3 mois. Trois mois c’est long, surtout quand on est coincé dans un hôpital militaire dans un pays étranger. Bon, en même temps, ce n’était pas comme s’il lui restait quelqu’un à aller voir. Tout de même, Joshua commençait à avoir le mal du pays. Mais par-dessus tout, il n’en pouvait plus de ces programmes TV à la con en Allemand. A la seconde où il avait comprit que sa blessure avait détruit sa carrière militaire, il n’avait eu qu’une seule hâte : rentrer chez lui. Du moins, dans son pays, car depuis presque un an et le décès de sa grand-mère, dernier membre de sa famille, il ne lui restait aucun foyer. Ce dernier était constitué de son meilleur ami, Rafael, et son unité, sa maison se bornait au baraquement où il dormait 98% de l’année. Alors pourquoi tant de hâte à retrouver un pays où il ne serait plus rien ? Où il devrait reprendre sa vie à partir des bases ? Et comment dire qu’il n’irait pas bien loin, alors qu’il n’avait même pas été capable d’obtenir son diplôme du secondaire. Se battre avait toujours été ce qu’il savait faire de mieux, il doutait que ça lui serve à grand-chose dans la vie civile. Non, tout ce qu’il connaissait était les ordres. Il n’était bon qu’à ça, suivre les ordres et obéir sans réfléchir. Protéger au péril de sa vie. C’était sûrement une piste, Josh’ avait encore le temps de penser à tout cela dans les prochaines semaines, voir même les prochains mois. La vente de la maison, dans laquelle il avait grandit, élevé par sa grand-mère, lui avait laissé une petite réserve d’économie, dont il ne pensait avoir besoin aussi tôt. Non, à vrai dire, le jeune homme avait toujours pensé qu’il finirait ses jours dans l’armée, sans même jamais atteindre la retraite, il avait inlassablement eu la conviction qu’il rentrerait chez lui pour de bon entre quatre planches. Comme quoi, la vie nous réserve toujours des surprises. Plus ou moins bonnes selon le point de vue.

Voilà comment il se retrouvait enfin sur le sol américain, trois mois après avoir prit une balle qui lui a explosé le genou en même temps que sa vie. Un grand sac de sport contenant absolument toutes ses affaires, pour dire pas grand-chose en main, il fait attention de ne pas trop s’appuyer sur la toute nouvelle prothèse à sa jambe droite et cherche la sortie dans ce fichu aéroport. Faut dire que San Francisco n’a rien à voir avec le petit bled dans lequel il a grandit. Toujours vêtu de son uniforme, vu qu’il n’avait que ça dans ses affaires, il ne fait pas attention aux nombreux regards qui se posent sur lui. Joshua en as l’habitude, et encore il s’estime heureux que personne ne viennent l’aborder pour lui serrer la main et le remercier de ce qu’il fait pour la nation. Glissant la main dans sa poche, il en sort le petit bout de papier sur lequel est notée l’adresse de Rafael, son meilleur ami, et de sa sœur jumelle, Ombeline. Jeune femme qu’il connait déjà si bien alors qu’il n’a encore jamais fait sa connaissance. Faut dire que son frère ne tarit pas d’éloges et d’informations à son propos. Joshua est d’ailleurs ravi d’enfin la rencontrer en chair et en os, mais surtout, il ne pourra jamais assez la remercier de l’accueillir chez elle, le temps qu’il retombe sur ses pattes. Au début, lorsque Rafael lui avait fait cette proposition, le soldat avait refusé. Il ne pouvait pas s’imposer de cette façon dans la maison et la vie de la famille Sheridan. Face à l’insistance de son ami et désormais unique famille, il n’avait plus eu de raisons d’y échapper. Puis à quoi bon se leurrer : qu’aurait-il pu faire d’autre ? Plus aucuns membres de sa famille n’était vivant, du moins à sa connaissance, ses seuls amis étaient dans l’armée, sur le front, alors que lui restait sur la touche à partir de maintenant. A refaire sa vie, autant que ce soit dans une ville où il connaissait au moins une seule personne. L’adresse de son ami serré dans la main, il fait la queue pour attendre un taxi qui le conduira jusqu’à chez Ombeline. Il aurait préféré faire sa rencontre en d’autres occasions, mais surtout en présence de Rafael, malheureusement, lui-même savait très bien à quel point c’était difficile d’obtenir des permissions.

