–Désolé, j'ai besoin de me rassurer que tout ça n'est pas une hallucination. Parfois j'ai peur de me réveiller et de me rendre compte que tout ça n'était finalement qu'un rêve. Je pense que ça ira beaucoup mieux quand je pourrai à nouveau m'endormir avec toi dans mes bras.
– Une hallucination ? Qui sait… Peut-être que je n'existe pas finalement… Que je ne suis que le fruit de ton imagination… je déclare en faisant mine de réfléchir…

Je ne tiens pas mon sérieux bien longtemps cela dit. J'éclate très vite de rire…

– Je peux t'assurer, mon amour, que tout est bien réel et tu peux compter sur moi pour te le prouver dès que tu seras de retour. Parce que oui, je veux toujours de toi… Parce que je t'aime.

Je lui explique alors que je viendrais le chercher à l'aéroport en compagnie de Lucy puisque je n'ai, évidemment, toujours pas le droit de conduire.

– Une fois de retour à Castine je pourrai être ton chauffeur attitré.
– Tom Alskell comme chauffeur… Quelle chance, j'ironise en essayant de masquer ma frustration à propos de la perte de ma mobilité et, par extension, de mon indépendance.

Je change très rapidement de sujet pour parler de ses parents.

– Crois-moi, Los Angeles finit toujours par les agacer. Il y a trop de monde à leur goût, trop d'embouteillages. Ma mère ne dit rien, mais je suis persuadé qu'elle est ravie de rentrer chez elle demain. Mon père aussi.
– Je dois dire que je ne peux que les comprendre… La Californie est surpeuplée. Ils habitent où ?

Visiblement, pas dans le même état…

– Ça m'a fait du bien de les voir. Et ils ont posé beaucoup de questions à ton sujet. Ils voulaient t'inviter chez eux, pour les fêtes, mais je suppose que vis à vis de ta rééducation ce n'est pas une bonne idée. Et puis, Lucy est avec toi…
– M'inviter ? Vraiment ? je demande, sincèrement surprise.

J'avoue ne pas avoir vraiment envie d'entreprendre le moindre voyage tant que je suis contrainte de me trimballer ce fichu fauteuil. En revanche, je peux comprendre qu'ils soient curieux de me rencontrer… Tout en voulant s'assurer de passer les fêtes avec leur fils. Alors… Je réfléchis et une idée me vient.

– Je ne peux pas vraiment me déplacer actuellement mais… S'ils le souhaitent et si la présence de Lucy ne les dérange pas, alors ils sont les bienvenus chez moi.

Nous pouvons très bien leur laisser la chambre et dormir sur le canapé lit pendant quelques jours. Lucy logera à l'auberge dans tous les cas…

"– Une hallucination ? Qui sait… Peut-être que je n'existe pas finalement… Que je ne suis que le fruit de ton imagination…"
"– Emily...", je marmonne avec gêne.

Je me sens un peu idiot de lui avoir confié ça.
Mais je me détends quelque peu lorsqu'elle éclate de rire.

"– Je peux t'assurer, mon amour, que tout est bien réel et tu peux compter sur moi pour te le prouver dès que tu seras de retour. Parce que oui, je veux toujours de toi… Parce que je t'aime."
"– Je t'aime aussi", je souris.

Peut-être que c'est ridicule de nous le répéter si souvent, mais j'en ai besoin. J'ai besoin de me rassurer que tout cela est bien réel, qu'Emily n'est qu'à quelques heures d'avion de moi, et que je la reverrai dans deux jours...

Lorsque je lui propose de devenir son chauffeur attitré, je réalise bien que cette proposition ne lui convient guère. J'imagine bien qu'elle préfèrerait pouvoir se déplacer seule, sans avoir besoin de qui que ce soit.

"– Tom Alskell comme chauffeur… Quelle chance", ironise-t-elle donc.
"– Je t'assure qu'il y a beaucoup de femmes qui rêveraient d'être à ta place", je la taquine. "Mais dommage pour elles, il n'y a que toi que j'ai envie de conduire."

