Lorsqu’Ethan se lève, Léo recule instinctivement d’un pas. Mais son jumeau ne lui fond pas dessus comme il le pensait. Il le croit, il insulte sa mère avec rage en faisant les cents pas. Le garçon garde le silence, attendant que son frère se calme. Ce qu’il finit par faire, se rassaillant et lui tendant l’assiette remplie de sandwichs et lui ordonnant de manger. Léo se rapproche enfin, prend un sandwich et vient s’asseoir à côté de son frère, laissant tout de même une distance de sécurité entre eux, au cas où...

Le garçon s’oblige à manger malgré sa gorge irritée qui le lance à chaque fois qu’il avale et son estomac qui se contracte après deux bouchées à peine. Il mache lentement, mais il mange...

Lorsque son frère est un peu calmé, ayant mangé trois sandwichs sur le temps que Léo n’arrive qu’à la moitié du sien, il reprend la parole, lui demandant confirmation de son ignorance. Le brun secoue doucement la tête, avalant sa bouchée avant de répondre.

”J’devais avoir quatre ou cinq ans, j’ai demandé à mon père où était ma mère. Il m’a répondu, je cite : “Ta salope de mère est morte depuis longtemps !” Inutile de préciser qu’il ne m’a certainement pas parlé du fait que j’avais un frère jumeau...”

Léo c’était pris une sacrée dérouillée, ce jour-là. Son père, ne supportant pas ses pleurs des suites de cette nouvelle, surtout dites sur un ton bien peu aimable, lui a foutu une gifle phénoménale en le traitant de fillette. Le petit garçon a alors pleuré de plus bel, et les larmes ont amenés les coups, qui ont amenés plus de larmes... Ce fut un cercle vicieux qui dura une éternité pour le petit garçon qu’il était alors. Ça doit être après ce jour qu’il n’a plus jamais pleuré devant personne...

Il manque d’avaler de travers en repensant à cet épisode. Il avait beau être très jeune, il s’en souvient parfaitement...

Peut-être est-ce mieux ainsi, quand on y pense... Comment Léo aurait-il réagit si son père lui avait dit que sa mère l’avait abandonné avec lui pour aller faire sa vie avec un autre type et son frère ? S’il avait su, à l’époque, qu’elle avait préféré Ethan à lui ?

Déposant le sandwich au deux-tier entamé, il prend la lettre et l’observe un instant, relisant les première lignes.

”Comment tu l’as su, toi ?”

Car si Catherine avait décidé que les deux frères ne se rencontreraient jamais, ce n’est certainement pas elle qui en a parlé à Ethan...  

Mais si elle voulait effacer Léo de sa vie, pourquoi l’accueillir maintenant ? Ça n’a aucun sens...

”Perso s’est une assistante sociale qui est venue m’trouver après l’enterrement... Elle m’a dit qu’ils avaient retrouvé ma mère, qu’ils l’avaient contactée et qu’elle voulait “me reprendre”... Ils m’ont parlé de toi, aussi... Au début j’ai rien compris... j’ai cru à une mauvaise blague... J’crois que même quand je t’ai vu la première fois j’avais pas encore vraiment réalisé...”

Et maintenant... ? Maintenant il se retrouve à devoir protéger des gens qui eux-mêmes veulent le protéger sans savoir dans quoi ils s’embarquent...

Léo se lève alors, prend le reste de son repas et se dirige vers la porte, gardant la lettre. Avant de refermer derrière lui, il se tourne une dernière fois vers son frère.

”Ne t'en fait pas pour les JO... j’vais régler le problème, j’te le promet...”  

Il lui doit bien ça...

Dans “sa” chambre, il s’autorise enfin une douche. Il nettoie ses plaies et place un gant de toilette froid sur son œil, puis il envoie un message à son chef : ”Je dois te parler, c’est urgent.

Cinq minutes plus tard, le téléphone sonne alors que Léo est en train de fumer une clope à sa fenêtre. Kyle, le chef de son gang, l’écoute raconter l’affaire Gordon avec attention. Pressentant la connerie du garçon, il lui ordonne de ne rien faire seul. Il lui rappel les lois du système, comme s’il en avait besoin... Ils parlent un bon moment, et lorsque Léo raccroche, il a fait une promesse qu’il ne compte pas tenir à son ami...

Ethan le regarde. Il lance un regard à son frère et cherche à trouver dans son esprit ce qu’il peut bien se passer. Pendant qu’il réfléchit, il vérifie que son frère mange, en mangeant à son tour. Ce n’est pas compliqué pour lui d’ingérer des quantités de nourriture comme ça. Il lui faut au moins ça pour survivre. Un peu de nourriture et de condiments en lui. Ethan observe encore et réfléchit aux mots de son frère. Il semble que leur jeune mère, elle avait au moins 15 ans de plus à ce moment là, avait une facilité déconcertante pour se trouver des hommes de qualité avec qui coucher. C’est peut-être pour ça qu’Ethan est super sélectif pour les personnes qui rentrent dans sa vie. Et son jumeau est une personne à mettre dans sa vie.

