Euh…! Fis-je, un peu penaud. Alors, je possède bien une maison, mais j’y suis assez rarement, je dois bien l’avouer. Je vous le disais l’autre soir, je suis tout le temps fourré à la caserne ou en déplacement…

Je me sentais un peu nul. Contrairement à elle, j’avais la possibilité et les moyens de voyager, de voir du pays, mais au final, je ne faisais jamais que me déplacer… C’était presque ridicule.

Je crois bien que notre périple est ce qui s’approche le plus d’un voyage parmi tout ce que j’ai pu faire… Chaque fois que je partais avec mes parents, il y avait toujours un objectif professionnel derrière. Je souriais cependant. Je dois vous avouer que cette aventure m’a donné envie d’en découvrir plus. Puis j’aimerais bien voir un peu plus de vos paysages une fois la paix revenue.

Encore fallait-il que j’arrive à rentrer chez-moi, vivant et que la paix survienne enfin.

Dire que sa réponse me surprenait serait un vilain mensonge. Tout cela, je le savais déjà, quand bien même lui ai-je, effectivement, posé la question. Élias vivait uniquement pour son travail et disait lui-même passer la plupart de son temps à la caserne ou simplement ailleurs… Ce n'était pas un homme capable de rester en place. Dans de telles conditions, je ne voyais pas comment il pouvait seulement envisager de fonder une famille un jour. J'espérais que ce temps passé à nos côtés, à entendre les histoires d'Ernest et moi lui ouvrirait les yeux. Parfois, il fallait pouvoir s'arrêter, juste un moment, pour réellement observer le monde et les personnes qui le peuplent. Enfin, encore lui fallait-il rentrer chez lui, parmi les siens.

– Il serait temps que la paix revienne… soupirais-je. Cela dure depuis combien de temps ? Quatre… Cinq ans ?

Au fond, Éric n'avait rien connu d'autre que la guerre… En tout cas, du haut de ses huit ans, il ne pouvait se souvenir des temps de paix et d'insouciance de ses premières années.

– Combien de temps encore ?

En de pareilles circonstances, il semblait impossible de pouvoir envisager un quelconque avenir… Pas quand la peur nous accompagnait du matin au soir. Pas quand votre enfant vous demande, chaque soir, s'il se réveillera le lendemain, si sa maison sera toujours là. Plus le temps passait et plus il devenait difficile de trouver les bons mots pour rassurer Éric. Il pouvait bien jouer, rire comme n'importe quel petit garçon de son âge, ses phases d'endormissement restaient chaotiques.

– Enfin, nous verrons bien. Ce n'est pas comme si nous avions un quelconque pouvoir. Puisse l'avenir nous accorder la chance de pouvoir voyager... pour le plaisir de la découverte, seulement.

Un peu plus de cinq ans… Du coup, cela doit faire à peu près autant que je ne suis pas rentré chez-moi. J’imagine que mes plantes sont mortes…

Je pensais à Eric, pauvre enfant qui n’avait dû connaître presque que le conflit, qui en souffrait au quotidien, qui y avait perdu son père… Un instant, j'eus honte de faire mon métier, sentiment un peu adoucis par le fait qu’Ernest exerçait le même. Lui aussi avait créé des orphelins et des enfants sans père. Quelque soit le camp, la guerre reste sale.

J’espère que nos dirigeants vont réussir à discuter cette fois… Aux dernières nouvelles, ils étaient censés se rencontrer dans un mois. Mais ils vont finir par être obligés de trouver une solution. D’après mes informations, cela commence à grogner dans les rangs de vos soldats et les nôtres commencent à se révolter…

Je hochais la tête, mais je n’étais pas tout à fait de l’avis d’Héléna. Le peuple à un pouvoir colossal, c’est bien pour cela que les dirigeants instaurent des lois qui leur donnent le pouvoir de lever des troupes en masse, de réquisitionner des civils… Instaurer la peur à dose suffisante pour que la masse ne se soulève pas.

