Kyle ne se rend compte qu'elle ne l'a pas suivi qu'une fois en haut. Il se retourne vers elle et la voit s'énerver. Elle est toute petite vue d'ici, bon elle n'est pas grande habituellement, mais elle dégage un truc qui fait peur, de là-haut, c'est presque attendrissant. Mais évidement, il retient son sourire, elle va le lui faire bouffer sinon.

- Nan, c'était pour la vanne.

Il hausse les épaules. Devant eux, la montagne monte jusqu'aux nuages, il n'a jamais visité les autres districts, mais il sait que tous n'ont pas les mêmes paysages. Kyle s'est habitué à ces montagnes grandioses, il ne les échangerait pour rien au monde. C'est bien la seule chose qu'il aime par ici. Les livres, les gens, tous peuvent bouger, partir et entrer dans une vie. Les montagnes, non. Elles imposent leur magnificence et ça l'inspire.

- Je t'ai amené ici parce que j'aime cet endroit. Il allait en dire plus, dire que c'était la première fois qu'il emmenait quelqu'un dans ce lieu si spécial, mais il a peur qu'elle lui rit au nez. Parce que c'est magnifique, parce que j'aime les montagnes et la solitude. Soudain, il comprend un truc et il se frappe le front. Toi, t'es tout le temps seule, c'est ça ? T'aurais préféré qu'on se mêle à la foule ? Merde, j'ai pensé qu'à moi.

Il s'assied par terre, sur l'herbe bien verte et fait pendre ses jambes au bord de la falaise. Il la regarde, pour de vrai. Il ne fuit plus son regard, il n'est pas intimidé par elle. Oh bien sûr, il n'est pas fou, il sait qu'elle peut être dangereuse, mais il a envie de faire confiance, il a envie qu'elle lui montre qui elle est vraiment. Et pour ça, il faut peut être qu'il fasse le premier pas.

- Ce lieu, c'est mon havre de paix. Tu le sais, j'aime faire la fête, mais ce n'est qu'une image que je donne, je veux pas qu'on sache que ce que j'aime le plus au monde, c'est les paysages comme ça. Les montagnes, magnifiques, la solitude du chemin et.. les papillons. Je sais, c'est con, tu peux rire, mais j'aime vraiment leurs couleurs. Alors je t'ai emmenée ici parce que tu m'as partagé ta maison, un peu de toi. Et je voulais te rendre la pareille. Ici... Il tend les bras autour de lui. C'est un bout de moi.

Septima finit par pousser un soupir et entame l’ascension. Ses pas sont légers. Elle perçoit bien sur quels rochers il vaut mieux éviter de mettre les pieds. La démarche est assurée, féline. Clairement, ce n’est pas un problème pour elle de monter. Mais si par malheur elle fait un accroc dans sa robe à cause de ces fichus cailloux, elle le lui fera payer.

Pendant ce temps, le garçon a repris la parole. Il semble… contemplatif. Sérieux, presque. C’est étrange. Il a l’air d’être au loin, comme un peu perdu dans ses pensées. Encore plus étrange.

- Toi, tu aimes la solitude ?

Le ton de Septima s’est fait sarcastique. Elle n’a pas pu s’en empêcher. De toute façon, elle n’en sera pas désolée, elle ne cherchait pas à l’empêcher. Le garçon lui fait l’effet de tout sauf de quelqu’un qui aime la solitude. Et pourtant, c’est lui qui lui demande si elle aurait préféré de la compagnie. Est-ce que ce serait le monde qui marche sur la tête ? Il s’est pris un éboulis sur le sommet du crâne sur le chemin ? Pourtant il ne lui a pas semblé voir de rocher rouler dans le sens de la descente. Ni de la montée, d’ailleurs.

- T’as pensé qu’à toi, oui, lui rétorque-t-elle en lissant le bas de sa robe de tout faux pli.

