Dans d’autres circonstances, dans une relation ambigüe, le lieutenant serait sûrement resté interdit face au choix des mots de la jeune femme, ou il aurait cherché à flirter, se frayant dans la brèche qu’elle venait d’ouvrir. Toutefois, leur relation était basée sur une réelle amitié, pouvant partager un lit et une certaine proximité sans devoir se soumettre à une mise au point quelconque sur la suite de la nuit. Jacob se mit donc seulement à sourire avec amusement tout en rétorquant « J’ai fais des conneries aussi gamin, tu sais. Alors je ne suis pas certain que je t’aurais mis les menottes si j’avais été flic à l’époque ». Il avait déjà fumé quelques joints lorsqu’il était étudiant en médecine, avait consommé de l’alcool sur la voie publique. Il avait même eu des rapports dans une ruelle dans le centre de Miami avec une fille qu’il avait rencontré quelques heures auparavant dans le bar voisin. Il fallait que jeunesse se fasse. Néanmoins, Jacob ne cacha pas son envie de découvrir le talent de la jeune femme, et se mit à sourire de nouveau quand elle évoqua le café « Pourquoi pas, mais je parlais de vrais dessins », et l’écouta avec attention. Elle détenait encore des œuvres dans un garde meuble « À ton retour, je serais ravi de les découvrir si tu veux bien ». Alors inéluctablement, le lieutenant s’interrogea sur les raisons qui avaient empêché Victoria de poursuivre dans cette voie. Ses parents. Pas un vrai métier. Mais aujourd’hui ?! Qu’est-ce qui la retenait ?! « Tu pourrais venir vivre à la maison. Aucun loyer à payer, et tu serais libre de reprendre l’art. Enfin… » en se rendant compte qu’il était peut-être trop optimiste « Tu y réfléchis, prends le temps, mais tu sais que je suis là ». Et puis il n’avait rien contre l’idée d’avoir de la compagnie à l’appartement. La jeune femme s’était soucié de ramener de quoi manger à sa famille lorsqu’elle était jeune, et c’était tout à son honneur, mais dorénavant, elle avait le droit de penser à elle. « Aucune chance là-dessus » répliqua-t-il avant de se mettre à rire « Oui, elle sera sûrement déçue, mais elle s’en remettra ». Ou pas. Sa mère semblait fonder beaucoup d’espoir sur leur relation malgré ses arguments.

« Je n’en ai pas particulièrement envie » souffla-t-il le lendemain dans le jardin de sa famille. Ils souffraient tous les deux, d’une manière différente, mais il n’était pas enthousiaste à l’idée d’évaluer sa douleur vis-à-vis de celle éprouvée par Victoria. D’autant plus que la jeune femme semblait presque s’en vouloir d’être si déprimée à la suite de la perte de Roberto. Le lieutenant fit en sorte de trouver les mots pour la rassurer. Il aimait chacune de ses personnalités, il appréciait sa compagnie, et notamment la femme qui souffrait de la perte de son fiancé, parce que ça faisait partie d’elle. Il sourit seulement à son remerciement, et se concentra sur la suite de la conversation quand elle évoqua leur proximité qui aurait déplu à Jacob « Oui… En effet… ». Jacob n’aurait pas été si tactile s’il avait une femme dans sa vie. Seulement, ce n’était pas le cas et cette proximité lui … leur faisait du bien à tous les deux. Lorsque Victoria se confia davantage sur sa relation avec Roberto, le lieutenant y alla de son commentaire. Il détestait qu’un homme s’approche de sa fiancée, mais n’éprouvait aucun remords lorsque c’était une femme qui était trop proche de lui. Jacob n’était pas un adepte de ce genre de relation, et le fit comprendre à sa manière « Il aurait été stupide de te tromper » répliqua-t-il et fronça les sourcils « Je pense que c’est moi qui ne l’aurait pas apprécié » finit-il par avouer. Il émit un petit rire « Aveugle… C’est l’expression. L’amour rend aveugle ». Il termina son café d’une gorgée, posa sa tasse dans l’herbe, se saisit de son jus d’orange et vint prendre place à ses côtés « À toi maintenant de réapprendre à vivre ta vie de la manière dont tu l’entends. C’est Eleanor Roosevelt qui disait que personne ne peut vous diminuer sans que vous y consentiez. Une femme pleine de sagesse » et prit une gorgée de jus d’orange « La confiance est la clef… C’est dans Charlie et la Chocolaterie » finit-il par préciser dans un petit rire.

