit, sans éveiller de soupçons… mais oui, elle était parfaitement d’accord pour passer la nuit avec lui. Ils avaient passé une nuit blanche à parler, mais ils étaient encore loin de s’être tout dit. « -non, c’est vrai tu as raison… » elle lui sourit. Il avait encore eut de la chance d’avoir un appartement. Elle avait déjà été infiltré sur des missions bien plus merdique que ça. Rôle de SDF pour surveillance, de prostitué aux coins des rues… « -oui… c’est pas très différent d’ici tu sais… » elle n’était pas du genre à garnir les murs de photos.

La conversation à l’agence fut assez brève. Ils devaient aller jusqu’au bout. D’autres hommes avaient décidé de leur sort. Même si Brennan ne semblait pas d’accord avec cela, Eli ne voulait pas parler avec lui de quoi que se soit. Et comme elle l’avait précisé, elle ne voulait pas être tenue pour responsable si il y avait des morts. Ils avaient la possibilité de tout arrêter aujourd’hui… mais les plus hautes sphères décidaient de prendre le risque. Très bien. Seulement ils étaient deux, et ils ne faisaient pas parti des Avengers… Dwayne ramassa ce qu’il méritait, et bien vite, elle fut en route vers le bureau avec Ian. « -laisse… » souffla Eli alors qu’elle voyait bien qu’il avait mal. Elle se retourna en entendant la voix de Toby. « -comment ça ? » demanda Eli, faisant mine de ne rien savoir. Max débarqua et Eli s’interposa au même moment qu’Ian. Elle fronça les sourcils, et se détacha, laissant ce dernier gérer. Comme souvent, elle resta silencieuse, les dents serrées, attendant des explications.

Eli eut un mouvement de recule lorsque Robby toucha sa joue. « -vous avez fait ça discrètement au moins ? » demanda la jeune femme même si elle savait parfaitement que la question était dure pour Max. Elle avait ressenti cela pour Byron. Elle savait exactement ce que ressentait Max. Pas besoin de chauffeur… ça voulait dire que le rôle allait lui revenir, à elle ou bien à Ian. Merde… ça allait compliquer les choses. Elle laissa Robby et Toby s’amuser avec leur Bomm, figée sur place. Un regard pour Ian. « -non attends… » souffla Eli à voix basse. « -on peut pas laisser Max ici toute seule. Tu as frappé si fort que ça ? » elle en doutait. C’était sans doute un moyen pour faire diversion et se tirer d’ici. Sauf qu’elle ne laisserait pas l’informaticienne avec les trois autres grands malades. « -Max… » interpella Eli. « -je… je sais ce que tu ressens… Jiminy avait fait son choix, il savait ce qui pouvait lui arriver… » « -putain Eli comment tu peux dire ça ?! » s’emporta l’autre femme du groupe. Elle saisit Max par les bras et plongea son regard dans le sien « -Max… j’ai aucune envie qu’il t’arrive quoi que soit tu comprends ? » après quelques secondes, Max hocha la tête, alors Eli enchaina : « -on va faire le job. Ensuite, on mettra sa famille en sécurité. » elle parlait d’un versement financier. « -on a besoin que tu gardes la tête froide d’accord ? » un nouveau hochement de tête. « -rentres chez toi. Je te tiens au courant. » Max ne se fit pas prier pour quitter les lieux. Eli soupira. « -on est dans la merde… le chauffeur, ça sera soit toi, soit moi. Toi certainement… » elle qui pensait qu’ils pourraient rester proche l’un de l’autre le jour J…