V’là t’y pas qu’il se pose dans l’herbe maintenant. Ça, c’est parti pour la lui ruiner, sa robe, assurément. La brune roule des yeux et se pose quand même juste à côté de lui, les pieds dans le vide. Elle se penche en avant, contemple par-dessus le rebord de la falaise. Il y a une jolie chute. L’espace d’un instant, elle contemple la possibilité de le pousser, s’il l’énerve trop. Le garçon continue de parler. Elle tourne le regard vers lui, et jette de nouveau un œil au vide sous leurs pieds. Ou bien s’il ne s’arrête pas de parler ? C’est elle ou il est en train de parler de papillons, là ? Effectivement, elle pourrait rire. Ou, encore une fois… juste un petit coup d'épaule. Et pourtant. Et pourtant, elle ne le pousse pas. Non, elle l’écoute finir sa tirade sans broncher. Jusqu’à la dernière phrase, du moins.

- Je t’ai partagé ma maison ? Tu veux dire que tu es venu t’imposer chez moi, oui, grommelle-t-elle.

Faut reconnaître qu’il a raison, néanmoins, elle n’est pas dégueu, cette vue.

Elle est sarcastique, elle le juge sûrement et pourtant elle vient s'assoir à côté de lui.

A aucun moment il songe qu'elle pourrait le pousser de là. Enfin, la montagne n'est pas si haute, au pire, il se casse quelque chose, non ? Non. Il se casserait plus d'une chose, mais pourquoi le pousserait-elle ? Elle l'apprécie, il le sait.

- Je t’ai partagé ma maison ? Tu veux dire que tu es venu t’imposer chez moi, oui

Il rit. Il se sent vraiment bien ici, vraiment vraiment bien. Le tumulte de la ville en contrebas est assourdit et la vue est splendide. Et il ne parle pas des montagnes pour une fois.

- Alors là, je m'excuserai pas pour ça, je t'ai fait rencontrer une personne extraordinaire, t'imagine si j'étais pas venu ?

Il pose une main sur son coeur et fait mine d'être vexée.

- Tu serais encore en train de te morfondre à tuer des mannequins et tenter un nouvel instrument.

Il s'arrête un instant, puis fait mine de réfléchir. Et, un nouveau sourire aux lèvres, il reprend.

- Quoique, tu fais toujours la même chose, mais cette fois-ci tu peux imaginer ma tronche sur le mannequin pour éviter de me tuer en vrai et le regretter après coup.

Il sent qu'il pousse le bouchon trop loin, mais il a enfin compris pourquoi il ne s'était pas enfui. Et le risque, c'est que maintenant, il n'y a plus aucune chance pour qu'il la laisse tranquille. Il est bien trop engagé dans cette... je-ne-sais-quoi avec Septima.

Septima arque un sourcil. Est-il vraiment en train de faire de l’humour ? De l’humour pas à ses dépens mais à son profit ? Parce qu’elle sait le type de railleries qu’il peut y avoir derrière son dos. Aucun n’est suffisamment courageux pour venir le lui dire en face – qu’ils essaient, rira bien qui rira le dernier –, mais elle ne se leurre pas sur ce qui se dit d’elle lorsqu’elle n’y est pas. Ce n’est donc pas souvent que c’est elle qu’on essaie de faire rire. Non pas que ce soit une tâche facile. Septima a très peu de second degré. Si elle comprend le sarcasme, elle a parfois du mal à percevoir les autres types d’humour.

Il pose ses mains sur son torse dans une posture théâtrale et Septima lui met un coup d’épaule. Rien de violent. Pas de quoi le passer par-dessus la falaise. Simplement pour casser sa fausse mine vexée. Lui faire comprendre qu’elle n’est pas dupe. Elle doit admettre que ça l'amuse un peu, peut-être, quelque part au fond d'elle-même. Mais elle ne l'admettra qu'à elle-même, surtout pas à lui. Il est déjà suffisamment présomptueux en l'état.

Alors elle imagine. Elle se prend à réaliser que s’il n’était pas venu, elle ne serait pas là en train d’avoir cette conversation particulièrement absurde. Elle serait dans son salon, possiblement en train de chercher sa prochaine lubie à assouvir pour passer le temps… un temps parfois si long et si désœuvré. Personne ne lui avait dit que gagner aux Hunger Games avait des airs de « le dernier jour de ton ancienne vie » mais sans nouvelle vie palpitante à la clé. Juste beaucoup de temps libre, ponctué de sollicitations médiatiques ou autres idioties liées de près ou de loin aux Jeux.

Quand il reprend la parole, elle plonge son regard dans le sien et se penche vers lui, défiante.

- Parce que tu penses vraiment que je le regretterais après coup ?