- Elle n’est pas morte, de toute évidente, souffle-t-il.

Qu’est-ce que son frère ne dit pas ? Qu’est-ce que la jeune femme a fait à ses fils en ignorant un, et en pressant l’autre ? Qu’est-ce qui leur était arrivé ? Pourquoi eux ? Il y a tellement de question qu’il ne peut pas poser. Tellement de question qui n’aura jamais de réponse. Il va devenir fou. Il veut protéger son frère… encore plus s’il voulait de lui, en réalité, à l’époque.

- C’était ma nourrice. Elle était la seule, avec moi. Une amie. Et elle m’avait avoué la vérité un jour. Que je n’étais pas seul. Cette femme pensait que, même si nous n’avions pas le même utéris et le même placenta, nous étions liés. Il réfléchit à comment dire ça avant de reprendre. Elle disait que les jumeaux étaient plus pures et bons que les autres, parce qu’ils acceptaient de partager le ventre de leur mère. Elle disait que nous, c’était différent, plus dissonant. Il y a un flou entre nous, à cause de notre séparation mais pas à cause de notre naissance. Je l’aimais beaucoup.

Elle a été virée une semaine après l’histoire de la lettre. Elle n’a même pas eu le droit de lui dire au revoir. Il ne sait pas où elle se trouve maintenant. Il ne sait même pas si elle était en vie. Cela le rendait fou.

- Je suis réel, souffle-t-il en le laissant partir sans revenir sur tout ça.

Lui aussi, il a du mal à se faire avec l’idée d’avoir un frère, une fois qu’il a fait un gros déni… Il a voulu l’oublier. Il a tout fait pour l’oublier. Il laisse son frère partir. Il le laisse se reposer. Il faut du temps. Il y a trop de chose à faire. Il se couche en souhaitant bonne nuit à son frère en criant à travers la maison. Il laisse la nuit tomber. Il ne s’endort pas rapidement. Mais il sait ce que demain il allait faire.

Samedi. Cinq heures du matin. Assez de sommeil pour lui. Il se lève d’un coup. Il descend dans la cuisine et prends tout ce qu’il faut.

- Je m’occupe de le réveiller, fit-il à la domestique en lui prenant le plateau pour son frère. Il finit devant la porte de son frère et toque à la porte. Léo. Tu es debout. Il faut te nourrir et te réveiller, on émerge !

Il attends, puisque son frère ferme toujours sa porte, et il le laisse venir ou pas. Il est prêt, lui, déjà en short de bain pour commencer les cours de natation sans pression. Il le laisse ouvrir et pose le plateau plein de bouffe avant de l’observer.

- Pour ce que tu as dis hier. Ne t’en fais pas. Je ne suis plus en colère. Enfin. Je suis toujours en colère, mais je sais que tu n’as rien fait avec la drogue. Je ne sais pas qui l’a fait mais tu es non coupable alors te fait pas de bile. J’irais juste en cursus droit l’année prochaine, ça n’a jamais tué quelqu’un de ne pas être reçu aux jeux olympiques, sinon ça serait l’hécatombe.

Il avait répété son petit monologue plusieurs fois dans la nuit, pour essayer d’y croire, lui aussi. Il a tout fait pour qu’il le croie, et accepte l’avenir. Après tout, il n’a peut être pas les JO, mais il a un frère, certain dirait que c’est bien mieux !

Ethan affirme que leur génitrice n’est effectivement pas morte. La manière dont il dit la chose arrache un rire amer à Léo.

”Non, de toute évidence...”  

Il aurait préféré, pourtant. Il n’aurait pas été obligé de venir ici, si ça avait le cas. Il n’aurait pas rencontré son frère, Lydia et Malia... Ils ne se seraient pas retrouvés dans cette situation où tout part en vrille par la faute du garçon...

Pourtant, malgré tout ça, Léo doit bien reconnaitre qu’il ne regrette pas d’avoir croisé leur route à tous les trois... Même s’ils le font chier sur plus d’un point et qu’il subit de les faire souffrir, il apprécie de les avoir dans sa vie...

Ethan lui explique comment lui a su pour l’existence de son jumeau. Le garçon entend la nostalgie et la tristesse dans sa voix, il voit les émotions que ce souvenir provoque sur son visage malgré qu’il peine à garder les yeux sur lui, honteux, et ne voulant pas trahir ses propres émotions alors qu’il explique comment lui-même a appris son existence.

