T’as envie de mille choses bien plus intéressantes que de regarder les étoiles. Mais la nuit est encore si longue, tu ne doutes pas que vous allez reprendre les rues et vivre bien d’autres trucs ensemble. Tu ris à l’entendre, elle a tellement d’humour, et elle est si simple. « J’attends de voir ça. J’ai des doutes quant au fait que tu vas pas juste faire peur aux gens dans la rue, » tu dis pour la taquiner.

« T’as qu’à me regarder dans les yeux, » tu dis. Evidemment, tu commences à la connaître, elle le fait. « J’allais dire que c’est là que t’allais les voir, les étoiles, mais c’est peut-être un tout petit peu trop romantique, » tu lui souffles en riant, complice.

Et puis tu redeviens plus sérieuse. « Alors, tu regrettes de m’avoir embrassée ? » tu lui demandes, les yeux dans ses yeux. Vous êtes si proches, là, allongées l’une contre l’autre, que c’est comme si tu la mettais au défi de recommencer. Ou bien peut-être que c’est ta stratégie pour la faire bouger.

« Moi faire peur ? » Tu ris et renifles comme un cochon, la honte, mais tu ne te retiens plus. Tu mets ton masque de visage froid genre 'non c'pas moi' sauf que c'est trop tard, vous riez toutes les deux à vous en péter les côtes, que c'est agréable.

Tu la regardes droit dans les yeux quand elle te parle avant de rougir. Elle s'amuse avec toi, comme avec Jean. Ou peut être pas, tu lèves les yeux au ciel, tentant de cacher ta gêne, mais elle l'a vue, sûrement. « Toi ? Romantique ? On aura tout vu. » Elle devient sérieuse tout à coup, tu ne comprends pas sa question et décide faire l'idiote. « Beh non. » Tu lèves les yeux au ciel et te remets debout. « OK ok j'ai bien compris on continue, mais si je marches pas droit, faudra me porter ok ? » Tu insistes peut être un poil trop.

« Ouais tu commences à me connaître, » tu dis quand elle te charrie sur ton pseudo-romantisme. Elle plaisantait, mais toi pas tellement. T’hésites à ajouter et ça me plait moyen mais ce serait trop honnête, et puis tu sais pas. Quelque chose te retient. Cette fille te donne envie d’être gentille avec elle. Elle pourrait tellement te suivre partout, et tu pourrais si facilement lui faire du mal. Mais tu ne la plantes pas là pour t’en déresponsabiliser comme tu le fais avec d’autres. T’as envie de rester avec elle, parce que vous vous marrez bien, et qu’elle te touche, et qu’elle est belle.

Elle se lève et tu vois dans sa démarche tous les verres qu’elle a bus ce soir. Tu souris en te levant à ton tour, tout aussi chancelante, et tu l’attrapes par le bras en essayant de pas trop t’effondrer sur elle. « T’inquiète, j’suis forte, y’a pas de souci, » tu dis alors même que t’es plus petite qu’elle. Vous recommencez à marcher. Tu l’emmènes encore un peu vers le nord, vers République et le canal Saint-Martin. T’as soudain une idée alors tu bifurques dans une rue, et tu rentres dans une petite cour derrière une grande porte cochère en l’embarquant avec toi, comme si tu faisais ça au hasard.

C’est la cour d’un petit hôtel particulier, le genre typiquement parisien. Il appartient à des amis de ta famille dont t'es limite plus proche que de tes propres parents, et tu sors parfois avec leur fille. Et puis le personnel te connaît et t’aime bien, alors on te laisse toujours rentrer. Tu te plantes devant le perron et tu fais une large révérence. « J’te fais visiter ? »

Elle sourit comme depuis une heure, ses muscles sont douloureux, mais elle est heureuse avec cette Leo. Des conneries qu'elle lui raconte aux endroit qu'elle lui fait visiter, Marjo tombe de haut. « Mais non ? Tu connais ici ? T'es pas en train de me faire un tour de voleuse j'sais pas quoi ? On aura pas d'ennuis ? » Elle regarde la cour privée, la majestueuse façade, c'est beau, c'est riche. Elle ne connaît pas ça dans Paris la Marjo, habituée au luxe du sud, mais pas à celui Parisien qui semble si intriguant, recelant de secret. Souvent caché au milieu d'endroits simples. La jeune Monégasque se mord la lèvre. « D'toute manière, je ne suis pas sûre de pouvoir te croire quoique tu dises, donc je te suis. » Leo est douée avec les mots, qu'importe si elle ment, elle a juste envie de la suivre dans ses aventures.

