Shira a une bonne constitution. Elle n’a jamais réellement mis en parallèle le fait qu’elle ne tombe jamais malade avec le monstre qui sort d’elle pendant trois jours, tous les mois. Pour elle, c’est simplement qu’elle ne ressent pas le froid. Elle n’a pas non plus particulièrement faim, sauf qu’en approche la pleine lune. Elle n’est pas grosse mais n’a jamais eu de variation de poids selon Sakura qui, justement, s’inquiétait de sa santé. Shira a essayé de manger équilibré, mais tant qu’à ne devoir manger qu’un repas par jour, elle préfère la viande. Peut-être était-elle un peu comme un vampire ? Elle se le demande alors qu’elle hoche la tête pour les légumes à la vapeur. Elle sourit encore quand Kuro précise que Shuito sera chargé de Sakura. Elle fait un signe de tête positive comme si elle vient tout juste de trouver la solution à tous les problèmes de l’univers. Si Sakura apprend qu’elle va bien, et en plus aider de Shuito, alors tout va bien.

- Il peut la payer à ma place, comme ça, elle aussi elle n’ira pas au Mcdo, réfléchit-elle à voix haute sans la moindre honte de continuer à parler de son travail de prostitué.

Pour elle, le travail qu’elle fait n’a rien de honteux, puisqu’elle ne comprend pas pourquoi elle devrait en avoir honte. Si elle n’apprécie pas l’action, il y a peu de chance d’apprécier réellement son travail. Et puis, elle aime Sakura. Ce qui est déjà une bonne raison de ne pas trop chercher à ressentir la souffrance de sa mission. Elle a posé ses questions et elle le regarde, les yeux arrondi de tout ce qu’elle aimerait savoir. Il lui répond, oui. Et il est évident à son visage qu’elle a déjà oublié des questions qu’elle a posé… mais il y en a une importante à laquelle il n’a pas répondu. Il ne veut pas répondre ? Il demanderait à quelqu’un d’autre. Elle le suit alors qu’elle mime l’expression de l’homme derrière lui. Elle tire sur ses joues pour essayer de cacher son sourire, et elle abaisse les rides sur le coin de ses yeux pour essayer de faire pareil. Elle prend une expression sévère, qui, sur elle, ne donne rien d’autre que l’image d’un bébé chat. Surtout qu’elle n’arrive pas à la tenir. Dès qu’il tourne le visage vers elle, elle s’éclaire d’un nouveau sourire bienveillant qu’elle essaie de lui transmettre.

Oh. Moins il sourit. Plus ça la démange de le voir sourire. Elle a appris qu’elle est une personne têtue quand elle se retrouve obsédée par une chose. Et là, c’était de voir le sourire de son hôte. D’ailleurs, elle ne se voit toujours pas comme une invité mais comme un instrument, alors elle n’a pas de raison de se prendre la tête.

Elle est donc dans l’essaim des vampires. Elle se souvient alors de Dora, dessin animé qu’elle regarde avec Sakura pour l’aider à apprendre des mots, qu’on parle d’un essaim d’abeille, et qu’il faut une reine. Elle décide de faire le parallèle. Elle est donc en fasse de la reine des abeilles en personne. Mais pourquoi l’a-t-on amené à la grande majesté ? Elle n’a fait que quelques griffures dans du béton, pas de quoi aller embêter une grande personne.

Et alors, en plus, ça ne réponds pas à l’éternel question qu’elle se pose sur le fait qu’il ne sourit pas. Elle ne sait pas ce qu’elle doit faire, alors elle écoute le silence un instant qui s’installe et s’allonge. C’est bizarre. Elle a envie de faire une grimace. L’humaine arrive et se présente en commençant par dire que Shira a remué tout le monde, elle penche la tête et ses cheveux coulent en rideau soyeux.

- J’ai remué personne, s’étonne-t-elle en fronçant les sourcils, j’ai même touché personne. Sauf toi. A l’instant.

Quand elle a pris sa main pour la saluer à son tour. Sinon… Elle mélange le terme remuer et secouer dans son esprit… et pour secouer quelqu’un, il faut le toucher. Kuro l’a touché mais ce n’était pas pour ce genre de mouvement. Elle s’assoit et la nouvelle venue avoue que « Mori-sama » est coincé. Shira ne comprend pas pourquoi elle l’appelle ainsi, mais se souvient qu’il est la reine des abeilles, et que donc les ouvrières doivent se comporter différemment que la fourmi qui visite. Elle sourit d’une manière éclatante.

- Je le ferais sourire ! tonne-t-elle. D’ailleurs, il n’a pas voulu me répondre mais est-ce qu’il craint les chatouilles ?

Oui. C’est cette question qui est la plus importante dans l’esprit de la louve. Elle se dit qu’elle peut ainsi amener un sourire et des rires sur ce beau visage. Nozomi écarquille les yeux, très clairement. Baragouine un « je ne sais pas » et un « ce n’est pas le genre de question que nous nous posons » alors que Shira observe Kuro. Il va falloir qu’elle le découvre toute seule alors. C’est compliqué. S’il n’aime pas, il risque de lui en vouloir. S’il ne craint pas, il risque de la prendre pour une folle. Mais s’il craint et aime, ça peut être tout à fait mignon. Elle sourit alors qu’on apporte une entrée pour les faire patienter, comme dans des restaurants chics, même si elle ignore d’où elle tire ces informations. Shira écoute la question suivante en essayant de comprendre pourquoi elle a le droit à trois paires de couvert et trois verres différents. Elle sourit.

- Je crois que je suis une louve, réctifie-t-elle, je ne me suis jamais regardé… parce qu’on ne peut pas se regarder soi-même, ça serait bizarre !

Elle se stoppe, d’un coup, elle se souvient de ses premiers réveilles, sans préparation. De la mort qu’elle a laissé, des gens biens qu’elle a mangés pour une raison qu’elle ignore. Elle se sent triste. La culpabilité l’assaille d’un coup et elle papillonne des yeux rapidement.

- Et que je tue tout le monde si je ne suis pas enfermé…, souffle-t-elle plus bas.

Elle secoue la tête avant de regarder Nozomi qui semble avoir un visage surpris, sans que Shira puisse comprendre pourquoi. Nozomi est réellement surpris. Les loups ne savent pas à quoi il ressemble, mais il ne le dise pas ainsi. Elle regarde rapidement Mori avant de revenir à la louve.