Elle manque de lui déboiter l'épaule et Kyle est certain qu'elle ne s'en rend même pas compte. Il cesse de sourire, au moins, c'est toujours ça de gagné - pour elle.

Puis, quand elle plonge son regard dans le sien, Kyle est incapable de dire si elle fait de l'humour à son tour. Il a envie d'y croire, mais soudain, il revoit son air à la fin des jeux, son visage absolument pas terrifié, ses expressions... oui, c'est bien la même personne et, malgré lui il frisonne. Au moins, il n'est pas totalement masochiste finalement, il conserve une once de bon sens : il ressent de la peur face à elle.

Pourtant, il se reprend bien vite et il hausse les épaules. Comme d'habitude, sûrement son mouv' fétiche.

- Alors, pour dire la vérité, non j'en sais rien, mais j'ose l'espérer, parce que sinon ça fait de moi un suicidaire qui ne vient là que pour mourir.

Il fronce les sourcils, réfléchit encore un peu, fait une moue étrange avec ses lèvres.

- Ouais, j'ai décidé d'y croire, parce que j'ai du mal à penser que tu ne veuilles que te débarrasser de moi, ça t'aurait pu l'faire dès l'début.

Kyle détourne le regard pour admirer le vol des papillons. Elle l'a entraîné sur un sujet qu'il n'avait pas vraiment prévu et il ne sait pas sur quel pied danser.

- Dis-moi si j'me trompe hein.

Comment peut-il combattre son regard noir et son air nonchalant ? Par son flegme habituel et son léger sourire en coin. Il veut lui faire croire que rien ne le touche, qu'elle peut dire ce qu'il veut, qu'il s'en fiche. Malheureusement, il s'est déjà trop livré, peut être pourra-t-elle lire entre les lignes cet attachement qu'il ressent déjà sans même avoir prévu de sauter à pied-joint.

Pour une fois qu’elle s’essaye à une tentative d’humour, le garçon lui répond le plus sérieusement du monde. Il faut croire que ce n’est pas son truc, l’humour. Non, ce n’est pas du tout son truc. Il vaut sûrement mieux qu’elle ne s’y réessaye pas trop.

- Tu as raison, j’aurais pu le faire dès le début, lui répond-elle alors. Sauf à vouloir faire durer un peu le plaisir d’abord…

… ou à commencer à sérieusement apprécier sa compagnie. Il est quelque part par-là, le fond de vérité. Aussi agaçant puisse-t-il être, avec son air suffisant et sa répartie, elle lui trouve quelque chose. Quoi, elle n’en sait encore trop rien, mais quelque chose. De suicidaire ? D’attachant ? D’idiot ? De charmant ? Possiblement un peu de tout à la fois. Mais cela, il est hors de question qu’elle le lui dise. Il se flatte déjà suffisamment l’ego tout seul, elle n’a pas besoin de remettre une pièce dans cette machine-là. « Je t'ai fait rencontrer une personne extraordinaire, t'imagine si j'étais pas venu ? ». Une personne extraordinaire. Une personne qui a envie de passer du temps avec elle, en soit, c’est extraordinaire.

Toute à ses pensées, elle le dévisage sans vergogne tandis qu’il contemple les papillons. Les papillons… Ce garçon n’est décidément comme aucun autre de ceux qu’elle a côtoyés jusqu’à présent. Septima se penche de nouveau vers Kyle et souffle.

- Je vais t’avouer une chose… je n’ai jamais aucun regret.

C’est la stricte vérité. Septima ne remet jamais en doute ses choix et ses actions. Elle n’a ni remords – encore faudrait-il être capable de ressentir de la culpabilité pour cela – ni regrets. Ses choix sont issus d’une implacable rationalité et d’une logique infaillible. Et quand ils ne le sont pas, elle sait que son impulsivité est toujours guidée par de bons conseillers.

- Néanmoins, je me dois d’admettre que te jeter par-dessus bord serait dommage.

Elle jette un œil au loin, sur le paysage environnant, avant de reporter son attention toute entière sur le garçon.

- La vue n’est pas désagréable.