« -toi ? Toi tu as fait des conneries ? » elle avait bien du mal à le croire et ça s’entendait dans sa voix. « -je t’écoute, dis m’en plus. » au tour de Jacob de parler de son adolescence. Vic était curieuse de savoir ce qu’il appelait par connerie. « -j’aurai couru plus vite que toi de toute manière. » avait elle ajouté avec un petit sourire en coin qui se voulait suffisant et moqueur. « -je trouverais ça en rentrant alors… » ou bien elle pouvait en faire d’autre. L’idée prit place dans son esprit. Et pourquoi pas après tout. La jolie brune resta interdite face à la proposition qu’énonça Jacob. Elle l’observa même durant quelques secondes, comme pour être sur qu’il était sérieux. « -ok… » souffla alors simplement Vic. Oui, d’accord, elle allait y réfléchir. Elle ne l’avait pas vu venir celle-ci. Cela allait déjà dépendre du fait qu’ils parviennent à se supporter durant trois semaines…

Le lendemain matin, Vic avait mis directement l’ambiance au beau fixe. Malgré les rires du réveil, ils étaient maintenant assis sur la terrasse à parler de Roberto. C’était toujours douloureux. De façon un peu différente quand même. Victoria réalisa que si son petit ami avait été encore en vie, elle n’aurait jamais rencontré Jacob, ni tisser ce lien d’amitié. Les confidences, les regards complices, sans parler de ce tactile entre eux. En couple, ils n’auraient pas agit ainsi. « -tu dis ça mais tu ne sais pas vraiment ce que c’est de vivre avec moi… » un sourire : « -mais je suis d’accord, ça aurait été stupide. » son sourire en coin voulant dire qu’il aurait eut du mal à trouver mieux ailleurs. Un léger trait d’humour pour aider à parler de tout ça. « -vous n’auriez pas été grands amis, c’est certain. » de toute manière la question ne se posait plus. « -ouais si tu veux, mais aveugle, tu es encore capable de réfléchir. » donc pour elle ça ne collait pas tout à fait. Lorsqu’il vint s’asseoir à côté d’elle, Vic posa sa tête sur son épaule. « -tu te l’as joue philosophe ? » elle ferma les yeux pour savourer la caresse du soleil qui n’était pas encore trop chaud. « -j’y travaille… » souffla Vic après une petite minute de silence. « -à reprendre ma vie en main… Les plans ont changé, c’est un peu comme un nouveau départ. Tout les projets que j’avais en tête ont changé. C’est assez étrange de penser à soi alors que tu as passé la plus part de ta vie à penser aux autres avant. » comme si elle était incapable de savoir ce qui était bon ou non pour elle. Ce voyage était là pour l’aider, à prendre de la distance, du recule, à tenter d’y voir plus claire.

« Je crois que j’en ai trop dit… » rétorqua-t-il avec amusement, mais décida tout de même de se prêter au jeu de la vérité à la demande de Victoria « J’ai fumé quelques joints jusqu’à mon internat de médecine, j’ai aussi été ivre sur la voie publique. J’aurais pu être poursuivi pour atteinte aux bonnes mœurs parce que je me suis envoyée en l’air dans la ruelle derrière le bar avec une nana que je connaissais depuis peut-être deux ou trois heures… Je crois que c’est tout ». Depuis, il n’avait jamais retouché à la drogue, et avait cessé les coups d’un soir dans une ruelle sombre. Il s’était marié, s’était construit une carrière, puis avait trompé sa femme avec sa coéquipière qui était décédée brutalement dans une intervention. Parfois, il aimerait retrouver ses seize ans et l’insouciance qui allait avec… « Sûrement ! » rétorqua-t-il par la suite. Puis le sujet dévia sur les talents d’artistes de Victoria qui était prête à lui montrer une œuvre ou deux à son retour à Miami « Merci ». Il lui proposa également le gite et le couvert si elle le désirait, le temps de se former à l’art si elle le désirait. Il se mit à sourire à sa réponse pour le moins évasive « C’est une proposition sérieuse, tu sais » pour la rassurer sur ce point. Il tiendrait parole si jamais ça venait à se produire. Comme il avait su le faire pour l’accueil chez son oncle et sa tante au Guatemala.