- Tu n’as jamais eu un autre loup pour te dire à quoi tu ressembles ? s’enquit la jeune femme.
- Je n’ai jamais rencontré d’autres loups, annonce Shira qui se sent mal à l’aise sous l’inquisition.
- Mais… Quelqu’un t’a bien transformé, non ?
- Je ne sais pas…, elle a envie de se cacher sous la table et machinalement elle cherche le réconfort de Kuro qui la regarde curieux mais sans l’aider pour autant, je ne me souviens de rien avant… Avant le 21 juillet 2022. Alors je n'ai jamais rencontré personne qui savait ce que j'étais.

Les loups transformés étaient imprévisibles, violents, instables… comme l’est Shira. Les loups naturels, eux, sont plus facilement stables et dominants… et arrive à rester humain le plus longtemps possible. Et surtout, un loup naturel arrive à être parfaitement humain alors qu’un loup créé aura du mal… Shira, elle, domine sa louve et peut discuter sans que le monstre se montre. Elle laisse à nouveau le sens s’étirer et elle rougit avant de décider de pousser deux lots couvert-verres sur le côté pour ne garder qu’un de chaque.

Lorsque Kuro affirme que son bras-droit s’occupera de prévenir Sakura, Shira semble... enthousiaste ? Plus que soulagée ? Difficile à dire...

Et lorsqu’elle précise que Shuito peut payer la jeune femme à la place de la louve, il ne comprend pas tout de suite non plus. Ce n’est qu’après quelques secondes qu’il fait le lien entre ses paroles et son métier... Sakura est également une prostituée, tout comme Shira... et cette dernière pense être ici pour le travail...

Elle a pourtant elle-même utilisé le mot “kidnappée” un peu plus tôt, comment l’idée de ne pas être payée ne lui a-t-elle pas traversée l’esprit ? Elle est si... candide...

Kuro toussote et hoche la tête.

”Il fera le nécéssaire...”

Cette femme à l’air importante pour la louve, et si elle est dans le besoin, ça ne coutera rien au roi de l’aider financièrement en compensation pour l’enlèvement de Shira, en plus du logement pour cette dernière...

Lorsqu’il la contourne, il ne remarque pas ses mimiques dans son dos, d’autant qu’elle reprend un visage avenant et souriant dès qu’il se retourne vers elle. Elle si insouciante, s’est assez... perturbant...

Heureusement, Nozomi arrive pour prendre le relais. Mais si Kuro se croit tranquille, il se trompe lourdement...

Lorsque la louve fait remarquer qu’elle n’a remué, l’humaine éclate de rire.

- C'est une expression. Pour dire que... et bien que ta présence fait grande impression. On n'a encore jamais eu de loups au manoir, tu es la première. Ça doit être pour ça.

Et pas du tout à cause de la façon dont elle se comporte avec le roi, non non...

Lorsque Nozomi s’excuse pour le côté “froid” de Kuro, Shira affirme haut et fort qu’elle le fera sourire avant de reposer sa question sur les chatouilles. Les autres, qui les fixaient toujours depuis leur entrée dans la pièce, se décrochent tous la mâchoire sous le coup de la stupeur. Les regards se tournent alors vers le roi dont le regard flamboie presque, défiant Nozomi de répondre à cette question. Celle-ci bredouille un “je ne sais pas” et tente de faire comprendre à la louve qu’on ne pose pas ce genre de questions, surtout au roi...

La louve fixe ce dernier, mais il garde les yeux obstinément détournés. Qu’elle n’essaie pas de le chatouiller ou elle risquerait de perdre des poils... et pour ce qui est de le faire sourire... C’est quoi cette lubie qu’elle s’est mise en tête ? Elle ne le connait pas, tout comme il ne connait rien d’elle... Cela ne fait même pas une heure qu’ils se sont rencontré, mais la voilà décidée à faire sourire un parfait inconnu, un roi vampire qui plus est... Non mais vraiment, cette femme n’a aucune éducation en fait...

Cette pensée fait tiquer Kuro qui redresse légèrement la tête alors que Nozomi tente de détourner l’attention. Shira répond qu’elle croit être une louve, mais ne pourrait pas l’affirmer puisqu’elle ne s’est jamais vue. Le roi vient appuyer ses coudes sur la table. Qu’est-ce que c’est encore que cette histoire... comment peut-on ne pas savoir ce que nous sommes ?

La tension commence à se faire palpable autour de la table alors que tout le monde écoute avec attention. Tout aussi surprise que les autres, l’humaine reprend après un rapide coup d’œil à son roi.

Shira répond n’avoir jamais rencontré d’autres loups, ce qui n’est pas normale... les loups vivent toujours en meute, hormis quelques solitaires... et Shira est bien trop naïve et innocente pour être une solitaire...  

La réponse à ce questionnement ne tarde pas à arriver. La louve n’a aucuns souvenirs avant un peu plus de deux ans... Le silence retombe dans la salle-à-manger, tous les regards fixés sur la jeune femme.  

Ni elle, ni Kuro n’ont encore touchés à leurs assiettes, mais Shira finit par écarté des couverts et des verres pour s’attaquer à la sienne. Du jambon et un morceau de melon. Simple et efficace pour ouvrir l’appétit.  

Mais le roi ne s’intéresse pas au menu pour le moment. Il hésite une seconde avant de prendre la parole à son tour.

”Serait-il possible que votre première transformation ait provoqué une amnésie ?”  

Le vampire connait un peu les loups-garous, mais il n’a par contre pas beaucoup d’informations concernant les processus de transformation... et ce qu’ils peuvent entrainement comme séquelles...

Sa théorie est plausible, mais tout de même peu probable. En effet, la jeune femme semble avoir un parfait contrôle de sa louve, en dehors des nuits de pleine lune, apparemment... Or les loups transformés, particulièrement les jeunes, sont difficilement contrôlables même sous leur forme humaine. Mais la question vaut tout de même la peine d’être soulevée.

La deuxième possibilité est qu’elle soit une native, mais cela n’explique pas la perte de mémoire...

Nozomi se lève pour faire le tour de la table et venir serrer la louve dans ses bras.

- Je suis désolée, ça doit être horrible de ne pas avoir de souvenirs...

Kuro pince les lèvres.

