Ses chaussures de villes claquaient sur le béton du parking qu’il quittait pour remonter l’allée, sous les salutations de quelques élèves à qui il adressait un simple « Bonjour » ou un sourire de convenance. Il pénétra dans l’imposant bâtiment pour rejoindre aussitôt son bureau dans lequel il se délaissait de sa mallette, qu’il troqua contre une pile de dossiers et un café fumant. Les bras chargés, il arpenta les couloirs jusqu’à la salle de cours. Dès qu’il fut entré dans la salle, le brouhaha se dissipa aussitôt, chaque élève retrouva sa place attitrée en début de formation, et il prit position derrière le pupitre « Bonjour, j’espère que vous avez bien dormi. La journée sera éreintante. Hélène va vous distribuer les dossiers qui sont d’anciennes affaires… » et poursuivit ainsi jusqu’à ce que son passé fasse irruption dans la pièce. Toute l’attention se dirigea vers ce visiteur inopiné qui le jaugea du fond de la pièce. Ian resta un instant à l’observer sans un mot, et poursuivit comme si de rien n’était. Son laïus clôturé, il fit signe à sa collaboratrice de surveiller les étudiants en son absence et rejoignit cet homme de son passé, et qui, par sa seule présence, faisait ressurgir bien des souvenirs d’une vie qui n’était plus …

FLASH-BACK

« Ian ! C’est Bennie. Ouvrez-moi, je sais que vous êtes ici. Ian ?! ». Cela faisait plus de cinq minutes qu’il criait derrière la porte d’entrée, tout en tambourinant contre celle-ci. Il finit par se reculer pour laisser le propriétaire ouvrir la porte avec son propre jeu de clef, et laissa ensuite le jeune agent se précipité dans les lieux. L’odeur lui souleva le cœur qui loupa un battement en apercevant Ian, inconscient sur le sol de son salon. D’un geste, il vérifia son pouls qui battait toujours, et saisit son t-shirt d’une main, alors que de l’autre, le gifla avec force « Ian ! Réveillez-vous » avait ordonné le gringalet, faisant ouvrir brusquement les yeux de l’agent qu’il posa irrémédiablement sur son ami, avant de se rendre compte de la présence de son propriétaire. « Qu’est-ce … » et d’un geste, se dégagea de l’emprise du jeune homme, se redressant légèrement pour venir poser son dos contre le canapé « Qu’est-ce que tu fous ici ? Qu’est-ce qui se passe ? » « Cela fait deux semaines que je tente de vous joindre Ian » « Je suis toujours en vie, si c’est ce qui vous inquiète » et sur ces mots, se servit un verre de bourbon qu’il vida d’une gorgée « Ça ne peut plus durer Ian. Tu dois consulter » « Oh ne m’emmerde pas toi ! » répliqua-t-il tout en servant un nouveau verre « Ce n’est pas lui qui décide, c’est moi » résonna la voix de Brennan qui venait d’apparaître dans le salon. Ian lui lança un bref regard et émit un petit rire nerveux « Mais bien sûr. Qu’est-ce que ça peut vous foutre que je crève-là ? » « Parce que je me suis promis de veiller sur vous » « C’est la plaisanterie de l’année. Vous ne m’avez jamais apprécié » et avala le verre qu’il s’était servi, puis le rempli de nouveau « Si ça ne tenais qu’à moi, je vous laisserai vous détruire. Mais Elionor tient à vous, pour des raisons qui me dépassent et elle en mourrait si je lui apprenais votre mort ». Ian serra les dents « Ne prononcez plus son nom ici » « On vous emmène au George Washington Hospital. Ils vous attendent » « Allez-vous faire foutre » et repris un verre pour confirmer ses propres dires …

FLASH-BACK

Ian referma la porte de la salle de classe derrière lui, et fit quelques pas en silence aux côtés de Brennan, jusqu’à atteindre la cour arrière de l’établissement. « Vous semblez vous portez pour le mieux » déclara l’agent de liaison avec un sourire sincère « Cinq mois d’abstinence. Je vais toujours aux réunions des alcooliques anonymes, une fois par semaine ». Ezékiel hocha machinalement de la tête et observa les alentours « Je suppose que votre présence ici n’a rien à voir avec une visite de courtoisie. Je me trompe ? ». Un bref silence les enveloppa avant que Brennan ne lui réponde « J’ai besoin de vous ». Ian émit un petit rire « Je ne retourne pas en infiltration. Je suis bien ici » « Ce n’est pas pour moi que je le demande. C’est pour Elionor. Je pensais que son retour en mission lui serait profitable après votre séparation, mais je me suis fourvoyé. Elle est entrée dans une spirale autodestructrice. Elle prend des risques inconsidérés, à la limite du suicide… J’ai peur qu’elle se dirige vers une mort certaine ». Ian resta silencieux, réfléchissant aux propos de Brennan à ses côtés « Chaque semaine, je vous ai appelé pour savoir comment elle allait, et vous m’avez répondu qu’elle était toujours en vie » « Physiquement, elle est. Pour ce qui est du reste … » « Pourquoi me mentir ? » « Vous sortiez de cure de désintoxication Edwards ». Ce dernier poussa un soupir et arrêta de marcher pour faire face à l’afro-américain « Qu’est-ce que vous attendez de moi ? ». Ezékiel sortit une enveloppe de la poche intérieure de sa veste de costume et la lui tendit « Vous partez demain pour Florence dans le Colorado. Une voiture vous y attendra » « Vous l'avez envoyé en prison ?! » « Donc je disais, une voiture vous y attendra. Vous serez Ian Langdon. Vous avez été muté de San Francisco pour occuper le poste de chef d'équipe. Vous dirigerez quelques gardiens dans la zone où se trouve Elionor » « Je ne peux pas disparaître du jour au lendemain » « Nous avons tout arrangé avec le FBI ». Ian observa l’enveloppe entre ses mains, et finit par demander « Qu’est-ce que je dois faire là-bas ? » « Surveiller et protéger Elionor». Ian releva brusquement son regard sur Brennan. Comme si Eli allait accepté sans mot dire sa présence ...