Lorsqu'elle me parle de mes parents, je lui confie qu'ils ne sont pas du tout fan de Los Angeles, notamment à cause du monde et des embouteillages.

"– Je dois dire que je ne peux que les comprendre… La Californie est surpeuplée. Ils habitent où ?"
"– Sacramento, complètement au nord. C'est là que j'ai grandi. C'est beaucoup plus respirable que L.A. Je t'y emmènerai, un jour. Et le lac Tahoe n'est qu'à deux heures de route. Mes parents ont un chalet, là-bas. Le coin est hanté, par contre. Mais tu verras c'est très joli."

Je sais que je me remets à faire des plans, à envisager un futur avec Emily. Je sais qu'elle a horreur des promesses. Mais c'est plus fort que moi.

Et je me rends surtout compte que je n'ai aucune idée de ce qu'à été l'enfance d'Emily, lorsque ses parents étaient encore en vie. Je me promets de lui poser des questions à ce sujet, lorsque nous serons à nouveau réunis.

Elle est manifestement surprise lorsque je lui annonce que mes parents comptaient l'inviter pour les fêtes. J'ai surtout un peu peur de sa réaction à chaud. Je n'ai pas envie qu'elle prenne peur de voir notre relation devenir encore plus sérieuse. Après tout, la présenter à mes parents est une étape de plus.

"– Je ne peux pas vraiment me déplacer actuellement mais… S'ils le souhaitent et si la présence de Lucy ne les dérange pas, alors ils sont les bienvenus chez moi."

Je suis tellement surpris que je mets de longues secondes à lui répondre.

"– Vraiment ?" je m'exclame finalement en souriant.

Je ne m'y attendais absolument pas. Je pensais devoir choisir entre Sacramento et Castine, et devoir refaire plusieurs heures d'avion.

"– Ce serait formidable ! Il faut que je vois avec eux, bien sûr. Mais ça me plairait beaucoup. J'ai vraiment envie de te les présenter."

Je ne peux m'empêcher de sourire un peu plus.

"– Merci ! Vraiment. J'ai très envie de passer les fêtes en ta compagnie."

Une étape de plus, qui me réjouit beaucoup. Et cela signifie rester encore plus longtemps à Castine.

"– Je vais leur en parler. Mais je peux t'assurer qu'il y a de fortes chances qu'ils acceptent."

Je vois que ma mère continue de me faire des grands gestes derrière la baie vitrée, avec un grand sourire. Manifestement, elle a bien compris à qui je suis en train de téléphone, et ça l'amuse beaucoup de me déranger.

Je lui fais signe d'attendre encore un peu.

"– Je vais devoir y aller", je soupire. "Passe le bonjour à Lucy de ma part."

Je soupire.

"– Je t'aime. Et j'ai vraiment hâte de te revoir, mon amour."

Le silence de Tom en dit long sur sa surprise quant à ma proposition. Je commence donc à me demander si c'est effectivement une bonne idée de lui proposer cela… Peut-être est-ce encore trop tôt pour passer les fêtes ensemble…Trop tôt aussi pour rencontrer des parents… Je ne sais pas vraiment ce qui se fait ou non dans ces cas-là. Je ne me suis même jamais posé la question. Mais personnellement, je ne vois aucun inconvénient à ce que les deux événements se produisent en même temps, surtout sous mon toit. Bien au contraire… Du moins, si cela leur convient, bien-sûr.

– Vraiment?
– Vraiment, je rétorque avec aplomb.
– Ce serait formidable ! Il faut que je vois avec eux, bien sûr. Mais ça me plairait beaucoup. J'ai vraiment envie de te les présenter.

J'aime voir son visage s'illuminer ainsi. Son sourire, sa joie sont contagieux, et ce, malgré l'inquiétude que je ressens tout de même.

–Je t'aime. Et j'ai vraiment hâte de te revoir, mon amour.
– Deux jours… Je vais lancer le minuteur ! je m'écrie avec enthousiasme. Je t'aime aussi.