Des coups de klaxons persistant lui font relever la tête et un sourire s’étire sur ses lèvres en apercevant la tête aux cheveux coupés court derrière le volant. Il ignore les regards mauvais des personnes qui pensent qu’il leur passe devant et va s’accouder à la fenêtre ouverte. « Tu ne devrais pas être à l’autre bout du pays toi ? » Rafael déverrouille la portière pour permettre à l’ancien soldat de s’installer dans la voiture, ce qu’il fait juste après avoir jeté son sac sur la banquette arrière. « Et toi ta pas trouvé une seule tondeuse ses derniers mois ? » Le blond rigole en se passant la main dans sa barbe déjà bien fournis. Faut dire qu’il avait autre chose à faire… Comme regarder ces fichus séries allemandes dont il ne comprenait pas un mot. « Je ne voulais pas avoir la même tête de con que toi. » Après des mois dans cet hôpital, il se sent enfin revivre auprès de son frère d’armes. « T’avais peur que je trouve pas la maison sans toi ? » Il le taquine, comme il l’a toujours fait, mais au fond, Joshua est le plus heureux au monde. Le plus dur pour lui, dans cette nouvelle vie, ce nouveau quotidien, va être de ne plus être auprès de Rafael. « Je ne pouvais pas ne pas être la pour ton retour à la maison. Puis faut bien que je présente ma sœur. » Raf’ s’insère dans la circulation et ils discutent de tout et de rien, de tout ce qu’à raté Joshua en son absence, jusqu’à atteindre un quartier pavillonnaire. La maison devant laquelle s’arrête la voiture est tout à fait charmante. Et encore plus avec la bannière qui orne le dessus de la porte d’entrée. « Welcome to your new home. » Adorable. Tout comme la tête blonde qui passe par la porte d’entrée. Joshua prends quelques secondes pour observer sa nouvelle colocataire, et se rends compte que les photos qu’il avait pu voir d’elle étaient loin de lui rendre justice… Se décidant enfin à sortir de l’habitacle, il suit Rafael, qui s’est déjà chargé de récupérer son sac et s’approche timidement. L’homme qui n’a pas peur d’avancer dans un champ de mine, se retrouve soudainement timide face à la demoiselle. Mais plus il se rapproche, plus il ne peut que constater à quel point elle est belle. La cohabitation ne va pas être si facile que ça en fin de compte. Assez proche d’elle, il lui tend la main pour se présenter. « Enchanté d’enfin te rencontrer. Et surtout, merci de m’héberger chez vous. »

Muffins, cupcakes, cookies, canapés au saumon, au fromage, à la tomate, tranches de rôtis au bœuf et pommes de terre dorées au four, tout était en place. Concentrée sur les tâches à faire et celles qu’elle avait déjà faites, Ombeline s’était arrêtée en plein milieu du salon et réfléchissait. Avait-elle oublié quelque chose ? Normalement, tout était prêt pour l’arrivée de Joshua et de Rafael mais la blonde préférait s’en assurer comme il lui arrivait parfois d’oublier de petites choses. Or, pour la venue du meilleur ami de son frère qui allait devenir leur colocataire – et surtout le sien – Ombeline ne visait rien de moins que la perfection. On disait que la première apparence influençait beaucoup la suite des évènements et, en l’occurrence, la trentenaire voulait que le militaire se sente comme chez lui, et pas comme une pièce rapportée. Elle comprenait combien cette situation devait être douloureuse pour lui, et pas uniquement parce qu’elle était psychologue. Non, Rafael lui avait longuement parlé de son frère d’arme alors même s’ils ne s’étaient encore jamais vus, la jolie blonde avait déjà une idée de sa manière de penser. En l’occurrence il devait être dévasté, lui qui avait réglé toute sa vie autour de cette vocation consistant à protéger les autres. Un peu comme elle, d’une certaine façon... Alors oui, entre le fait de ne plus avoir de famille et celui de se retrouver blessé et d’être par la même obligé de renoncer à son but dans la vie, il y avait de quoi se sentir mal. Un rayon de soleil demeurait néanmoins capable de percer l’obscurité de son avenir, et cette lumière se nommait Rafael. Grâce à leur amitié, Ombeline n’avait aucun doute que le vétéran serait capable de se relever et retourner à la vie civile dans les meilleures circonstances possibles. Et de son côté, elle espérait l’aider aussi, à sa manière. Il fallait juste qu’elle fasse attention à ne pas laisser une quelconque déformation professionnelle interférer dans leur colocation – comme le psychanalyser sans s’en rendre compte – et tout devrait bien se passer. De tout façon, comment pourrait-il en être autrement alors que tous deux étaient profondément attachés à la même personne adorable qu’était Rafael ? Si ce dernier avait de suite eut des atomes crochus avec Joshua, il ne pouvait que se passer la même chose entre eux. Et elle allait bientôt en avoir le cœur net, car la voiture de son frère retentit dans l’allée.