Cela faisait plus de six mois qu’elle était sur cette mission. Six mois qu’elle tenait à coup d’antidouleur et de force mentale. Eli avait dupé Brennan. Elle lui avait affirmé être prête pour repartir en infiltration. Elle avait joué sur la corde sensible, disant que cela lui manquait plus qu’elle ne l’aurait pensé. Que finalement elle réalisait qu’elle n’était faite que pour ça. Bien sur il avait hésité… mais elle avait beaucoup travaillé le dossier et avait finit par lui faire oublier ses craintes. Il n’était pas con. Il avait compris de lui-même qu’il y avait un problème avec Ian. Eli avait affirmé que ça n’avait rien avoir. Ian avait ses propres problèmes à gérer. Elle voulait reprendre son boulot. Là tout de suite.

Eli passait son temps à cloisonner son esprit. Elle avait enfermé ses souvenirs, Ian et son amour dans une petite boite, tout au fond de son esprit. Fermer à double tour, afin de ne jamais y penser. Parce que ça faisait trop mal. Peu à peu, elle retrouva ses manières de faire. Ce besoin de shoot d’adrénaline, le frisson du danger… Cette infiltration était différente. Aucun possibilité de s’évader, d’en sortir quelques heures. Elle avait enfilé un uniforme orange et avait rejoint les rangs des criminelles. Etrange sensation que de se faire passer des menottes aux poignets. La prison, elle y avait fait un cours séjour… des années plus tôt. Brennan était venue la sortir de là. Au départ, elle s’était fait discrète, ça n’avait pas évité un passage à tabac parce qu’elle était la petite nouvelle. Doucement, elle avait mis un place sa surveillance sur sa cible. On l’avait affecté aux mêmes corvées quelle.

En six mois, elle avait fait six séjours à l’infirmerie, tous de plus en plus grave. Eli savait qu’elle pouvait perdre la vie à tout moment. Afin de garantir l’efficacité de la mission, le personnel de la prison ne savait pas qu’elle était agent de la CIA. On lui avait rédigé un dossier long comme le bras. La lumière du jour lui manquait cruellement. La liberté de mouvement aussi. Elle appréciait être seule dans sa cellule. Même si parfois cela lui donnait trop de temps pour penser. Brennan avait voulu la faire sortir à son dernier séjour à l’infirmerie. Elle avait refusé. Elle n’avait plus rien à perdre. L’homme qu’elle aimait, avait choisi de vivre une bouteille à la main, complètement ivre du soir au matin. Elle n’avait jamais demandé de nouvelle à l’agent Brennan. Il n’en avait jamais donné non plus. Aujourd’hui, sa sécurité ne tenait plus qu’à un fil. Malgré le fait de rendre les coups et de ne pas se laisser faire, lorsqu’on vous tombait à cinq voir dix dessus, c’était compliqué de riposter.

« Madame, Monsieur, nous commençons notre descente vers l’aéroport de Florence, dans le Colorado. En vue de notre atterrissage … » Ian referma le dossier qu’il rangea minutieusement dans son sac de voyage à ses pieds, releva la tablette face à lui et attacha sa ceinture, puis tourna la tête en direction du hublot, laissant échapper un léger soupir. Cela faisait plus de six mois qu’il obtenait des nouvelles parcimonie grâce à Brennan qu’il harcelait chaque début de semaine, pour seulement s’assurer qu’elle était toujours de ce monde. L’appel avait toujours été bref. Avec le temps, ils ne s’attardaient plus avec les politesses d’usage. Une question. Une réponse. Et les deux raccrochaient pour reprendre le cours de leur vie. Ian récupéra sa valise en arrivant à l’aéroport, monta dans la voiture qui avait été mis à sa disposition. Un pick-up à la peinture altérée par les années. Pour autant, il démarra au premier coup de clef et conduisit jusqu’au centre-ville bordé par un désert interminable qui contrastait avec le froid ambiant. En arrivant à son appartement, l’agent laissa tomber son fardeau sur le parquet vieillissant. Brennan avait un étrange sens de l’humour. Il avait la sensation de retrouver son studio d’antan. Les murs décrépits, la plomberie bruyante, les fenêtres qui laissaient échapper le moindre bruit provenant de l’extérieur. Une table, une chaise, et un lit de fortune. La sonnerie de son portable retentit et le porta à son oreille « Langdon » « C’est l’agent Brennan. Comment trouvez-vous votre nid douillet ? » « Je vous emmerde ». Il entendit l’afro-américain émettre un petit rire « J’étais sûr que ça vous plairais. Vous êtes attendu à la prison à la première heure demain matin. Vos papiers se trouvent sur la table. Bonne chance » et raccrocha sur ces mots. Il rangea le petit appareil dans la poche intérieure de sa veste, puis s’approcha de la table. Son badge, sa carte d’identité et son permis…