Le lendemain, j'explique la situation à Lucy. Cette dernière, toujours de bon soutien, reste un moment silencieuse avant d'éclater de rire.

– Sérieux ? Tu as invité tes beaux-parents pour Noël ?
– Les parents de Tom… je précise.
– C'est pareil, Mily !
– Bah … Non ? je soupire. Tu penses que c'était une mauvaise idée ? Trop précipité peut-être ?
– Mais non, ce n'est pas ce que je dis… souffle-t-elle avant de s'agenouiller à côté de mon fauteuil. C'est juste que cela ne te ressemble pas…Tu dois vraiment l'aimer pour accepter de rencontrer ses parents ET de fêter Noël…
– Ah ? Parce que tu croyais que je faisais semblant ? je demande en haussant un sourcil.
– Non… Ça se voit… C'est juste que j'ai l'impression que, pour une fois, tu acceptes que les choses puissent devenir sérieuses avec un homme… Et je trouve ça génial.

Le voyage de Los Angeles à Bangor est beaucoup trop long. Je suis déjà dans mon deuxième avion, après un premier vol qui a duré plus de cinq heures.

L'escale à New York n'a pas été de tout repos. Trois heures d'attente. Trois heures interminables, durant lesquelles j'ai été reconnu plusieurs fois, malgré toutes les précautions que j'avais pu prendre.

Et là encore, malgré mon siège en business class, je sens les regards posés sur moi. Encore un point négatif de cette célébrité qui me suivra décidément où que j'aille.

Je dois admettre que je suis épuisé. Mes parents ont quitté Los Angeles la veille, après m'avoir fait promettre de leur transmettre dès que possible plus d'informations vis à vis de cette invitation à Castine.
J'ai l'impression qu'ils sont presque aussi enthousiastes que moi à l'idée de passer Noël en compagnie d'Emily. A se demander quelle image ils avaient eu d'Helena, qu'ils avaient pourtant croisés à de nombreuses reprises. Quoique, ma mère ne s'était pas fait prier pour la critiquer dans son dos.
J'espère que tout se passera bien avec Emily.

Emily me manque.
Beaucoup trop.
Et l'excitation à l'idée de la revoir dans moins d'une heure empêche la fatigue de prendre le dessus.

J'ai veillé bien trop tard hier soir, bouclant des bagages assez conséquentes. Deux grosses valises, le flight-case de ma guitare électrique la plus récente, ainsi que ma guitare de voyage que j'ai aussi emmenée avec moi. Autant dire que je n'arrive pas à Castine les mains vides.
Mais je compte bien y rester un certain temps, si Emily est prête à me supporter dans la durée.

Je dois admettre que j'appréhende un peu. Je sais que les sentiments que j'éprouve à son égard sont partagés, mais habiter avec elle - même seulement durant quelques semaines - est une toute autre aventure.
Nous pourrions découvrir à quel point nos styles de vie sont incompatibles. Ou... Je ne sais pas.
Je sais simplement que je l'aime, et que je ne peux pas rester loin d'elle.
C'est plus fort que moi, j'ai besoin de la revoir.

Je garde le regard ostensiblement tourné vers le hublot, ignorant volontairement l'homme d'une trentaine d'année assis de l'autre côté de l'allée, qui me jette des sourires appuyés depuis que je me suis assis.

Contrairement aux rumeurs qui courent sur certains sites internet, je suis parfaitement hétéro, merci bien.

L'avion atterrit finalement à Bangor, et j'ai l'impression que seule l'excitation me maintient encore éveillé.

Il est beaucoup trop tard. Presque 22h45. Mais je suis parfaitement éveillé.

Mes mains tremblent presque tandis que je pousse devant moi le chariot qui contient mes bagages. J'ai le cœur qui bat à la chamade, et un sourire idiot plaqué sur les lèvres.

Il n'y a pas foule dans le terminal d'arrivée lorsque je sors enfin des zones de contrôle. Et je scanne les quelques personnes présentes, le cœur battant.

Je ne fais même plus attention aux quelques individus qui m'interpellent pour une photo ou un autographe.