Maison devant laquelle ils prirent le petit-déjeuner au petit matin alors que toute la résidence dormait encore à poing fermé en ce début de week-end. Victoria se confia sur sa relation avec Roberto, et sur leur amitié qui n’aurait jamais vu le jour sans sa disparition et son décès soudain. Finalement, de cette tragédie, en était sortie un point positif. Mais peut-être pas le seul… Victoria décrivait un homme quelque peu possessif et jaloux lorsque ça concernait les autres hommes, mais se montrait pour le moins ouvert à la venue d’autres femmes, prétextant que sa petite-amie était parano. Un comportement que condamnait fermement le lieutenant qui espérait qu’elle n’ait pas été trompée par le reprit de justice « De ce que j’ai pu constater pour le moment, je peux confirmer que ça aurait été un idiot de te faire subir ça » et se mit à sourire à son tour alors qu’elle confirma ses dires. Jacob finit par confier qu’ils n’auraient pas pu être amis en raison de son comportement à l’encontre de la jolie brune, que ça aurait été sûrement conflictuel entre eux deux « Je pense que ça aurait fini en altercation » et se mit à rire doucement « Oui, peut-être. Tu l’aimais, tu avais envie qu’il soit heureux avec toi ». Même si de son point de vue, le seul qui avait de la chance dans cette histoire, c’était Roberto d’être tombé amoureux de la jeune femme, et non l’inverse, mais il s’abstint de faire part de son opinion à voix haute.

Jacob finit par délaisser sa chaise pour la rejoindre sur la petite marche, ses jambes pliées, ses bras reposant dessus alors qu’il tenait toujours son verre de jus d’orange, et se mit à sourire avec douceur en sentant la tête de la jeune femme se poser sur son épaule. Il déposa sa tête tout contre la sienne, soufflant un « Un peu, oui ». Il resta ainsi tout en poursuivant. Dorénavant, Victoria allait devoir réapprendre à vivre par elle-même et pour elle-même. Il resta silencieux le temps nécessaire, puis déposa son verre de jus d’orange sur le côté, et passa son bras autour des épaules de la jeune femme « Je sais… Mais tu vas vite te rendre compte que c’est agréable aussi. Et tu en as besoin » souffla-t-il « Tu n’as plus de compte à rendre à qui que ce soit. Tu peux mener ta vie comme tu l’entends », et ajouta « Tu rentres avec moi à Miami à l’issue des trois semaines ou tu vas visiter un autre pays ? ».

« -attends, j’ai l’impression qu’on ne fait que parler de moi ! J’ai aussi envie de te connaitre, alors raconte ! » généralement c’était Vic qui se confiait. Jacob était plus discret sur sa vie. Mais la jeune femme voulait pouvoir le connaitre plus en profondeur. Elle tenait à ce que cette relation soit réciproque. Elle voulait, malgré son propre fardeau, pouvoir le comprendre et l’aider. Elle sourit de plus en plus à mesure qu’il écoutait : « -une jeunesse classique quoi. » il n’y avait rien d’exceptionnel dans ce qu’il décrivait ici. « -je t’imagine assez mal fumer des joints… » ajouta Vic en plissant légèrement les yeux comme pour mieux imaginer. Mais elle sourit bien moins lorsqu’il lui proposa d’emménager chez lui, gratuitement, et cela uniquement pour reprendre une vie professionnel qui lui conviendrait mieux. « -et je vais y réfléchir sérieusement… » répondit Vic avec lenteur, pour montrer le sérieux de ses propos. Ce n’était pas rien d’accepter. D’ordinaire, elle aurait prit ça pour de la charité mal placé, mais étrangement, elle ne vit que de la pure amitié. « -promis… » avait elle ajouté en embrassant son épaule, comme pour sceller un accord.

« -parfois il n’y a pas besoin d’être idiot pour fauter. » avait elle répondu. Elle voulait parler de lui à cet instant. Il y avait des circonstances. On ne savait jamais exactement ce qui se passait au sein d’un couple lorsque la porte était fermée. « -parfois, malgré les sentiments, malgré les liens… il y a une autre connexion qui arrive… et comprends pas, on s’y attends pas… mais c’est là. » une façon de lui dire que certaine chose ne se contrôlait pas. « -on l’était… la plus part du temps. Même si on avait une belle capacité à se prendre la tête et à s’engueuler aussi. » un léger sourire presque nostalgique. « -me demande pas pourquoi je suis tombée amoureuse de lui… je suis incapable de te le dire… » elle avait cherché pourtant, elle s’était vraiment posée la question. « -c’est comme plus fort que moi… il y avait un truc qui… qui me poussait vers lui. » aujourd’hui parfois elle se demandait si ce n’avait pas été une énorme erreur. Et ça lui faisait mal de penser ça.