« Vous devez être notre nouveau chef d’équipe. Ian ? » « Langdon » « Enchanté Monsieur Langdon. Vous serez le seul homme du bloc pour… Eh bien pour des raisons évidentes. Je suis même surpris qu’il ait accepté votre mutation » « Ce n’est que provisoire » précisa Ian tout en se laissant conduire par Megan, une femme aux épaules aussi larges que les siennes, dont la peau était marquée par quelques tatouages éteints au fil des années, et aux allures masculines qui contrastaient avec son sourire avenant et le ton de sa voix bienveillant. « Voici votre bureau, et votre uniforme. L’arme est dans le coffre et la matraque dans le premier tiroir de votre bureau. A tout de suite ». Un coup d’œil dans le miroir avant de sortir de son bureau, vêtu entièrement de sa nouvelle identité. Ils firent le tour de la prison. Quelques sifflements, quelques commentaires « Tu t’es perdu mon mignon ? » « Je prendrais bien ma douche sous bonne garde » « Je peux être punie ? Je suis sûre que vous savez utiliser votre matraque », auxquels Megan mit fin en frappant les barreaux des cellules de sa propre matraque, d’une voix autoritaire qui imposa le silence. Ils firent quelques pas et l’agent finit par demander « C’est toujours comme ça ou ? » « Elles n’ont pas vu d’hommes depuis plusieurs années pour certaines. Vous auriez pu être un invertébré avec une queue, ça aurait fonctionné de la même manière. Enfin, ne prenez pas mal ce que je dis, vous êtes charmant, ça ne va pas arranger votre condition ici ». Ian se mit à rire de bon cœur. Il savait que Megan n’était pas intéressée par lui, alors il apprécia son commentaire franc et sans fioriture. Ils poursuivirent leurs visites jusqu’aux douches communes.

« C’est ici que les prisonnières prennent la douche. Le seul moment où ils … » mais Ian n’écoutait plus en cet instant. Son regard s’était posé sur une belle brune que son cœur reconnu aussitôt. Le temps n’avait pas eu d’emprise sur ses sentiments, et ce qui le contraint à lutter pour ne pas montrer son trouble. « C’est Elisabeth O’connor. Notre dernière venue. Elle met l’ambiance dans la prison. Elle a passé le quart de sa peine à l’infirmerie ». Une information qu’avait omis de lui transmettre Brennan. Son cœur rata un battement quand il aperçut chacune de ses ecchymoses, tout en se doutant pertinemment que cet affreux uniforme orange en masquait la majorité… Ian fit un pas vers elle « Bonjour Elisabeth. Je suis Ian Langdon, le nouveau chef de … » et se tourna vers Megan « De la sécurité ». Il lui adressa un mince sourire et ajouta « Nouveau chef de la sécurité. J’espère que sous ma direction, votre … cohabitation avec les autres détenues se déroulera mieux » « On continue la visite Monsieur Langdon ? ». Après un dernier regard, il abdiqua et suivit son bras droit.  

Eli avait toujours eu la peau dure. Elle savait encaisser les coups, les rendre également. Mentalement, elle avait toujours été forte aussi. Elle aimait le danger, elle aimait le frôler, danser avec lui. Seulement ici, ce n’était pas comme les autres infiltrations qu’elle avait pu faire. Prendre contact avec Brennan était risqué. Elle avait un téléphone caché dans sa cellule. Elle l’allumait une fois par semaine seulement. Il lui avait reproché de ne pas l’avoir averti la première fois qu’elle avait été victime d’une agression. Elle avait répondu qu’elle en avait vu d’autre, que ce n’était rien, que ça faisait aussi partie des risques et du plan. Elle avait peu d’options. Soit jouer les caïds et se faire remarquer ainsi. Jouer sur la couverture qu’on lui avait inventé, inspiré d’un sa dernière mission. Elle avait arrêté pour : associations de malfaiteurs, appartenance à un groupuscule terroriste, complicité d’attentat terroriste. C’était un peu comme rester dans la peau du personnage. Ils avaient décidé de changer son nom. Elle n’avait jamais été cité dans la presse. Bref… la seconde option était d’avoir besoin de la protection de quelqu’un pour survivre dans la prison. Depuis six mois, elle tentait de mêler les deux… pour le moment, rien n’était concluant.