”Vous n'avez vraiment aucuns souvenirs ? Même pas un détail ou des flashs qui vous serait revenus au fil du temps ?”

Une louve amnésique devenue prostituée pour survivre... cela explique pourquoi elle est restée vague dans ses réponses... mais comment elle a pu s’en sortir sans aide depuis tout ce temps... Enfin, s’en sortir, tout est relatif... elle a en effet dit elle-même être une tueuse si elle n’est pas enfermée... Mais sous sa forme humaine, elle semble parfaitement inoffensive...  

Vraiment étrange...

Shira réfléchit. Elle a toujours du mal avec les expressions et les images. Cela vient du fait que le japonais est toujours une langue qu’elle apprend à connaître. Elle n’a pas assez de vocabulaire. Elle ne peut pas parler plus que ça. Elle se stresse elle-même de ne pas connaître les termes adéquats. La peau autour de ses ongles sont tirés alors qu’elle rougit.

- Vous êtes mes premiers vampires aussi, fait-elle remarqué avec un doux sourire.

Ce sont mêmes les premières personnes autres qu’humain qu’elle rencontre. C’est la première fois qu’elle se trouve avec une autre espèce. Et ça ne lui fait pas peur. Cela lui fait diablement plaisir. Elle a l’impression d’avoir enlevé des lunettes de soleil noir et de voir le monde sous un nouveau filtre. Chaque fois qu’elle pose le regard sur Kuro, elle sourit. Parce que la blague de leur prénom flotte entre eux comme un humour privé entre eux. Parce qu’elle compte bien sûr réussir son travail. D’ailleurs, elle remarque bien la gêne que fait son annonce, mais elle n’a pas peur. Elle penche sa tête, ses cheveux tombent sur la table et elle les repousse derrière son dos en faisant un sourire.

- J’y arriverais, même si tu ne réponds pas, souffle-t-elle comme une menace mais tout à fait mignonne.

Après tout, elle n’a besoin que d’elle-même pour réussir à trouver les méthodes et les techniques qui feront sourire le roi. Il y en a toujours. Il existe toujours une solution pour faire chauffer les zygomatiques. Sakura ne souriait pas beaucoup non plus, avant, en prétextant que son âme et son cœur avaient été trop souillé pour respirer. Sakura avait tort. Et Shira le prouverait à nouveau.

Elle reprend la discussion. Elle se sent mal. Elle a des difficultés à se souvenir de tout… mais Nozomi, et Kuro, sont tellement gentils qu’elle n’a pas envie de leur mentir comme elle le fait parfois. Sakura lui a dit que s’inventer une vie à ses clients permet de se sentir proche d’elle. Alors, elle raconte des histoires de filles abandonnées, mais la réalité c’est qu’elle n’en sait rien du tout. Elle ne sait pas. Elle pince doucement ses lèvres. Elle est gênée de ne pas savoir, mais elle n’a pas le temps de trop y penser. Règle numéro 65894 pour une prostituée : si on te donne de la nourriture et que tu as confiance, mange avant de te faire manger. Shira est presque sûr que la même idée fonctionne pour les loups mais elle ne peut l’attester totalement.

- Je ne sais pas. Je ne crois pas. Enfin, elle fronce les sourcils comme elle le fait toujours quand son esprit s’échauffe, je dirais non. Mais je n’ai aucune preuve.

Tout comme elle sait être « une louve » elle n’a aucune preuve que ce qu’elle ressent en disant le mot. Lorsque le mot court sur sa langue, elle a un envie de recule. Okami. Elle n’aime pas ce mot. Pourtant, quand elle ne pense qu’à l’animal quand elle s’imagine… alors. Elle est une louve. Et elle ne croit pas que cela soit sa faute si elle ne se souvient pas. Pas de la transformation en tout cas. Si parfois, ça la dérange de ne pas avoir de souvenir, elle trouve ça particulièrement « normal », en réalité. Elle ne sait pas. Quand elle se pose sur son amnésie, elle la trouve rassurante, comme si elle sait que cela la protège d’une certaine manière.

Elle continue de manger, remplit ses joues pleines de melon… Les fruits sont chères au japon, elle n’en mange pas beaucoup. Mais elle adore. Elle fait donc des joues d’hamstère jusqu’à voir Nozomi pour venir lui faire un câlin. Shira ne comprend d’abord pas, sa louve sous sa peau court de ne pas vouloir de contact. Mais la douce sait que Nozomi ne lui veut pas de mal. Quand elle comprend qu’elle va avoir le droit à un câlin, elle lâche tout, avale sa bouchée et se lève pour aller dans les bras de la femme. Elle a eu le droit à un câlin ! Elle aime ce genre d’étreinte sans sexe qui dérange le contact. Elle adore dormir comme ça, contre Sakura. Elle va demander si elle peut dormir avec sa nouvelle connaissance ce soir, si le roi ne veut pas l’utiliser comme il en a le droit dans son esprit. Nozomi la lâche alors que Shira pose un regard vers Kuro l’air de dire « et toi ? Un câlin ? » Mais comme il ne fait rien et que l’humaine repart à sa place, elle sourit.

- Un jour j’en aurais le droit, murmure-t-elle sans savoir que sa voix se fait parfaitement entendre par les vampires, en plus d’être une intonation plus déterminé que ce qu’on imagine.

Elle finit par reprendre un bout de melon, avant de manger le jambon. Elle rigole toute seule. Bon. Reprenons son sérieux. Elle laisse un regard couler sur le roi. Elle finit par froncer les sourcils. Elle réfléchit.

- Non. Je sais certaines choses. Par exemple, je sais que je ne dois pas manger des baies quand elles ne sont pas mûres, mais je me souviens pas d’où je le sais. Je sais que j’aime les chats, pas pour les manger, et je sais que… Enfin, voilà des petites choses comme ça.

Elle réfléchit, savait-elle quelque chose d’autre ? Non. Pas qu’elle sache. Une fois, Sakura lui a parlé de son tatouage dans le dos, et comme Shira n’avait aucune idée de quoi elle parlait… et qu’en plus elle était occupée à regarder Dora à la télévision. Elle ne lui en a jamais reparlé. Personne ne le fait. Alors, Shira n’est même pas conscience d’avoir cette marque caractéristique. Elle réalise d’un coup.

- Si, je fredonne une chanson que personne ne connait, fait-elle en réalisant d’un coup.