Ian posa sa main dans le dos de la jeune femme alors que cette dernière se torturait l’esprit avec les manigances de la CIA dont ils avaient tous les deux victimes. Seulement, Eli avait été également trahie par celui qui l’avait formé. Son mentor. Son père de substitution. Il souffla alors un simple « Il est le seul à détenir les réponses que tu attends ». Elle devait parler à l’agent Brennan. Peut-être pas aujourd’hui. Mais tôt ou tard, elle n’aurait d’autres choix que de le confronter pour comprendre. En attendant, il avait l’impression que la jeune femme n’était pas certaine que son idée de la rejoindre ce soir était pertinente. Il décida donc de se raviser « Ou pas… ». Après tout, ils n’étaient pas obligés de passer toutes leurs nuits ensemble. Il ne s’offusqua pas de sa réponse. La matinée avait été particulièrement difficile, et il pouvait aisément comprendre qu’elle puisse souhaiter se retrouver seule le soir venu. « Cela ne me surprend pas vraiment » avait-il ensuite ajouté alors qu’Eli lui expliquait que son appartement n’était pas si différent de celui qu’elle occupait actuellement. Après tout, elle devait passer son temps en mission. Son appartement n’était qu’un point de chute pour quelques jours, quelques semaines, avant de repartir à nouveau. Leurs vies étaient rythmées par leur travail, alors l’agent comprenait.

Après leur visite sur le site de Langley afin d’en savoir davantage sur la suite de la mission, ils se rendirent au Bureau où les attendait les autres membres de la cellule. Ian n’avait pas particulièrement envie d’affronter Robby et Toby. Pas après avoir appris le meurtre de Cricket. Mais le choix ne s’offrait pas à lui, alors il redevint O’Brien en sortant du SUV et aida Eli à sortir la cargaison du coffre « Ça va, ne t’en fais pas ». Ce n’était pas la première fois que sa main lui faisait mal après un mauvais coup. L’enthousiasme de leur dirigeant et de son bras droit donnait la nausée à l’agent. Il n’était pas le seul à ne pas parvenir à accepter la mort brutale du latino. Avec la belle brune, ils eurent ce même réflexe de s’interposer avant que Max ne se rue sur Toby pour le tuer de ses propres mains. Il lui murmura quelques mots à l’oreille et retourna auprès d’Eli qui devint la cible du pyromane. Cette manière de lui parler. De la toucher. Ian se retint de réagir, luttant pour ne pas rien laisser transparaître. Il serra la mâchoire toutefois, alors que Robby émit un rire à la question d’Eli « Qu’est-ce qu’on en a à foutre ?! Ils vont tomber sur le corps et après ? Ils cherchent encore le tueur de Byron. Et après les attentats, tout le monde s’en foutera de savoir qui a buté Jiminy ». Dans son esprit, Ian se promit de tuer ce dernier au moment venu. La prison serait une peine bien trop bienveillante à ses yeux. Mais mort… C’était la seule issue qui convenait à l’agent.

Lorsque leur réunion se clôtura, l’agent tendit ses clefs de voiture à Eli, lui demandant de le conduire jusqu’à l’hôpital afin de soigner sa main endolorie. Un froncement de sourcils quand elle lui demanda de patienter, ne comprenant pas où elle voulait en venir. Un coup d’œil pour Max qui semblait désemparée, seule au milieu du garage désaffectée, et reporta son attention sur la belle brune, inclinant la tête sur le côté pour lui signifier silencieusement que ce n’était qu’une excuse pour quitter cet endroit. Il finit par dire « Vas-y » et l’observa se rendre auprès de l’afro-américaine. En entendant cette dernière s’emporter, il s’avança d’un pas ou deux, restant aux aguets, juste par précaution. Il échangea un regard avec Max qui passa devant lui en quittant le Bureau, et attendit patiemment qu’Eli monte en voiture pour en faire de même « En attendant, on travaille ensemble. On a un mois pour déployer suffisamment d’agents pour qu’ils ne puissent pas agir ». Sur le trajet jusqu’à l’appartement de cette dernière, Ian resta silencieux, se renfermant dans son mutisme comme il le faisait bien souvent. Il contraint Eli à faire quelques détours pour s’assurer qu’ils n’étaient pas suivis, et poussa un soupir en franchissant le seuil de la porte de son appartement « Est-ce que tu aurais de la glace, s’il te plaît » et leva sa main pour justifier sa demande, tout en suivant la belle brune jusqu’à la cuisine. Silencieux, il fixa un point invisible sur le sol, posant la poche de petit-pois sur ses doigts endoloris. Il resta ainsi de longues minutes sans prononcer le moindre mot, avant de lever ses yeux sur Eli «Je vais rentrer. Je suis fatigué et ... et cette matinée m'a fatigué... ». Il déposa un baiser sur sa joue et rangea la poche de petits pois dans le congélateur.