Eli s’était embarquée dans tout ça sur un coup de tête. Parce qu’elle était perdue, qu’elle avait besoin de retrouver quelque chose qu’elle savait faire. Elle avait perdu Ian… et elle était en train de se perdre elle-même. Elle n’avait jamais eu besoin de beaucoup de sommeil… seulement ici, pas d’aide de somnifère. Chaque nuit étaient peuplées de cauchemars qui la réveillait en sursaut, en sueur, à bout de souffle. Plusieurs fois elle avait fait des crises d’angoisses. Elle tentait de garder la tête hors de l’eau, mais en vérité, elle était en train de se noyer. Tout refaisait surface. Son père, la violence sous l’alcool… le meurtre de sang froid qu’elle avait commis. Elle voyait des images de ses mains couvertes de sang… et puis il y avait aussi les rêves d’angoisses, la peur que la bombe qu’elle portait comme un bijou, n’explose. Cette peur qu’elle avait réellement ressenti. Et bien sur il y avait Ian… Ian qu’elle n’avait pas su sauver. Qu’elle n’avait pas su aimé. Elle avait la sensation de crever de l’intérieure. A petit feu. Elle lui en voulait, elle s’en voulait à elle aussi. Tellement. Et puis certain jours, elle s’en voulait d’avoir laissé son cœur décidé à la place de sa tête.

Aujourd’hui, elle était corvée de nettoyage. Elle détestait ça. Nettoyer la merde des autres. Certaines des femmes qui résidaient ici étaient pire que des animaux. Au loin, elle avait entendu des voix, alors elle s’était fait discrète, dans un coin. Une des gardiennes… celle-ci était réglo. Eli se détendit légèrement en continuant de frotter le sol avec la serpillère. Et puis, il eut un parfum et ensuite une voix. Enfin une sorte de vertige qui l’obligea à poser une main sur le mur juste à côté d’elle. Elle se sentit devenir livide. Est-ce qu’elle était en train d’halluciner ? Elle le détailla du regard. Est-ce que… est ce que c’était bien lui ? Qu’est-ce qu’il foutait là ? Chef de la sécurité ? Qu’est ce que c’était que ce bordel ?! Elle ne trouva pas la force nécessaire pour répondre quoi que se soit. Impossible. Elle porta une main à son cœur lorsqu’elle fut de nouveau seule, collant son dos contre le mur. Elle avait la sensation de manquer d’air…

Six mois s’étaient écoulés depuis leur dernier échange aux marches du commissariat, mais au moment il posa son regard sur cette femme, il sut que rien n’avait changé pour lui. Une seconde lui avait suffit pour la reconnaître, avec ses longs cheveux d’ébènes et sa silhouette enfermée dans cette tenue orange peu flatteuse, même s’il suffisait d’un rien pour l’habiller, pensa-t-il. Sans les ecchymoses sur sa peau, les traits tirés, Ian aurait pu prétendre que l’infiltration lui allait parfaitement au teint. Il n’en était rien. Il échangea quelques mots avec cette dernière qui restèrent sans réponse. Ian avait reconnu cette étincelle dans ses prunelles sombres. Brennan n’avait pas informé la belle brune de sa venue. L’endroit n’était pas suffisamment intimiste pour poursuivre une quelconque conversation et poursuivit la visite de la prison en compagnie de Megan. Le cœur lourd. Ian resta à l’écart les premiers jours, l’observant de sa tour d’ivoire. Toujours en hauteur. Jusqu’au moment où il demanda à l’infirmière de faire appeler Elisabeth O’connor, car c’était ainsi qu’elle était appelée entre ces murs. « Et pourquoi je ferais une telle chose ? » « Megan m’a informé qu’elle a été régulièrement blessée depuis son arrivée ici. Je souhaiterais échanger avec elle à ce sujet ». L’infirmière s’était aussitôt braquée à sa demande, les jambes et les bras croisés, enfoncée dans son siège. « Vous n’êtes pas thérapeute, et encore moins du personnel médical ». Ian esquissa un sourire qui ne présageait rien d’encourageant pour la suite de cet échange, posant ses mains à plat sur le bureau « Je vous ai demandé de la faire appeler. Je doute que mes ordres soient sujets à discussion ». Le ton était ferme et ne laissait aucune place à un quelconque débat sur ce qui doit ou ne doit pas être fait. Après quelques secondes à se jauger l’un et l’autre, l’infirmière passa cet appel. Il se redressa et rétorqua un « Merci ».