Je vous assure que nous avons plus de pouvoir que vous ne pouvez l’imaginer… L’ennui, c’est que la masse à toujours besoin d’un leader pour le suivre ou, la suivre, et s’opposer au gouvernement en place. Je ne devrais pas vous le dire, mais plusieurs militaires de haut rang chez-moi sont mouillés dans des tentatives de coup d’État.

Je m’étirais, ma jambe et mon bras semblaient aller de mieux en mieux, j’arrivais même à faire quelques pas sans mon bâton.

Mais je rejoins votre espoir d’un monde en paix où l’on pourrait se déplacer et voyager pour le plaisir et la découverte. Nos peuples ont tellement à gagner à échanger des idées plutôt que des grenades. Et puis vous pourriez passer quelques jours chez-moi, je crois que le secteur est joli. Annonçais-je d’une façon qui trahissait ma honteuse méconnaissance de mon propre coin.

En évoquant les prochaines discussions entre les dirigeants de nos deux nations, Élias apportait un peu d'espoir. Un peu… Car ce n'était malheureusement pas leur première rencontre et, chaque fois, ces dernières se soldaient par une nouvelle attaque d'envergure. Tout le monde attendait avec impatience que ces deux là parviennent enfin à s'entendre. Cette guerre ridicule partait d'une vulgaire histoire de partage de territoire, plus particulièrement de l'exploitation du minerai se trouvant sur ce fameux territoire… Une histoire stupide, bête comme le monde, rappelant presque une dispute d'enfants… Sauf que les enfants en question possédaient chacun une importante armée…

– J'ai entendu parler de cette histoire de révolte… Mais je ne nourris guère d'espoir sur ce point. Après tout, l'on exécute très facilement les coupables insubordinations et les déserteurs. De quoi étouffer les quelques flammes qui menaceraient de mettre le feu.

Et le peuple dans tout cela ? Il se contentait d'endurer. Que pouvait-il faire de plus ? Se rebeller ? Contre qui ? Le roi ? L'empereur ? L'armée ? Nous ne pouvions rien faire d'autre que de patienter en attendant que ces deux-là sortent enfin du bac à sable.

– Il serait bon, en premier lieu, que vous puissiez déjà passer quelques jours chez vous… Cela me paraît plutôt nécessaire, raillais-je gentiment avant de me relever. Je vous souhaite une bonne nuit… Évitez de veiller trop tard, vous avez encore besoin de repos. Demain, je retirerai vos attelles… Nous devons nous assurer que vous puissiez vous déplacer sans aide.

Car, personne ne pourrait l'accompagner derrière cette frontière… Cette route-ci, il allait devoir la faire seul et mieux valait s'assurer que cela se fasse dans de bonnes conditions.


Le lendemain, le soleil avait enfin repris sa place dans le ciel, chassant les nuages vers l'est. Nous n'avions plus que quelques heures de route à parcourir avant d'arriver chez Théodore. Néanmoins, plus nous nous approchions de la frontière et plus nous croisions de militaires. En tout, nous dûmes franchir trois barrages et, à chaque fois, mon cœur manquait de s'arrêter tant je craignais que la supercherie fut démasquée.

A Chiron, il y a deux siècles environ, on exécutait les opposants politiques. Cette pratique a cessé après une terrible révolte populaire. Lorsque le peuple est trop contraint, il finit par se faire entendre, croyez-moi. Après, de là à dire si cela va se produire dans six mois ou dans deux générations… Je n’en ai aucune idée.

Finalement, la discussion prit fin en douceur et j’observais la jeune femme se lever pour regagner sa chambre.

Bonne nuit à vous Héléna et merci pour tout… Sincèrement !

****

La route avait été stressante pour Héléna comme pour moi. A chaque contrôle, nous risquions nos vies et celle d’Eric et, rien que l’idée qu’il leur arrive quelque chose en m’aidant me rendait malade.
Au moment du départ, j’avais suggéré à la jeune femme que je conserve mes attelles jusqu’à notre arrivée, afin de parfaire l’image du garagiste blessé qu’elle amenait en lieux sûr.
Il me fallait reconnaitre la parfaite maitrise qu’Héléna avait d’elle même et Eric avait parfaitement compris les enjeux et ne desserrait pas les lèvres, interprétant à merveille le rôle du petit garçon traumatisé par la guerre.