Sortant de ses réflexions, un grand sourire naquit sur ses lèvres, tandis qu’une sensation de bonheur et d’allégresse s’empara d’elle en une demi-seconde. Elle était tellement heureuse de revoir son frère et de faire enfin la connaissance de cet homme mystérieux (ou presque) qui partageait le quotidien de son frère depuis toutes ses années, et qui partagerait bientôt le sien ! Ce militaire avec qui Rafael s’était aussitôt lié et qui veillait sur lui alors qu’il risquait sa vie à l’autre bout du monde ! Elle allait enfin faire sa rencontre et pouvoir lui témoigner remerciement et amitié, car il n’y avait pas l’ombre d’un doute dans son esprit qu’ils deviendraient proches et que, d’ici peu, Sheridan et Parker formeraient un trio indestructible. Malheureusement, ce n’était pas une bonne nouvelle pour tout le monde... Mais qu’importe, la jeune femme n’allait pas laisser cette pensée ternir son bonheur. Non. A la place, elle se précipita à la porte et l’ouvrit un peu trop précipitamment, manquant d’en cogner la poignée contre le mur. Rayonnante de bonheur, elle s’avança sur le palier tandis que son frère attrapait déjà leurs bagages. Cependant, ne voyant que deux grands sacs, la perplexité passa dans son regard. Joshua n’emménageait pas finalement ? Puis elle comprit, et son cœur se serra. Rafael lui avait pourtant expliqué à plusieurs reprises que le militaire n’avait plus grand-chose. Mais elle devait admettre qu’elle ne s’était pas attendue à ce que ce « pas grand-chose » ne tienne que dans un seul bagage. Son regard océan se posa d’ailleurs sur la place passager où l’homme se trouvait encore. Elle croisa furtivement son regard avant qu’il n’ouvre la porte, dévoilant un homme encore plus massif que son frère. Elle n’eut cependant pas le temps d’y penser plus avant que son frère se tint devant elle. Ombeline s’accrocha à son cou et l’enlaça longuement et chaleureusement. « Re-bienvenue chez toi ! » s’exclama-t-elle, sur un ton plus doux et un sourire radieux étirant ses lèvres colorées. Puis elle le relâcha et posa ses iris océan sur le fameux Joshua. Ce dernier se montra très formel en lui tendant la main pour la saluer, ce qui fit d’autant plus sourire Ombeline. « Bienvenue à toi-aussi ! » fit-elle en se mettant sur la pointe des pieds pour venir l’enlacer à son tour. Il faisait la même taille que son frère, était un blond aux yeux bleus, portait l’uniforme et pourtant... pourtant son ressenti fut très différent. Ombeline n’aurait su le définir, mais le principal était de sentir que le courant passait bien entre eux ; ce dont elle n’avait jamais douté mais qui, à sa manière, était néanmoins rassurant. En tout cas, comme elle l’avait déjà remarqué sur les photos de son frère, il avait cet air ténébreux des bad boys dont le charisme attirait tous les regards. C’était à se demander pourquoi il n’avait pas une copine chez qui loger, mais sans doute était-ce dû à son choix de vie qui se résumait à se sacrifier pour son pays. Ombeline redescendit finalement de quelques centimètres alors qu’elle relâchait son étreinte. Son regard s’ancra ensuite au sien. Elle espérait ne pas l’avoir mis à l’aise, même si ça aurait été mieux qu’elle se pose la question avant. Mais elle était si heureuse ! « Mais on ne t’héberge pas. Tu es ici chez toi ! Tu es le frère d’arme de Rafael, tu es donc mon frère aussi ! » affirma-t-elle, enthousiaste, avant de faire un grand geste de la main pour que tout le monde entre.