« Vous devriez peut-être vous asseoir en l’attendant » avait proposé l’infirmière qui l’observait tourner en rond, tel un lion en cage, depuis cet appel. Il marqua un arrêt, posant ses mains sur sa ceinture et l’observa un court instant « Enfin, c’est comme vous le souhaitez. Je ne vous oblige à rien, moi » avait renchérit cette dernière en posant ses lunettes sur son nez, portant toute son attention sur les dossiers sous ses yeux. Il resta quelques secondes ainsi, à la fixer, puis décida de prendre place sur l’une des chaises. Le rictus qui étira ses lèvres ne lui échappa pas, et le fit sourire à son tour. Elle était plus petite que lui, plus menu également. De longs cheveux bruns attachés dans un chignon négligé, des yeux verts qui contrastaient avec sa peau bronzée et qui étaient masqués par une épaisse monture de lunettes aussi noirs que sa chevelure. Elle était sûrement plus jeune que lui, et pourtant, elle donnait l’impression d’en connaître plus sur la vie que la plupart d’entre-nous. En entendant la porte de l’infirmerie s’ouvrir, Ian se rendit compte qu’il n’avait eu de cesse que de l’observer, et cligna des yeux avant de se redresser sur ses jambes. Il salua d’un signe de tête la gardienne, puis reporta toute son attention sur Eli « Vous pouvez lui retirer les menottes ». Il sentit la gardienne hésiter, et demander l’autorisation de l’infirmière qui se leva d’un bond « Hors de question ! » « Je vous ai demandé de retirer ses menottes. Merci » « Monsieur Langdon » « Vous pouvez y aller … Pardon, j’ai échappé votre nom » « Infirmière Wilson » « Vous pouvez y aller infirmière Wilson. Nous n’avons pas besoin de témoin ». Il sentit son regard désapprobateur sur sa personne alors qu’il observait Eli. Toujours aussi belle, pensa-t-il.

Sans la quitter du regard, Ian aperçut Wilson se rapprocher de lui, suffisamment pour lui murmurer à l’oreille « Si vous avez envie de vous envoyer en l’air avec les prisonnières, je peux d’ores et déjà vous dire que ce n’est pas une bonne idée ». Cela le fit sourire « Je ne vais pas m’envoyer nos locataires Madame Wilson, si c’est ce qui vous inquiète » reprit-il d’une voix audible, dont les propos firent tousser la jeune gardienne « Je suis heureux en ménage. Je n’ai pas envie de m’envoyer en l’air avec toute la prison. Maintenant, je vous convie toutes les deux à me laisser seul avec Madame O’connor. Merci » répliqua-t-il sans la quitter du regard. Un bref moment d’hésitation, et la porte se ferma, les laissant enfin seuls. Ian ferma la porte à clef, baissa les rideaux, faisant maugréer l’infirmière, puis se rapprocha d’Eli « Salut Eli… Aussi belle que le premier jour… » souffla-t-il avec soudainement moins d’assurance. « Je suppose que Brennan ne t’as rien dit… ».

Eli avait tenté de joindre Brennan, sans résultat. Elle voulait savoir ce qu’Ian foutait dans la prison. Dans sa prison, dans son infiltration. Elle savait que ce n’était pas son idée, mais celle de son supérieur. Une belle idée de merde. Comme si elle n’était pas déjà assez en galère, il fallait qu’Ian réapparaisse comme un fantôme du passé. Il était omniprésent dans son esprit, dans ses rêves et voilà qu’il était là, en chaire et en os. Depuis leur rapide rencontre, quelques jours s’étaient écoulés. Il n’avait pas tenté de rapprochement. Et tant mieux. Elle n’avait pas besoin d’avoir le soit disant chef de la sécurité sur le dos. De corvée de vaisselle avec d’autres détenues, elle fut interrompue par une des plus jeunes gardiennes. « -O’connor, on te demande à l’infirmerie. » Eli l’avait regardé, n’avait pas chercher à parlementé ou en savoir plus. Son dernier séjour à l’infirmerie était encore récent, l’infirmière voulait peut-être savoir si sa cheville se remettait bien…

C’était en boitillant qu’elle avait suivit la gardienne, sous les regards des autres détenues. Les dents serrées, le regard sombre, les menottes de nouveau aux poignets, comme pour chaque déplacement en dehors de l’unité. La porte de l’infirmerie s’était ouverte et son sang s’était figé. Il était là. Elle eut du mal à déglutir. Un regard pour l’infirmière qui faisait opposition, un regard rapide pour Ian avant de fixer un point invisible. Mais elle releva les yeux lorsqu’il clama haut et fort qu’ils n’avaient pas besoin de témoins. Parfait comme sous-entendu ! Et voilà qu’il la regardait avec insistance. Le voir ici lui faisait plus de mal que de bien.

Quelques mots silencieux de l’infirmière. Pas besoin d’être devin pour savoir ce qui lui avait traversé l’esprit. Eli ferma les paupières en entendant la réponse d’Ian. Le : heureux en ménage lui serra le cœur plus qu’elle ne l’aurait voulu. Est-ce que c’était vrai ? Est-ce qu’il l’avait oublié ? Un léger sursaut lorsque la gardienne lui retira les menottes, la faisant ainsi sortir de ses pensées. Eli se massa les poignets, puis regarda les deux femmes sortir, sans bouger. La clé dans la serrure lui créa une sorte d’étranglement dans la gorge. Le rideau baissé accéléré sa respiration et son rythme cardiaque. Elle n’osa pas bouger. « -non. » répondit la jeune femme d’un ton qu’elle voulait neutre, mais sans doute un peu trop sec. Quelques secondes passèrent, elle ne parvenait pas à le regarder plus qu’une secondes. « -ouvre le store. » elle ajouta un : « -s’il te plais. Si on apprends que je me suis retrouvée seule ici avec toi, enfin avec le chef de la sécurité, je vais me faire buter. » ce n’était pas des paroles en l’air. Putain son parfum... c'était une véritable torture...