Sa tête se posa sur l’épaule de Jacob lorsqu’il prit place à côté d’elle. « -je crois oui… » elle en avait besoin. Il fallait que ça change. C’était pour cela qu’elle avait prit de la distance, qu’elle avait changé d’air et d’environnement. « -tu oublies bien vite ma mère… » souffla Vic avec un sourire amusé. A la question suivante elle releva le visage pour regarder Jacob dans les yeux. Leur visage proches l’un de l’autre, elle le détailla quelques secondes. « -je sais pas… » souffla-t-elle en regardant à nouveau sa tasse de café. Dino arriva comme une fusée juste derrière, passant ses bras autour de leur cou. La tête de Vic cogna celle de Jacob, mais cela ne l’empêcha pas de rire devant la bonne humeur du gamin, puis devant sa gêne. Une main sur le front, elle le rassurant : « -c’est rien, c’est rien t’inquiète pas. » elle lui laissa une place entre eux et demanda : « -tu as bien dormi ? » il répondit positivement avant de parler d’un match de foot avec ses copains en fin de matinée. Il les invita à venir le voir, et à jouer. Victoria regarda Jacob : « -si ça te va, ça me va. » puis elle baissa à nouveau les yeux sur le gamin, une sensation étrange au creux du ventre. Jacob avait des tournures de phrase troublantes. Rentrer avec lui… Elle se fit la réflexion qu’entre eux justement, il y avait une de ces connexions dont elle avait parlé juste avant. Elle était amicale, mais dans d’autre circonstance, elle aurait pu être différente.
   

Jacob n’était pas contre l’idée de ne parler que de la jeune femme. Cela lui permettait d’apprendre à la connaître, mais il comprenait également que c’était son souhait à elle aussi, et répliqua alors un « Ok ! Ok ! » et finit par se livrer sur ses petits méfaits de jeunesse. Drogue, alcool et sexe. Il ne manquait plus que le Rock N’Roll. Il hocha de la tête face au constat de la jolie brune « En effet, une jeunesse classique ». Tout le monde avait fait ça au moins une fois dans sa vie. Il se mit à rire doucement « Parce que tu m’as connu avec une arme et une plaque. Mais je peux t’assurer que j’en ai fumé ». Il avait même été surpris par sa sœur ainée alors qu’il était à la fenêtre de sa chambre, crachant la fumée par la fenêtre pour ne pas alerter ses parents avec l’odeur particulière de son joint. Il constata que la conversation était devenue sérieuse au moment où il lui proposa de venir emménager chez lui le temps qu’elle puisse étudier l’art ou autre chose. Il esquissa un petit sourire tout en hochant la tête, soufflant un « Bien ». Sa proposition était sérieuse et sans arrière-pensée. Jacob voulait uniquement être présent pour elle, puis il n’était pas contre l’idée d’avoir une présence dans l’appartement. Son sourire se fit plus grand quand elle lui promis d’y réfléchir et baissa son regard sur ses lèvres se posant sur son épaule nue « C’est tout ce que je voulais entendre » rétorqua-t-il avec douceur.

Le lendemain, la conversation était d’un tout autre genre alors que Jacob considérait qu’il fallait être un idiot pour la tromper. Il resta à la fixer sans mot dire à sa précision « Il suffit seulement de tomber amoureux… » en comprenant pertinemment qu’elle parlait de lui. Ce qui s’était passé avec Mia n’était pas uniquement du sexe. Il y avait plus entre eux deux. Sinon il n’aurait pas succombé ainsi, il n’aurait pas eu si mal de sa disparition. Il hocha lentement de la tête à ce qu’elle ajouta « Ça nous tombe sur le coin du nez… » répliqua-t-il en baissant son regard sur son jus d’orange, brièvement, puis reporta son attention sur elle. Il la laissa confier sur l’amour qu’elle avait éprouvé pour Roberto, soudain et inexplicable « Parfois il n’y a pas d’explication. Ça arrive et c’est ainsi ». Oui, c’était une manière de penser pragmatique. Pour autant, ce n’était pas faux pour autant. « Le principal, c’est que tu ais vécu une belle histoire malgré les moments sombres, et c’est à ça que tu dois te raccrocher ». Parce que c’était mieux de se souvenirs des bons moments, aussi douloureux soient-ils, que des mauvais.