C'est Lucy que je repère en premier. Et enfin, Emily, installée dans ce fauteuil à la droite de son amie.

Je presse le pas, me précipitant dans sa direction.
Elle est toujours aussi belle, et mes lèvres s'étirent un peu plus lorsque je franchis les derniers mètres qui nous séparent... Pour qu'enfin mes bras se referment sur elle.

Elle sent bon. Et j'enfouis mon nez dans son cou, pour éviter de fondre en larmes.

Le terminal est bruyant autour de nous, mais en étant si proche d'elle, j'ai presque l'impression de sentir son cœur qui bat au même rythme que le miens. Un rythme saccadé, témoignant de la force de nos retrouvailles.

"– Tu m'as tellement manqué", je lui murmure à l'oreille. "Tu n'imagines pas à quel point tu m'as manqué."

Je dépose mes lèvres sur sa joue.

"– Je t'aime. Je suis tellement heureux de te revoir"

Ses lèvres sont douces lorsque je me recule un instant pour l'embrasser avec fougue.

J'ai envie de la serrer encore plus contre moi, de tout oublier autour de nous, de rester avec elle, les yeux fermés.
Mais nous ne sommes pas seuls, et ce fauteuil ne m'aide pas vraiment.

Je me redresse finalement, après un dernier baiser. Nous aurons le temps plus tard pour de véritables retrouvailles, loin du monde.

"– Merci à toutes les deux d'être venues me chercher."

Je me tourne vers Lucy.

"– Et merci de l'avoir aidé à sa sortie de l'hôpital. Ca m'a soulagé de savoir qu'elle n'était pas seule."

Ma main se referme sur celle d'Emily, et je viens déposer un baiser dans ses cheveux.

Je vais être beaucoup trop tactile, les prochains jours. Et peut-être qu'Emily me demandera de lui laisser un peu d'air.
Mais pour l'heure, ce contact me fait énormément de bien.

Enfin ! Le voilà enfin ! Bon sang, j'ai peut-être l'air calme assise sur mon fauteuil, mais il est clair que ce n'est absolument pas le cas. Mon cœur bat si vite que ses battements me rappellent une sorte de cavalcade endiablée. Je suis impatiente, mais tout aussi inquiète. Lucy s'est moquée de moi sur le trajet, lorsque je lui ai parlé de mes inquiétudes.
Et s'il s'ennuyait ici ? Je sais bien qu'il avait su apprécier le calme de Castine, mais si aujourd'hui tout avait changé ? En hiver, la ville prend des allures d'île nordique oubliée de tous… Heureusement que les décorations de Noël, accrochées dans le centre, sont là pour inspirer la vie dans le coin, sans quoi l'on se croirait dans une ville fantôme.

Et puis, il y a mon état aussi… Je déteste le reconnaître, mais je ne suis pas aussi active que je le voudrais. Je passe énormément de temps à lire ou à dessiner seule dans mon coin, à défaut de pouvoir travailler ou sortir normalement. En réalité, ma seule véritable occupation, consiste à me rendre chaque jour à mes séances de rééducation… Et encore, nous allons bientôt passer à trois séances par semaine… Et je crains que mes progrès ralentissent après ça.

En somme, j'ai peur que Tom regrette de revenir ici. J'ai peur qu'il réalise finalement que notre histoire n'est plus aussi attrayante qu'au début et qu'il décide d'y mettre fin. Je déteste me sentir aussi pessimiste, mais c'est malheureusement plus fort que moi…

Assise sur mon fauteuil, je guette son arrivée. Ce n'est pas facile de repérer quelqu'un depuis une telle hauteur. Je me sens minuscule, comme lorsque j'étais encore enfant… Et puis le voilà… Il sourit, et presse le pas pour me rejoindre. Je remarque que Lucy se place en retrait, sans doute pour ne pas empiéter sur nos retrouvailles. Je ferme les yeux lorsque ses bras se referment autour de moi. C'est bien lui, il est là… Je reconnais son parfum, même après des heures de vol et d'attente… Je reconnais sa chaleur, toujours aussi irradiante…

–Tu m'as tellement manqué, murmure-t-il à mon oreille. Tu n'imagines pas à quel point tu m'as manqué.
–Hm… Je crois que si, au contraire, je rétorque en déposant un baiser sur sa joue. Tu m'as terriblement manqué.
–Je t'aime. Je suis tellement heureux de te revoir.