Au moment de quitter la pièce, Léo entend son jumeau souffler qu’il est réel. Il sourit brièvement, lui fait la promesse de toute arranger et s’en va.

Un peu plus tard, il entend son frère lui crier bonne nuit. Il le lui renvoie d’une voix rauque.

Le lendemain matin, Ethan le réveil en sursaut. Il jette un œil à son réveil et grogne dans son oreiller, ignorant son frère. Mais il sait qu’il ne bougera pas de devant sa porte, aussi finit-il par se lever en trainant les pieds pour aller ouvrir.

”Ethan... on est samedi...”

Et il a à peine dormi...

Son jumeau dépose le plateau du petit-déjeuner sur la table et se tourne vers lui, ignorant sa remarque. Déjà bien réveillé, il lui déballe de ne pas s’en faire pour les JO, qu’il le sait non-coupable et qu’il n’a donc pas à s’inquiéter pour ça. Ces paroles retournent l’estomac du garçon qui fixe un instant son frère en silence. Il ne peut pas lui dire la vérité... S’il arrive à convaincre la direction, il n’aura pas besoin de la faire... et c’est mieux ainsi...

Léo détourne les yeux sur le plateau et grimace. Ethan lui a coupé l’appétit... si appétit il y avait, vu l’heure matinale et étant donné qu’il a terminé son sandwich à peine deux ou trois heures avant...

”J’peux pas avoir un shake, plutôt ?”  

Il ne réagit pas aux paroles de son frère. Non pas dans l’idée de les ignorées, mais parce qu’il lui mentirait encore s’il lui répondait...

Il remarque alors que son jumeau est en maillot, et il grimace de nouveau.

”Et tu n’arriveras pas à me faire nager si tôt un samedi matin... J’ai pas ta condition moi... J’te rappel que j’me suis pris deux mandales en moins de 24 heures et que la nuit a été particulièrement courte...”  

Ethan non plus n’est pas dans le meilleur des états. Léo lui à bien rendu ses coups la veille et il faudra un moment à ses mains pour se soigner...

”Tu veux pas plutôt retourner te coucher et qu’on aille voir Malia a son boulot avec Lydia plus tard ?”  

Il sort ça avec un bâillement à s’en décrocher la mâchoire. Non mais vraiment, c’est quoi l’idée de nager à cette heure un samedi...

Ethan aurait certainement attendu une heure patiemment… mais son frère lui ouvrit plus rapidement que ce qu’il ne l’aurait cru. Tiens. Bon. Alors ça sera encore mieux si Léo mettait de la bonne volonté… Ou pas.

- On est samedi, je confirme. Le meilleur jour pour s’entrainer, puisqu’on a finit la semaine de cours et qu’on n’est pas obligé de penser à dormir rapidement pour le lendemain.

Le samedi était le meilleur jour pour s’entrainer  intensément. Mais Ethan savait ne plus avoir à s’entrainer… puisqu’il avait été viré de son club… en réalité, il n’avait pas été viré du club mais refusait pour les JO…. Ce qui voulait dire qu’ils pouvaient encore faire d’autres examens / concours / courses pour avoir une place dans une compétition plus petite, qui était loin de son rêve. Mais il n’y pensait pas. Après la dérouiller qu’il avait donné à certaines membres de son club ça l’étonnerait qu’on lui ouvre les bras à son retour Lundi. Tant pis. Il allait se concentrer seulement sur Léo… pour son plus grand malheur. Quand son frère lui demande un shake, il retourne à la porte pour prendre un autre plateau.

- Monsieur est servi.

Sur ce plateau, il y avait une boisson comme il a pris plusieurs fois dans le mois pour se permettre de « manger ». Ce qu’Ethan ne pouvait comprendre, trop fan de la nourriture solide pour s’en priver. Lui, s’il venait à se casser les dents, il se ferait un dentier pour pouvoir déchiqueter des petits petits bouts de choses. Il ria, remonta son regard vers lui.

- Je te laisse une heure pour émerger, donc il ne sera plus si tard. Pour le moment, tu vas pas défoncer les records, tu vas apprendre à flotter et à apprécier l’eau. On peut regarder la télévision dans l’eau, on peut dormir, oui oui, on peut tout faire. Et ne m’insulte pas, le menace-t-il, les coups de Gordon n’ont aucune comparaison avec les miennes, on ne mélange pas les torchons et les serviettes.

Il fit un visage faussement en colère, mais sur la tête d’Ethan, ça pue la vérité à dix kilomètres, alors le brun ne pousse pas l’imitation d’une personne en colère trop loin.