Et elle se met à fredonner, sans mot. C’est une berceuse chinoise, même si elle ne le sait pas. Une très vieille berceuse chinoise, disparu depuis longtemps, sauf des personnes la connaissant. Sa mère lui chantait quand elle était bébé puis jeune enfant. Et cette berceuse a toujours été calmante pour sa louve. Quand elle fredonne, ou qu’on lui fredonne, alors même sa louve se calme et respire enfin. Oui. Elle se la chanter à elle-même dans la prison. Tout ça, elle ne le sait pas. Elle sait juste que ça la détend… et autour d’elle, la tonalité de son fredonnement fait naître des frissons de plaisir dans les cœurs des vampires et des humains. Elle finit la fin de la chanson avant de faire un sourire à Kuro.

- Tu ne manges pas ? s’étonne-t-elle alors que son entrée, à elle, avait été vide de tout élément digérable. Toi non plus Nozomi ?

Nozomi fait un “oh” muet lorsque Shira affirme qu’ils sont ses premiers vampires aussi. Elle précise qu’elle-même est humaine, mais désigne quatre vampires dans la pièce : trois hommes et une femme, d’âges physique très différents. Elle présente également un autre humain, un jeune homme.

Kuro soupire lorsque la louve s’obstine concernant les chatouilles et le sourire. Elle est magnifique, certes, mais sa naïveté et son manque d’éducation pourrait finir par lui couter cher...

Heureusement qu’elle est tombée sur eux et non sur un essaim plus petit et ayant moins de... scrupules... envers leurs “invités”.

Lorsque le roi la questionne sur sa première transformation, Shira semble perturbée et répond qu’elle n’en sait rien. Kuro l’observe un instant avant de détourner les yeux. Elle est en train de se goinfrer...  

Nozomi va pour lui faire un câlin que la louve lui rend avec plaisir. Il fait les yeux ronds lorsqu’elle tourne le regard vers lui, comme si elle comptait le câliner à son tour. Ses yeux disent clairement “oses seulement !”. Heureusement, elle se contente de sourire, encore et toujours, et du murmurer des mots qui, cette fois, font rire les vampires de l’assemblée. L’un d’eux murmure qu’elle est folle et il se prend un coup de sa voisine de table. Kuro se passe une main dans les cheveux. Il hésite fortement à faire sortir tout le monde, commençant à saturer un peu (lui qui voulait passer une soirée tranquille...), mais il ne veut pas mettre mal à l’aise Shira. Aussi il ne dit rien, la laissant manger à son aise. Elle rit de choses qui ne se passent que dans sa tête. Une enfant...

A la dernière question du roi, elle répond qu’elle sait certaines choses sans savoir d’où, mais rien qui puisse l’aidée concernant son identité ou quoi, apparemment. A part une chanson...

Avant que Kuro ne puisse réagir, elle commence à fredonner, et le silence se fait à nouveau dans la pièce. Les regards se sont à nouveau rivés sur elle et le silence dure encore après la fin de sa chanson. Kuro s’est perdu dans ses pensées, les yeux dans le vague. Où a-t-il déjà entendu ce chant ? Sa mémoire est trop pleine, une série d’images défilent en accéléré dans sa tête sans qu’il n’arrive à trouver celle qu’il cherche. C’est Nozomi qui le ramène à la réalité. Il n’a pas fait attention à la question de Shira et l’humaine lui touche doucement le bras en lui désignant son assiette d’un coup de menton. Machinalement, il découpe un morceau de melon qui mâche lentement, toujours perdu dans ses souvenirs, comme déconnecté. Plonger dans ses archives mentales lui donne toujours la migraine...

Nozomi affiche un sourire à l’intention de la louve.  

- J’ai déjà mangé. Elle est très belle, cette chanson.

Kuro délaisse à nouveau son assiette, secoue la tête pour chasser les images et se lève pour se diriger vers une petite desserve bar sous laquelle se trouve un petit frigo contenant des poches de sang. Ca l’aide à se concentrer...

Il boit la pochette d’une traite avant de revenir s’asseoir, l’air plus sérieux que jamais. Il connait ce chant...

”Pour comprendre votre amnésie, il faudrait en connaitre la cause... et c’est là que ça coince...”

Il pourrait enquêter sur elle, essayer d’en apprendre plus sur son passé, mais il ne va peut-être pas lui proposer ça tout de suite...

Voyant bien que le roi est ailleurs, Nozomi reprend.

- Est-ce que tu travailles, Shira chan ?

Kuro réagit aussitôt, sortant de ses pensées pour pousser son assiette vers la louve et ainsi l’empêcher de répondre.

”Tenez. Ça a l’air de vous plaire...”  

Nozomi lui lance un regard surpris.

- J'ai dit quelque chose qu’il ne fallait pas ?

Les vampires ricanent Tout comme son nom, le métier de Shira a fait le tour de la maisonnée. Kuro fusille Nozomi du regard et celle-ci se fait toute petite sur sa chaise.

- Ok, je me tais...

Ça vaut mieux, oui...

Shira n’a pas conscience que sa voix couplé aux harmonies de la chanson dont elle ne connait pas le nom peut faire des ravages. Sakura aime quand la louve la fredonne, parce qu’elle a l’impression que l’air devient plus propre et que le monde est purifié. C’est un chant de courage et d’espoir, d’amour et d’amitié, le chant qui font qu’une meute peut devenir une famille. C’est ainsi qu’elle a été chanté à Hei quand elle était petite. Comme la chanson qui fait battre les cœurs et donne la force de continuer. La meute Lang a toujours été ainsi forte devant l’adversité et les ennemis. Ce n’est plus le cas depuis la perte de l’héritier, même si ça, Shira l’ignore. Les enfants loups naturels sont durs à avoir, et elle n’a jamais eu de remplaçant, surtout que sa mère préfère prendre les armes contre la Russie que d’abandonner l’idée de la retrouver. Cela aussi elle l’ignore. Les chinois regardent à l’opposé d’où elle se trouve et Shira n’y pense même pas. Elle sait juste que la chanson l’apaise. Elle sourit à Nozomi avant de faire un mouvement de tête pour dire que oui, en effet.

- J’aimerais me souvenir des paroles, avoue-t-elle, mais je ne me souviens que de l’air. Parfois, j’ai l’impression que des mots passent, mais ça ne veut rien dire.