Je n'ai toutefois pas le temps de répondre. Ses lèvres s'écrasent avidement sur les miennes. Mes yeux se ferment et je savoure cet instant, oubliant totalement Lucy, les gens qui nous mitraillent, le monde de manière générale.

Il nous remercie tour à tour et plus particulièrement Lucy pour s'être occupée de moi ces dernières semaines. Cette dernière croise aussitôt les bras avant de lui lancer son fameux regard suffisant et d'ajouter :

– Normal.

Ok, ça promet.

Une heure plus tard, nous franchissons finalement les portes de ce petit chez moi. Nix se précipite sur nous afin de réclamer quelques caresses avant de retourner à son panier. Ce fauteuil le met très mal à l'aise, ce que je peux comprendre. Alors, dès que j'en ai l'occasion, je me relève sur mes jambes malhabiles en me tenant à tout ce qu'il peut se trouver autour de moi. La petite taille de mon logement est un véritable atout dans ce cas précis.

– Bien, les amoureux… Je vous laisse. Soyez sages ! s'écrie Lucy en refermant la porte derrière elle.

– Euh… Au-revoir Lucy ! je pouffe avant de me tourner vers Tom. Fais comme chez toi… Je t'ai dégagé de la place dans la chambre pour que tu puisses t'installer à ta guise… Je n'ai plus de baignoire, mais la douche est plutôt confortable… Et on peut enfin cuisiner dans la cuisine. Alors euh… Mets-toi à l'aise.

Lucy n'a pas l'air particulièrement ravie de me voir. Ou peut-être n'a-t-elle pas apprécié que je la remercie de s'être occupée d'Emily.

Pour le moment, je n'arrive pas à m'en préoccuper.
Seule m'importe la présence d'Emily à mes côtés. Et tant pis pour ce fauteuil, tant pis pour cette fatigue qui a raison de moi et qui m'emporte finalement dans la voiture.

Je ne me réveille que lorsque nous entrons tout juste dans Castine.

Lorsque la voiture se gare devant la maison d'Emily, j'ai presque l'impression de marcher dans un rêve, tant j'ai espéré retourner ici. Je ne pensais juste pas que ça me prendrait aussi longtemps.

Il est presque minuit, et l'obscurité ne me permet pas de me rendre compte du paysage hivernal. Mais j'ai hâte de le découvrir. Emily m'a tant parlé de ces rues enneigées, et de cette côte qui prend ainsi un tout autre aspect, tout aussi féérique.

Reste que pour l'instant je suis épuisé.
Heureusement pour moi, Lucy expédie les platitudes d'usage, et reste dans l'entrée après m'avoir aidé à rentrer mes bagages.

"– Bien, les amoureux… Je vous laisse. Soyez sages !" nous lance-t-elle avant de s'en aller.

Je la salue avec un sourire fatigué, et la remercie encore de m'avoir conduit jusqu'ici.

Et lorsque la porte se referme enfin derrière elle, je ferme les yeux en soupirant. J'ai l'impression que ça fait une éternité que je n'ai pas été seul avec Emily. J'avais envisagé des retrouvailles bien différentes. Passionnées.

Et me voilà qui tient à peine debout.
C'est presque ridicule à quel point la fatigue l'emporte sur tout le reste.

Lorsqu'Emily se tourne vers moi, je ne peux que m'approcher un peu plus d'elle, tirant de sa simple présence à mes côtés les dernières forces dont j'ai besoin pour ne pas m'endormir ici dans l'entrée de sa maison, tout habillé et poisseux de ce voyage.

