Ses émotions débordent et se déversent à travers ces larmes qui se mettent à couler sans qu'il ne cherche à les dissimuler. Ce n'est pas une scène plaisante à regarder, parce que je sais que ce n'est qu'une manifestation minime de ce bouleversement qui a lieu à l'intérieur de lui. Et je me déteste pour en être la cause… Il est si sensible. Peut-être même beaucoup trop pour son propre bien. J'ai toujours peur de le voir se briser soudainement. Et même si je sais aussi que c'est dans sa nature de ressentir tout d'une manière bien plus forte que le commun des mortels, je crains de le blesser pour de bon, à force de maladresses. J'ai vraiment peur de ne pas être suffisamment bien pour lui.

– J'y compte bien. Tu ne vas pas te débarrasser de moi aussi facilement, affirme-t-il sur le ton de la plaisanterie. Tu peux compter sur moi pour te rejoindre dès que je pourrai. Dès que ces fichues négociations pour ce nouveau label seront terminées. Je suis prêt à faire plusieurs aller-retour, s'il le faut, si ma présence est de nouveau nécessaire ici, ou à Los Angeles.

C'est un sourire sans joie qui se dessine sur mon visage. Je commence déjà à culpabiliser… J'ai peur de devenir une énième source de stress pour lui… Un nouveau devoir, une obligation à tenir. Je ferme les yeux au contact de sa main sur ma joue. Je dois prendre sur moi pour contrôler ces fichus doutes qui viennent m'assaillir pour me pourrir la vie.

– Et ensuite, on trouvera un moyen pour que ça fonctionne, si tu es prête à me faire une place dans ta vie, avec mes guitares et mon pick-up. Il faudra probablement que je passe par Los Angeles, récupérer quelques affaires, vérifier que ma villa tient encore debout…

Je peine un peu à comprendre ce qu'il veut dire par " lui faire une place dans ma vie". Est-il en train de me dire qu'il a l'intention de s'installer chez moi à mi-temps. Peut-être… Cela ne me gêne en rien, au contraire. Nous vivons pratiquement ensemble depuis que nous avons décidé de former un couple. Mais… N'est-ce pas un peu trop ?

Mais en même temps, avec nos modes de vie si divergents, nous n'avons pas d'autres choix. En tout cas, si nous voulons que cette relation fonctionne malgré toutes ces différences et nos obligations.

– Je rangerai mon bazard pour m'assurer que tu aies suffisamment de place, je lui assure.
– Je t'aime, Emily. Je n'ai pas envie de te dire adieu. J'ai envie de construire un avenir avec toi.

Construire… un avenir…avec moi. Je bredouille quelques syllabes désarticulées… Ce qui, en soi, représente plutôt bien ce qui se passe en ce moment dans ma tête. Je ne comprends pas… Que veut-il dire exactement ? On peut donner tellement de sens à ce mot… Peut-être même un peu trop pour que cela percute mon cerveau. Demain, c'est déjà l'avenir, non ?

– Tu… Qu'est-ce que tu veux dire ?

Je ne suis pas en train de paniquer, non. Je suis même plutôt calme finalement. Je m'efforce juste de comprendre ce que cela signifie pour lui. L'avenir, pour Jim, signifiait toute la vie. Le mariage, les enfants, les petits-enfants, l'ouverture de notre propre galerie. Il avait fait un plan sur cinquante ans. Je suis presque certaine que ce n'est pas le cas ici, mais j'ai tout de même besoin de saisir tout ceci.

– Pardon, j'ai juste besoin que tu sois un peu plus clair… Tu…As des projets pour nous ? Ou en tout cas l'envie ?

Son visage trahit une multitude d'émotions. J'y lit surtout de l'inquiétude, sans savoir si cette dernière est dirigée vers moi, ou si elle a été causée par le fait d'avoir oser évoquer le futur.

C'est difficile à dire.
Elle me sourit, mais je n'arrive pas à trouver dans ses yeux l'étincelle habituelle.