Alors que notre destination approchait grandement, je fus pris d’un doute.

Héléna, vous êtes certaine que votre oncle ne verra pas ma présence d’un mauvais oeil. Je vous mets déjà tous les deux en danger, il risque de ne pas adorer l’idée d’aider un aviateur ennemi, non ?

– Mon oncle ? répétais-je, surprise avant que je ne réalise l'erreur, mais je n'eu guère le temps de le corriger moi-même.
– Oncle Théodore est le frère de maman. Il est docteur !
– S'il n'apprécieras certainement pas votre présence, il n'en dira rien et ne refusera pas non plus de vous aider… Ne serait-ce que pour s'assurer que vous quittiez bien le pays, déclarais-je en souriant.

Théodore était un homme droit mais extrêmement bienveillant. S'il avait choisi ce métier, c'était avant tout par conviction profonde et par vocation plutôt que par ambition.

– Vous verrez, Éric lui ressemble beaucoup, ajoutais-je afin de le rassurer.

Nous dûmes nous arrêter peu après afin de faire refroidir le moteur. Nous profitâmes de cette pause nécessaire pour prendre un petit repas en bord de route, comme si de rien n'était. Les camions militaires passaient devant nous sans s'arrêter, se contentant de répondre aux salutations de l'enfant qui, fièrement, imitait les gestes enseignés par son père.

– Maman, tu crois que tante Isabelle pourra nous préparer une tarte aux prunes ?
– Je ne sais pas… Peut-être ? rétorquais-je, plutôt étonnée qu'Eric se souvienne des tartes de ma belle-sœur. Elles étaient certes délicieuses, mais la dernière fois qu'il en avait mangé, il ne devait pas être âges de plus de quatre ans.

Nous arrivâmes chez mon frère peu avant le coucher du soleil. Ils habitaient un tout petit village aux maisons en pierre ocre. J'ai toujours adoré cet endroit pour la chaleur qui s'échappait de ces pierres. Sa clinique se trouvait au centre du village, non loin de la mairie qui faisait aussi office d'école. Je garais la voiture à l'arrière, devant le petit bâtiment qui servait de remise.

– Ça alors ! Mais quelle surprise ! S'écria ma belle-sœur qui quittait sa cuisine, un torchon couvert de farine à la main. Héléna, tu es superbe !
– Tu parles, je sens le foin et le cambouis, pouffais-je avant de la serrer dans mes bras. Je te présente Élias, un ami de la famille.
– Enchantée Élias, je suis Isabelle Bauer, la belle-sœur d'Héléna.
– Il est où tonton Ted?
– Éric ? Tu es si grand maintenant, je ne t'avais pas reconnu ! Il est encore au travail, mais il ne va pas tarder à nous rejoindre. Entrez vite, je préparais justement le repas.

A l’évidence, la réaction d’Héléna m’indiquait que j’avais mal compris un truc. Comme d’habitude, ce fut Eric qui m’instruisit, nettement moins surpris par ma question que sa maman.

Oh ! Votre frère !

Elle m’expliqua ensuite comment, selon elle, Théodore prendrait ma présence et, à défaut de me faire un nouvel ami, j’étais au moins sûr de ne pas être dénoncé.

Bon, j’espère pouvoir rapidement quitter les lieux… Je ne veux pas vous incommoder plus longtemps.

J’eu un sourire amusé en entendant parler de tarte et en voyant, une fois n’est pas coutume, la surprise se dessiner sur le visage de la blonde. Cet air lui allait bien, surtout lorsqu’il était suivi d’un éclair de génie
Lors de notre arrêt pique-nique, j’étais resté tendu tout le repas, me mettant malgré moi en alerte à chaque passage de camion sudique. Par chance, tout se passa bien et nous arrivâmes à destination à la tombée de la nuit.