"– Fais comme chez toi… Je t'ai dégagé de la place dans la chambre pour que tu puisses t'installer à ta guise… Je n'ai plus de baignoire, mais la douche est plutôt confortable… Et on peut enfin cuisiner dans la cuisine. Alors euh… Mets-toi à l'aise."

Je me penche vers elle et vient lui déposer un baiser sur la joue, puis sur les lèvres.

"– Dommage pour la baignoire", je ris doucement.

Et je soupire.

"– Je crois que je vais juste sauter dans la douche, et aller me coucher. Mes affaires attendront bien demain. Et tu pourras me montrer tout ce qui a changé chez toi. Demain."

Je baille à m'en décrocher la mâchoire.

"– Je vais aller me doucher, avant de m'endormir sur place", je ris.

Je me recule un instant, mais ne résiste pas à l'envie de lui voler à nouveau un baiser.

"– J'ai hâte de pouvoir m'endormir avec toi dans mes bras", je lui glisse à l'oreille. "Et juste te sentir contre moi."

Je baille à nouveau.

"Une douche, donc", je reprends ensuite. "Et je te rejoins ensuite dans la chambre ?"

Je ne suis même pas en état de faire quoique ce soit d'autre que de la prendre dans mes bras. Mais cette simple perspective suffit à faire battre mon cœur un peu plus fort.

Je ne suis pas étonnée de l'entendre me dire qu'il est beaucoup trop fatigué pour quoique ce soit. La journée a dû être très longue pour lui. Autant qu'il se repose, il le mérite. Nous aurons tout le temps pour le reste demain ou les jours prochains. Inutile de se presser.

– Une douche, donc. Et je te rejoins ensuite dans la chambre ?
– Tu connais le chemin, dis-je en souriant.

En réalité, je ne suis pas spécialement en meilleure forme que lui. Je le laisse donc se rendre dans la salle de bain avant d'entrer dans la chambre pour me mettre en pyjama. Changer de vêtements me prend toujours un certain temps, et je n'ai pas spécialement envie qu'il assiste à cela… Je sais à quoi je ressemble avec mes jambes tremblantes et faiblardes et ce n'est pas ainsi que j'ai envie de me montrer.

Je le laisse terminer avec la salle de bain puis je me rends au lavabo afin de me laver le visage et les dents. Après cela, je n'ai plus qu'à le rejoindre dans le lit pour une bonne nuit de sommeil.

Comme à mon habitude, je me réveille tôt. Mais cette fois, j'ai bien envie de traîner un peu dans le lit. Rien ne presse. Je n'ai pas de séance de rééducation ce matin. Je peux donc m'offrir le luxe de profiter du temps qui passe et de sa présence à mes côtés.

– Bonjour, je lui lance avant de m'étirer.

Je dors comme un bébé. Cela faisait longtemps que je n'avais pas fait une nuit aussi bonne. La fatigue du voyage y est probablement pour beaucoup. Mais il y aussi la présence d'Emily, allongée tout contre moi.

Lorsque je me réveille le lendemain matin, j'ai un bras passé autour de sa taille.  Sa chaleur se mêle à la mienne, nous enveloppant tous les deux dans un cocon hors du monde.
Je soupire calmement, et l'attire un peu plus vers moi, les yeux toujours fermés.

Je les ouvre finalement lorsque je la sens se redresser.

"– Bonjour"
"– Bonjour à toi aussi", je chuchote avec un large sourire.

Je la laisse s'étirer, puis je lui attrape la main pour la ramener à moi. Et je me saisis de ses lèvres, tout en la faisant glisser sur moi.

J'ignore l'heure qu'il est, et combien de temps nous avons avant que Lucy débarque.
Pour l'heure, j'ai juste envie de profiter du contact de son corps sur le mien.

"– C'est une belle manière de commencer la journée, tu ne trouves pas ?" je murmure en recoiffant quelques mèches de cheveux qui étaient venues s'aventurer sur son visage.

Je l'embrasse sur le bout du nez, les joues, la mâchoire.
Je me plais à couvrir son visage de baisers, prenant le temps de la redécouvrir, après tant de temps passé loin d'elle.