Une fois à l’intérieur, Rafael posa les bagages dans l’entrée du salon. « Et voilà ton nouveau chez-toi ! » sourît-il, à l’image de sa jumelle. « Regarde comme tu es accueilli ! » s’amusa-t-il devant les préparations culinaires de sa sœur. Cette dernière leva les yeux au ciel avant de lui faire un clin d’œil. A chaque retour de son frère, elle avait la sensation de revivre à nouveau. C’était déjà le cas de nombreux frères et sœurs, mais leur gémellité ne faisait que résonner le manque ou la joie plus fort encore. « Notre colocataire est accueilli comme toi, c'est-à-dire comme il se doit. D’ailleurs, j’espère que vous avez faim sinon je suis bonne pour faire le tour des voisins et leur offrir le surplus... » commenta-t-elle alors que sur la table basse, face à la télévision, trônaient déjà fièrement les différents apéritifs, tandis que les desserts attendaient sagement sur le comptoir entre la cuisine et le salon. « Qui veut boire quoi ? Je prépare les boissons pendant que tu montres les lieux à notre nouveau coloc ? » demanda Ombeline. Rafael hocha la tête et attrapa à nouveau les bagages pour les emmener dans les chambres à l’étage. Il s’arrêta dans la sienne pour poser ses affaires puis emmena Joshua dans celle qu’ils avaient prévue pour lui, le tout en faisant une visite guidée des lieux. Puis les deux hommes revinrent dans le salon. A peine eurent-ils mis un pied sur le parquet du salon que la blonde leur tendit leur verre. Le trio s’installa ensuite autour de la table basse où les jumeaux prirent le divan tandis que le fauteuil était laissé à Joshua. « Bien. Je propose qu’on trinque à cette nouvelle colocation et aux amitiés présentes et futures ! » Optimiste et confiance en l’avenir, Ombeline levait déjà son verre à cette nouvelle vie qui se profilait devant elle, devant eux.

Comment ne pas être heureux lorsqu’il revoit son frère d’arme, lorsque se dernier à prit le temps de demander une permission pour l’accueillir chez lui. Non content de lui offrir un toit au dessus de la tête le temps qu’il reprenne pied, Rafael est en plus venu le chercher en voiture à l’aéroport pour le conduire à la maison qu’il partage avec sa sœur jumelle. S’il n’avait pas peur d’abimer son nouveau genoux tout neuf, Joshua n’aurait pas hésité à sauter de joie, quitte à en être ridicule. Il se contente de grimper sur le siège passager et de saluer son meilleur ami. Enfin il se sent chez lui. Enfin il se sent entier. Jamais il n’aurait pensé trouver ce qui lui a toujours fait défaut en rentrant dans l’armée : une famille. Certes, l’ancien soldat a eu sa grand-mère, qui l’a élevé à la mort de sa propre fille, et même si Abby lui a donné tout l’amour dont il a eu besoin, ce n’était pas suffisant. Elle n’avait jamais eu la force, ni même probablement le courage de calmer ses ardeurs et de contrôler sa colère contre le monde entier. Ce qui le poussait plus que souvent à faire des conneries et se battre. Ce n’est qu’avec la rigueur et la discipline de l’armée, que l’on avait pu faire quelque chose de lui. Mais c’est aussi grâce à des gars comme Rafael et le reste de son équipe qu’il n’a pas encore finit dans un cercueil. Ils ont toujours été là pour le retenir lorsqu’il s’apprêtait à se jeter tête baissé dans le feu de l’action, prêt à protéger ses camarades à son propre détriment… Et aujourd’hui, il est ici, à San Francisco, alors qu’ils sont tous à l’autre bout de la planète… Il secoue la tête pour se sortir toutes ces idées noires de ses pensées et se concentre sur son meilleur ami et chauffeur, qui se fit un plaisir de commenter la ville le temps du trajet. Finalement, il ne voit pas le temps passer et se concentre sur les alentours seulement lorsque la voiture ralentit et se gare devant une maison tout à fait charmante en zone résidentielle. Le genre d’endroit typique où des parents aimants élèvent leurs enfants. Il comprend à présent pourquoi son frère d’arme est une personne aussi formidable. Et si lui est ainsi, sa sœur ne peut qu’être pareil, voir mieux. Mille fois mieux.