Eh bien, vous voyez, cette vieille auto nous aura fidèlement mené à bon port ! Glissais-je en souriant à Héléna alors que l’on se dirigeait vers l’entrée.
Ce fut Isabelle qui nous accueilli, après que la jeune-femme m’ai présenté comme un ami de la famille. Je m’annonçais donc comme étant Elias Neumann, garagiste.
Afin de paraitre drôle, je lançais un sourire à Isabelle.

Pour être honnête, je suis heureux d’être arrivé, l’odeur de foin et de cambouis devenait difficile à supporter ! Lançais-je en plaisantant devant une Héléna probablement médusée et un Eric hilare.

Et bien allez la décrotter au lieu de vous moquer Elias ! Me renvoya-t-elle gentiment dans les dents. Déjà qu’elle à fait le travail d’un homme, voilà qu’il se moque en plus ! Dit-elle avec un immense sourire.

Euh…

Prit à mon propre jeu, je suivis le reste du petit groupe dans la maison. Eric gloussait avant de me prendre par la manche.

Je t’imagine essayer de savonner Maman alors qu’elle t’explique comment faire…Pfffrt !

Enfin, Eric… Je ne vais pas savonner ta mère ! Dis-je aussi discrètement que possible tout en levant les yeux au ciel. Ce petit me surprendra toujours.

– Mamaaaaan, Élias a dit qu'il voulait te savonner ! m'interpella mon fils avant de courir pour se cacher à l'intérieur.

Surprise, je lançais un regard outré au soldat, même si je me doutais bien, à sa réaction, qu'Eric avait probablement tout inventé… Mais, d'où lui venait donc cette idée étrange.

– Entrez donc tous les deux… Héléna, je vais te faire couler un bon bain… Vous… Vous attendrez dans la cuisine. Je vois que vous êtes blessé, Ted voudra certainement vous ausculter, me lança Isabelle tout en me poussant vers la cuisine.

À l'intérieur, tout sentait bon… Un ragoût mijotait lentement dans sa marmite. Une miche de pain cuisait dans le four … Isabelle avait toujours été une excellente cuisinière. Théodore affirmait qu'il s'agissait là de la raison qui l'avait poussé à l'épouser, mais je savais que cette affirmation était totalement fausse. Ces deux-là se tournaient autour depuis toujours.

– Je reviens tout de suite.

– J'apprécierais que vous arrêtiez vos bêtises, tous les deux, les réprimandais-je alors qu'Isabelle venait à peine de tourner les talons.

La porte reliant la cuisine au reste de la clinique s'ouvrit à ce moment-là. Théodore entra, la mine épuisé et, à son regard, je compris qu'il peinait à croire que nous étions réellement là, chez lui.

– Héléna ? Qu'est-ce que ?
– Tonton !!! s'écria Éric avant de se jeter dans les bras de mon frère.
– Qu'est-ce que tu as grandi toi !

Ces deux-là avaient toujours été très proches. Même si la distance faisait que l'on ne se voyait pas souvent, Théodore nous écrivait très régulièrement. Il n'oubliait aucun anniversaire, aucune fête. Quand ses bras furent libres, je vins m'y glisser à mon tour. Après tout, j'étais, moi aussi, très heureuse de le retrouver.
Les retrouvailles passées, je lui présentais Élias, sans rien lui cacher de son identité et des circonstances qui nous avaient poussé à faire le voyage jusqu'ici. Comme Isabelle l'avait supposé, Théodore ausculta le soldat et confirma qu'il était temps de retirer les bandages et les attelles.

Peu après, l'on m'annonça que mon bain était près. Je les laissais donc entre eux, Isabelle et Éric restèrent dans la cuisine tandis que Théodore et Élias se rendirent dans le bureau.

– Bien, vous pourrez donc passer la frontière dès demain. Je vous fournirai un écusson de la Croix bleue, avec vos papiers, ils ne devraient pas vous poser de problème. En revanche, si jamais vous vous faites prendre, je vous demanderai de dire que vous l'avez volé à un soldat. Je suppose que vous ne voulez pas attirer de problèmes aux membres de cette famille, n'est-ce pas ?