- Ha ha
Il ne rit pas vraiment, il fait semblant pour répondre à sa tentative d'humour. Car s'en est une, n'est-ce pas ? Kyle refuse d'être pris d'un doute, parce que ça serait trop douloureux. Il n'avait rien prévu de tout cela, or voilà qu'il lui est impossible de faire sans maintenant. Sans Septima. Il s'en veut d'être aussi niais, mais il n'a que dix-sept ans, est-ce de sa faute si son cerveau s'est désolidarisé de son coeur ?

- Je vais t’avouer une chose… je n’ai jamais aucun regret.

Il la regarde, les yeux ronds avant d'acquiescer. Il lève les doigts et réfléchit à toute vitesse dans sa tête, les mots qui lui traversent l'esprit dansent sûrement devant ses yeux et Septima va le trouver, une fois de plus, fou.

- Punaise, la chance, j'aimerai bien, ça m'éviterai de devoir réfléchir avant de prendre des décisions nulles. On devrait tous faire comme toi.

Il n'est même pas humoristique ou moqueur, il y songe sincèrement. Après, il peut comprendre le mécanisme de défense, vu ce qu'elle a vécu, c'est bien mieux que de vivre constamment dans les remords. Il ne sait pas ce qu'il ferait à sa place, heureusement qu'il n'aura jamais à le découvrir.

- J'accepte un 'dommage' c'est déjà pas mal.

Il la taquine et il le montre en souriant avec ses dents. Et un petit clin d'oeil aussi pour qu'elle évite de répondre. Il détourne le visage pour continuer d'admirer les papillons quand... - La vue n’est pas désagréable. Kyle croise alors son regard qui le regarde, lui. Est-ce permis de rougir ? Il n'a pas le choix, ses joues se réchauffent d'elles-même. Merde.

- Hey bien, j'y crois pas Kyle se met à surjouer, la seule façon de s'en sortir Septima vient de me faire un compliment ! Il lève les bras au ciel. Pas la moindre remarque assassine ! J'approche ma main de ma poche Tout le monde veut savoir, alors dites-nous madames, qu'est-ce que cela fait ? Et il tend sa main devant sa bouche, comme s'il tenait un micro et qu'il attendait la répons de l'interviewée.

À bien l'observer, Septima commence à identifier des schémas dans les comportements du garçon. La façon dont il hausse nonchalamment les épaules pour laisser filer un sujet sur lequel il veut donner l'impression qu'il lui glisse dessus. Celle qu'il a de se mettre à soudainement parler beaucoup lorsqu'il est mal à l'aise. Comme si le fait de meubler le silence  était la meilleure des façons de masquer une certaine gêne, en débitant des âneries et la noyant dans une masse de mots. Elle commence à percevoir ses mimiques, ses gestes, certains tics, tant de langage que de gestuelle.

La petite brune est observatrice, c'est un fait. Le plus souvent, ce qui l'entoure ne l'intéresse pas. Pour autant, elle est capable de percevoir beaucoup de choses dans son environnement. C'est aussi grâce à cela qu'elle parvient si souvent à déstabiliser son entourage. La fine fracture dans une entente entre deux personnes, les fragilités, les faiblesses, physiques ou morales. Tout ce qui peut être utilisé comme une arme. Mais c'est la première fois qu'elle perçoit avec tant d'acuité tous ces détails sur une personne sans arrière-pensée particulière. Du moins sans arrière-pensée négative. En réalité, et elle le réalise tout juste, c'est la première fois qu'elle s'intéresse à quelqu'un d'autre que sa propre personne. Tout simplement.

Alors, tandis qu'il parle, Septima se demande ce qui justifie que ce garçon je-m'en-foutiste attire autant son attention. Il est sans-gêne. Il parle beaucoup. Parce qu'il en a le luxe, il est insouciant, totalement détaché des contingences bassement matérielles de ce monde. Mais il est aussi pas désagréable à regarder. Il est sans-gêne, on l'a dit. En l'espèce, aux yeux de la petite brune, c'est plutôt une qualité. Et surtout, il semble lui aussi apprécier sa compagnie.

La brune chasse la main qu'il agite devant son visage comme elle chasserait une mouche. Elle met une légère tape sur la main et, plutôt que de s'arrêter là, elle plaque sa paume contre la sienne et entrelace ses doigts aux siens. Il n'y a pas à dire, le contact est plutôt agréable, lui aussi. Elle lève de nouveau les yeux sur lui.