Eli interrogea Ian du regard, avant de comprendre pourquoi il venait d’ajouter ces deux petits mots. « -oh non, je t’arrête tout de suite. J’ai très… mais alors très envie de repasser une nuit avec toi. Même si elle est plus calme, on peut éviter la balade dans les bois sous la pluie torrentielle… » elle sourit : « -même si on dors un peu plus aussi. Ce n’est pas une histoire d’envie. Seulement… ce soir on pourra peut-être pas pour x ou y raison. C’est juste ça que je voulais dire. » elle n’avait pas changé d’avis parce que Brennan les avait découvert au saut du lit. Pour une fois, Eli voulait faire passer son propre bien être avant le reste du monde. Elle avait envie de faire un bon gros doigt d’honneur à son job et penser à sa vie perso. La rencontre avec Ian l’avait complètement bousculé. Jamais aucun homme depuis son mari ne lui avait fait éprouvé de telles choses… peut-être qu’il était temps pour elle d’arrêter de vivre avec le fantôme de Jebediath, et d’avancer… Peut-être qu’elle avait enfin droit à un peu de bonheur. Elle avait envie de le saisir, quoi que puisse en dire ou en penser les autres.

La conversation à la CIA fut complexe. Eli prit sur elle pour le pas exploser au vol ou exploser la gueule de ceux présent et qui étaient clairement en train de les juger et de faire des choix pour elle et Ian. Mais la conversation au bureau fut bien plus difficile à encaisser. Faire comme si la mort de Jiminy n’était rien, écouter Robby lui adresser la parole de la sorte, qu’il ose la toucher. Jusqu’à présent, il n’avait jamais fait ce genre de geste devant tout le monde, et surtout en la prenant pour sa chose. Là aussi, une étape avait été franchit et Eli détesta cela. La belle brune décida de gérer Max avant que tout ne tourne mal. Elle lui conseilla de rentrer chez elle et se promis d’avoir une conversation avec, le plus tôt possible. Lorsqu’elle monta dans la voiture d’Ian, derrière le volant, elle fit le triste constat qu’ils étaient dans la merde. Le jour J, ils allaient être séparé, pour elle, c’était une évidence. Un hochement de tête. Elle avait beaucoup, beaucoup de mal à faire confiance à l’agence. Elle avait vraiment cette sensation qu’ils étaient seul face à tout ça. Juste elle et Ian.

Après quelques détours, ils arrivèrent chez elle. Eli ferma à clé, et hocha la tête à la demande d’Ian. Elle lui donna un sachet de petit pois, avant de préparer du café. Il n’avait pas finit de coulé qu’Ian déclarait partir. La fatigue. Eli se retourna pour lui faire face, cligna des paupières lorsqu’il embrassa sa joue avant de le suivre du regard. « -je suis là maintenant tu sais… » souffla Eli. « -je… silence et éloignement c’est peut-être ta façon de gérer, j’en sais rien en fait… » ils avaient encore tant de chose à découvrir l’un sur l’autre. « -comme tu veux… » elle n’allait pas le retenir si il souhaitait rentrer chez lui et rester seul. Ça faisait beaucoup à encaisser.