Parfois, elle a des mots qui lui viennent, en chinois. Et elle le dit à Sakura qui, elle japonaise jusqu’au bout des ongles, essaie de trouver un mot en japonais au lieu de voir en chinois. Parce qu’elle n’imagine pas que son amie puisse être autre chose que de son pays, et en plus parce qu’elle n’y connait pas une bille en langue étrangère. Cela n’a fait que donner des mots sortis de son contexte qui n’a pas avancé la louve pour retrouver les paroles. Elle regarde Kuro se lever et penche la tête à nouveau quand il boit son sang. Elle lance un regard à son assiette, puis à nouveau vers le bar. Elle ne pourrait pas être un vampire, le melon a sa préférence. Elle réfléchit encore, fronce les sourcils.

- Quand… Quand je me suis réveillé, j’étais pleine de terre et je sentais mauvais, explique-t-elle sans la moindre honte. Je sentais les égouts, la terre et « l’explosion chimique » selon les personnes qui m’ont trouvé. Une d’elle pensait que j’avais été peut-être enterré pendant un accident qui avait eu lieu deux mois avant. Enfin, ce n’est qu’on m’a dit.

Toute sa vie se rapporte à ce qu’on lui a dit. Même son prénom est qu’une réflexion qu’un homme à fait avec douceur, certes, mais qui n’amène pas à trouver sa véritable identité. Quand Nozomi lui pose une question, elle va pour répondre avant de se faire couper par le roi. Elle regarde son assiette et elle sourit.

- Je n’ai jamais mangé de melon. Je trouve ça très bon. Je me demande si Sakura connait parce que je suis sûr qu’elle pourrait aimer aussi.

Sakura qui, en ce moment même, est en train d’insulter Shuito que s’il ne lui rend pas sa colocatrice alors que c’est un pervers psychopathe, elle va lui faire vivre un enfer… Inconsciente qu’elle est devant un vampire, et s’en fichant tout simplement. On n’enlève pas Shira comme on pourrait l’enlever elle, et elle le fait remarquer au vampire qui se prend une chaussure sur le front. Shira observe les réactions de tout le monde avant de revenir sur Nozomi.

- Le monsieur qui m’a enlevé, il sait que je suis une prostituée. J’étais en train de frapper un client quand il m’a trouvé pour Kuro-kun, explique-t-elle toujours sans honte, mais comme je suis habillée et qu’on m’a invité à table, ça ne se voit pas trop. Alors tu ne peux pas savoir.

Elle sourit simplement, parce que ça ne la dérange pas elle, d’en parler. Et puis, ça ne la dérange pas de laisser des hommes, et parfois des femmes, s’occuper de son corps. Parce qu’elle ne le ressent pas comme une agression le plus souvent. Elle est devenu une catin a qui l’on avoue des choses et qu’on écoute parler pour le plaisir de ce moment volé. Et quand on l’embête trop, elle frappe et elle mord. Parce que faut pas pousser non plus. Elle fait à nouveau éclater son sourire quand on leur apporte le plat. Elle regarde son assiette alors que son ventre fait un bruit de pur contentement. Elle met le melon avec les légumes à vapeur et elle les regarde d’un œil inquiet. Elle ne sait pas du tout ce que ça peut être, mais ça lui plait à l’odeur. Elle en prend un bout avant de mâcher doucement et de regarder vers Kuro, des étoiles pleins les yeux.

- C’est vraiment meilleur que le Mcdo !

Dommage qu’elle doit partir un jour. Et cette idée l’attriste. Elle pose un regard sur Nozomi. Si elle a le droit de dormir ici…

- Je peux dormir avec toi ce soir ? demande-t-elle à l’humaine de but en blanc. Kuro-kun, elle fronce les sourcils, Mori ? Il refuse que j’aille dans sa chambre mais je n’ai pas envie d’être toute seule…

Elle a baissé la tête. Elle n’aime pas dormir loin de Sakura… mais si elle a Nozomi, ça peut faire bien aussi… même si Sakura lui manque terriblement pour dormir, elle sera contente quand la brune lui apportera plein de nourriture. Parce qu’elle a mit sur le côté un bout de melon dans une serviette qu’elle compte emporter avec elle, mais chut.

Shira reprend en disant qu’elle ne se souvient pas des paroles de la chanson, juste de l’air. Kuro se la repasse dans sa tête, espérant ainsi faire surgir l’image qu’il cherche et qu’il est certain d’être en lien avec ce chant...

Lorsqu’il revient s’asseoir et parle de la cause de l’amnésie de la jeune femme, celle-ci lui explique comment elle s’est réveillée. Le roi se redresse alors. Cette information n’est pas anodine... Mais Nozomi les coupes avant qu’il ne puisse approfondir la question. La discussion part alors sur la nourriture. Malheureusement, elle répond malgré tout à la question de l’humaine, et le vampire ne sait pas si les autres réagissent à son métier ou à la façon dont elle l’appelle : Kuro kun... Déjà qu’il lui a permis de l’appeler Kuro, mais sama, pas kun !

Il soupire, se disant qu’il s’agit là d’une cause perdue... Shira semble aussi têtue qu’une mule, et il est difficile d’apprendre quoi que ce soit à une mule...

Nozomi se retient de rire face à la mine déconfite du roi et reprend.

- Le monsieur qui t’a enlevée ?

”Tanaka san...”

C’est l’un des vampires du groupe qui avait jusqu’alors gardé le silence n’a pas pu se retenir, mais il pince aussitôt les lèvres lorsque le regard du roi se pose sur lui. Tanaka est le nom de famille de Shuito. Malheureusement, le manoir a beau être grand, il est difficile de dissimuler quoi que ce soit aux oreilles ultra-sensibles des vampires... Toute la conversation entre Shira et Kuro a été entendue et répétée sur le temps qu’ils arrivent à la salle-à-manger. Seules les chambres privées sont insonorisées un maximum afin de garantir une certaine intimité...

Nozomi hoche la tête, la mine rembrunie. Pourquoi Tanaka san a été enlever une prostituée pour Mori sama alors qu’elle est là, elle...

Heureusement, le plat arrive, permettant ainsi à l’humaine de reprendre un peu contenance. Shira goute comme une enfant le ferait, et s’émerveille de même. Une lueur traverse brièvement le regard de Kuro lorsqu’elle tourne ses yeux éclatants vers lui. Une enfant, oui... et ça a un côté rafraichissant, en fait...