Jacob finit par délaisser sa chaise pour la rejoindre sur la petite marche devant la maison, sa tête se posant sur la sienne. Il émit un petit rire quand elle lui rappela la présence de sa mère peut-être un peu trop envahissante par moment « Oui, j’avoue que je l’avais oublié » avoua-t-il en. Il redressa la tête alors qu’elle en fit de même, leurs visages proches l’un de l’autre, il sentit le regard de Victoria qui détaillait chaque trait de son visage « Tu as encore le temps d’y réfléchir » murmura-t-il sans la quitter du regard alors qu’elle baissait déjà les yeux sur sa tasse. Leur échange fut soudainement interrompu par l’arrivée de l’enfant qui se rua sur eux, leurs têtes se cognant l’une à l’autre, faisant rire Jacob tout autant que la jolie brune à ses côtés. Il frotta sa propre tête avant de poser sa main sur le front de Victoria « Pas trop mal ? » et rassura à son tour l’enfant « Ce n’est pas grave petit homme » et laissa Dino les convier à un match de foot dans le centre de Guatemala « Oui, j’aimerais bien… » souffla-t-il tout en portant son verre de jus d’orange à ses lèvres, et demanda à l’enfant « Va prendre ton petit-déjeuner, tout est prêt sur la table. Mange bien pour être en forme pour ton match ». Il attendit quelques secondes que Dino se soit éloigné pour poser son doigt sur le front de Victoria avec un sourire amusé « Tu vas sûrement avoir une petite bosse », et retira ensuite sa main avant d’ajouter « Tout va bien ? ».

« -j’ai jamais fumé de joint… » souffla Vic. A la place elle était plutôt douée pour les petits vols à l’étalage… Mais elle préféra taire l’information. « -ah mais je te crois. » elle avait également du mal à l’imaginer tirer son coup dans une ruelle sombre avec une parfaite inconnue, mais ça aussi elle n’en dit rien. Jacob présentait tellement comme un homme droit que c’était parfois compliqué de l’imaginer prendre des risques ou agir sur un coup de tête. Il la déstabilisa avec sa demande. Tout comme il la déstabilisa à nouveau au matin. Il avait une façon étrange de tourner ses phrases. Ça sonnait un peu comme un : j’ai besoin de toi à mes côtés. Je veux vivre avec toi. Alors… d’accord amitié platonique, mais malgré tout, cela avait fait naitre une sensation étrange chez la jeune femme.

Comme ils venaient de parler, il y avait une connexion entre eux. Peut-être que les choses auraient été différentes si ils avaient été en couple et non en deuil l’un comme l’autre. Elle l’avait avoué autant que lui, ils étaient capables de se plaire. Alors elle avait détourner le regard, parce qu’elle le détaillait sans doute depuis trop longtemps sans rien dire. Elle avait ensuite hoché la tête. Oui, elle avait le temps d’y penser et de prendre une décision. Dino décida de venir stopper ce moment de gêne. Vic le remercia intérieurement, même si son front n’était pas d’accord. « -ça va oui. » avait-elle répondu en souriant alors que Jacob s’inquiétait. Elle avait largement connu pire qu’une petite bosse. Un nouveau sourire pour le gamin alors qu’il partait mangé. « -aïheu ! » râla Victoria alors que Jacob appuyait où ça faisait mal. « -ça va t’en fait pas. C’est pas grand-chose. » avait elle répliqué en souriant. « -oui… oui, oui ça va. » elle s’était levée en disant cela. « -tu veux un autre café ? » elle prit sa tasse, celle de Jacob et s’éclipsa dans la cuisine.

Elle prit le temps de faire les choses bien, et s’appliqua à dessiner avec la mousse de lait sur le café de Jacob. Elle évita le petit cœur, optant pour une sorte de feuille. Puis elle inspira avec lenteur avant de le rejoindre dehors. « tiens. » en lui tendant la tasse avec un sourire. « -tu sais jouer au foot ? » demanda-t-elle en pensant à ce qui les attendait, plutôt que cet espèce de trouble étrange qu’elle avait éprouvé en entendant la demande de Jacob. « -j’étais pas si mauvaise que ça à une époque. Mais je suis certaine qu’il y a des petits prodiges au milieu des gamins qu’on va rencontrer. » ce qui voulait dire que ses propres talents allaient être inexistant. « -j’aime bien jouer avec mes frères quand on était gosses. » même si ils étaient plus jeunes. Cela lui permettait de garder un œil sur eux au milieu de quartier.