Ou pas… Ian n’était pas tenu de passer la nuit avec la jeune femme si cette dernière émettait quelques réserves. Après tout, ils venaient d’être accablés par une succession d’évènements, et il était probable qu’Eli ne sache plus où elle en était vis-à-vis de l’Agence, vis-à-vis de lui également. Alors si c’était nécessaire, il lui laisserait l’espace suffisant. Mais contre toute attente, la belle brune l’interrompit dans son élan. Elle voulait encore et toujours de lui. Rien n’avait changé. Peu à peu, Ian esquissa un doux sourire, et vint souffler un « D’accord. C’est tout ce que je voulais entendre ». L’agent voulait qu’elle soit en paix avec leur relation, parce que ce n’était que le début d’une longue journée, et qu’elle pourrait se raccrocher à lui, à leur lien pour se souvenir qu’il y avait toujours un peu de lumière dans l’obscurité. Et comme il s’y attendait, leur rencontre avec l’agent Brennan et McCarthy à Langley ne fut pas des plus réjouissante. Ils encaissèrent les nouvelles informations relatives à la mission, ainsi que leur désapprobation, qu’ils peinaient à dissimuler, vis-à-vis de leur relation. S’en suivit ensuite leur réunion avec ce qui restait de la cellule… Ne pas apercevoir Jiminy travaillait sur sa bécane dans l’entrée lui fit un pincement au cœur. Ce n’était pas un homme mauvais. C’était un homme perdu qu’ils avaient abattu de sang-froid. Toby et Robby enclenchaient un nouveau virage dans leur folie, et semblaient ne plus avoir de limite. Eli se pensait à l’abri avec cet homme, mais il n’en était rien. Cette manière de s’adresser à elle, de la toucher ainsi… Ian savait qu’elle était tout autant en danger qu’eux, si ce n’était plus. Il craignait le pire la concernant. Ce n’était pas un secret d’État que Robby était séduit par la belle brune.. Ils étaient temps pour tous, ici présent, de quitter cet endroit. Eli encouragea Max à rentrer chez elle, puis se furent à leur tour de trouver refuge dans l’appartement de la jeune femme.

Silencieux le temps du trajet, il parvint à prononcer quelques mots, avant de retomber dans un mutisme de plomb. Fixant un point invisible sur le sol, le paquet de petits pois sur la main, il repensait à cette matinée. A la jubilation qu’avait éprouvée les deux hommes. Ils aimaient tuer. Ce n’étaient pas des défendeurs de causes, mais des assassins qui justifiaient leurs actes au nom d’idéaux. Et si ça avait été Eli sur ce parking ?! Elle désapprouvait les plans de ces derniers depuis bien longtemps maintenant. Il devait rentrer. Il devait tenter de dormir un peu pour retrouver ses idées claires. Il rangea le sachet dans le congélateur, et déposa un baiser sur la joue de la belle brune. Il s’avançait jusqu’à la porte d’entrée quand la voix d’Eli retentit dans l’appartement. Il se retourna en sa direction « C’est… Je suis assez solitaire… » et afficha une légère moue à ces mots. Il glissa les mains dans les poches de son jean, baissant la tête tout en expirant un léger soupir « Ça aurait pu être toi sur ce parking… » et releva ses yeux sur la jeune femme « Et…. Et Robby…. Tout à l’heure… ». Il observa cette femme devant lui, qu’il trouvait si belle et pour qui, il éprouvait tant de sentiments. Elle avait toujours survécu jusqu’à aujourd’hui. Sans lui. Pourquoi ça changerait cette fois-ci ? Elle n’était pas la terroriste qu’il avait voulu protéger. C’était un agent de la CIA, au même titre que lui. Ian se rapprocha alors de cette dernière d’un pas lent « J’ai envie de te mettre à l’abri de tout ça… De ces hommes… Et je me rappelle aussi que tu es un agent, toi aussi. Et que… que tu n’as jamais eu besoin de moi pour survivre… ». Il observa en détail son visage « Je suis un peu perdu… et fatigué… ». Il n’avait pas particulièrement envie de rentrer.

Le trajet retour avait été silencieux. Eli avait respecté cela. Ian en avait sans doute besoin. Elle n’était pas du genre grande bavarde non plus dans ce genre de moment. L’un comme l’autre, ils avaient été formés à endurer tout ça. A encaisser, à réfléchir malgré les annonces complexes et difficiles. Ils appréciaient l’un comme l’autre Jiminy, seulement Eli essayait de ne pas perdre de vu qu’il avait fait son choix en conscience. Il avait adhéré au projet volontairement. Pas parce qu’il était agent fédéral. Alors, penser à cela l’aidait à garder une certaine distance. Oui, elle était attristé de savoir que cet homme avait perdu la vie. Malheureusement, il connaissait les risques. Il ne l’avait probablement pas vu venir…

