Sa surprise devant ma protestation me fit rire et je profitais de sa distraction pour l’arroser.
Son exclamation de protestation ne manqua pas de me faire rire de plus belle tandis qu’elle menaçait de me punir. Naturellement, cela ne tarda pas et je reçu ma propre éclaboussure, la voyant détaller derrière une palissade.

Incapable de me calmer, je retournais donc vers l’avant de la maison pour quémander un chiffon propre.

Bon sang ! Mais que vous est-il arrivé ? Vous êtes tombé dans le baquet ? S’exclama Isabelle suffisamment fort pour que la blonde l’entende.

Non, rassurez-vous, une simple tentative d’empoisonnement ! Pouffais-je toujours.

Hmmm ! Des mômes ! Dit-elle avant de me donner des serviettes et un bandage.

Je revenais vers Héléna en invoquant une trêve tant mon diaphragme me faisait souffrir. Je plongeais une serviette dans l’eau avant de me tourner vers la jeune femme.

Apportez votre museau par ici ! Dis-je en souriant.

Tout en attendant son retour avec un linge plus correct que celui que j'avais rapporté - du moins, je l'espérais, je pris le temps de faire ma propre inspection. Ma chemise blanche était trempée, mais heureusement pour moi, les tâches de cambouis et de poussière dissimulaient parfaitement ce qui aurait pu être dévoilé par l'eau. Je retournais au baquet, tout en restant méfiante, et me lavais doucement les mains.

–Apportez votre museau par ici ! me lança-t-il, un peu trop souriant pour être réellement fiable.
– Il est là, dis-je en désignant mon visage du bout du doigt avant de récupérer la serviette.

J'entrepris, tant bien que mal de m'essuyais la face… En tout cas, je m'y appliquais quelques instants avant de lui demander son avis.

– Suis-je suffisamment présentable cette fois ?

Je me lavais soigneusement les mains pendant qu’elle se débarbouillait. Les mains propres et sèches, je me tournais vers elle lorsqu’elle me demanda mon avis.
J’observais son visage d’un air critique avant de saisir un coin de la serviette qu’elle avait en mains. Je lui pris alors le menton pour maintenir sa tête avant de frotter délicatement derrière son oreille.

Vous devriez moins vous gratter la tête en bricolant… Dis-je, amusé. Voilàà ! On va dire que maintenant, je sais que c’est vous ! Plaisantais-je avant de brandir le bandage.

Donnez-moi votre doigt ! Demandais-je alors tranquillement.

Sans broncher, les yeux fermés, je le laissais essuyer le reste de cambouis. Visiblement, j'en avais oublié, juste derrière une oreille, même si je ne voyais absolument pas comment j'avais pu me salir à cet endroit… Probablement en remplaçant une mèche de cheveux, à un moment ou à un autre.

– Dites-donc, vous pouvez parler, pouffais-je en saisissant doucement l'une de ses mèches. Vous en avez même si le haut du crâne !

Je le vis brandir ce qui me semblait être un rouleau de bande. Il me demanda ensuite de lui tendre mon doigt blessé. Encore une fois, je pouffais gentiment.

– Vous savez que nous logeons chez un médecin, n'est-ce pas ? raillais-je tout en lui tendant tout de même le doigt. Et puis, ce n'est qu'une toute petite égratignures. Elle n'a pas tant besoin d'attention…Contrairement à votre visage… Vous ressemblez à un panda…

Fière de ma bêtise, j'explosais tout bonnement de rire… Une première depuis très longtemps.

Je souriais alors qu’elle prenait une de mes mèches qui semblait avoir subit le même sort que son oreille. Une petite vengeance personnelle en réponse à ma remarque sur le fait qu’elle se grattait la tête.

Vous ne vous seriez pas maladroitement coupée, je ne me serais pas cogné ! Raillais-je avant de brandir le bandage.

La vue du pansement la fit rire et elle me rappelait que nous étions chez un médecin. Décidé à ne pas me laisser faire, je ripostais.
Certes, mais lorsque c’est la femme du médecin qui me confie le pansement, c’est que le médecin à assez travaillé pour la journée ! Lançais-je en lui prenant doucement la main. A peine commençais-je à dérouler le bandage qu’elle affirmait que la blessure était minime et qu’elle ne nécessitait pas autant d’attention.
Un sourire aux lèvres, elle ajouta que ma figure demandait bien plus de soins, me comparant alors à un panda. Ceci dit, elle fut prise d’un éclat de rire qui était viral, puisque je la suivais allègrement.

