Victoria observait cet homme. La puissance qui émane de lui était telle qu’elle n’avait pas de doute qu’il pourrait lui écraser le cœur, et la tête, sans même avoir à serrer totalement ses doigts. Il y avait de la force dans sa corpulence, qui signifiait bien à toute personne qu’il pouvait lui broyer le visage quand il était en colère, et un regard assassin qui promettait milles tourments. Pourtant, bien qu’elle le su et le voyait encore, elle n’avait pas peur. Ricardo Browson, Comte de Rosaland, ne donnait en son cœur plus aucune peur. Si elle en avait eu, avant de lui parler, il avait suffit d’une danse et de quelques moments où il la voyait, vraiment, pour que cette peur diminue comme neige au soleil. Avait-elle été aveugle jusqu’à maintenant ? Parce qu’elle le voyait depuis toujours, elle. Le pensait-elle. Elle avait toujours remarqué cet homme dont la force et le courage impose le respect à tous les froussards. Elle avait entendu les murmures, les rumeurs, les cachotteries des uns et des autres. Elle était silencieuse et à l’écoute, et elle avait toujours écouté ce qu’on disait des autres. Ainsi, elle pensait qu’elle le connaissait assez et elle dirait encore qu’elle le connaissait maintenant… Pourtant elle se sentait bien plus en sécurité maintenant qu’il était là qu’avant. Comme si avec lui dans les parages, elle savait que personne ne lui ferait du mal, quand bien même on la remarquerait pour une fois. Elle ne sait pas pourquoi l’homme qui l’a attaqué l’avait remarqué, elle, la vieille fille oubliée, mais elle savait que le monde pourrait la voir avec Ricardo Brownson, elle serait en sécurité.

Ce qui n’avait pas de logique puisqu’il n’y aurait jamais quoi que ce soit entre eux. Puisque Ricardo préférait le diamant… Même Victoria préfèrerait le diamant à elle, si on lui donnait le choix de se choisir ou pas, alors… C’était juste qu’elle se sente bien mieux à ses côtés, comme si son aura de confiance en lui et de supériorité de noble pouvait déteindre un peu sur elle. Elle se sentait digne d’être en vie, ce qui n’était pas le cas tout le temps, ne mentons pas. Elle avait réussi à lui parler au bal parce qu’elle s’était sentit pousser vers lui, tout sourire, parce qu’elle se sentait… bien. Elle rougit un peu mais ça pouvait passer pour la discussion qui se dérouler ensuite. Aucune excuse. Elle baissa les yeux sur les doigts de l’homme et la douleur qu’il avait dû ressentir. Elle avait essayé, une fois, de donner un coup de poing à son oreiller. On lui avait dit que cela permettait de sortir la frustration en soi, ça n’avait pas fonctionné, Victoria n’était pas de celles qui pouvaient exprimer sa colère ainsi. Bref. Elle avait essayé, et elle avait simplement eu mal à cause du frottement du tissu sur sa peau, et elle y était allé doucement… alors elle ne pouvait pas imaginer la douleur de l’homme en face d’elle. Elle avait envie de s’excuser encore, sentant les larmes lui monter aux yeux, mais elle détourna la tête. Elle ne voulait pas être pitoyable devant lui. Encore une fois, elle avait l’impression que l’aura qu’il avait se répercuté en elle et lui donnait de la force. C’était déroutant, apaisant, et très dangereux pour son cœur. Quand il avait dû annuler leur danse, elle s’était sentie mal. Quand il ne lui en avait même pas proposé une, elle avait senti la pointe de douleur en son cœur. Il ne voulait pas d’elle, et ne la voyait que comme une victime ? Elle ne devait pas espérer plus que ça.

- Elle… elle… Elle ne dit rien sur moi, rougit-elle avant de montrer les papiers d’un signe de tête.