Un sourire s’étire sur ses lèvres lorsqu’il aperçoit la banderole au dessus de la porte d’entrée. Personne n’a jamais eu ce genre d’attention pour lui, et ça le touche plus qu’il ne l’aurait imaginé. Puis il l’a voit. Cette tête, aussi blonde que celle de son frère, qui passe par l’encadrement en bois et pose un regard tendre et aimant sur Rafael. Joshua ne put s’empêcher de la dévorer du regard. Il a déjà vu des photos d’elle, à plusieurs reprises, mais ce n’est en rien comparable avec la beauté qui se tient sous le perron. C’est la raison pour laquelle il lui fait quelques secondes de plus avant de se décider à sortir la voiture, alors que Rafael à déjà sortit les bagages. Il les regarda s’enlacer et son cœur se serre dans sa poitrine. A ce moment, il ne peut arrêter les souvenirs qui déferlent dans sa tête, de toutes les fois où Abby à eu le même geste envers lui à ses retours à la maison. Le grand blond n’eut pas le temps de s’appesantir sur sa tristesse que les jumeaux se séparent et Ombeline lui fait face. Il lui tend la main, pour la remercier de cet accueil mais surtout de l’héberger, pendant ce qu’il espère n’être pas trop longtemps. Ses sourcils se haussent de surprise alors que la petite blonde passe ses bras autour de son cou pour l’enlacer, comme elle vient de le faire avec Rafael. Il ne réagit pas, prit de court, les bras ballants, il n’ose pas faire un geste et la prendre, elle aussi, dans ses bras. Toutefois, ce n’est pas l’envie qui lui manque. Bien au contraire… Durant une seconde, son regard rencontre celui du frère Sheridan, et le fusille du regard alors qu’un sourire moqueur orne le visage de son meilleur ami. Certes, il doit lui-même avouer qu’il est bien plus à l’aise avec un fusil dans les mains qu’avec Ombeline. Pourtant il sait y faire avec les filles. Et pas qu’un peu. Sauf que là, ce n’est pas n’importe quelle fille. C’est plus que la sœur de Raf’, c’est sa jumelle. Cette dernière met fin à son mal-être en se reculant et le regardant dans les yeux. Il ne peut détacher son regard du sien et sent son cœur battre à toute allure entre ses côtes. Portant une main à son cœur, il baissa humblement la tête en répondant : « Merci.  » Jamais il n’aurait pu espérer mieux que ce qu’on lui offrait en ce moment même.