Une fois chez elle, la belle brune ne se montra pas plus bavarde, même si cela commençait à la démanger. Elle sentait bien qu’Ian n’était pas bien. Est-ce qu’il voulait lui en parler ? Elle l’imaginait assez similaire à elle dans ces cas-là. Gérer en solo, ne rien dire, prendre le temps de digérer. Pourtant, avant qu’il ne passe la porte, elle ouvrit enfin la bouche. Elle voulait qu’il sache qu’elle était présente pour lui. Qu’il pouvait lui parler. Qu’il pouvait rester aussi. C’était une option, mais elle ne voulait pas lui imposer quoi que se soit. Comme elle le signifia, ils avaient encore des choses à apprendre l’un de l’autre. Il préférait peut-être rester seul. « -sans blague… » souffla Eli en glissant une mèche de ses cheveux derrière son oreille, avant de venir croiser ses bras sous sa poitrine, les fesses collées à la table de la cuisine. Ce n’était pas un reproche. Elle s’en était doutée, c’était surtout ça qu’elle voulait dire.

Ian décida enfin de poser des mots sur ce qui le préoccupait. « -heureusement pour moi, on avait prévu une toute autre soirée… » ils avaient vraiment bien fait de ne pas rentrer au bureau… quoi que s’ils l’avaient fait, Jiminy serait peut être encore en vie… personne ne pouvait savoir. « -je sais… » concernant Robby. Elle ne cessait d’y penser. Il commençait vraiment à générer du stress chez elle. Jusqu’à présent, elle en jouait. Mais ce matin… ça avait été différent. Comme si le fait de tuer Jiminy lui donnait les pleins pouvoirs, y comprit sur elle. Toujours en face de lui, à quelques mètres seulement, les bras croisées, lui ses mains dans les poches, Eli l’écouta en le regardant avec douceur. Ce n’était pas l’agent du FBI qui s’exprimait là. C’était l’homme amoureux… Elle venait d’avoir la preuve que les sentiments compliquaient les choses et créaient des failles.

« -j’ai fait du café… » au cas où il ne l’avait pas remarqué vu qu’il semblait pressé de partir. Cela sous entendait, tu peux rester un peu. Encore quelques minutes seulement. Elle se détacha de la table, et vint prendre les deux tasses. Elle déposa celle d’Ian sur la table, histoire qu’il vienne s’y asseoir. Puis elle marqua un silence, avant d’oser répondre : « -j’ai pas envie que tu penses comme ça… » bon, elle allait sans doute devoir être plus claire. « -je ne suis pas invincible. Je suis surtout têtue, imprévisible et comment a dit Brennan… incontrôlable ? Hors de contrôle ! Oui voilà. » ce qu’elle venait de dire ne devait pas rassurer Ian le moins du monde. « -mais je sais aussi être prudente et fermer ma gueule quand il le faut. Ça fait des années que je suis sur le terrain. Je ne suis pas inconsciente du danger. Je ne peux pas disparaitre du jour au lendemain. Je les connais bien plus que toi. Parce que ça fait un an que je suis dans ce bordel. » oui, elle était agent, et il devait l’accepter. « -je fais partie des guerrières, pas de demoiselle en détresse Ian. » elle lui sourit avant de poser une main sur la sienne, sur la table. « -je ne veux pas devenir ton point faible. D’accord ? » c’était hors de question.

