J'aime ce moment de tendresse qui vient après l'ivresse. Cet instant dans lequel nous nous retrouvons, lui et moi, une fois que les corps et les âmes ont fini de parler. Ce moment, je sais qu'il me faut le savourer pleinement afin de l'inscrire dans ma mémoire en attendant de pouvoir en vivre de nouveaux… Je l'observe avec autant d'attention que de tendresse, mon cœur débordant d'amour pour cet homme incroyable… Je suis heureuse et reconnaissante de pouvoir avoir la chance de ressentir toutes ces émotions nouvelles..  Les mêmes dont je me serais probablement moquée il y a encore quelques jours à peine.

– Je t'aime.

Le regard qu'il me lance est stupéfiant. A travers ce dernier, j'ai l'impression d'être la personne la plus importante dans sa vie. Je m'imagine sans doute tout ceci – il y a tant d'autres personnes autour de lui –  mais c'est bien ce que je ressens… Une personne précieuse et importante… Une personne qui compte vraiment.

– Je t'aime, Emily Greene.
– Je t'aime, Tom Alskell, je rétorque sur le même ton, juste avant qu'il ne s'éloigne…

Je ne peux retenir un soupir… J'ai le cœur lourd. Dans quelques heures à peine, il me faudra reprendre l'avion pour disparaître à l'autre bout du pays. Et je me sens incroyablement stupide de penser à cela maintenant.

Tom me rejoint finalement dans le lit. Je me blottis aussitôt contre lui, à la recherche de sa chaleur et de ce parfum qui n'appartient qu'à lui. Ma main cherche la sienne jusqu'à ce que nos doigts s'emmêlent.

– Maintenant je peux te commander quelque chose au room-service, si tu as faim.
– Non, ça va, dis-je en soupirant. Je veux juste rester comme ça… Encore un peu.

Nous sommes tous les deux épuisés et le bon sens voudrait que l'on profite de ces quelques heures pour dormir… Mais je n'en ai pas envie. Si je dors, alors le temps passera bien trop vite…

– Dis… Tu veux bien faire une chose pour moi ? je demande, d'une voix quelque peu enfantine. Ralenti le temps… J'ai pas encore suffisamment profité de ta présence…

Je me redresse pour lui offrir un sourire avant de déposer un baiser sur ses lèvres.

– Puis d'abord… C'est toi qui m'a envoûté…Et c'est vraiment pas juste.

"– Je t'aime, Tom Alskell."

Quoiqu'il se passe, je sais que je garderai longtemps dans ma mémoire cette phrase, et surtout cet amour incroyable que je lis dans le regard d'Emily.

Lorsque je la rejoins, je souris avec tendresse à nos mains liées. Je n'ai pas envie de la lâcher. Pour rien au monde.

Emily semble être du même avis.

"– Je veux juste rester comme ça… Encore un peu."
"– Aussi longtemps que tu le souhaiteras", je soupire en fermant les yeux.

Ma main se resserre sur la sienne, et je porte cette dernière à mes lèvres pour effleurer ses phalanges d'un baiser.

"– Dis… Tu veux bien faire une chose pour moi ?"

Le ton est vulnérable, comme une enfant qui aurait besoin d'être rassurée.

"– Tout ce que tu voudras,"  je murmure en venant frotter mon nez contre le sien.
"– Ralenti le temps… J'ai pas encore suffisamment profité de ta présence…"
"– Je ne suis pas certain que ça fasse partie de mes compétences", je ris doucement. "Mais je peux toujours essayer."

Je souris lorsqu'elle pose ses lèvres sur les miennes. Ce baiser n'a plus rien de l'urgence de ceux que nous avons partagés précédemment. Reste cette tendresse incroyable, qui me fait fondre.

Je lui embrasse le front, et je murmure à mi-voix quelques notes sans vraiment réussir à me souvenir des paroles. La même mélodie qu'Emily m'avait chantée à Castine. Celle que lui avait écrite son père. Je me promets de l'apprendre entièrement, pour réussir à lui chanter en me souvenant de toutes les paroles. Ici, je me contente de combler le reste en fredonnant simplement la mélodie.

"– Puis d'abord… C'est toi qui m'a envoûté…Et c'est vraiment pas juste."

Cette fois, j'éclate de rire.

"– T'envoûter, moi ?" je proteste en riant. "Tu n'as pas l'impression que c'est l'inverse, mademoiselle l'artiste mystérieuse ? Je n'avais aucune chance de te résister..."