"– Je rangerai mon bazard pour m'assurer que tu aies suffisamment de place."

Peut-être. Mais en a-t-elle réellement envie ?

Puis lorsque j'évoque un avenir en commun, j'ai l'impression de complètement la perdre. Elle me dévisage avec stupeur. Comme si j'avais dit un mot de trop.

Des syllabes franchissent ses lèvres, sans pour autant former un mot cohérent.

"– Tu… Qu'est-ce que tu veux dire ?"
"– Emily..."
"– Pardon, j'ai juste besoin que tu sois un peu plus clair… Tu…As des projets pour nous ? Ou en tout cas l'envie ?"

"– Bien sûr que j'en ai envie !" je m'offusque.

Je n'ai plus envie de pleurer. Ma tristesse fait désormais place à la consternation. N'a-t-elle pas compris ce qu'elle représentait pour moi ?

"Je ne t'ai pas dit que je t'aimais pour ensuite t'abandonner à la première occasion !"

Ca aurait été cruel. Et je ne fonctionne pas comme ça. Cette relation n'est pas une simple idylle de vacances. Ce que nous partageons est plus fort que tout ce qu'un simple flirt de passage.

J'avais cru que nous étions clairs à ce sujet. Visiblement, ce n'est pas le cas.

Je m'arrête, le temps de reprendre mon souffle.

"– J'ignore de quoi l'avenir sera fait. Je ne vais pas te mentir. Ce sera probablement difficile pour nous de trouver notre équilibre. Nous menons des vies tellement différentes, toi et moi. Mais je veux essayer. J'ai foi en toi. En nous."

Mes mains se resserrent un peu plus sur sa taille. Elle est parfaite comme ça, sur mes genoux.

"– Toi et moi, c'est peut-être trop récent pour que nous nous projetions sur un futur lointain. Je n'ai pas envie de te faire de fausses promesses. Je veux juste continuer à me réveiller le matin en te trouvant à mes côtés. Je veux me promener avec toi sur la côte. Je veux t'emmener à Los Angeles, même si ce n'est que pour quelques jours. Je veux te prendre dans mes bras, te présenter comme ma compagne. Des projets simples. Et pas une relation à distance où on ne se verrait que deux fois dans l'année."

Je ne la lâche pas du regard, prêt à analyser chacune de ses réactions.

"– Si... Si tu en as envie, bien sûr", je ponctue avec hésitation.

Peut-être que ce n'est pas le cas. Peut-être ne nous voit-elle pas continuer au-delà de son départ.

Et ça me briserait le cœur.

– Je ne t'ai pas dit que je t'aimais pour ensuite t'abandonner à la première occasion !
– Ce n'est pas ce que je voulais dire, Tom… C'est juste très difficile à exprimer, je soupire en baissant légèrement les yeux.

C'est délicat parce que je ne comprends pas toujours moi-même ce qui se passe dans ma tête. La plupart de mes émotions sont floues comme si ma retenue constante venait les brouiller, les rendant ainsi difficiles à interpréter. C'est là que se trouve ma bizarrerie principale. Dans cette inconscience de moi-même qui exige pourtant de très nombreuses réponses.

–J'ignore de quoi l'avenir sera fait. Je ne vais pas te mentir. Ce sera probablement difficile pour nous de trouver notre équilibre. Nous menons des vies tellement différentes, toi et moi. Mais je veux essayer. J'ai foi en toi. En nous.

De cela, j'en ai parfaitement conscience. Je sais bien que se lancer dans cette relation revient aussi à embrasser de très nombreuses difficultés. Et je mentirais en affirmant que cela ne m'effraie pas… J'ai toujours peur de cette chute infinie. Celle qui nous cloue au sol avec la détresse pour seule compagnie. La sienne. La mienne. J'ai beau avoir l'air insensible, je ne le suis pourtant pas… Et si j'ai effectivement très peur de me retrouver dans cet état, je ne veux pas non plus lui imposer cela.