"– Je suis tellement heureux d'être ici avec toi".

Je n'ai pas pris le temps d'enfiler un véritable pyjama hier soir. Je me retrouve donc torse-nu, avec simplement un boxer déniché à tâtons dans ma valise. Je sens donc l'intégralité des formes d'Emily contre moi. Et surtout la manière avec laquelle son corps semble être fait pour se lover contre le miens. C'est comme un retour aux sourced. Une évidence. Et je me demande bien comment j'ai pu attendre aussi longtemps avant de la rejoindre ici.

– C'est une belle manière de commencer la journée, tu ne trouves pas ?
– Je n'en connais pas de meilleure, je rétorque en souriant tandis qu'il entreprend d'embrasser chaque partie de mon visage.

– Je suis tellement heureux d'être ici avec toi.
– Ça m'avait manqué… je murmure tout en me lovant dans ses bras, savourant le contact de sa peau douce et chaude contre la mienne.

Je me sens apaisée, tout simplement bien. L'on pourrait bombarder ma maison que je ne m'en préoccuperais pas. Pour l'heure, je savoure simplement ce moment de paix et de tendresse à ses côtés.

– Il y a tout plein d'autres choses qui m'ont manqué aussi… Mais… Ça peut attendre. Pour l'instant, je suis très bien comme ça.

J'ai de nouveau envie de voir le temps s'arrêter, même si, cette fois, rien ne presse. En réalité, je n'ai rien contre l'idée de passer toute ma journée ici. Je viens doucement prendre sa main pour nouer ses doigts aux miens. C'est agréable, joli à regarder aussi.

– Je n'ai rien de prévu aujourd'hui et Lucy m'a dit qu'elle nous laisserait tranquille jusqu'à demain alors… Autant rester là. Enfin, jusqu'à ce que nos estomacs se rappellent à nous.

"– Ça m'avait manqué…"
"– À moi aussi..."

Elle se blottit un peu plus contre moi, et je resserre un bras autour de sa taille, avant que ma main ne vienne doucement lui caresser le dos.

C'est la tendresse qui prédomine entre nous ce matin. Et je dois admettre que ces retrouvailles sont nettement plus agréables que celles de la veille au soir dans ce terminal bruyant.

"– Il y a tout plein d'autres choses qui m'ont manqué aussi… Mais… Ça peut attendre. Pour l'instant, je suis très bien comme ça."
"– Oh vraiment ?" j'hausse un sourcil. "Quel genre de choses ?"

Elle attrape ma main et je n'oppose aucune résistance, la laissant nouer mes doigts aux siens.

"– Tu sais que je suis entièrement à ton service, mon amour", j'ajoute avec un sourire taquin.

Je me redresse juste quelques secondes pour déposer un nouveau baiser sur ses lèvres.
Mon autre main est toujours dans son dos, et je descends cette dernière jusqu'à pouvoir poser mes doigts sur le bas de son dos, sous son haut de pyjama.

Je frissonne à la chaleur de sa peau sous mes doigts.

"– Je n'ai rien de prévu aujourd'hui et Lucy m'a dit qu'elle nous laisserait tranquille jusqu'à demain alors… Autant rester là. Enfin, jusqu'à ce que nos estomacs se rappellent à nous."
"– J'aime beaucoup ce programme".

Je porte nos mains liées à mes lèvres pour les embrasser.

"– Une journée entière juste avec toi ? Tu me vends du rêve, Mily. Et ça me rappelle vaguement quelque chose..."

Nous avions fait de même, juste avant de quitter Castine direction Vegas. Des heures hors du temps, en tête à tête, sans avoir à nous soucier de l'heure ou d'être dérangés. Juste elle et moi.

Je dépose un baiser dans ses cheveux, et laisse ma main remonter un peu plus haut dans son dos, venant chercher ce contact qui m'a tellement fait défaut ces dernières semaines.

"– Je me sens idiot d'avoir attendu aussi longtemps pour venir te rejoindre", je lui confie à voix basse.