Bien évidemment que sa demande de convoquer Eli au sein de l’infirmerie n’était pas perçut d’un bon œil par l’infirmière en chef qui tenta de l’en dissuader. En vain. Il avait ses raisons et il souhaitait pouvoir s’entretenir avec la belle brune en toute intimité. Lorsque cette dernière apparut dans la pièce, il avait senti cette étrange sensation dans l’estomac. Ses sentiments ne s’étaient pas dissipés avec le temps. Ils étaient toujours bien présents, mais seulement tapi dans l’ombre dans l’attente de la retrouver. Ça le rassurait. Il l’aimait toujours et voulait qu’il en soit toujours ainsi. Pourtant, ça lui faisait autant de bien que de mal de la voir après tous ces mois de silence, de constater ses blessures. Il n’avait pas idée de ce qu’elle avait enduré depuis le début de son infiltration, et il savait qu’il était en partie responsable de ce choix de s’évanouir dans la nature au plus vite après leur dispute… Toutes ces marques sur sa peau, c’était de sa faute. S’il avait eu le courage de consulter le moment venu, elle serait toujours à ses côtés et ils partageraient cette vie qu’ils avaient toujours désiré… Au lieu de ça… Elle était debout devant lui et l’infirmière s’imaginait d’ores et déjà qu’elle était présente uniquement pour assouvir ses besoins primaires. Il trouva son jugement à son encontre quelque peu réducteur. Un homme seul au milieu de toutes ces femmes ne signifiait pas qu’il allait abuser de son pouvoir pour obtenir la faveur de leurs corps. Il rappela donc à l’infirmière que son cœur était pris, tout en prenant conscience que ses paroles pourraient être mal interprétées par celle qui se trouvait face à lui. Il leur demanda ensuite un peu plus d’intimité et ils se retrouvèrent seuls l’un avec l’autre.

Ian ne laissa pas le silence les envelopper, et prit aussitôt parole pour souligner le fait qu’il la trouvait toujours aussi belle. Elle passa sous son silence son compliment pour répondre à sa question. Le ton était sec. Mérité également. Il acquiesça tout en l’observant sans mot dire, puis se dirigea jusqu’à la porte pour la verrouiller, et baissa les stores. Il s’apprêtait à revenir vers elle, mais Eli exigea de lui qu’il réouvre les stores. Ça risquait de la mener à sa perte s’ils étaient surpris… Ian abdiqua et remonta les stores, et retourna auprès de la jeune femme « Installe-toi. S’il te plaît » et ramena le siège de bureau de l’infirmière jusque devant le lit. Il resta un moment silencieux, à seulement l’observer en détail, comme si cela faisait une éternité qu’il ne l’avait pas vu. À l’exception de ces rêves. Chaque nuit, pratiquement, elle était présente. Il avait envie de la toucher, de la serrer dans ses bras. Mais se retint. Ils étaient observés. « C’est Brennan qui est venue me chercher… Il me disait que tu allais bien. Ce n’est pas le cas » et sa mâchoire se serra à cette observation. Elle n’allait pas bien. « Megan m’a expliqué que tu as été envoyée à l’infirmerie de nombreuses fois. Dis-moi tout ». Il fit un geste de la main en sa direction, mais s’abstint au dernier moment, et serra seulement le poing « Je sais que tu me détestes, mais si Brennan est venue me chercher, c’est que je suis la dernière personne de sa liste…Il ignore que je suis la dernière personne que tu as envie de voir, surtout ici… ».

Lorsque la gardienne était venue la chercher, Eli n’avait pas imaginé se retrouver face à Ian. Elle aurait préféré avoir droit à quelques questions au sujet de sa santé plutôt que de se retrouver dans cette pièce avec lui. Rien qu’avec lui, puisqu’il demanda à ce qu’on les laisse en tête à tête. L’infirmière se fit rapidement des idées. Eli sentait d’avance que ça allait lui retomber dessus. Elle n’avait pas du tout besoin de ça. Ni de lui d’ailleurs. Encore une fois, qu’est-ce qu’il foutait là ?! Elle lui demanda rapidement d’ouvrir les stores. Il allait la conduire à sa perte en opérant ainsi. Contre toute attente, il garda son calme et obtempéra. Elle en fut presque surprise mais ne montra rien. Elle ne prit pas la peine de le remercier non plus. Un regard pour lui, un autre pour le lit. Elle aurait préféré ne pas avoir à bouger. Mais elle devait jouer les prisonnières face au type en charge de la sécurité. Alors elle soupira et avança en boitant jusqu’au lit. Une légère grimace en s’installant, puis elle attendit. Après tout, c’était lui qui voulait lui parler.