Son rire, son visage illuminé par l’amusement du moment, sa dégaine débraillée et ses cheveux en bataille, je m’apercevais alors à quel point je la trouvais belle.

Vous allez voir ce qu’il vous dit le panda ! Gloussais-je avant de m’élancer sur elle pour la chatouiller au-dessus des hanches. J’essayais de prendre garde car, après notre première bataille de tout à l’heure, le sol autour du baquet était trempé et glissant. Je vais vous en donner du panda moi ! Pouffais-je en gigotant mes doigts sur elle avec frénésie.

Cela faisait tellement longtemps que je n'avais pas ri, que j'en avais oublié la sensation… Celle des muscles abdominaux qui se tendent, se contractent. Les chatouillis dans la gorge. Le son de ma voix… Et surtout le fait de me sentir libéré d'un poids dont j'ignorais l'existence. C'était un moment plaisant… Même si je n'aurais probablement jamais imaginé le partager avec lui, cet étranger familier, cet ennemi amical… Cet homme étrange aux attitudes incompréhensibles mais dont je me surpris, de plus en plus, à apprécier la compagnie.

Et puis, comme cela ne lui suffisait visiblement pas, le voilà qu'il se mit à me chatouiller allègrement. Je n'ai jamais été très chatouilleuse, pas même lorsque j'étais enfant. Mais le moment et le fou rire qui me prenait au ventre devait avoir changé quelque chose dans l'équation… Je riais de plus belle, incapable de mesurer les gestes. Mon instinct me poussa à me soustraire, à m'éloigner, ne serait-ce que pour respirer, mais le soldat ne me laissa pas faire …

L'instant d'après, je basculais en arrière, le sol se dérobant totalement sous mes pieds. Je m'agrippais à la première chose que ma main pu rencontrer…la chemise d'Elias…

Je ne rechignais pas à mettre ce que je pouvais pour la chatouiller. Ses exclamations redoublèrent alors qu’elle se trémoussait sous mes doigts. Elle tentait de se débattre, de m’échapper mais, son fou rire semblait l’empêcher de coordonner ses mouvements et je ne comptais pas la laisser s’en tirer aussi facilement.

Je gloussais comme un môme, réellement amusé par la situation. Mon rire était sincère, tout comme l’était le sentiment de joie que je ressentais à cet instant, avec elle.
Il était loin, très loin, le canon de fusil braqué entre mes yeux et, si à cette époque on m’avait annoncé que je me retrouverais à chahuter la blonde menaçante, je n’y aurais pas cru.
Et pourtant, nous étions là, derrière la maison de son frère, mes doigts lui arrachant des rires essoufflés.

Soudain, je la sentais partir en arrière, tout son poids suivant la gravité, inexorablement, une gerbe de boue s’envolant sur le côté. Alors que mes doigts se retrouvèrent dans le vide, je tentais, par réflexe, de la rattraper. Ma main manqua sa chemise alors qu’elle s’accrochait à la mienne.
Le calcul suivant fut bien simple. Un sol boueux et glissant, une femme qui tombe et se rattrape à un homme dont l’une des jambes est encore faible…
Je basculais à mon tour, incapable de nous retenir tous les deux avec ma jambe, ses doigts emmêlés dans ma chemise. Alors, je m’effondrais, en partie sur elle, en partie dans la boue, une jambe entre les siennes, me cognant le visage contre sa clavicule. J’eu l’instinct de ramener mon bras blessé contre moi pour limiter les dégâts, se dernier se retrouvant donc écrasé entre la blonde et moi.

Isabelle nous avait envoyé nous laver…Nous faisions les choses à l’envers…

C'est… Une sensation très étrange de basculer en arrière, vraiment. On peut oublier toute notion du mot "contrôle" puisque, à l'évidence, on ne peut plus rien contrôler du tout. Le temps s'écoule normalement et, pourtant, tout se passe presque au ralenti. On a le temps de tout observer, de tout comprendre… d'anticiper mais pas forcément celui d'agir. Pour ma part, je me contentais d'espérer qu'aucun objet pointu ni aucune pierre ne se trouve derrière moi pour "amortir" ma chute.