Parle… Tu devrais parler… Vous ne pouvez pas vous murer dans le silence Lieutenant… Tu ne parles jamais… Qu’est-ce qu’il avait pu entendre ces mots qui exigeaient de lui qu’il prenne la parole, qu’il exprime ce qu’il avait sur le cœur, et ce, depuis son plus jeune âge. Ian n’avait jamais obtempéré pour autant. Le silence, c’était sa manière à lui de gérer une situation difficile. Il se retrouvait ainsi seul avec lui-même, et ses pensées. Ça lui permettait d’assimiler toutes les informations qu’il en avait en sa possession, d’effectuer un tri substantiel, pour enfin analyser ce qui était uniquement pertinent. Que cela soit dans sa vie personnelle ou professionnelle. Cela avait bien évidemment le don d’irriter son ex-femme qui aurait souhaité partager les joies comme les drames, mais en agissant ainsi, il la protégeait à sa manière de la réalité du conflit sur lequel il était envoyé régulièrement. Et aujourd’hui, Ian n’agissait pas différemment qu’à son habitude. En moins de vingt-quatre heures, il avait bien failli mourir au cours d’une simple transaction, il s’était ensuite disputé avec Eli, avant de finalement lui avouer ses sentiments par la suite, entre deux étreintes charnelles. Pour finalement découvrir, au petit matin, qu’elle était un agent de la CIA et qu’ils faisaient l’objet d’une machination orchestrée par leurs supérieurs afin de s’assurer qu’elle était toujours capable d’accomplir sa mission. S’en était suivie l’annonce de la mort soudaine et brutale de Jiminy, et l’amer constatation que la folie gagnait toujours un peu plus les deux principaux membres de la cellule…. L’agent Edwards avait donc besoin de recul sur la situation. D’autant plus que cette fois-ci, sa vie sentimentale et professionnellement était intimement liée… Il réalisait que ça aurait pu être Eli sur ce parking, gisant dans une marre de sang. Il avait donc besoin de se retrouver seul, de prendre un instant hors du temps, pour assimiler toutes ces dernières informations. Toutefois, Eli avait besoin de lui rappeler qu’il n’était plus seul dorénavant. Elle était présente. Pour lui. Il esquissa qu’un maigre sourire quand il lui révéla être un solitaire par nature. Ce qui ne semblait pas vraiment la surprendre. Ils étaient un peu fait de la même étoffe tous les deux.

Ses mains dans ses poches, ses épaules avachies, il donnait l’impression de se recroquevillé sur lui-même alors qu’il tentait de mettre des mots sur ce qui le perturbait. Ça aurait pu être elle cette nuit qui périssait sous l’une des balles de Robby… Et que dire de ce dernier ?! Sa folie n’avait semblablement pas de limite. Cette manière de toucher la jeune femme, de s’adresser à elle. Il avait éprouvé autant de peur que de colère. « Un concours de circonstance » qui lui avait sauvé la vie. Ce n’était pas vraiment pour le rassurer. Pourtant, il tentait de le faire. De se rassurer. Elle était un agent au même titre que lui. Elle n’avait jamais eu besoin de qui que ce soit pour être protégée, et encore moins de lui qu’elle connaissait depuis seulement deux mois. Mais il l’aimait et la perdre… C’était une réalité à laquelle il ne parvenait pas à se faire. Il était perdu et fatigué. D’un signe de tête, il accepta finalement de boire ce café et après une hésitation, il prit place sur la chaise aux côtés d’Eli. De nouveau enveloppé par ce silence, Ian fixa le liquide brun au fond de sa tasse. Il releva lentement ses yeux bruns sur la jeune femme quand elle prit la parole. « Ça ne me rassure pas le moins du monde Eli, ce que tu me dis ». Autant lui dire, parce que si son objectif était d’apaiser ses craintes, elle allait devoir opérer autrement. Cette fois-ci, elle parvint à adoucir ses peurs. Oui, ça faisait un an qu’elle était infiltrée au sein de la cellule. Il devait s’accrocher à cette pensée. Un regard pour la main de cette dernière qui vint se poser sur la sienne, et releva les yeux sur son visage « Je dois juste assimiler que tu es un agent… » et lui sourit avec douceur « Tu es mon point fort alors… Ma guerrière ». Il murmura ce dernier mot qui faisait écho à celui qu’il avait prononcé durant la nuit. De son autre main, il se saisit de sa tasse de café pour la porter à ses lèvres, et ajouta tout en l’observant, non sans un petit sourire « Comment fais-tu pour ne pas avoir peur ? ». Comment elle faisait pour ne pas avoir peur qu’il meurt lui aussi, dans un coup de folie de Toby ou du pyromane. Il porta ensuite la main de la jeune femme jusqu’à ses lèvres pour l’embrasser.