- Faudra qu’on parle de Lydia d’ailleurs. Si tu lui brises le cœur, je te brise les jambes. Maintenant que cette menace est faite, boit, mange et réveille toi. Je te demande même pas d’apprendre à nager, tu pourras barboter ou dormir sur le transat après ta première leçon, si tu veux. J’ai mis du produit nettoyant dans la piscine, naturel, elle sera comme neuve, sans la moindre trace de pollution humaine. Aller, je promets de pas être en colère pendant quelques heures, si tu viens !

” J’te déteste...”  

Léo ne pense pas vraiment ces mots. Cela s’entend à sa façon de les dire, plus de façon geignarde qu’hargneuse.

Lorsque le garçon demande un shake, Ethan retourne à la porte et revient aussitôt avec un autre plateau. Son jumeau se fige de surprise avant de prendre lentement la boisson, comme s’il s’attendait à ce qu’elle lui saute dessus ou un truc du genre.

”Merci... je crois...”

D’un pas lent, il va passer sa tête par la porte afin de vérifier que son frère n’a pas laissé d’autres plateaux de bouffe dans les environs... mais il n’y avait plus rien. Léo cligne des yeux, trop fatigué que pour chercher à comprendre l’anticipation de son frère, puis bois une gorgée du shake nutritionnel. Il n’y a pas à dire, ça passe mieux que le solide...

Ethan rit sans que son jumeau ne comprenne pourquoi puis lui indique qu’il lui laisse une heure pour se préparer. Il semble de bien trop bonne humeur par rapport à la situation... c’est louche...

”Si tôt, Ethan... Il est beaucoup trop tôt...”

Et lorsque Léo lui fait remarquer les deux bagarres, il s’insurge faussement en affirmant que les coups de Gordon sont loin de valoir les siens. Il n’a pas tort, mais les coups de l’autre crétin par-dessus les siens, ça fait quand même mal...

Le garçon soupire avant de boire une nouvelle gorgée, mais il manque de tout recracher lorsque son frère lui parle de Lydia. Ou plutôt, le menace par rapport à Lydia. Il écarte alors les bras avec un air outré.

”Elle t’en a parlé ?!”  

Il soupire en laissant retomber ses bras et va poser sa boisson sur la table de chevet avant de s’effondrer sur le lit. Mais Ethan passe rapidement sur le sujet, faisant tout pour le convaincre de rejoindre la piscine apparemment déjà nettoyée. Il va même jusqu’à promettre de ne pas être en colère. Le garçon grogne dans son oreiller. C’est lui qui va faire une colère, si ça continue...

Il répond à son frère par un doigt d’honneur sans sortir la tête du coussin. Bordel, entre lui et Lydia, il y a de quoi devenir dingue...

Une heure après, pourtant, il descendu, en maillot et t-shirt, baillant aux corneilles alors qu’il digère son “petit-déjeuner”.  

”J’t’ai déjà dis que j’te déteste ?”  

Il n’est clairement pas à l’aise, la scène de la veille tournant dans son esprit comme un cauchemar sans fin. Pourquoi est-ce qu’il n’a pas simplement refermé sa porte pour ensuite retourner se coucher ? Il n’a pas envie d’apprendre à nager, il n’en a pas besoin... à condition de rester loin des bassins lors des soirées piscines...

Mais son frère parait si enthousiaste... oubliant ce qu’il lui a fait pour partager sa passion avec son jumeau...  

Nouveau soupire.

”Si tu m’sors des flotteurs, j’te frappe...”  

Il en serait bien capable, ce con... juste pour le fun...

- Elle m’en a parlé. Pas de détails. Je ne veux pas savoir. Si tu veux laisser une marque sur elle, essaie qu’elle ne soit pas au milieu de son cou, si tu veux que ça reste discret.

Non parce qu’un suçon, certes petit mais bien présent et profond, ça se remarque toujours. Surtout quand sa meilleure amie annonce avoir embrassé son frère jumeau dans le même temps. Il ne fallait pas sortir de Saint Cyr pour faire 1+1. Ethan n’a pas fait plus de commentaire que ça parce que… Lydia n’est pas une femme dans sa tête. Lydia est son amie, sa meilleure amie, sa sœur, sa jumelle parfois, elle est une personne toujours là… et même s’il l’a envoyé chier en lui disant qu’elle le choisissait, il lui fait confiance. C’est en tout cas ce qu’il en avait compris après avoir éclater ses phalanges contre la pierre. Lydia sait ce qu’elle fait, et ce n’est pas à lui à s’immiscer dans sa vie privé, encore moins sexuelle… même si l’idée qu’ils couchent ensemble alors qu’il dort dans le couloir le dérange.

- Je te rappelle juste qu’elle veut aller « loin » avec quelqu’un qui compte. Alors si tu comptes juste le prendre parce qu’elle t’offre son corps, soit plus fort et repousse là.