Jacob avait expérimenté la drogue et l’alcool jusqu’à son internat en médecine, et dans ce lit qu’il partageait avec la jolie brune, il semblait être le seul à s’être lancé tenté par quelques joints « Tu n’as rien raté » rétorqua-t-il. Il en avait consommé quelques fois, lorsque les journées de révision étaient devenues trop pesante et qu’il avait besoin de détendre son esprit. Puis il avait eu la responsabilité d’autres vies entre les mains et avait cessé immédiatement. Cet homme n’était plus. Avec le temps, Jacob avait pris en maturité et en sagesse, contrastant avec le portrait qu’il avait pu faire de lui enfant et adolescent. Et c’était avec celui qu’il était aujourd’hui que Victoria était devenue amie. Un lien qui s’était construit soudainement et qui s’était fortifié avec le temps. Sans la disparition de Roberto, il n’aurait jamais fait sa rencontre. Elle ne lui aurait jamais manqué. Aujourd’hui, il n’envisageait plus son quotidien sans elle. Le lieutenant appréciait leurs échanges, même de bon matin, sur la marche devant la porte d’entrée de la maison. Cela ne lui avait pas empêché de lui demander si elle rentrait avec lui à l’issue du séjour. Ce ne fut pas sa réponse évasive qui le troubla, mais davantage le regard qu’elle porta sur lui. Elle détaillait chaque trait de son visage, comme si elle voulait le mémoriser. Ce fut l’arrivée soudaine et brutale de Dino qui mit fin à cet instant de flottement inexpliqué, cognant leur tête l’une avec l’autre. Il posa sa main sur son front et se mit à sourire « Tu as la tête dure ». Il demanda ensuite à l’enfant de prendre son petit-déjeuner pour être en forme pour son match de football, et lorsqu’il s’éloigna, Jacob reposa ses doigts sur le front de la jolie brune « Pardon… » alors qu’il lui fit mal. Il retira sa main tout en lui adressant un sourire avec douceur « Je pense que ça disparaître comme s’est apparu », et lui demanda si elle allait. Sa réponse lui fit froncer les sourcils, et d’autant plus sa hâte de vouloir lui servir un café sans qu’il n’ait le temps de répondre. Il souffla toutefois un « Oui » inaudible alors qu’il observa la porte derrière laquelle elle avait disparue.

Ses bras reposant de nouveau sur ses jambes, ses mains liées devant lui, le lieutenant prit le temps d’observer les alentours et de profiter de l’instant présent. De la chaleur sur sa peau, de cette brise légère de début de journée, de ce calme encore ambiant qu’offrait cette heure matinale. Jacob releva la tête en entendant la voix de Victoria et se saisit de la tasse, la remerciant avant de sourire avec tendresse en constatant le dessin qu’elle avait fait « Merci. C’est joli » et le porta avec délicatesse à ses lèvres avant de poser la tasse sur le côté. « Seulement au football américain. Et toi ? » tout en tournant la tête en sa direction « C’est un peu le sport national ici, donc oui. Sûrement » et sourit avec tendresse quand elle évoqua ses souvenirs d’enfance « Si tu veux, après le match de Dino, on pourrait jouer tous les trois. Le terrain doit être en libre accès. Je ne pense pas que ça posera souci ». Il tendit l’oreille en entendant sa tante l’appeler « Jacob, ton téléphone ! ». Il se leva, déposa la main sur l’épaule de la jolie brune « Je reviens » et fit un aller-retour, décrochant tout en reprenant place sur la petite marche « Bonjour mamá » « … » « Oui, je suis bien arrivé » « … » « Victoria va parfaitement bien et te passe le « bonjour » » « … » « Je rentre dans trois semaines » « … » « Oui, elle est ravie de m’avoir à la maison. Attends, je te la passe » « … » « Oui, oui. Je lui dirais. Te beso mamá ». Il se leva de nouveau pour confier le petit appareil à sa tante et revint auprès de la jeune femme « Ma mère t’embrasse et te souhaite de bonnes vacances en ma compagnie », ce qui lui fit lever les yeux au ciel, et se saisit de sa tasse de café pour la porter à ses lèvres « Je devrais peut-être aller prendre ma douche, me coiffer, sans me raser, bien évidemment » tout en lançant un regard taquin à la jeune femme « Encore merci pour le dessin » et termina sa tasse d’une traite. Il se rendit ensuite sous la douche, troquant son pyjama pour un jean et un t-shirt, ainsi qu’une paire de basket blanche, puis après avoir dompté ses boucles et avoir mis quelques gouttes de parfum, revint auprès de Victoria, glissant sa main dans son dos « Je suis fin prêt ».