Il y a une différence entre croire et pouvoir. Et je sais que, souvent, avoir la foi ne suffit pas forcément. Je crois en lui, bien-sûr. Je ne doute pas de ses sentiments pour moi, pas plus que je ne doute des miens. Je l'aime et ce n'est malheureusement pas une chose que je peux contrôler.

–Toi et moi, c'est peut-être trop récent pour que nous nous projetions sur un futur lointain. Je n'ai pas envie de te faire de fausses promesses. Je veux juste continuer à me réveiller le matin en te trouvant à mes côtés. Je veux me promener avec toi sur la côte. Je veux t'emmener à Los Angeles, même si ce n'est que pour quelques jours. Je veux te prendre dans mes bras, te présenter comme ma compagne. Des projets simples. Et pas une relation à distance où on ne se verrait que deux fois dans l'année.

L'entendre me dire cela m'arrache un profond soupir de soulagement. Il n'y a rien d'insurmontable dans ce qu'il attend de notre relation. Je peux supporter cela. Je le sais. C'est tout ce que je demande… Pouvoir avancer, pas à pas, à notre rythme.

–Si.. Si tu en as envie, bien sûr.

Je pouffe.

– Bien-sûr que j'en ai envie, Tom ! dis-je en venant lui voler un baiser. C'est juste que … J'ai toujours beaucoup de mal à me projeter. Je préfère vivre ma vie au présent plutôt que d'envisager le futur. A vrai dire, ça a même le don de me foutre la trouille…

Je tente un sourire… Mais je sais que je lui dois des explications.

– J'ai jamais eu envie de vivre une vie "classique", de celle que la société attend de nous. Je me suis fiancée pour faire plaisir aux autres, mais je n'ai jamais eu envie de me marier… Pas plus que … ce qui est censé aller avec.

L'entendre rire me fait le plus grand bien. Peut-être que je ne suis pas le seul de nous deux à couver des espoirs comme ceux-là, finalement.

"– Bien-sûr que j'en ai envie, Tom !"

Elle m'embrasse, et je souris contre ses lèvres. Je suis ravi de constater que nous sommes finalement sur la même longueur d'onde.
Je me redresse, pour chasser à nouveau ses lèvres, mais elle se dérobe et reprend la parole.

"–  C'est juste que …"
"– Que quoi ?" je souffle avec curiosité.
"– J'ai toujours beaucoup de mal à me projeter. Je préfère vivre ma vie au présent plutôt que d'envisager le futur. A vrai dire, ça a même le don de me foutre la trouille…"

J'hoche la tête avec attention.

Je comprends ce sentiment. Mais si ma vie professionnelle ne m'aide pas non plus à faire de grands projets, j'ai toujours gardé en moi l'espoir d'un futur lointain, peut-être un peu trop idéalisé.

Etre en couple, avec une partenaire qui m'accepterait pour ce que je suis. A la fois ma meilleure amie et mon amante. Et pourquoi pas me marier, un jour.

Je caresse sa joue, et mes doigts viennent effleurer le sourire sur ses lèvres.

Mais je réalise bien qu'elle n'a pas terminé.

"– J'ai jamais eu envie de vivre une vie "classique", de celle que la société attend de nous. Je me suis fiancée pour faire plaisir aux autres, mais je n'ai jamais eu envie de me marier… Pas plus que … ce qui est censé aller avec."

L'entendre me dire qu'elle n'envisage pas de se marier n'est pas facile. Et je ne peux pas prétendre être celui qui la fera changer d'avis. Ce serait égoïste, et incroyablement prétentieux. Ce n'est pas à moi de lui dicter ses choix de vie.

"– Tu ne veux pas d'enfants, alors ?"

La question franchit mes lèvres avant que je n'ai pu y réfléchir. Et je me reprends juste après.

"– Non pas que j'envisageais nécessairement d'en avoir !" je bafouille.

Avec mon métier, ce serait difficile d'envisager ça. Et je pense qu'Emily en est parfaitement consciente.

"– J'aimerais juste comprendre, comment tu vois les choses."