- Tu parles vraiment trop.

Septima lui prend la main et Kyle n'est pas sûr de comprendre, pourtant quand elle se met à parler, il espère. Il ne fera pas le premier pas, parce qu'il a bien compris comment elle fonctionne, il sera à ses pieds s'il le faut, mais il ne peut plus la quitter, il ne peut plus faire semblant de ne pas être intéressé. Il le voit dans ses yeux qu'elle aussi a tout saisi.

Il pensait qu'elle était froide, insensible, mais en réalité, la lueur d'intérêt qui brille dans ses yeux confirme à Kyle qu'elle n'avait juste pas trouvé la personne qui lui ferait ressentir tout ça. Peut être que, finalement, elle aurait eu des regrets si elle l'avait poussé de la falaise.

Il reste silencieux un instant, choisissant ses mots avec soin, parce que Septima lui a demandé de se taire, mais parler à toute vitesse, c'est une façon de se protéger. Kyle a construit une armure de parole autour de lui, pour éviter de dire la vérité, pour éviter de se mettre à nu. Or, devant elle, il a déjà avoué plus de vérité qu'il n'a jamais dites à sa famille. Jouer au con, ça ne prend plus pour Septima. Comment a-t-elle pu si vite faire tomber ses murs ?

Enfin, il trouve la bonne formulation et il lance.

- Tu sais comment me faire taire d'habitude.

Et il la regarde droit dans les yeux, avec un léger sourire en coin. Il la laisse choisir, si elle s'approche, si elle pose ses lèvres sur les siennes, déjà leurs mains entrelacées est une étape importante pour Kyle.

Il sent son coeur battre à tout allure, il est excité et un peu anxieux, il a l'impression - un peu idiote d'un ado - qu'il joue sa vie, maintenant. Que c'est un tournant dans leur vie, un point de non retour. Elle ne va pas le pousser, elle ne va pas le tuer, elle va l'embrasser. Oh bon sang, comme il l'espère si fort !

Même sans mots, il ne serait pas bien difficile de comprendre ce qu’il attend d’elle. Septima n’est pas aveugle. Elle sait exactement ce qu’elle fait. Elle sait l’effet qu’elle peut avoir sur les autres quand elle le souhaite. C’est simplement qu’elle ne le souhaite pas souvent. La plupart du temps, elle se satisfait de sa solitude. L’intime conviction qu’elle vaut bien mieux que les gens qui l’entourent lui suffit.

La réponse du garçon ne fait que traduire ce qui transpire déjà de tous ses pores. Elle peut y lire comme dans un livre ouvert. Là, elle savoure le contact de ses doigts entremêlés avec les siens. Peut-être a-t-elle besoin de plus, finalement ? Peut-être a-t-elle besoin de renouer un contact, quel qu’il soit, avec un autre humain. Pas nécessairement une connexion émotionnelle, mais ne serait-ce qu’un simple contact physique. Quelque chose en elle semble se réveiller.

Dans un mouvement souple, la petite brune pivote sur ses appuis. Elle bascule à califourchon sur le garçon, les genoux en appui de part et d’autre de lui, sa robe remontant quelque peu le long de ses cuisses. Du promontoire sur lequel ils sont installés, il lui suffirait simplement de pousser sur ses épaules pour la faire basculer en arrière dans le vide. Pourtant Septima n’a pas peur. Parce qu’elle n’a pas peur de mourir. Parce qu’en cet instant précis, elle a la certitude absolue qu’il n’en fera rien. Et puis, si par malheur elle a tort, il ne lui faudrait pas grand-chose pour l’attirer avec elle dans sa chute.

Sans relâcher sa main gauche qu’elle guide jusqu’à ses reins, elle plaque son autre main à plat contre le torse du garçon. Elle peut sentir le cœur qui bat à tout rompre sous l’épaisseur de tissu, de derme et d’épiderme. Juste là, entre la deuxième et la quatrième côte dont elle peut retracer le relief sous ses doigts délicats. Oui, quand on veut être efficace au combat, on apprend l’anatomie de façon assez poussée.

La petite brune se penche vers lui et, sans le lâcher un instant du regard, s’arrête à quelques centimètres à peine de son visage.

- Tu veux parler de ce genre de méthode ? souffle-t-elle, ses lèvres au bord des siennes.