Et l'instant d'après, je me retrouvais couchée dans la boue, un militaire blessé et sale au-dessus de moi… Et, malgré tout ça, je continuais de rire comme une idiote.

– Vous allez bien ? parvins-je tout de même à lui demander entre deux éclats de rire. Vous ne vous êtes pas fait mal ?

Il pesait tout de même un peu lourd, ainsi vautré sur moi. Son bras, replié entre nous, reposait entre mes côtes, ce qui, avouons-le, était quelque peu douloureux.

– Vous savez, je pense que vous devriez arrêter les tartines à la confiture… Je crois que vous avez pris un peu de poids.

Durant toute notre chute, je ne vi qu’une seule chose, de longs cheveux, blonds et sales qui me fouettaient la figure.
Je sentais sa main, agrippée à ma chemise, comme si elle espérait qu’en tirant plus fort, elle pourrait remonter. Alors nous tombions jusqu’à nous écraser dans la boue. Sur l’instant du choc, j’eu le souffle coupé et, immédiatement après, le tas de cheveux hirsutes continuait de glousser, m’arrachant un rire.

Non, ça va je n’ai rien ! Et vous ? Demandais-je malgré tout, malgré le rire qui ne voulait pas me quitter. La situation était cocasse et assez étrange en même temps. En effet, je n’avais pas souvenir d’une telle proximité entre nous et là, je sentais une bonne partie de son corps, sa chaleur contre moi.
J’avais de nouveau la figure à faible distance de son cou, entendant son rire gronder alors que je riais non loin de son épaule.

Naturellement, la pique qu’elle me lançait ne m’aidait pas à me calmer. Laissez mes tartines tranquilles ! Pouffais-je en tentant de me redresser pour dégager mon bras. Les rires nous secouaient encore alors que, poussant mon bras, ma main effleura une partie de son anatomie que je n’avais pas prévu de toucher. Pris dans l’hilarité, je ne réalisais que peu la chose. Ma main dégagée, je repoussais les cheveux qu’elle avait devant les yeux.

Ne nouveau, j’avais en face de moi ce visage radieux que même la boue ne venait pas ternir, le son des ses rires qui agitaient son buste contre moi. Repoussant l’une des mèches, je laissais mes doigts glisser sur sa joue, cherchant encore à calmer mon diaphragme.

C’est… C’est bon de te voir rire Héléna… ! Réussis-je à dire, le souffle encore court, une boule coincée dans la gorge.

Je passais les doigts derrière sa nuque, alors que j'accrochais son regard dont les rides de l'hilarité étirait les coins.
Alors, malgré la boue, je posais mes lèvres sur les siennes, sentant mon cœur battre à tout rompre dans ma poitrine.
Elle avait un goût de terre, d'huile et de cambouis, mais cela ne retirait rien au fait qu'il s'agissait de ses lèvres, contre les miennes.

Ma petite blague sur son poids ne sembla pas le vexer, fort heureusement. Il ne s'agissait-là que d'une simple plaisanterie lui intimant gentiment de se relever. Néanmoins, il n'en fit rien… Et, allez savoir pourquoi, cela ne me dérangeait pas. Je pouvais sentir son souffle sur mon visage tandis que sa main dégageait mon visage des quelques cheveux rebelles qui s'y étaient reposés. Je continuais de sourire sans vraiment savoir pourquoi… Il n'y avait plus rien de drôle à présent. Je me noyais presque dans l'océan de ses yeux… Ce qui était plutôt drôle, puisque je n'avais jamais remarqué qu'il avait des yeux d'un bleu aussi profond. Sa main semblait s'attarder sur ma joue, la caressant presque… et l'instant d'après, le temps se suspendit à ses lèvres…

–C’est… C’est bon de te voir rire Héléna… !

Et tout changea à ce moment-là, quand ses lèvres vinrent s'écraser doucement sur les miennes. Surprise, je ne réalisais pas tout de suite ce qu'il se passait. Mon cœur battait si fort que je pouvais l'entendre cogner jusque dans mes oreilles… Un bourdonnement me rendit presque sourde et, pourtant, je ne m'en préoccupais absolument pas. Tout ce qui comptait à présent, c'était la chaleur de cette étreinte et de ma volonté de la lui rendre. Sans même m'en rendre compte, j'avais fermé les yeux. Ma main boueuse caressait sa joue tandis que j'approfondissais doucement ce baiser.