Suivant les jumeaux à l’intérieur de la maison, Joshua en profite pour jeter un coup d’œil rapide. Il a encore du mal à se dire que c’est chez lui désormais. Du moins le temps qu’il trouve quoi faire de sa vie, qu’il trouve un travail, et un logement. Une longue liste de tâche à accomplir et à laquelle il faudrait se mettre rapidement. Son attention est alors reportée sur le salon, où trône littéralement une tonne de nourriture en tout genre. Cette fille est décidément une vraie perle. « J’ai cru une seconde que vous aviez invité tout le régiment !  » Se tournant vers Ombeline, il ajoute en faisant le salue militaire : « Je m’engage à n’en pas laisser une seule miette. Par contre faudra que je me remette à courir rapidement pour éliminer tout ça !   » Ce qui n’est pas un problème en soit puisque le sport est le meilleur exutoire au jeune homme. Et maintenant que sa blessure est pratiquement entièrement guérit, il va pouvoir s’en donner à cœur joie. A la question de la jeune femme, il sourit timidement tout en répondant : « Une bière si tu as, sinon un soda fera l’affaire.  » Après tout, il l’a bien mérité non ? Curieux, il observe tout ce qui l’entour en suivant Rafael dans les escaliers. Il note mentalement le plan de la maison, à quoi correspondent les différentes pièces, jusqu’à se retrouver dans l’encadrement de la porte de sa chambre. Une pièce simple et sobre. Avec tout le nécessaire et bien plus d’espace qu’il n’en avait dans les baraquements de la base. Presque trop pour son pauvre petit sac d’affaires. Avant de redescendre, il attrape le bras de Rafael pour lui faire face. « Merci mec, tu ne sais pas ce que ça signifie pour moi, ce que tu fais, ce que vous faite. Je vous en serais toujours reconnaissant.  » Sur un hochement de tête compréhensif, les deux soldats redescendent et ils se retrouvent tous les trois assis dans le salon, un verre à la main à trinquer à cette nouvelle vie. « Aux Sheridan, les meilleurs personnes qui existent sur cette terre. Et à cette nouvelle vie qui m’attends.  »

 

Sous son air sauvage, Ombeline sentit aussitôt les raisons pour lesquelles son jumeau s’était attaché à lui. Il résidait dans son regard autant de blessures que de combativité, deux choses que les enfants Sheridan connaissaient bien. Il suffisait de voir sa maladresse dans ses gestes et la gêne dans ses iris pour comprendre qu’une âme profondément belle et rayonnante vibraient en lui. Simplement, il n’en avait pas conscience. Pas encore. Sauf que la psychologue était habituée à déchiffrer les émotions et les sentiments les plus enfouis, et à discerner le caractère de ses patients. Sans compter son intuition féminine qui la trompait rarement. Bref, déformation professionnelle oblige, Ombeline commençait à dresser inconsciemment le portrait psychologique de son nouveau colocataire. Car elle s’était promis de ne pas le faire, et son frère le lui avait également fortement conseillé. Malheureusement, même avec toute la volonté du monde, il lui était difficile de faire autrement. C’était devenu inné chez elle. La jolie blonde fit cependant son maximum pour ranger rapidement toutes ses informations dans un coin de son esprit, et accueillir normalement le militaire. Elle sourit en voyant qu’il observait la banderole, et que cette attention le touchait. Et elle sourit encore plus une fois qu’elle se présenta et qu’elle l’enlaça. Oui, il faisait partie de leur famille, aussi petite soit-elle. Au premier regard, elle l’avait adopté. En fait, il l’avait été dès que Rafael lui avait parlé de lui et de son amitié naissante. De loin, à travers l’écran, au téléphone ou par courrier, elle avait suivi leur évolution et était on ne plus heureuse d’enfin rencontrer celui qui épaulait son frère, et qui était devenu plus qu’un frère d’arme : un frère de cœur. Or, comme Rafael avait une jumelle, il était on ne plus logique que Joshua devienne aussi le sien par extension.