Ethan ne sait pas ce qu’il demande. Il ne sait pas qu’il a essayé, mais que Lydia a fini par acculer Léo… et il ne compte pas le savoir. Il laisse son frère terminé son émergence d’urgence, le temps d’aller s’entrainer un peu avant qu’il n’arrive. Il fit de la course autour de la piscine, puis il fait des étirements, et il finit par faire des longueurs, tellement que quand son frère débarque, il se repose de son intense effort. Son frère apparait enfin, et Ethan rit.

- Tu l’as déjà dis. Tu te répètes je crois.

Ethan s’approche du transat, où plusieurs serviettes sèches se trouvaient pour eux, avec un sourire de canailles.

- Pas de flotteurs mais… des frites !

Il montre alors les quatre boudins colorés et mordillés pour certaines qui flottent quand on les jette dans l’eau. Il trouve ça drôle mais surtout.

- C’est utile, on va les laisser dans l’eau, comme ça si à un moment tu commences à te sentir fébrile ou que tu veux de l’aide, tu les utilises. Et je t’annonce, on ne critique pas les frites, meilleurs inventions du monde pour se taper le sieston du siècle dessus.

Ce n’est pas pour le fun, donc, ou pour se moquer… mais vue la gueule des frites on peut voir qu’il les utilise souvent, et les cache car on veut les jeter.

- La femme dont je t’ai parlé, ma nourrice, elle a utilisé ça pour que je ne craigne rien dans l’autre maison où on habitait avec une piscine dehors. Sauf qu’elle, elle m’a jeté à l’eau et j’étais tellement heureux de me retrouver à la flotte que j’ai vite nagé.

Il saute à l’eau. Il court, fait la bombe et laisse l’eau se déverser autour des bords comme un raz-de-marée.

- Tu veux savoir quelque chose sur cette piscine, fit-il en nageant vers la droit avant de finir par « marcher » dans l’eau. Ici, tu as pied. Alors, on va commencer par te faire venir et ici, et flotter. Promis tu pourras faire la sieste pour torture psychologique, je te laisserais même appeler les filles pour dire que je te fais du mal. Tu viens ?

Pas besoin d’étirement pour lui. Déjà, il va apprendre à ne pas craindre l’eau et à faire des gestes de bases. Et puis un jour, il voudra certainement se mesurer à son frère à la course. Léo est comme ça, non ? Il n’aime pas montrer ses faiblesses et ne pas « réussir » tout seul. C’est aussi pour ça qu’il n’a rien dit sur son incapacité à nager. Par honte et que ça reste un secret.

- Ah. Fait moi à penser à dire à notre guide pour la plongée que l’on repousse notre excursion.

Pas de détails... Léo ne comptait pas lui en donner, de toute façon ! Non mais oh...

A la remarque sur le suçon, le garçon se fait la réflexion que ça aurait pu être n’importe qui... mais évidemment à partir du moment où elle a “tout” raconté à Ethan, ce n’est pas la peine de faire la remarque...

Le jumeau rappel alors les “envies” de leur amie, et Léo serre les poings sur ses draps, profitant d’avoir la tête dans l’oreiller pour retenir une remarque cinglante du genre “on voit que tu n’y connais rien”...

Durant l’heure de répits laissée par son frère, Léo a terminé son shake, fumé une clope et s’est encore un peu torturé les méninges par rapport au lundi et ça ce qu’il compte faire.

Lorsqu’il arrive à la piscine, Ethan est en train de se prélasser. Il rit lorsque Léo lui affirme à nouveau le détester, confirmant qu’il se répète.

”Ouai ben faut bien s’assurer qu’ça rentre, hein...”  

Le sourire qu’Ethan affiche à l’évocation des flotteurs provoque un frisson chez Léo. Heureusement, il affirme que le garçon n’en aura pas besoin, mais qu’ils vont par contre utiliser des frites, illustrant son propos en montrant les quatre boudins flottant sur l’eau. Son jumeau fait des yeux ronds et s’apprête à rouspéter, mais Ethan le devance. Et ses paroles sont loin de rassurer Léo...

Il explique alors comment lui a appris à nager puis se jette à l’eau, éclaboussant son frère au passage. Il explique qu’ils vont commencer par où ils ont pieds, lui promettant sieste et plaintes à gogo s’il le rejoint. Le souffle court, Léo enlève son t-shirt et s’approche du bord. Il n’a jamais eu peur de l’eau. Avant la veille au soir, il n’y pensait juste pas. Mais là... il se revois tomber dans cette même piscine, avaler ce qui lui semble en être la moitié et voir sa dernière heure arriver...