La conversation a dévié vers des sujets beaucoup plus sérieux. Des sujets que je n'avais pas eu l'intention d'aborder tout de suite. Mais je suis curieux. Et finalement, ce n'est pas une mauvaise idée de mettre les choses au point.

"– Qu'est-ce qui te dérange dans le mariage ?"

– Tu ne veux pas d'enfants, alors ?
– Disons plutôt que je n'ai jamais ressenti l'envie d'en avoir, je réponds en haussant les épaules.

J'ai vu beaucoup de mes connaissances s'impatienter en nourrissant quelques espérances à ce sujet. Elles rêvaient de devenir mère comme s'il s'agissait d'un besoin viscéral à combler. Cela n'a jamais été mon cas. Je ne me suis jamais enthousiasmée devant un bébé non plus, pas plus que devant un autre humain d'un âge plus ou moins avancé.

– Non pas que j'envisageais nécessairement d'en avoir !
– Tu en as le droit pourtant… Je ne t'en voudrai pas, tu sais.
– J'aimerais juste comprendre, comment tu vois les choses.
– Je comprends oui.

Je sais qu'il est bien trop tôt dans notre relation pour évoquer de pareils sujets… Malgré tout, je préfère en parler avec franchise sans prendre la durée de notre histoire en compte… Surtout en voyant à quel point tout va très vite entre nous.

– Qu'est-ce qui te dérange dans le mariage ?
– Et bien, je n'y vois juste aucune utilité. Ce n'est pas une preuve d'amour. D'ailleurs, à l'origine cela servait à signer des accords, rien de plus. Et puis, je sais pas… C'est devenu une sorte de passage obligé. Comme si une relation amoureuse n'est pas vraiment sérieuse aux yeux des autres tant que les deux noms ne sont pas apposés sur un papier… Devant témoins en plus. Personne n'a besoin d'un papier pour s'aimer…

Je dois lui paraître stupide ou insensible peut-être. J'ai tendance à rejeter ce genre de choses.

– Et puis honnêtement, je n'ai jamais eu de réponse à la question : "Comment vous voyez-vous dans dix ans." C'était vrai hier et c'est toujours le cas aujourd'hui et cela ne change pourtant rien à l'amour que j'ai pour toi.

"– Non pas que j'envisageais nécessairement d'en avoir !"
"– Tu en as le droit pourtant… Je ne t'en voudrai pas, tu sais."
"– Ce n'est pas une chose à laquelle j'ai réfléchi", j'admets.

Je sais pourtant qu'à mon âge j'aurais déjà dû me poser la question de si je voulais ou non devenir père. Mais j'ai été bien occupé à autre chose. Et mon ex m'avait bien fait comprendre qu'elle n'en voulait pas.

Je l'écoute attentivement m'expliquer ce qui ne lui va pas dans le concept même du mariage. Pour elle ce n'est qu'un contrat, rien de plus, juste un bout de papier qui ne veut pas dire grand-chose.

"– Hmm, je vois ce que tu veux dire."

Dit comme ça, je comprends que ce ne soit pas quelque chose qui l'attire.

"– Je voyais plutôt ça comme une promesse, que deux personnes qui s'aiment se font l'une envers l'autre. Bien au-delà d'un simple contrat sur un papier."

Et elle poursuit au sujet de sa vision du futur.

"– Et puis honnêtement, je n'ai jamais eu de réponse à la question : "Comment vous voyez-vous dans dix ans." C'était vrai hier et c'est toujours le cas aujourd'hui et cela ne change pourtant rien à l'amour que j'ai pour toi."
"– Ça me va pour l'instant", je soupire. "Tant que tu m'aimes, je suis le plus heureux des hommes".

Je lui embrasse le bout du nez, puis ses lèvres.

"– J'ai hâte de retourner à Castine. Cette ville a quelque chose de spécial, d'apaisant. Et j'ai hâte que nous soyons à nouveau tous les deux seuls, sans personne pour venir nous déranger."

Je l'embrasse à nouveau, une de mes mains quittant sa taille pour glisser dans ses cheveux.
J'aspire à retrouver cette solitude, celle qui nous a permis de nous trouver.