”Content que ça vous plaise.”

Il prend enfin une bouchée à son tour, essayant de couper ses pensées deux minutes. Mais l’ouragan Shira ne s’arrête jamais, et il manque d’avaler de travers lorsqu’elle demande à l’humaine si elle peut dormir avec elle, précisant pour il ne sait quelle raison qu’il refuse qu’elle dorme avec lui. Cette fois, les autres rient clairement, et la vampire laisse même échapper un “Je l’aime bien, cette petite”. L’atmosphère est un peu plus détendue. Nozomi, elle, semble surprise un instant avant de sourire de toute ses dents.

- Personne ne dors avec Mori sama.

Pas même la louve, donc. Voilà qui rassure l’humaine.

- Tu peux dormir avec moi cette nuit. On pourra faire une soirée pyjama ? Je suis sûr que d’autres seraient intéressées !

Elle tourne alors les yeux vers l’autre femme qui sourit à son tour et confirme qu’elle sera ravie de participer à la petite sauterie. Soulagé que les choses s’allègent un peu, Kuro laisse parler en mangeant lentement. La mélodie tourne toujours dans sa tête. Il finira par trouver d’où il la connait...

Shira continue de sourire de cette manière si adorable qu’elle en fait tomber les étoiles en pamoison. Elle n’en a pas conscience elle. Ni d’être mignonne, ni d’être drôle. Son esprit fonctionne différemment et attrape juste des informations éparses pour en faire un condensé comme elle peut. Cela lui arrive souvent. Elle ne peut pas faire autrement. Elle n’a pas les codes dont elle devrait se souvenir… et puis, elle n’aime pas les codes si elle doit tout avouer. Elle n’aime pas devoir sourire si elle n’en a pas envie, chose qui arrive peu de toute manière, mais elle n’aime pas non plus être forte ou se taire. Quelque part, elle a l’impression qu’on la contrainte à ne rien dire depuis tellement d’années que sa langue en est devenu claustrophobe. Elle sourit en mangeant son repas. Elle propose de dormir avec Nozomi… et apprends que Kuro dors seul. Elle penche la tête.

- C’est triste, souffle-t-elle en le regardant. Dormir dans les bras de quelqu’un c’est toujours tout doux. On sait qu’on est protégé et que rien ne pourra arriver. J’adore dormir dans les bras de Sakura.

Elle pense encore à Sakura, inconsciente qu’en ce moment même, la blonde est en train de s’énerver. Elle sourit à l’humaine avant qu’une vampire dit qu’elle serait intéressé. Shira compte ses bras. Oui oui, elle baisse la tête pour voir ses bras.

- Deux personnes. Deux bras. J’aurais un double câlin ! C’est un peu triste pour les monsieurs, mais vous pouvez vous câliner entre vous, explique-t-elle à l’homme qui lui a répondu pour le nom de Tanakakana… elle ne sait déjà plus. Elle sourit. Mais tu peux avoir un câlin aussi avant de dormir.

L’homme fait un large sourire, clairement intéressé à l’idée de prendre dans ses bras la louve. Il reçu un grand coup de pied de la vampire avant de secouer la tête. Shira ne le remarque même pas. Elle tourne la tête vers Kuro qui semble toujours dans son esprit. Elle penche la tête. Elle s’approche pour passer dans son champ de vision. Elle le regarde intensément. Plonge son regard dans le sien et cherche à comprendre les méandres de son esprit. Elle s’approche un peu et sourit vers lui. Elle attend de voir si le mimétisme fonctionne, mais non. Toujours pas. Elle essaie mais ça ne fonctionne pas. Après le repas Nozomi l’accompagne avec Satsuki dans une chambre. Avant ça, Shira passe à côté de Kuro et embrasse sa joue avant de partir en courant pour suivre l’humaine. Elle s’arrête d’un coup et fait un bisou aussi aux autres hommes de la pièce avec un sourire bien heureuse.

- Je vais faire une pyjama party, saute-t-elle gaiement.

Alors qu’elle rejoint la chambre, elle attrape Satsuki et lui fait un câlin. Puis elle prend Nozomi dans les bras. Elle est trop heureuse. Nozomi lui fait remarquer qu’il faut se mettre en pyjama pour faire une « pyjama party »… Sans soucis, Shira se déshabille et dévoile son dos à ses deux nouvelles amies.

- Qu’est-ce que…, fait Nozomi en regardant la tatouage qui était déjà recouvert par les cheveux de Shira, tu as un tatouage ?
- Un quoi ? se tourne Shira sans comprendre.
- Un tatouage, répète-t-elle le mot en le découpant. Une marque dans ton dos.

Shira penche la tête et sourit.

- Comment le saurais-je ? Je ne peux pas voir mon dos, j’ai quelque chose ? Comme un grain de beauté ?

Elle pousse ses cheveux et montre son dos sans comprendre ce que les femmes peuvent voir. Elle finit par oublier quand elle passe son pyjama tout doux que lui prête Nozomi et qui lui fait un corps parfait sous une soie d’un rouge éclatant. Shira est belle naturellement. Elle n’a pas besoin de beaucoup d’artifice. Satsuki lui propose de lui brosser les cheveux. Shira fait des yeux étoilés en s’approchant. Ses cheveux si longs sont une passion. Elle attend alors que Nozomi reprends des questions innocentes pour essayer d’en apprendre plus. Elle se dit que si elle arrive à avoir des informations sur cette louve qui semble intriguer le roi, elle aura plus de chance qu’il la remarque réellement. Satsuki, elle, est amoureuse de l’humaine depuis des années mais sait qu’elle ne la regardera jamais, préférant le roi à un simple employée comme elle. Elle brosse les cheveux de la louve en silence. La louve semble sentir ses sentiments parce qu’elle se penche un peu et lui fait un sourire éclatant auquel elle répond. Les sourires sont contagieux avec une personne comme elle au détour d’un couloir.

Sakura observe à nouveau la ruelle où devrait se trouver son amie. Son cœur bat trop fort alors que ses mèches roses sont désordonnées sur son bras. Elle sent la transpiration. Elle a prit une douche après son dernier client… mais maintenant, cela fait bien une heure qu’elle tourne dans les rues à la recherche de Shira. Elle ne la trouve pas. Son inquiétude est devenue de l’effroi. Elle a trop peur de trouver son cadavre quelque part.