Tu éclates de rire sous les questions de Marjo. « Eh, y’a pas qu’moi qui suis partie en courant tout à l’heure, » tu dis d’un air malicieux. « Tu le sauras que si tu m’suis ! » t’ajoutes et puis tu grimpes les quelques marches du perron pour pousser la porte d’entrée. T’entends ce que Marjo dit, et t’es contente qu’elle se méfie de toi finalement. Elle-même ne le sait pas, mais elle t’a cernée et du coup y’a moins de chances que tu la déçoives.

Elle te suit et vous atterrissez dans le hall. Vos pieds s’enfoncent dans un grand tapis moelleux qui couvre le carrelage. La pièce est vaste et peu meublée, mais une immense monstera deliciosa grimpe le long d’un des murs et un imposant escalier de pierre rejoint l’étage. Sur la droite, le hall se prolonge vers le grand salon que vous apercevez vaguement d’ici, avec ses lourdes tentures, ses tableaux et miroirs aux murs et son mobilier Louis XVI ou un truc dans le genre.

Le gardien s’approche depuis votre gauche et il se marre quand il te reconnaît. « Salut Alfred, » tu dis en passant tes bras dans son dos pour le serrer contre toi comme une enfant. Lui, c’est ton préféré. Ca vous est même arrivé de boire des coups ensemble pendant son taf. « Y’a quelqu’un ce soir ? » tu demandes et il te dit que non, que toute la famille est de sortie. Parfait. « J’te présente Marjo, » tu dis en passant un bras autour de sa taille pour l’attirer à toi comme si c’était ta copine. Vous êtes bourrées et ça fait rire le type.

Après ça tu prends Marjo par la main et tu l’emmènes en courant vers l’escalier, que vous commencez à grimper en riant. « Alors, j’connais ou j’connais pas ? » tu demandes, toute fière. Vous arrivez dans le couloir du premier étage et tu vas tout au bout pour déboucher sur un genre de petit salon avec un bar dans un coin. La pièce est hyper haute de plafond, les fenêtres tout aussi gigantesques derrière leurs balustrades en fer forgé. Le décor est somptueux et votre accoutrement est carrément décalé vu le luxe ancien, presque patrimonial, de la baraque. « Bienv’nue chez moooi, » tu dis en riant. Evidemment, ce coup-là c’est pas vrai. Ta piaule a vraiment rien à voir avec ça.

Elle te guide et t'emmène, fais une accolade au gardien, connais les tableaux, les pièces. Tu restes éberluée, incapable de comprendre. Alors tu chuchotes, pour comprendre parce que tes deux neurones ne peuvent pas se connecter seuls. « C'est chez toi, pour vrai ? Tu habites là ? » Tes yeux sont écarquillés, ta bouche est ouverte. Tu pensais pas être tombée sur quelqu'un d'aussi riche. Certes, tu as l'habitude, tu en vois tout le temps, mais tu avais cru qu'ils représentaient un certain moule, tu pensais les connaître, cette Leo est tout sauf ce à quoi tu t'attendais. Tu t'affales dans un canapé, un grand de canapé tellement beau qu'il n'en est pas confortable. Affalée t'as juste l'air naze, si ta mère te voyait elle se pincerait l'arrête du nez avec dégoût. Tu caresses le velours du canapé et joue avec les franges. « Mais t'es qui Leo ? » demandes-tu finalement, simplement, le sourire aux lèvres. Elle est si intrigante, si drôle, si spontanée, si douce, si violente. Elle est un étrange cocktail explosif que tu adores déjà beaucoup trop pour ton bien être.

« Haha, non, je te rassure, » tu réponds quand elle demande si c’est chez toi. Elle s’affale dans un des canapés. Tu commençais à te diriger vers le bar au moment où elle demande qui tu es. Tu sais pas si c’est une question sérieuse ou si elle se parle à elle-même, sans doute que sans l’alcool ça lui serait pas venu à l’esprit de dire ça. Malgré tout, elle a pas l’air inquiet, au contraire. Elle demande avec le sourire. Alors tu rebrousses chemin et tu viens t’appuyer au-dessus d’elle, les deux mains autour d’elle sur le dossier du canapé, un genou sur le velours entre ses jambes et tu te penches à son oreille. « No one, » tu souffles dans un rire aguicheur, et puis tu repars vers le bar. Comme si t’avais pas assez bu. Tu te plantes derrière et tu regardes toutes les bouteilles posées là, hésitante. « Plutôt rhum, vodka ? » tu demandes en en attrapant une au hasard sans attendre la réponse. Les verres claquent sur le marbre du comptoir. Tu te décides à répondre. « C’est des amis de mes parents qui vivent là, je connais bien leur fille. » Eux aussi, tu les connais bien. T’es limite plus proche d’eux que de tes propres parents, si on peut appeler ça proche.