Il fixe l’eau un bon moment avant de se décider à s’asseoir pour ensuite se laisser glisser. Il a pied, en effet, mais il ne s’écarte pas du bord pour autant. La température est top, mais il ne peut pourtant pas s’empêcher de trembler. Evidemment, il garde la tête froide face à son frère. Il ne lui fera pas la satisfaction de lui montrer sa peur alors qu’il sent, une fois encore, comme un gamin de cinq ans. Ça va finir par le saouler, le maternage...  

Agrippé au rebord, il se tourne vers Ethan qui lui demande de lui rappeler de reporter leur séance de plongée. Le souffle du garçon s’accélère un peu plus et il détourne les yeux. Il a failli se noyer dans cette piscine il n’y a même pas douze heures... à quoi pense donc son frère, putain ?

Léo ferme les yeux et prend plusieurs respirations profondes pour se contrôler. Il ne peut pas... mais l’admettre serait bien trop humiliant, et la situation l’est déjà bien assez comme ça.

Il finit par rouvrir les yeux, mais il tourne résolument le dos à son frère.

”Ecoute, j’suis musicien moi, pas sportif. La boxe et le combat de rue me suffisent amplement, j'ai pas besoin de savoir nager...”

Heureusement que les filles ne sont pas là pour voir ça...

Dans l’eau, Ethan barbote comme un super poisson. Aquaman peut se rhabiller avec son slip sous son legging, Ethan avec son short de bain est bien plus classe. Cela le fait rire. Il se met à faire du dos crawlé, réfléchissant à chaque mouvement qu’il fait pour pouvoir tenir hors de l’eau. Pour lui, c’est si naturel qu’il doute de trouver les bons mots sans essayer d’abord par l’expérimentation. Ethan connait les gestes à côté d’une piscine. Il a tellement l’habitude d’y barboter, dans toutes celles dont il a pu s’approcher, qu’il sait reconnaître quelqu’un qui a besoin d’un peu de temps… alors, il fait la baleine, prends l’eau dans sa bouche et la crache dans un geyser peu ragoutant. Après tout, c’est sa piscine, il peut mettre de la salive.

Il remarque sa manière de trembler, de rester proche du bord et de fermer les yeux pour se concentrer sur sa respiration, et il le laisse faire. Cependant, il s’approche de son frère et attends qu’il reprenne lui la parole. Toutes les frites se trouvent dans le petit bassin, pour pouvoir être attrapé. Il les avait ramenées en s’amusant avec.

- C’est vrai, tu n’as pas besoin de savoir nager. Je suis prêt à venir te sauver de la noyade aussi souvent que ce que tu tomberas à l’eau… mais je suis sûr que tu préfères milles fois te débrouiller tout seul.

Il nage et se met à côté de son frère, contre le bord. Il croise les bras et mets sa tête dessus. Dans l’eau, il est dans son univers, dans un monde qui ne peut pas le blesser, pas l’atteindre, il est ailleurs, dans une zone sécurisée qui lui permet de respirer, aussi ironiquement que cela puisse paraître…. Il a envie que son frère ressent ce « camp » qu’il lui propose, comme les zones de maison quand les enfants des autres jouaient au loup, ou autre jeu. Il n’y a pas de « Allo les pompiers la maison qui brûle », pour le coup. C’était juste un lieu qui permet de se reposer.

- Imaginons, fit-il en sortant de l’eau pour se mettre le cul sur le rebord et observer son frère. Que quelqu’un tombe inconscient dans l’eau. Moi, Lydia, Malia, ou même une enfant qui se prends une balle dans la tête à côté d’une piscine. Tu te sentiras mal de rien pouvoir faire.

Il pose la main sur l’épaule de son frère avant de glisser à nouveau à l’eau. Rien à dire, il pourrait dormir dans sa piscine qu’il se sentirait à l’aise.

- Je te demande pas de devenir nageur, Léo. Je te demande même pas de bien savoir nager. Juste de savoir flotter et de pouvoir te déplacer sans forcément avoir pied, en te sentant à l’aise. Si tu viens à aimer la natation, ça me fera plaisir, bien que je dirais que ça me fait chier parce que je devrais encore plus te partager MA piscine, que tu as prêté à des gros cons, mais si tu n’aimes pas, tu ne seras pas le premier. Quand on va à la plage, Lydia préfère bronzer au soleil.

Même si parfois, ils se font passer pour en couple pour que personne ne s’approche pour la draguer. Parfois même des darons, ce qui dérange encore plus Lydia. Elle n’aime pas l’attention que l’on porte à son corps, d’ordinaire. Léo est vraiment une exception. Et il ne se doute pas que, comme le corps de Lydia, le don du prêt de sa piscine pour Ethan est important. Ethan attends à côté pour lui montrer le milieu du petit bassin d’un coup de tête.