« -non, c’est bon je déconne ça va ! » lança Victoria alors que Jacob s’excusait déjà de son geste. Ce n’était pas grand-chose. Une petite bosse de rien du tout qui allait passer rapidement. Elle décida de rentrer pour refaire deux cafés. Un peu trop rapidement peut-être. Elle prit son temps pour les préparer, improvisant un petit dessin pour celui de Jacob. « -de rien. » avait elle soufflé alors qu’il prenait la tasse. Question sur le foot, elle sourit : « -je me débrouille. Je jouais avec mes frères. Je pouvais ainsi faire de la surveillance rapproché et éviter qu’ils se fassent approcher par des plus vieux du quartier. » elle grimaça : « -niveau football américain par contre, je suis pas hyper callé. » elle n’avait jamais vraiment comprit les règles, et ne s’y était pas vraiment intéressée plus que ça. « -tu jouais à la fac ? » autant poursuivre sur le sujet de leurs adolescences. « -pourquoi pas oui. » ils verraient bien le moment venu.

Elle sourit en entendant Greta crier, et reprit sa place sur la petite marche, en attendant que Jacob réponde. « -bonjour ! » chantonna la jeune femme lorsqu’il parla d’elle. Elle haussa les sourcils lorsqu’il lui fit son petit rapport. « -c’est adorable. » elle avait presque l’impression de déjà faire partie de la famille. C’était amusant. Un léger rire : « -ça marche. » un nouveau sourire et elle le laissa partir. Un léger soupire. Pourquoi est ce qu’elle avait bloqué de la sorte. Il voulait seulement savoir si elle allait rentrer. Rien de plus. Elle savait parfaitement qu’il n’y avait aucun sous-entendu chez Jacob. Vic maudit sa mère et ses idées pourries. C’était débile. Et elle ne voulait pas voir changer leur relation. Ni éprouver de trouble face au flic. Même si ses tournures de phrases étaient perturbantes.

Elle termina son café toujours assise sur la petite marche, tentant de se vider la tête et de seulement profiter du moment. Un léger sursaut lorsqu’elle sentit la main de Jacob dans son dos. Elle ne l’avait pas entendu arrivé. « -Dino aussi visiblement. » avait elle répondu en jetant un coup d’œil à l’intérieur. Elle se redressa sur ses jambes et rapporta sa tasse dans la maison. Puis ils prirent la route jusqu’au terrain de foot. Un petit groupe de gamins attendaient là. Lorsqu’ils furent tous arrivés, les équipes furent formées rapidement. Elle avait vu juste, certains d’entre eux, étaient vraiment doués. Quelques cris d’encouragement pour Dino, un sourire sur les lèvres. Elle appréciait le moment. Une petite heure plus tard, le match était terminé. « -hé tu te débrouilles pas mal du tout. » un compliment pour le petit, avant qu’il ne lui demande si elle savait jouer. « -je sais faire quelques trucs. » répondit Vic tout en prenant le ballon entre ses pieds. « -regardes. » elle se mit à jongler avec le ballon. « -on faisait des concours avec mes frères. Celui qui parvenait à garder le ballon le plus longtemps sans le faire tomber au sol pouvait donner son tour de vaisselle à celui qu’il voulait. » généralement, elle laissait gagner un de ses frères.

Tout en retirant ses doigts de son front, Jacob rétorqua « Tu es sûre ? Je peux appeler une ambulance si besoin » sur un ton taquin. Cela ne l’empêcha pas d’être interpellé par la hâte de Victoria pour remplir leurs deux tasses de café, sans attendre la moindre réponse de sa part. Il décida de ne pas se focaliser davantage sur ce détail pour le moment, profitant seulement de cette matinée silencieuse et ensoleillée jusqu’à ce qu’elle revienne jusqu’à lui. Elle l’interrogea sur le football qu’il n’avait jamais pratiqué à l’exception de l’américain durant son adolescence. Contrairement à la jolie brune qui avait semblablement joué quelques années afin d’éviter l’influence des gangs sur ses jeunes frères « Ça a fonctionné ? » finit-il par demander avant qu’elle ne reporte l’attention sur lui « Oui, les deux premières années ». Il avait arrêté lorsque des études avaient été publiées dans les médias concernant les dégâts cérébraux que pouvaient provoquer le football américain. Le lieutenant n’avait pas souhaité rejoindre la longue liste des commotions cérébrales, d’autant plus que son esprit était son gagne-pain. Pour autant, même s’il ignorait pratiquement tout du soccer, Jacob n’était pas contre l’idée de jouer tous les trois à l’issue du match. Leur conversation fut interrompue par la voix de Greta, et plus précisément sa mère qui avait décidé de l’appeler afin de s’assurer que son fils était arrivé à bon port. Un sourire en entendant la jeune femme saluer cette dernière et confia le petit appareil à sa tante avant de rejoindre la jolie brune « Elle espère sûrement encore que tu deviennes un jour sa belle-fille ».