Tout va trop vite, elle parle, elle va derrière le bar, elle revient ; tu ne suis plus. Soudain elle est là, son souffle sur ton visage, ses mains qui te frôlent avant de se poser sur le dossier, ses cheveux qui te balaient le visage et ce genoux entre tes cuisses. Un frisson d'excitation te parcoure entière, cette tension entre vous deux ce n'est pas la première fois de la soirée que tu la ressens et tu sens incapable d'y résister. Pourtant trop vite elle disparait, laissant l'air frais t'envahir. Tu préférais tellement sa chaleur. Tu n'as rien écouté de ce qu'elle a dit, d'ailleurs tu regardes les yeux dans le vague ce qu'elle fait, tu as perdu pied. Sauf que ses paroles font mouches et tu ressens un élan de jalousie profonde. C'est tellement ridicule, tu imagines une relation entre ces deux filles inconnues et c'est toi qui est jalouse ? Qu'est-ce que tu t'imagines ? Tu détournes le regard pendant qu'elle rempli les verres, sentant une larme poindre. Idiote, idiote, idiote. Tu soupires discrètement et te relève, faisant semblant de sourire, comptant sur son état pour ne rien remarquer. « Tu comptes me faire boire des shots de cette taille là ? Ya pas de sirop ou de jus par ici ? » Boire de la vodka pure dans cet état n'est clairement pas ce que tu souhaites. Elle verse un diluant et te tend ton verre. Mue d'un courage -d'une folie ?- nouvelle, tu te mets sur la pointe des pieds et baise ses lèvres doucement. « Merci. » souffles-tu, fière de ton coup, sans vraiment avoir conscience que tu n'as fait que céder.

Vos lèvres se rencontrent pour la troisième fois de la soirée. T’es pas peu fière qu’elle fasse le premier pas cette fois. Mais faudrait pas qu’elle s’y trompe, si tu déploies ton charme nonchalant, si pour toi toutes les occasions sont bonnes à saisir pour glisser tes mains sur ses hanches ou lui susurrer dans le creux de l’oreille, c’est parce qu’elle te plait. Elle est belle, elle te paraît si jeune ; elle ignore probablement à quel point ses lèvres pleines et ses longs cheveux sont sensuels. Sa fragilité fait à la fois sa force et son charme. T’aimes bien jouer l’indifférence, la spontanéité volage mais là faut pas se mentir, tu voudrais juste l’embrasser encore, et encore. Embrasser celle qui t’a suivie jusque-là, qui te laisse l’emporter au bout de ta nuit, qui te donne tout sans rien te demander en retour.

Tu passes une main dans le bas de son dos et réprimes un frisson. Ton regard la couve, un instant lourd de ton désir ; celui d’après tu te reprends, tu souris, mine de rien, tu cognes fort ton verre contre le sien. « À la tienne ! » Tu prends une gorgée. « Ça manquerait pas un peu de musique ? » tu demandes. Tu sors ton téléphone, tant pis pour la qualité du son, et tu choisis le titre avec soin. Juvenile, de The Blaze. « Je sais pas ce qu’on écoute dans le sud, mais j’ai ce genre de trucs en réserve, » tu dis. T’as déjà envie de danser.

La tension est électrique, elle te touche, te relance, tu meurs d'envie de continuer, puis elle s'éloigne. Tu clignes des yeux plusieurs fois, sincèrement vexée. Tu étais prête à lâcher prise, mais elle non. Tu fais semblant de sourire et la suit, incapable de te détacher d'elle. Tu trinques avec son verre, bois une gorge. Tu acquiesces à la musique, tout plutôt que te concentrer sur toi. Tu souris quand elle choisit. « On écoute comme vous, on est pas des barbares. » lâches-tu en levant les yeux au ciel. Pourquoi les parisiens ont-ils un égo surdimensionné de la sorte ? Tu souris quand tu la vois se trémousser, la musique ça te parle. Tu l'attrapes par la main rapidement avant de la lâcher pour danser. Tenir sa main c'était juste fugace, un léger instant, pour l'inviter à te suivre. Tu te déhanches sur la musique, fermant les yeux, oubliant ta frustration, ne pensant qu'à la musique.