- Je ne te laisserais pas te noyer. Même si tu m’énerves, je préfère te frapper que risquer que tu es peur de l’eau. Il réalise ses paroles, fronce les sourcils en reprenant, je ne dis pas que tu as peur, maintenant, mais que tu pourrais en avoir peur si je te noie, ça serait pas cool, alors je ne le ferais pas.

Ethan confirme à son frère qu’il n’a pas besoin de savoir nager, qu’il viendra le sauver autant de fois qu’il le faudra, mais qu’il est sûr que Léo préfère se débrouiller seul. Le garçon se fige. Il marque un point... mais quand même... S’il reste éloigner de l’eau, il n’aura pas besoin qu’on vienne le sauver non plus...

Son jumeau viens se poser à côté de lui et reprend. Lorsqu’il parle d’une enfant qui se prend une balle dans la tête et tombe à l’eau, Léo relève vivement des yeux ronds vers lui.

”Pardon ?!”  

Il se rend compte de ce qu’il dit, là ? Apparemment non, parce qu’il reprend comme si de rien n’était. Sauf que Léo bug, réfléchissant à ce que vient de dire son frère. Une enfant qui se prend une balle en pleine tête... Il tourne et retourne la phrase dans sa tête avant de comprendre. Il fait un “oooh” muet et le soulagement se lit, pour une fois, clairement sur son visage. Un ballon, pas une balle... Une enfant qui se fait assommer par un ballon prêt d’une piscine... ça a plus de sens, c’est sur...

Le garçon retourne ses pensées vers son frère au moment où il parle de Lydia. Il n’a pas tout suivi à ses précédentes paroles, mais il va éviter de lui demander de se répéter... Surtout parce que l’image de Lydia bronzant sur une plage a de quoi accaparer ses pensées...

Mais non, il ne doit pas penser à elle maintenant...  

S’efforçant de se concentrer sur son jumeau, Léo suis son regard vers le milieu de la piscine avant de le fusiller sur place lorsqu’il parle de sa peur de l’eau, même s’il se rattrape directement.

”J’ai pas peur ! Juste... les images de hier sont encore peu trop fraiches dans ma mémoire...”

Jamais il n’admettra sa peur. A New-York, admettre sa peur c’est se tirer une balle dans le pied... ce n’est pas encore maintenant qu’il pourra changer cet état d’esprit...

Le garçon se tourne vers le centre de la piscine, mais ne s’éloigne toujours pas du bord. A ce moment-là, comme si elle avait été invoquée, Lydia apparait, en maillot, accompagnée de... Malia ? Elle n’est pas sensée travailler le samedi ? Ok il est tôt, mais quand même...

- On était venues pour aider à nettoyer, mais je vois que tout est déjà en ordre.  

Léo sursaute en entendant la rousse, se retourne vers les filles et détourne aussitôt les yeux. Lydia porte un bikini qu’il n’a qu’une envie, c’est d’enlever, et Malia porte un maillot une pièce simple mais qui met ses formes en valeurs. Et merde, qu’est-ce qu’elles foutent là ?! Ça ne va pas l’aider bordel...

Ignorant Léo, Lydia vient s’asseoir au bord de la piscine, prêt d’Ethan, et fait signe à Malia de la rejoindre.

- Bon, et bien je suppose qu’on en profitera juste, alors. Malia est en congé aujourd’hui, je me suis donc permise de l’inviter.  

La brune affiche un air qui indique clairement qu’elle n’était pas censée avoir congé aujourd’hui... Léo, quant à lui, se tourne à nouveau vers le centre de la piscine et commence à avancer vers une frite qui flotte un peu plus loin, juste pour ne pas avoir à regarder les deux filles. Au moins, il a bougé, c’est Ethan qui va être content...

Ethan sait que nager est important. Il le sait parce qu’il a déjà eu tous les cas de figures avec l’eau. L’histoire de la petite fille qui se prend une balle n’était pas seulement imagée. C’est lui qui a sauté dans l’eau pour la récupérer et l’amener avec ses parents. Parents qui n’ont pas eu le temps de réagir, alors qu’il était déjà au fond de la piscine pour ramener leur enfant. C’est une situation qu’il a vécu. Et qu’il ne conseille à personne. Comme quand il est allé le chercher, il peut se passer plein de choses au fond d’un liquide qui s’infiltre par tous les pores. Il peut y avoir un coup contre le fond, ou une panique qui engloutit. Ce n’est pas quelque chose de logique, la perte de contrôle. Mais s’il y a une chose que Ethan sait sans l’ombre d’un doute, c’est que son frère préfère mille fois apprendre à se débrouiller que de lui devoir la vie à nouveau.

- Tu n’as pas peur, confirme-t-il, c’est juste que les cauchemars étouffent et perturbent. Nous ne sommes pas des gens perturbés. C’est mieux ?