Dans son uniforme orange, elle ne quitta pas des yeux ses propres chaussures, alors qu’il l’observait. Elle sentait son regard sur elle. Ce regard qui la brûlait… Et ce parfum qui l’avait rassuré tant de fois, duquel elle s’était enivrée alors qu’ils faisaient l’amour… Elle releva les yeux quand il prit la parole. Brennan… forcement… quelle belle idée de merde. « -je vais bien. » répondit Eli sur le même ton neutre et la fois presque cassant. Putain mais pourquoi Brennan était allé chercher Ian sérieusement ? Il voulait quoi ? Lui montrer quoi ? Qu’il semblait aller bien ? Elle le connaissait assez pour savoir qu’il était capable de faire semblant. Il lui avait menti sur sa consommation d’alcool, il était sans doute encore en mesure de le faire. Megan… il l’appelait déjà par son petit nom… « -pourquoi ? » pourquoi devrait elle lui parler de ce qui s’était passé ? Elle ne savait même pas quel niveau d’autorisation il avait sur l’affaire. Et puisque qu’est ce que ça pouvait bien lui faire, monsieur je suis heureux en ménage… il l’avait visiblement remplacé. Alors pourquoi était-il ici ? Seulement parce que Brennan avait claqué des doigts ?

Elle vis son geste, serra les dents. Heureusement il n’allait pas jusqu’au bout. « -il n’avait pas la moindre raison d’aller chercher qui que ce soit. » Eli était catégorique. « -je ne sais pas ce qu’il t’a demandé, je ne sais pas quel est ton rôle exact mais tu vas pouvoir reprendre le court de ta vie. » elle irait au bout de cette putain de mission. Même si elle devait y laisser sa vie. C’était son métier après tout. Ce pour quoi on l’avait formé, ce pour quoi elle était payée. C’était la seule chose qu’elle savait faire, même si depuis la bombe, elle ne cessait de douter et de perdre confiance en ses capacités. Perdre Ian n’avait rien aider. Et le voir ici, le sentir si proche d’elle, c’était comme si on venait de réouvrir la plaie.

Intérieurement, Ian avait émis plus d’une réserve quant à l’idée de le renvoyer en infiltration auprès de la jeune femme. Toutefois, Brennan avait usé d’arguments probants pour le convaincre de se rendre dans le Colorado. Il semblait ignorer la manière dont s’était terminée leur histoire, sans pour autant en méconnaître les raisons. Plus d’une fois, ce dernier avait mis en garde Eli. Il avait fallu seulement quelques semaines pour lui donner raison et contraindre la belle brune à retourner en infiltration pour s’éloigner de lui et de tout ce qui pouvait s’en rapprocher. Elle répétait le même schéma qu’après la mort de Jebédiah. Elle s’engouffrait dans un cercle vicieux d’autodestruction qui inquiétait suffisamment Brennan pour que ce dernier le débauche le temps de l’opération. Pour autant, cela ne signifiait pas que la jeune femme accepterait son aide. Pas après qu’il ait participé à la détruire en choisissant l’alcool plutôt qu’elle … Il avait donc pris place dans le fauteuil non sans éprouver une certaine appréhension sur la réaction d’Eli après avoir justifié sa présence entre ces murs. Elle allait bien. Tout en continuant de l’observer avec minutie, il exprima un maigre sourire, à peine perceptible « C’est nouveau ça » commenta-t-il avant de préciser « Que tu me mentes ». Ian avait remarqué qu’elle s’appuyait sur une jambe plutôt que l’autre, et avait survolé son dossier. La nouvelle était accablée de coups par ses codétenues. Pas un mois ne passait, depuis son arrivée au pénitencier, sans qu’elle ne vienne consulter à l’infirmerie. Maintenant, l’agent voulait en connaître les raisons. Au vu de la réponse qu’elle lui offrit, il put comprendre de lui-même qu’elle éprouvait encore une rancune amère à son encontre. Il ne s’en offusqua pas. C’était légitime. « Parce que l’agent Brennan a exigé de moi que je te protège, et je ne pourrais pas mener ma mission a bien si tu ne me parles pas Eli » rétorqua-t-il d’un ton posé, presque bienveillant.

Sans vraiment y réfléchir outre mesure, répondant surtout à une envie de se montrer chaleureux à son encontre, de la toucher à nouveau, il tendit la main en sa direction avant de se résigner. Il n’en avait pas le droit. Mais ce qui fut le plus douloureux, c’était de constater la réaction silencieuse de la jeune femme qui ne passa pas inaperçu. Jamais auparavant, elle aurait refusé un geste de sa part, et tout cela était uniquement de sa faute. C’était lui qui l’avait laissé partir, qui ne s’était pas battu pour eux, pour leur amour. Tout simplement parce qu’à l’époque, il n’en avait pas eu la force. Mais ces derniers mois lui avait permis de remettre tout en perspective et il savait qu’il avait fait le bon choix à ce moment-ci. La tenir éloigner, c’était la protéger de lui. Mais en la retrouvant ainsi devant lui, Ian comprit aussi qu’il avait fini le travail que la Vie avait mis des années à entreprendre. Il l’avait détruit… Une réalité si douloureuse … Mais il n’avait pas le droit de s’apitoyer sur un mal qu’il avait lui-même causé. Alors ses mains posées sur ses propres genoux, il continuait de l’écouter le dissuader de poursuivre la mission. « Ton dossier médical prouve le contraire » lui fit-il remarquer de cette même voix posée avec laquelle il s’exprimait depuis le début. Celle qui le caractérisait bien plus que les haussements de voix, les violentes disputes et les mots blessants qu’Eli avait toujours connu depuis le premier jour de leur rencontre. Une ébauche de sourire étira ses lèvres avec douceur « Je suis là pour toi et je ne repartirais pas sans toi. En vie ». Il inspira profondément avant de reprendre « J’en ai rien à foutre que tu ne veux pas sur cette mission. Je ne suis pas là pour que tu m’aimes de nouveau, je sais que c’est impossible. Je suis là pour que tu restes en vie ». Il posa son dos contre le dossier, et esquissa un sourire plus espiègle « Prépare-toi à devoir me supporter au quotidien mon ange ».  