Juste être dans les bras d'Emily, et ne plus penser à rien d'autre qu'elle.

Je ne suis pas vraiment surprise de l'entendre dire qu'il n'avait jamais pensé à avoir des enfants un jour. Avec une carrière aussi prenante, sans doute n'a-t-il jamais eu le temps de se poser réellement pour y songer.

Ma vision du mariage semble l'étonner en revanche. Il faut dire que ma définition n'a rien de bien romantique. Et encore, je me garde bien de lui parler de divorce difficile, de prises de bec pour le partage ou les contrats de mariage… Je ne lui parlerai pas non plus de toute l'industrie du mariage qui me répugne au plus haut point.

– Je voyais plutôt ça comme une promesse, que deux personnes qui s'aiment se font l'une envers l'autre. Bien au-delà d'un simple contrat sur un papier.
– Nul besoin d'un mariage pour ça, si ? je demande le plus sérieusement du monde.

Je n'ai jamais aimé les promesses… Elles se rompent si facilement, souvent involontairement. Personne ne peut réellement s'appuyer sur des mots… On leur donne beaucoup trop de pouvoir alors que ce ne sont que des mots. On peut très bien les penser le jour J… Puis changer d'avis avec le temps. Et que devient la promesse dans ce cas ? Du vent… Des paroles en l'air.

Je ne suis décidément pas une personne optimiste. C'est ainsi que la vie m'a façonnée et je m'en accommode parfaitement. Néanmoins, aujourd'hui je ne suis plus seule à devoir composer avec mon tempérament et je n'ai pas envie de lui transmettre ma négativité. Je l'aime aujourd'hui et même si je ne sais pas de quoi demain sera fait, le plus important reste le présent.

– Ça me va pour l'instant. Tant que tu m'aimes, je suis le plus heureux des hommes.
– Tu te contentes de peu, je raille gentiment.
–J'ai hâte de retourner à Castine. Cette ville a quelque chose de spécial, d'apaisant. Et j'ai hâte que nous soyons à nouveau tous les deux seuls, sans personne pour venir nous déranger.
– C'est ma vision du paradis que tu décris, dis-je avant de répondre à son bien chaleureux baiser.

Le calme de Castine me manque atrocement… Je préfère le bruit des vagues à celui des voitures. Le cri des mouettes aux vrombissements des avions… Les longues balades me manquent… Le parfum des embruns matinaux… Les burgers de Charly… Les aboiements de Nix… Mais c'est mon atelier qui me manque le plus…

Que d'instants et de lieux qu'il me tarde de redécouvrir avec lui.

"– Nul besoin d'un mariage pour ça, si ?"
"– Non, c'est vrai", j'admets volontiers.

Si nous restons ensemble, j'espère parvenir à la faire changer d'avis un jour. Mais pas aujourd'hui.
Pour l'instant, je peux me contenter de ce qu'elle est prête à m'offrir. Et c'est déjà beaucoup.


"– Ça me va pour l'instant. Tant que tu m'aimes, je suis le plus heureux des hommes."
"– Tu te contentes de peu."
"– Au contraire !", je proteste avec un sourire amusé. "Je me sens très honoré que tu n'ais pas encore décidé que je n'en valais pas la peine"

Lorsque je décris mon impatience de retrouver Castine, je la sens se détendre dans mes bras.

"– C'est ma vision du paradis que tu décris."

Je frissonne lorsqu'elle répond à mon baiser.

"–J'ai envie de retourner au phare", je soupire en me remémorant une fois de plus notre mésaventure sous la pluie. "J'avais tellement envie de t'embrasser, de retirer cette fichue couverture. Mais tu m'aurais pris pour un fou."

Un sourire amusé prend possession de mes lèvres, et je me redresse sur ma chaise tandis que je plaque une main dans le dos d'Emily pour la coller un peu plus contre moi.

"– J'étais trempé, complètement nu sous cette fichue couverture, et pourtant je crois que ça faisait des années que je ne m'étais pas senti aussi vivant."