Il fait un sourire avec une tête d’innocent, même si son frère le sait déjà. Léo arrive à lire en lui très rapidement, et pour cause. Ils nagent un peu. Il s’occupe de lui donner des conseils… avant l’arrivé de Lydia et Malia qui arrêtent leur cerveau. Enfin, Lydia elle arrive à faire arrêter son cerveau à son jumeau… Mais Ethan ne prends que le temps de voir Malia avant que son visage vire au rouge. Il s’enfonce dans l’eau pour n’avoir que les yeux par-dessus l’eau. Il baragouine un « je ne t’ai pas attendu » qui fait rire Lydia alors qu’elle s’assit au bord de la piscine en faisant un signe à Malia. Elle n’allait tellement pas l’aider à nettoyer, elle est venue pour profiter de l’eau, et le torturer. Ou les torturer, vue l’état dont les filles mettaient les filles. Ethan sort la tête de l’eau.

- En congé, ou comme par hasard le café est fermé parce qu’une personne haut placé l’a fait fermé ?
- Ta gueule.
- Content de te voir Malia, fait Ethan en rougissant encore.
- Et moi ?
- Je ne savais pas que tu viendrais, sinon j’aurais préparé des collations.
- J’ai demandé à ta cuisinière de nous faire des petits déjeuners. Et je sais que tu fais exprès de m’ignorer.

Il soupire et secoue la tête. Bien évidemment, Malia est au courant de ce qu’il se passe entre les frères, Lydia l’a mis au courant sans le moindre mal. Ethan tourne la tête vers son frère et fait un sourire.

- Si tu le déconcentres…

Lydia saute à l’eau et s’approche en marchant pour attraper un bras à Ethan et lui poser « innocemment » entre ses seins. Elle lui embrasse la joue.

- Je suis venu pour le soutenir, et lui donner du courage. Et toi aussi par la même occasion.

Enfin, même si elle sait qu’elle a perdu en face de l’innocence et la douceur. Elle lâche un regard vers Malia. Elle est si naturelle comparer à elle. Lydia sait ne pas pouvoir faire le poids et elle fait un gros déni en disant que tout aller bien dans son esprit. Tout va bien. Cela ne lui fait rien que personne ne l’aime jamais, parce qu’elle refuse de changer sa manière d’être pour les autres. Ethan lui donne un coup derrière la tête, ce qui colle ses lèvres à la joue de Léo avant qu’elle ne se recule.

- Hé !
- Tu le perturbes, va faire bronzette.
- Je suis là pour aider, se défends-t-elle.
- Va aider ailleurs.

Malia est arrivée aussi, elle s’approche et tombe dans l’eau en attrapant l’épaule de Léo. Ethan ne dit rien, comme Lydia, il le sait déjà. Elle fait un sourire gêné alors qu’ils se retrouvent tous là où ils peuvent avoir pieds.

- Et si on nageait tous en même temps, rougit-elle. J’avoue ne pas savoir très bien nager non plus, alors ça me permettra d’apprendre.

Ethan finit par lâcher un regard vers Lydia, lève les yeux au ciel et les laisse venir dans la leçon. Lydia finit rapidement par partir faire bronzette, laissant ses longues jambes sur le transat alors que Malia suit les instructions exactes pour apprendre à nager. Plusieurs fois, Lydia lance un regard brulant de tristesse vers un Léo qui s’intéressé à Malia. Avant de tomber sur le regard d’Ethan. Ouais. Pas meilleurs amis pour rien les deux loulous. Une fois une cours bien fait, Lydia tape dans ses mains, se rapproche du bord et aide les deux apprenants à sortir de l’eau.

- Allez, si tu montrais ta capacité de poisson à ton frère et à Malia, un peu.

Elle se pose, les fesses contre les hanches de Léo, juste pour le torturer. Elle sort le chronomètre. Ethan est déjà au bout de la piscine, il se met en position. Il attend le coup de feu. Lydia laisse Malia faire le top départ. Ethan se jette à l’eau. Il se met à faire un aller retour avec une vélocité rare. Ses gestes sont rapides, forts, intenses. Ses muscles dansent sous sa peau, et il fait un temps honorable. Surtout en sachant qu’il s’était peu entrainé et qu’il n’a pas la tenu pour. Il attrape le rebord et se relève, laissant l’eau couler le long avec un geste triomphal.

- Les examinateurs des JO ont perdu leur meilleur athlète, soupire Malia avant que Lydia ne fasse un regard vers Léo.
- Comme tu dis, mais évitons de lui rappeler.

Ethan finit par revenir, il est huit heures trente, le temps passe vite quand on s’amuse. Il fait un high five avec un Lydia avant de proposer sa main à Malia et à son frère et attendre.