Avait-elle simplement décidé de la protéger parce qu’elle n’était rien ou n’avait-elle simplement rien vue ? Elle ne serait le dire. Peut-être s’était-elle simplement dit que Victoria Sullivan, fille transparente, ne survivrait pas à un scandale. Elle était à peine là dans les bals, se cachant dans l’ombre malgré ses cheveux de flammes… alors, c’était peut-être ça. Elle eut un petit sourire vers Ricardo quand le silence s’imposa. Elle ne savait trop quoi lui dire. Elle ne pouvait rien dire que des excuses qui lui brûlent la langue et qu’elle cache par une gorgée de thé. Elle penche la tête quand l’homme lui tendit un papier. Elle le prit de ses doigts délicats et observa les écritures. Ses yeux, qui étaient toujours baisser comme si elle ne voulait être puni de le regarder trop directement, se relevèrent après avoir pris connaissance du pli. Machinalement, elle se montra du doigt.

- Je… je… je suis invitée ? s’étonna-t-elle.

Si Ricardo l’avait sous entendu, que la comtesse voulait l’inviter… mais par un joyeux travail de l’esprit, Victoria en avait repoussé la possibilité comme si c’était la plus improbable des situations. Pourquoi une comtesse, belle et populaire de surcroît, irait l’inviter elle. Elle n’avait pas réellement sauver Antonio Brownson. Elle l’avait juste récupérer parce qu’il avait été attaqué alors qu’elle regardait par la fenêtre. Elle n’avait rien fait qui puisse mériter ça… pourtant, elle fit un sourire. Un sourire content et aimable. Elle sera entourée de personne bien plus prestigieux qu’elle, et certainement sera-t-elle oublié à force mais…

- J’ai… j’ai toujours aimé les mariages, avoua-t-elle dans un souffle. Les mariages d’amour, je veux dire.

Son père, bien que bourré de défaut, avait au moins aimé sa belle-mère à leur mariage de ce mélange de tendresse et de ce qu’elle ne sait pas être du désir. Ce regard qu’elle pouvait voir parfois dans les prunelles de certains dandys juste avant que le mariage ne soit annoncé dans la presse. Elle aimerait tellement faire un mariage d’amour… mais elle sait que ça ne sera pas possible. Son père avait décrété que cette année serait la dernière où il ne s’en mêlerait pas. Et comme il sait qu’il y a peu de chance, voir aucune, qu’elle trouve un mari d’ici la fin de la saison, il avait commencé les démarches pour la marié à un ami à lui, de deux fois et demi son âge. Soit 57 ans. Mais tout ça, elle ne le savait pas. Elle caressa le carton d’invitation. C’était la première fois qu’on l’invitait à un mariage, non pas son père et donc elle… ou parce que la société le demande pour rencontrer les filles à marier, mais bien elle. Elle n’allait jamais jeter cette carte ! Elle la porte à son cœur et quelques larmes coulent. Parce qu’elle n’était plus invisible. Elle papillonne des yeux et les chasse avant de prendre un mouchoir brodé et de s’en essuyer les yeux. Elle ne pensait ne plus avoir de larmes pour pleurer.

- Je ne pensais ne plus avoir de larmes pour pleurer.

L’écho de ses pensées l’a fit relever les yeux à nouveau vers Ricardo et rougir. Elle n’avait pas dit ça à voix haute n’est-ce pas ? La fatigue des cauchemars et des derniers évènements la rendaient encore plus pâle, et apparemment plus stupide aussi. Elle se détestait d’être ainsi tout le temps. Elle ne demanda pas s’il irait, la réponse était évidente et son cœur se gonfla de joie encore. Elle pourrait encore être vue par cet homme, et rester dans son rêve éveillé encore un peu. Peut-être que cette fois-ci elle pourra avoir une danse ? Elle s’excusa doucement avant de reprendre son thé. Vraiment, elle était déjà émotive et invisible, et maintenant elle devenait pitoyable. Elle n’était pas sûre de devoir venir à ce mariage, mais refuser lui briserait le cœur.

- Je... Je viendrais. Avec plaisir. Je serais honorée.

Et puis, là-bas, elle ne risque pas de se faire agresser, puisqu'il y aura Ricardo... et ses frères, mais ça la jolie rousse n'y pensa pas tout de suite.