Je caresse la joue d'Emily et laisse ma main sur cette dernière.

"–Je te fais confiance pour me faire une place dans ton avenir. Et j'ai hâte de voir ce que nous vivrons ensemble. A notre rythme."

–Tu te contentes de peu.
– Au contraire ! Je me sens très honoré que tu n'ais pas encore décidé que je n'en valais pas la peine.
– À t'écouter, on pourrait croire que t'aimer exige des efforts surhumain, je pouffe, mon regard plongé dans le sien.
– J'ai envie de retourner au phare, dit-il lorsque nous en venons à évoquer Castine. J'avais tellement envie de t'embrasser, de retirer cette fichue couverture. Mais tu m'aurais pris pour un fou.[i]
– Tiens donc ? je demande en haussant un sourcil empreint de surprise et de curiosité. J'aurais accepté le baiser sans soucis… Mais peut-être pas plus à ce moment-là.

Quoi que… Je ne sais pas vraiment en réalité. À ce moment-là, je me sentais comme dans une sorte d'état second. Je me sentais en paix, enfin, en quelque sorte.

–[i] J'étais trempé, complètement nu sous cette fichue couverture, et pourtant je crois que ça faisait des années que je ne m'étais pas senti aussi vivant.
– Tiens, il me semble avoir déjà entendu ça… en chanson, je souris à mon tour, laissant ma tête reposer sur la main qui me caresse tendrement la joue.
– Je te fais confiance pour me faire une place dans ton avenir. Et j'ai hâte de voir ce que nous vivrons ensemble. À notre rythme.

C'est un sourire plein de tendresse qui vient étirer mes lèvres juste avant que je ne vienne m'emparer des siennes. Je suis toujours surprise de constater à quel point mon corps épouse parfaitement le sien. Je l'enlace amoureusement, venant ainsi approfondir ce baiser.

– Et si nous commencions par nous intéresser à notre futur très très proche ? je murmure avant de venir déposer un baiser près de son oreille. Il y a des couvertures, ici aussi… De quoi nous tremper également…

Son sourire est empli de toutes ces promesses qu'elle m'assure pourtant ne pas pouvoir me faire. Peut-être ne se sent-elle pas capable d'une telle chose. Peut-être a-t-elle été trop blessée par le passé pour croire en l'avenir.

Mais tant qu'elle est dans mes bras, je peux croire à l'avenir pour nous deux.

Je ferme les yeux lorsqu'elle m'embrasse. Son corps bouge contre le mien dans une friction délicieuse. Et je grogne quand ses bras enlacent mes épaules.

Visiblement, le sujet est clos pour le moment.

"– Et si nous commencions par nous intéresser à notre futur très très proche ?" me murmure-t-elle. "Il y a des couvertures, ici aussi… De quoi nous tremper également…"

Je ferme les yeux, et un rire rauque franchit mes lèvres.

"– Je crois que ce ne sera pas nécessaire de risquer une hypothermie. Toutefois..."

Je plaque une main dans le bas de son dos, remontant légèrement le tissu pour venir effleurer sa peau nue.
Je frissonne à la chaleur sous mes doigts.

"– Je ne dirais pas non à un bain."

La journée a été longue, et nous sommes sans doute aussi fatigués l'un que l'autre. J'ai surtout cette impression désagréable de poussière et de sueur sur ma peau.

Je me saisis ses lèvres d'Emily, l'embrassant avec passion.

"– Un bain long et chaud."  
Un autre baiser, sur sa mâchoire, cette fois. "Avec toi."

Je lui mordille doucement la mâchoire, saisissant un instant son menton entre mes lèvres avant de descendre lentement dans son cou.

"– Ce serait dommage de quitter Vegas avant d'avoir pu essayer cette baignoire à deux, tu ne crois pas ?"

Ma main remonte un peu plus haut dans son dos, emportant avec elle ce tissu trop encombrant.

"– Et ensuite, nous pourrons profiter des couvertures."