Eli n’allait pas le forcer à parler. Elle se doutait qu’il avait exactement le même fonctionnement quelle… ça faisait beaucoup à encaisser. Beaucoup trop d’un seul coup. Il était normal et presque logique d’avoir besoin de temps pour assimiler tout ça. Et si Ian avait besoin de rester muet durant des heures, très bien. Elle voulait seulement qu’il sache qu’elle était là pour lui. Il n’était pas seul au milieu de ce merdier. Elle était également présente et être deux pouvait être une force. Eli proposa le café, juste pour qu’il reste quelque minutes encore. Elle n’avait pas envie de le voir partir. Surtout dans un tel état d’esprit ou d’âme. Parce qu’elle tenait à lui, et que ça lui faisait mal de le voir ainsi. « -peut-être… peut-être pas… » c’était peut-être aussi le destin. Elle aurait pu simplement monter dans la voiture. Ils seraient rentré au bureau, et peut-être qu’ils se seraient fait descendre aussi. Ou alors, Toby aurait pu refusé pour l’argent, et Ian aurait prit une balle… ils étaient peut-être destiné à passer cette soirée ensemble. A enfin s’avouer ce qu’ils ressentaient l’un pour l’autre, pour enfin avancer.

Eli ouvrit la bouche et elle tenta de trouver les mots, sachant parfaitement qu’à départ, elle n’allait pas le rassurer. « -je sais… » avait elle souffler avec douceur. Mais elle avait rajouté des mots, lui expliquant à nouveau qu’elle n’avait pas besoin de protection rapprochée. « -tu as vu de quoi je suis capable sur le terrain. Je te parle de garder mon sang froid. » pas de jouer avec la mort… « -j’aimerais beaucoup oui. » elle serait bien plus rassuré de savoir qu’il la considérait ainsi. Ça lui éviterait de penser à la surveiller, et se faire des angoisses de tout. « -tu penses vraiment que je ne sais pas ce que c’est d’avoir peur ? » demanda Eli avec un sourire amusé. C’était totalement faux. « -j’ai peur… j’ai eu peur pour ma vie à la mort de Byron. J’ai eu peur pour mon cul la première fois que Robby m’a approché. J’ai peur de ne pas être à la hauteur, de décevoir Brennan… » un sourire fade : « -même si je crois que ça, je peux cocher la case… » elle n’avait pas envie de penser à lui. « -j’ai eu peur de tomber amoureuse d’un terroriste… j’ai eu peur de perdre ma capacité de jugement, mon intuition… j’ai eu peur de m’attacher à toi aussi… et puis j’ai peur de chien ! » un sourire plus franc, destiné à la faire sourire. « -j’ai surtout peur de voir tout ces gens mourir si on ne fait rien. » ils devaient empêcher ça.

« -on est deux du même camp maintenant. Et on peut en faire une vraie force. On sait qu’on peut compter l’un sur l’autre, se faire confiance. Je crois qu’on a su se le prouver plus d’une fois déjà. » Eli se leva, laissant un fond de café dans sa tasse. Puis elle caressa la joue d’Ian avec une main, l’invitant à poser sa joue contre son ventre. « -si tu veux rentrer chez toi, je comprends… maintenant, si tu le souhaites, tu peux aussi rester ici. » c’était à lui de choisir. Partir, ou bien dormir quelques heures ici, dans le lit qu’ils avaient partagé cette nuit.

Des années durant, Ian n’avait eu à se soucier que de sa propre sécurité, se raccrochant à l’idée que s’il mourrait au cours d’une arrestation, ou d’une opération, personne ne viendrait pleurer sur sa tombe. Puis il y avait eu cette mission d’infiltration dans cette cellule terroriste, et cette rencontre avec Eli qui l’avait chamboulé sur bien des aspects. Peu à peu, il avait éprouvé une certaine crainte de la perdre, parce qu’elle aurait finit par le détester en apprenant qu’il lui avait mentit tout ce temps, ou au cours de la mission, d’une balle. Et aujourd’hui, la jeune femme représentait tant pour lui qu’il ne parvenait plus à faire preuve de discernement, il ne parvenait plus à réfléchir librement. Il avait toujours cette peur légitime de la perdre dans un moment de folie de Robby ou de Toby, ou parce qu’ils auraient été imprudents… S’éloigner pour s’isoler lui avait alors semblé être une bonne idée sur l’instant. Toutefois, la jeune femme lui avait rappelé à son bon souvenir que depuis cette nuit, il n’était plus seul. Elle était là pour lui. Ils n’étaient plus seulement liés par cette mission, ils étaient également liés par les sentiments qu’ils éprouvaient l’un pour l’autre. Ian fit alors le choix de rester auprès de la belle brune encore quelques minutes. Il savait qu’ils avaient besoin de parler tous les deux. C’était une nécessité. L’agent devait dissiper ses craintes vis-à-vis de la jeune femme. Elle était un agent, et il ne pouvait pas constamment avoir peur pour elle, pour sa sécurité. Tout simplement parce que la vie ne tenait qu’à un fil. Ils auraient pu prendre des décisions différentes la veille au soir, et ils auraient pu mourir. L’un ou l’autre. Tous les deux. Mais ce n’était pas le cas. Ils étaient en vie et avaient ainsi pu vivre une nuit comme aucun d’eux n’espérait sûrement vivre de nouveau après les drames qu’ils avaient subis par le passé.