Jacob s’éclipsa quelques minutes pour se préparer, et revint quelques minutes plus tard fin prêt pour le match. Dino était également prêt, dans sa tenue de footballeur, le ballon sous le bras. Ils accompagnèrent donc l’enfant jusqu’au terrain et firent entendre leurs voix, l’acclamant de l’autre côté de la barrière. Au bout d’une heure, la partie était terminée et les enfants rejoignirent tous leurs parents alors que Dino arriva à leur hauteur. Les bras sur la rambarde, Jacob observa la jeune femme faire preuve d’habilité avec un ballon et se mit à sourire avec amusement à l’anecdote. Il se décida à entrer à son tour sur le terrain, et posa ses mains sur les épaules de l’enfant « Qu’est-ce que tu en penses Dino ? On fait équipe tous les deux contre Vic ? ». L’enfant se montra dès plus enthousiaste et le trentenaire récupéra la balle d’un coup de pied pour faire une passe à Dino qui se mit à courir à toute enjambée alors que Jacob saisit la taille de Victoria « Cours ! Cours ! Je la retiens ! » dans un éclat de rire, et lorsqu’il parvint à mettre un but, il leva les bras en l’air « Gagné ! » et se mit à courir vers l’enfant pour le faire tournoyer « Allez Dino ! Allez Dino ! », puis reposa l’enfant au sol, récupérant la balle pour faire la passe à Victoria « A ton tour ! ».

« -non ba ça va aller, je pense pas avoir de commotion cérébrale. » répondit Victoria avec un sourire sur les lèvres. Elle se confia ensuite sur le foot qu’elle avait pratiqué avec ses petits frères, dans le seul but de leur faire plaisir mais aussi de pouvoir garder un œil sur eux. « -oui. » répondit la jeune femme en hochant la tête. « -je crois que les menaces de ma mère étaient aussi très efficaces. » Ses parents avaient toujours été très claire sur les risques de la rue. Ils avaient prit soin de protéger leurs enfants de tout ça. « -ça devait aider pour faire tomber les nanas. » avait elle répliqué en l’imaginant sans mal dans son petit collant noir et ses grosses protections. C’était connu, les mecs qui faisaient ce sport étaient appréciés des filles. Ils furent interrompus par un appel de la mère de Jacob. « -c’est bien d’avoir de l’espoir. » avait répliqué Victoria en souriant.

Vic apprécia le match de foot, tout comme encourager le petit garçon. Il aurait pu être leur fils. Un léger sourire triste en se disant que ce genre de chose ne lui arriverait sans doute jamais. Elle n’était visiblement pas faite pour devenir mère. Mais elle chassa cette pensée pour venir à la rencontre du gamin, et lui montrer ses maigres talents de joueuse. « -vous deux contre moi ? » demanda la belle brune avec un sourire. « -vous allez voir, ce que vous allez voir ! » fanfaronna Vic avant de se mettre à crier et rire en même temps alors que Jacob la ceinturait pour laisser Dino marquer. « -c’est pas du jeu ! » elle se débattit comme elle pouvait, puis finit par se retrouver face à Jacob. Son sourire sur les lèvres, elle se retrouva à nouveau à le fixer du regard quelques instants. « -mauvais joueur va ! » lui lança la belle brune, avant de hurler un : « -non !! » quand le petit maqua.

Elle récupéra le ballon, et ne se le fit pas dire deux fois pour tracer au milieu du terrain. Dino sur ses traces, elle ralentit l’allure exprès, avant de faire passer la balle entre ses jambes et de tirer. « -but ! » cria la jeune femme en levant les deux bras vers le ciel. Elle récupéra la balle, et la donna à Jacob. « -fais voir un peu ce que tu sais faire tricheur. » elle lui laissa un peu d’avance et vint s’interposer entre lui et le la cage. Elle tenta de lui prendre le ballon, une fois, deux fois, pour finir par s’entremêler les pieds aux siens et chuter avec lui sur le gazon. Un rire joyeux. Le souffle court, à moitié affalé sur Jacob, elle dit : « -les gamins sont plus doués que nous ! » puis elle se laissa tomber sur le côté, les deux mains en arrière. Dino arriva à leur hauteur, annonçant qu’ils devraient rentrer. Un hochement de tête avant de se mettre sur ses deux jambes et de tendre la main à Jacob pour qu’il en fasse de même.