Eric et ses lubies de môme…
Naturellement, j'eus droit à un regard noir de la part de l’intéressée avant qu’Isabelle ne nous fasse entrer. Elle annonça qu’elle allait faire couler un bain avant de nous envoyer dans la cuisine où s’élevait une douce odeur de ragout et de pain frais. La maitresse de maison m’informa, en voyant mes blessures, que son époux voudra sans doute m’ausculter, ce sur quoi, elle disparut pour s’occuper du bain.

Dès qu’elle fut partie, Héléna nous gronda, Eric et moi, pour les âneries que l’on racontait. J’ouvrais la bouche pour me défendre lorsqu’une porte s’ouvrit sur un homme fatigué, mais dont le visage s’illumina.
Le gamin fonça dans ses bras avant que sa mère ne l’y remplace.

Finalement, Héléna raconta tout à son frère, Eric ne manquant pas d’expliquer comment j’avais détruit le champ. Je ne disais pas un mot, laissant le chef de cette maison se faire son propre avis. Je me contentais de confirmer.
Je me sentais mal à l’aise d’avoir, du coup, donné ma fausse identité à Isabelle. Aussi, lorsqu’elle revient de la salle de bain, je m’excusais et, à mon tour, je lui racontais qui j’étais en réalité.

Le grand cœur, c’est une marque de fabrique chez ses deux là ! Répondit-elle simplement en levant le menton vers son époux et sa belle-sœur.

Je hochais la tête par l’affirmative avant qu’Héléna ne quitte la pièce. Théodore m’emmena alors dans son bureau dans lequel, effectivement, il m’ausculta. La blonde avait fait du bon travail et son frère me retirait donc attelles et bandages. Ceci fait, il m’informa que je pourrais quitter les lieux dès le lendemain, me proposant un écusson de la Croix Bleue. Cette organisation humanitaire œuvrait dans nos deux pays pour la protection des populations lors des conflits.

Non, évidemment que je ne veux pas poser de problème à cette famille Théodore ! Je ne l’ai jamais voulu et je m’en voudrais plus que tout. Je partirai à l’instant où vous me le direz, si c’est demain matin, alors ce sera demain matin.

Je me rhabillais, pouvant maintenant passer ma chemise correctement, avant d’ajouter.

Je n’oublierai jamais ce qu’Héléna, Eric, Isabelle et vous avez fait pour moi Théodore. Je vous le dis à vous parce qu’Héléna est difficile à remercier ou à complimenter, mais je sais ce que je vous dois…

On frappa alors à la porte. Isabelle annonçait qu’un nouveau bain était prêt pour celui qui sentait “le vieux pansement”. J'eus un sourire, ne sachant pas trop s’il s’agissait des paroles d’Eric ou de sa mère, mais je m’exécutais et allais à mon tour me laver. Le bain était bien chaud et je finis même par m’y assoupir, puisque je pouvais maintenant m’immerger sans me contorsionner.

Je ne su jamais ce qu'il s'était dit dans le bureau de mon frère, même si je m'en doutais un peu. Théodore ne s'embarrassait pas des détails. Ce n'était pas le genre d'homme à tourner autour du pot et il semblait bien évident que, pour lui, la présence d'Elias représentait une menace.

La soirée fut toutefois plaisante. Nous pûmes profiter d'un succulent repas chaud avant de passer plusieurs heures à jouer aux cartes. Isabelle se montra très curieuse au sujet de Chiron et posa de nombreuses questions à l'intéressé. Eric fut autorisé à veiller un peu afin de profiter de la présence de ces personnes qu'il aimait tant, mais qu'il ne voyait que trop peu.

Isabelle eut la gentillesse de nous préparer deux chambres. Une pour Éric et moi, l'autre pour Élias. Théodore partit se coucher le premier. Après tout, ses journées étaient suffisamment longues comme ça. Isabelle ne tarda pas à rejoindre son mari, sans oublier de nous souhaiter une bonne nuit.

– Je suppose que cela vous soulage de pouvoir enfin retrouver un peu de mobilité, dis-je à Élias. Enfin, ce n'est pas une raison pour forcer davantage. Surtout après une quasi immobilisation de plusieurs semaines. Il va vous falloir vous montrer raisonnable.