Une fois à l’intérieur, Ombeline fut heureuse de présenter tous les bons – du moins l’espérait-elle – petits plats qu’elle avait confectionné spécialement pour la venue de Joshua et les retrouvailles avec son jumeau. Avant de les observer, pensive. Peut-être s’y était-elle donnée un peu trop à cœur joie. Et le commentaire du militaire ne fit que naître un grand sourire amusé sur les lèvres de la jeune femme. « Si vous en connaissez d’autres qui sont dans le coin, n’hésitez pas à lancer des invitations. » fit-elle, taquine. Puis elle rit devant son second commentaire et la posture militaire qu’il avait adoptée. Décidément, il était mieux en vrai qu’en photo ! Et pas seulement parce qu’il était beau-gosse ! Non, Joshua possédant le sens de l’humour, une caractéristique essentielle chez les Sheridan, et il venait par ce simple fait, de monter en tête de liste des personnes qu’elle appréciait le plus. Pas que cela réellement nouveau, puisque la bromance qui liait les deux hommes lui avait octroyé cette place depuis longtemps. Savoir que son frère avait un ami, un frère, un gardien, ça lui avait toujours permis de se sentir un peu moins stressée durant ces longs moins loin d’elle. Mais même les anges-gardien ont besoin qu’on veille sur eux, et c’était exactement ce qu’allait faire la psychologue. « Pour courir, tu vas pouvoir courir, oui. Essais juste de ne pas effrayer les enfants ni de draguer les femmes du voisinages. On est dans un quartier respectable ici ! » le charria Rafael, qui avait plaqué fièrement un sourire un coin sur son visage. Cette annonce eut pourtant un impact sur la jeune femme. Si c’était un tombeur – et il faudrait être aveugle pour ne pas le constater – devait-elle craindre de voir défiler autant de femmes dans la maison de ses parents ? Cette idée l’affola, malgré le ton léger de son jumeau et la certitude qu’il avait prononcé ces paroles juste pour l’embêter. Elle décida donc de se rassurer en changeant de sujet de conversation. « Sinon, je pourrais toujours vous envoyer chercher les courses une par une. » sourit-elle doucement. « Ce ne sera pas aussi palpitant que vos entrainements mais c’est le mieux que je puisse faire. » Puis finalement, Ombeline se porta volontaire pour endosser le travail de barmaid pendant que Rafael jouerait le guide et agent immobilier.

Avant de passer à table, les Sheridan trouvaient important que leur nouveau colocataire se sente chez lui, en sachant déjà dans quelle pièce il allait loger pour les prochains mois. De connaître son espace rien qu’à lui, son refuge s’il avait besoin de s’isoler. Ce qui allait clairement le changer de devoir tout partager avec son escouade, et ce depuis des années maintenant. Ombeline savait d’ailleurs d’avance quel choc ce changement allait être pour le militaire dans les prochains jours, mais surtout dans les prochaines semaines et les prochains mois. Cependant, elle savait aussi que, aussi difficile que sera la relève, elle serait là à chaque étape. Elle deviendrait tout ce dont il a besoin pour le soutenir et l’aider en cette période trouble et compliquée. Son jumeau s’étant engagé dans l’armée, elle s’était rapidement intéressée et formée au trouble du stress post-traumatique. Elle espérait ainsi être en mesure d’aider au mieux les personnes se retrouvant dans la même situation que mister Parker. En fait, elle en avait déjà aidé. Certains s’en étaient sortis. D’autres demandaient plus de patience et de soutien. Mais Ombeline ne lâchait rien, car même si elle n’était sûrement pas la meilleure psychologue spécialisée dans le TSPT, elle y donnait tout son cœur et aimait à croire que cela faisait déjà une belle différence.

Une fois les garçons de retour, la jolie blonde donna sa boisson à tout le monde avant de les inviter à s’installer autour de la table basse du salon. Craignant toujours de ne pas faire assez et refusant d’être une hôtesse de maison exécrable, elle avait cuisiné pour bien plus de trois personne. Cela étant, elle était face à deux estomac sur pattes et ne doutait pas qu’ils allaient se précipiter sur le menu. Manger autre chose que du corned-beef devait être un rêve pour les militaires en mission. Ombeline espérait juste être une suffisamment bonne cuisinière pour ne pas les décevoir. Le trio trinqua, puis un silence s’installa. Rien de pesant. Ombeline était simplement en train de se demander quelle thématique elle pouvait aborder pour ne pas mettre mal à l’aise son nouveau frère. Rafael, lui, devait être à moitié-endormi ou se demander quel tour il allait leur jouer. La jeune femme décida alors d’être la première à parler. « Alors, vous voulez me raconter les dernières nouvelles du front, ou vous voulez connaître celles d’ici ? » demanda-t-elle avec un sourire mutin aux lèvres et les yeux pétillants de malice.