Mon ton s'est fait plus tendre, particulièrement lorsque j'évoque ce tourbillon d'émotions qui m'a pris si soudainement.

"– Tu m'as captivé, mon amour. Et même s'il ne s'était rien passé entre nous, tu peux être certaine que notre rencontre ne m'aurait pas laissé indemne."

J'ai bien conscience que ma demande est impossible. Personne ne peut ralentir le temps et encore moins l'arrêter. Malgré tout, sa réponse m'arrache un rictus sincèrement amusé.

Alors tant pis, je me contenterais de profiter de ces quelques instants qu'il nous reste. Ce n'est peut-être pas grand-chose, mais ce temps-là n'appartient qu'à nous et c'est précisément ce qui le rend si précieux.

Mon sourire s'étire un peu plus lorsque je l'entend fredonner la chanson de mon père… Je pourrais très bien le corriger en chantant les paroles manifestement oubliées, mais je n'en fais rien. Je préfère me focaliser sur sa voix qui résonne délicieusement à mes oreilles. C'est très bien ainsi.

– T'envoûter moi ? proteste-t-il.
– Oui, toi.
– Tu n'as pas l'impression que c'est l'inverse, mademoiselle l'artiste mystérieuse ? Je n'avais aucune chance de te résister…
– Mystérieuse ? je pouffe en me laissant volontiers aller à ces gamineries. Il n'y a strictement rien de mystérieux chez moi, Monsieur le chanteur de renommée mondiale, adulé par des centaines de milliers de personnes à travers le monde… Tu partais plus chanceux que moi, il me semble !

J'ai beau plaisanter, je vois bien que son ton a brusquement changé, tout comme l'expression que son visage affiche.

–Tu m'as captivé, mon amour. Et même s'il ne s'était rien passé entre nous, tu peux être certaine que notre rencontre ne m'aurait pas laissé indemne.
– Vraiment ? je demande, surprise… Mais surtout très émue autant par ses propos que par la douceur de son regard. Comment veux-tu que je m'en aille maintenant ? je souffle contre son torse en espérant masquer mes émotions qui menacent de déborder. Tu m'énerves…

C'est faux. Je l'aime chaque jour un peu plus et c'est bien ce qui me perturbe. J'ai peur pour la suite, pour cet avenir incertain que je refuse d'imaginer. J'essaie de garder la tête sur les épaules, mais ce n'est pas si simple avec lui. Lui qui sait si bien me faire perdre la tête.

"– Il n'y a strictement rien de mystérieux chez moi, Monsieur le chanteur de renommée mondiale, adulé par des centaines de milliers de personnes à travers le monde… Tu partais plus chanceux que moi, il me semble !"
"– Je me moque de toutes ces personnes", j'affirme sans sourciller. "Mais je suis effectivement chanceux. Incroyablement chanceux de t'avoir rencontré. Surtout que tu n'avais aucune idée de qui j'étais."

Et cette constatation m'arrache un léger rire.

Jamais je n'aurais pu imaginer où ce road-trip allait me mener. Certainement pas ici, dans les bras d'Emily.
Et je poursuis avec douceur.

"– Tu m'as captivé, mon amour. Et même s'il ne s'était rien passé entre nous, tu peux être certaine que notre rencontre ne m'aurait pas laissé indemne."
"– Vraiment ?"
"– Vraiment", je lui souris tendrement.
"– Comment veux-tu que je m'en aille maintenant ?" proteste-t-elle contre mon torse. "Tu m'énerves…"

C'est plus fort que moi, je ris à nouveau. Son ton est faussement agacé, mais je me rends bien compte que c'est un moyen d'évoquer notre séparation prochaine avec légèreté.

"– Dis-toi que j'aurai tout le temps de réfléchir à toutes les choses que nous pourrons faire une fois que nous serons réunis", je souffle d'un ton amusé. "Et puis, comme tu disais, nous pouvons passer des appels vidéos."

Je viens déposer un baiser dans ses cheveux.

J'ai envie d'étirer ce moment à l'infini, mais je sais que c'est parfaitement impossible. Tôt ou tard, la fatigue finira par nous rattraper. Je sens déjà une certaine langueur prendre possession de moi. Je ferme les yeux, et m'installe un peu plus confortablement contre elle.

Je me sens en paix, malgré les challenges qui nous attendent. Pour le moment, je crois en l'avenir. En un avenir commun, malgré les épreuves.