Alors qu’elle passe dans la ruelle où Shira se trouve normalement, proche d’un café qui propose des chambres pour les personnes comme elles, elle voit un homme habillé en noir qui la toise. Le client de Shira lui a dit qu’un homme semblable à cette description a kidnappé Shira en l’assommant. Bien sûr, elle a réussi à comprendre que la personne ayant blessé le client n’était pas l’agresseur présumé mais Shira.

- Hé ! Toi ! crie-t-elle en faisant un mouvement pour aller le voir.

Elle essaie de le frapper avant de parler. Elle est une prostituée qui vit dans une chambre avec une autre fille et les toilettes dans le couloir, elle a l’habitude des petits cons qui essaient de leur faire du mal. Mais là, il s’agit de Shira. C’est toujours Shira. Quand elle essaie de le frapper, l’homme a disparu. Elle papillonne des yeux et tourne autour d’elle pour le chercher.

- Hé ! Où est Shira ?

Elle traverse la rue et cherche à nouveau dans les ombres. Elle sent encore son cœur qui bat la chamade. Elle a l’impression que son cœur va exploser. Elle tremble. Elle ne peut pas vivre sans sa petite douceur, son amie qui l’empêche de sombrer. Shira lui a ramener un sourire alors qu’elle pensait ne jamais en retrouver un, un jour. Elle a trouvé Shira en larmes au milieu de l’horreur et Shira a rapidement essayé de la faire sourire, elle. Comme si le monde et l’horreur ne pouvait éteindre la flamme de bonheur à l’intérieur de son cœur. Même si elle se souvient de rien. Qu’on lui a donné des surnoms un peu étrange, la douce femme est réellement comme blanche neige. Aussi pur malgré le boulot qu’elle lui a appris à faire. Elle est toujours souriante. Elle tourne encore sur elle-même et s’énerve en tapant dans les airs.

- OU EST-ELLE ?

Elle finit par croire voir l’ombre de l’homme et elle court pour le rejoindre. Elle n’est pas habillé assez chaudement pour l’époque. Elle porte une mini jupe qui montre sa culotte en dessous avec des chaussettes qui remonte « haut ». Elle porte une chemise ouverte de manière indécente sur sa poitrine pour attirer les regards… mais tout de suite, elle s’en fiche. Elle veut son amie. Shira est trop pure pour la laisser seule.

- Je ferais tout ce que vous voulez, supplie-t-elle alors que les larmes commencent à couler sur ses joues, mais ne blessez pas Shira.

Kuro manque à nouveau d’avaler de travers lorsque Shira fait remarquer qu’il est triste de dormir seul. Il répond un peu sèchement malgré lui.

”Je n’ai pas besoin de protection... et je dors mieux seul.”

Il ne voit pas en quoi c’est triste... S’il a déjà eu des moments d’intimités avec des hommes et des femmes, il ne passe jamais la nuit avec eux. Cela indiquerait un attachement qu’il n’a pas, même envers ses plus proches amis comme Shuito ou Aki. Cela fait bien longtemps que le vampire ne s’attache plus à personne... ça évite d’être blessé en cas de perte... et des pertes il a en connu bien trop depuis toutes ces années...

Lorsque Nozomi propose une pyjama party et que la vampire se joins aux deux autres, Shira semble ravie. Les hommes ricanent lorsqu’elle parle de câlins, et celui qui est intervenu un peu plus tôt ne cache pas son intérêt lorsqu’elle lui en propose un. Heureusement, Satsuki intervient avant que Kuroa ne le fasse, et l’homme se fait tout petit. Le roi n’a de toute façon pas fait très attention. Il ne revient à la réalité que lorsque la jeune femme se penche pour plonger son regard dans le sien. Il le soutiens, incrédule. Elle sourit encore, semble attendre qu’il en fasse de même, mais finit par abandonner. Le repas se termine avec les trois filles qui discutent et les hommes qui chuchotent entre eux. Kuro, lui, fredonne toujours la mélodie dans sa tête, passant en revue des milliers d’images à un rythme qui rendrait malade n’importe qui...

Au moment de quitter la table, il est à nouveau sorti de ses pensées par Shira qui vient l’embrasser sur la joue. Elle en fait de même avec les autres avant de suivre Nozomi et Satsuki.  

Kuro n’a pas terminé son assiette, mais il se lève à son tour et retourne dans son bureau. Il fredonne le chant malgré la migraine qui l’assaille. Si les vampires ne peuvent être tué, ils sentent malgré tout la douleur, et la mémoire trop pleine du vampire lui provoque souvent des maux de têtes abominables...

Alors que les heures passent, Kuro trouve enfin ce qu’il cherche dans ses archives mentales : L’image d’une vieille femme, dans un village chinois qu’il tente d’évacuer avant l’arrivée des troupes japonaises. La femme chante en emballant quelques affaires. Elle chante une berceuse chinoise...

Le vampire avait déjà compris que Shira est d’origine chinoise, mais le fait qu’elle connaisse cette berceuse, ajouté à son manque de vocabulaire et de tenue<, montre qu’elle n’est pas au Japon depuis très longtemps...

Elle a subi l’explosion qui a secoué le pays quelques années plus tôt, elle y a apparemment miraculeusement survécu... Où pouvait-elle bien se trouver pour être ainsi autant touché sans pour autant y succomber ?

Kuro fronce les sourcilles. Il faudra qu’il vérifie quelque chose concernant son amnésie... Mais là, il doit dormir un peu. Même en tant que vampire il a besoin de repos, et s’il vit plutôt la nuit, la soirée a été plutôt mouvement et vive en émotions...  

Dans l’intimité de son bureau, il sourit en revoyant Shira tenter de lui arracher un sourire par tous les moyens, mais ce sourire est bref. Cette jeune femme cache quelque chose, il trouvera quoi...

Kuro n’a pas eu besoin de lui demander directement. Il écoutait, et son roi le savait. Aussi le voilà dehors, de retour là où il a enlevé la louve, mais pour une humaine cette fois... et pas pour l’enlever. Kuro a bien précisé de ne pas profiter d’elle, mais il n’a pas dit qu’il ne pouvait s’amuser un peu sans la toucher...

Vêtu de noir, il se fond dans les ombres, observant la jeune femme chercher désespérément après son amie. Il trouve ça mignon, mais pas dans le bon sens du terme... Après, il la comprend aussi. Il sait que des liens puissants peuvent lier deux personnes. La preuve avec son roi...