Eli détestait qu’on lui dise ce qu’elle devait faire. Et ça depuis toujours. Brennan le savait, au fil des années, il avait appris. Il savait comme lui parler, il faisait aussi joué en sa faveur sa position et le fait qu’il soit son supérieur. Le lien qui s’était tissé entre eux aidait également à la communication. Eli avait un immense respect pour cet homme. Généralement, ils parvenaient à se comprendre. Il était assez diplomate pour la faire redescendre en pression. Seulement il venait de lui balancer Ian dans les pattes, ne répondait pas à ses appels… il se foutait visiblement de sa gueule. En quoi aller chercher son ex petit ami toxique et alcoolique, allait l’aider à mener à bien sa mission ? Elle détestait le voir ici, détestait le ton posé qu’il employait avec elle. Elle détestait la douleur que sa présence lui créait dans le cœur. Elle avait la sensation de mourir sur place… Elle l’aimait toujours, elle le savait, malgré ce qu’il lui avait fait. Malgré l’alcool, les mensonges… Impossible de lui dire. C’était trop tard. Alors elle avait répondu à la question. Elle allait bien. « -j’ai eu un bon prof. » avait-elle répliqué en plissant les yeux alors qu’il pensait être en mesure de faire le malin. Un rire ironique passa ses lèvres. « -que toi tu me protèges moi ? » oui c’était cruel. Elle avait appuyé sur le toi et sur le moi. Eli avait comme un besoin de lui faire mal autant qu’il lui en avait fait. Le voir là, si proche, c’était tellement insupportable. Elle avait envie de lui dire d’aller se faire foutre. « -j’ai aucune envie et aucune raison de te parler. Au risque de me répéter : je vais bien. »

Elle vis son geste. Eli ne répondait de rien s’il osait la toucher. Depuis qu’elle était ici, elle avait cette sensation d’être une sorte d’animal blessé, craintif. Plus de contact humain, seulement de la violence physique et de la haine. Elle n’était pas en colonie de vacances, mais enfermée avec des criminelles. Les plus dangereuses du pays. Sans compter que son corps la faisait souffrir. Elle avait faim, elle dormait mal, très mal, et avait froid… elle avait encore des hématomes sur le corps, une cheville fragilisée, une ou deux côtes probablement fêlées. La pommette droite était toujours douloureuse, sa lèvre fendue également. Alors non, elle ne voulait pas être touchée. Pas qui que se soit. Surtout pas par Ian. Elle avait peur que le moindre effleurement ravive tout. C’était impossible.

A nouveau un rire ironique. « -tu es là pour moi… » marmonna Eli. Elle aurait tout entendu. Eli sentait une immense colère monter en elle. Comment osait il se pointer et lui balancer des phrase pareil. Là dans son uniforme bien repassé. Lentement elle bougea la tête de gauche à droite, les yeux fermés, les dents serrés, comme si elle essayait de se contrôler. Puis elle ouvrit les yeux d’un coup. Il voulait jouer. Il n’allait pas le regretter. Après tout, si elle agressait le chef de la sécurité, peut-être qu’elle aurait une meilleure réputation. Ça lui éviterait également de passer pour la suceuse de service. Ian déclencha tout seul ce qui suivit. Un mot de trop. Ce petit surnom qu’il n’avait plus le droit d’employer. En l’espace d’une seconde elle lui sauta dessus, faisant basculer la chaise sous leur poids. Ses deux mains agrippés à la chemise d’Ian, à califourchon sur lui, Eli le mit en garde : « -ne m’appelle plus jamais comme ça. Tu m’entends ? » elle le cria plus fort : « -tu m’entends ! » La porte de l’infirmerie s’ouvrit avec fracas et Eli fut brutalement tiré en arrière afin de libérer Ian. Menotte aux poignets elle lui cria un : « -va te faire foutre ! » et elle en rajouta un alors que la gardienne la trainait hors de la salle : « -va te faire foutre ! » comme lorsqu’ils s’étaient rencontré, il y avait du vrai, et il y avait du faux. A Ian de faire la différence. Techniquement, elle allait finir au trou pour au moins trois jours. Cela lui ferait des vacances.