Néanmoins, aux premiers mots, Eli ne se montra pas particulièrement rassurante à son égard. Impulsive. Têtue. Imprévisible. C’étaient des mots qui pouvaient être effrayant à entendre dans leur situation. Ça l’était. Et l’agent ne se priva pas pour le lui faire comprendre. Elle était bien loin de parvenir à le rassurer en cet instant. Elle le savait. C’était déjà ça. Il la laissa donc poursuivre et il eut raison de le faire. Eli était un agent de la CIA qui était infiltrée depuis un an maintenant. Ce n’était pas son premier galop d’essai. Elle était familière des missions dangereuses et elle était toujours en vie. Une réalité à laquelle Ian allait devoir s’accrocher pour ne pas se laisser submerger. Elle n’avait pas besoin de lui, de sa protection. Il allait devoir prendre le temps d’assimiler l’idée même que la jeune femme était un agent, au même titre que lui. Un sourire finit tout de même par étirer ses lèvres « Oui… Je sais… ». Elle lui avait sauvé la vie. Ian devait la percevoir comme son point fort, et non comme une faille. Il hocha lentement de la tête « Ce n’est pas comme si je ne t’avais pas perçu ainsi dès le début… Mais mes sentiments… ». Toute sa vie durant, ses proches étaient morts ou l’avaient abandonnés. Il craignait donc que l’histoire se répète avec la belle brune. Mais les circonstances étaient différentes. Elle n’était pas une simple civile.

La question qu’il posa ensuite la fit réagir avec légèreté, ce qui le fit sourire à son tour « Je ne sais pas. Tu as l’air si… sereine vis-à-vis de tout ça, de nous deux ». Ian souhaitait savoir comme elle parvenait à rester aussi calme au vu des circonstances. Mais au fur et à mesure que la jeune femme lui répondit, il comprit alors que ce n’était qu’une façade. Elle avait eu peur et elle avait encore peur. Il sourit de nouveau quand elle évoqua ce chien. Ça avait été une soirée agréable. « Tu peux rayer ta peur de tomber amoureuse d’un terroriste. Je ne le suis pas » répliqua-t-il avec douceur et ajouta « Et Brennan n’est pas déçu… Il agit juste comme un père… Ça lui passera, tu sais » et sourit avec une certaine tendresse « Lui aussi veux te protéger ». Il pouvait le comprendre. L’agent finit par acquiescer « Tu as raison. Je crois juste que… je suis exténué et que… la journée a été compliquée… ». Un regard pour la belle brune qui caressa sa joue. Il découvrait une facette plus tactile, plus tendre d’Eli et il aimait ça. Ces petits gestes entre eux deux qui semblaient si naturels. Ian posa sa tête contre son ventre, posant ses mains dans le bas de son dos. Comment ne pas tomber amoureux d’elle ? Il embrassa sa peau au travers du t-shirt et se leva à son tour « Je vais rester dormir ici », et l’embrassa avec amour, soufflant un « Je savais que j’avais bien choisi » et lui vola un dernier baiser avant de se rendre dans la chambre. Il quitta sa veste de blazer, ses chaussures et se glissa sous les draps, humant l’odeur d’Eli encore imprégnée sur les draps, serrant l’oreiller dans ses bras.