Après plusieurs minutes, il finit par se montrer. La blonde le repère aussitôt et se rue sur lui, mais il s’éclipse avant qu’elle ne puisse le toucher. Il sourit, d’un sourire en coin provocateur, alors qu’elle hurle dans le vide. Elle court dans le vide...

Lorsque sa voix se brise, Shuito décide qu’il a assez jouer et vient se glisser derrière elle, silencieux comme l’ombre qu’il est. C’est un peu comme un pouvoir, une capacité qu’il a développée en tant que vampire. Ça n’a rien de surnaturel, c’est juste... pousser ses capacités à l’extrême, d’une certaine façon. C’est entre autres pour ça qu’il est le bras-droit du roi. Aki est son conseillé, Shuito est son espion.  

Proche de la jeune femme, il fronce le nez. Elle pue... et elle pleure...

Shuito a beau se considérer comme un salaud, il n’aime pas les larmes...

”Je viens de sa part, pour vous prévenir qu’elle va bien. Elle est hébergée au manoir le temps qu’il lui plaira.”

Il aurait pu jouer sur ses mots alors qu’elle a dit faire ce qu’il voudrait s’il ne blessait pas la dénommée Shira, mais il a promis... d’une certaine façon...

Il est bien conscience qu’il manque des infos à la demoiselle pour comprendre exactement ce qu’il vient de lui dire. Souriant de nouveau, il la regarde de la tête aux pieds avant de reprendre.

”Vous n'êtes pas mal non plus. Vous devriez travailler à deux, avec votre amie, ça pourrait vous rapporter gros.”  

Oui, Shuito est un gougea... S’il vouvoie tout de même la blonde, il a depuis longtemps oublié les conventions de son époque. Lui, il s’amuse de sa condition...

Sakura respire difficilement. Elle sait bien qu’on est en train de se jouer d’elle. Depuis onze ans, elle a appris à ressentir les gens et les situations. Elle sait quand on la titille, quand on l’embête, la harcèle, s’amuse d’elle. Elle arrive à ressentir les intentions. Et là, l’inconnu la “taquine”. D’ordinaire, elle aurait utilisé ce genre de taquinerie pour le séduire, lui faire apprécier son corps ferme et le faire craquer. D’ordinaire, elle aurait utilisé le caractère particulier de son inconnu contre lui. Mais là, elle est trop inquiète. Elle se mord les doigts mentalement. Elle veut trouver Shira et le sang qui pulse dans son crâne se compresse et se serre. Elle a l’impression que ça chauffe en elle. Shira est la seule lumière dans l’océan de noirceur de son monde. Elle sait bien qu’elle ne pourrait pas être sa fille, mais qu’importe. Une petite voix dans son esprit a fait un jour un parallèle entre les deux, et depuis elle ne pouvait plus se défaire de cette impression.

Alors, l’homme qui s’amuse à la torturer ne sera pas charmé. Elle va le frapper jusqu’à ce que mort s’en suive, plus certainement, et retrouver cette princesse sans couronne. Elle essaie de tendre l’oreille, d’être attentive. Elle n’est qu’humaine, même si elle, elle ignore l’existe d’un monde plus sombre, mais elle reste attentive à chaque déplacement de l’air.

Alors qu’elle stresse encore, elle sent une présence dans son dos qui ne devrait pas y être. L’homme parle, elle se retourne pour essayer de le frapper mais il n’y a nouveau rien. Bordel. Est-ce qu’elle devient complètement folle ? Il est plus loin que ce qu’elle croyait. Elle fronce les sourcils.

- Au manoir ? Vous me prenez pour une imbécile ?

Qui, dans cette planète, irait croire lorsqu’un inconnu à l’air douteux dit avoir hébergé une fille mignonne et vulnérable dans un manoir ? C’est pire que douteux. Elle ne peut pas lui faire confiance. Elle toise l’inconnue. Elle se dit qu’il est moche alors qu’une voix rigole de son manque de mauvaise foi. Elle ne peut décemment pas trouver un homme horripilant sexy. Elle pince ses lèvres et lui lance un autre regard furibond.

- Vous mentez ! Si vous avez pris une seconde pour parler avec Shira vous sauriez qu’elle n’est pas le même genre que moi !

Elle ne laissait jamais Shira prendre des clients violents. Sakura possède des ecchymoses sur les bras et dans le cou, preuve de sévisses qu’elle ne laisserait jamais faire à Shira. Et donc l’homme ne peut pas lui avoir parlé. Sinon, il serait au courant que Shira est bien plus pur que ce qu’elle ne le sera jamais. Cela est visible. Elle est une prostituée dans tout le cliché du terme quand Shira est clairement pas à sa place dans la rue. Sakura a essayé de faire partir la jeune femme ailleurs, inconsciente que la louve est bien plus vieille qu’elle en réalité, mais Shira revenait toujours vers elle. Pour dormir, qu’elle disait. Et parce que, malgré leur métier, il y a une certaine fraternité entre elle. Elle monte un doigt pour l’accuser à nouveau.

- Et si vous l’aviez regardé vous ne ferez pas l’affront de me comparer à ce jolie petit ange ! Alors dites-moi où elle est ou je… je…

Elle attrape la première chose qui lui passe sous la main, un reste de burger qui sent le moisi et elle lui balance dessus. Voilà. S’il ne répond pas, elle le frappe avec des ordures pour qu’il puisse avoir l’odeur qui lui sied.

- Qu’est-ce que le manoir ? Et si vous la vouliez pourquoi est-ce que vous êtes ici ? Même si elle a un travail difficile, elle n’est pas un objet à enfermer et vous allez me la rendre !

Oui, elle l’ordonne, mais elle tremble aussi. Parce qu’elle ne se sent pas à l’aise avec l’homme en face d’elle. Même si l’ombre n’est pas complète, ce qui reste dissimulé par la noirceur l’inquiète. Elle a peur. Elle frissonne de tout ce qu’on peut faire à Shira. Même si cette dernière ne se laisse pas faire quand elle a mal, Shira a peur pour son cœur. Parce que Shira est un ange tombé du ciel dans la décadence de ce monde. Sakura prend une autre ordure, prête à lui balancer dessus s’il ne répond pas rapidement.