Elle y croit. Pendant une seconde, tandis qu'il pose son front contre le sien, elle est persuadée que le jeune homme va l'embrasser. Et elle est plus que prête pour ce premier baiser, le tout premier qu'elle ait jamais reçu. Elle s'y attend, retient sa respiration, sent son cœur qui tambourine violemment dans sa poitrine et frotte même ses propres lèvres l'une contre l'autre mais... Le baiser qu'elle attend, qu'elle espère, ne vient jamais. Evidemment. Il n'a aucune raison de l'embrasser. Ils ne sont qu'amis. La douche froide quand elle le réalise, quand elle réalise les espoirs qui ont été les siens pendant quelques minutes et ce qu'elle aurait pu se laisser aller à faire si elle avait eu un peu plus de courage, au risque de briser leur amitié.

Quand il s'éloigne d'elle pour saluer Julia, Lisa se sent penaude, fixant ses chaussures un instant, le temps de se reprendre alors qu'il demande après leurs valises pour les décharger un peu, sa voiture étant un peu plus loin sur le parking. Lisa proteste en lui adressant un nouveau sourire, assurant qu'elle peut s'occuper de sa valise toute seule, mais finit tout de même déchargée de celle-ci, Andy en prenant une dans chaque main en ne leur laissant que leurs sacs sur le dos. Trop serviable. Trop gentil. Trop poli. Et trop sexy. Lisa pousse un soupir discret comme elle se laisse à penser, une fois de plus, que l'objet de tout ses rêves, de tout ses fantasmes, est beaucoup trop parfait. Peut-être même trop bien pour elle. Et pour quiconque, en fait.

Il lui adresse un sourire et elle lui répond, son cœur battant la chamade. Que ne donnerait-elle pas pour être de nouveau entre ses bras, portée par la taille en tournoyant en l'air, comme Ariel ? Elle sait pourtant que ce qui est arrivé ne se reproduira jamais, sinon dans ses rêves. Elle sait que ça n'était rien de plus qu'un instant volé au monde.

"- Un peu long mais... Dans l'ensemble, ça allait..." souffle Lisa sans pouvoir lui dire qu'elle trépignait d'impatience de le revoir tout au long du vol. Sans pouvoir lui dire qu'il était celui qui avait rendu ce moment insupportable.

Derrière eux, Julia ralentie son allure, les observant sans un mot, se contentant d'esquisser un sourire en coin alors qu'ils ne s'aperçoivent même pas qu'ils sont en train de la semer, perdus dans leur discussion, dans leur monde de nouveau, focalisés l'un sur l'autre, au moins jusqu'à la voiture. Lisa se retourne, observe le parking et fronce les sourcils.

"- Maman ? Maman !" appelle la demoiselle. "On a dû la semer..."

Tu détournes le regard pour ne pas montrer tes rougeurs. Mais diable, quelle mouche t'as piqué pour faire ça ? Il y a eu un instant de bascule, un court instant où tu as failli laisser ton cœur parler et pas le reste du corps ou même du cerveau. Il se serait passé quoi ? Tu l'aurais embrassé sans le savoir et après ? Tu t'en mords doucement les doigts. Bien sûr, tu avais imaginé ce moment à l'instant où elle était partie en voyage. Tu t'étais imaginé pouvoir la récupérer et l'embrasser, comme dans ces films, à la fin, où le couple se retrouve malgré la distance et les épreuves.

Mais vous n'étiez rien de cela. Vous étiez juste des amis, très proche. De base, en plus, tu n'étais même pas censé être là. C'était le blond qui devait être à ta place, comme à chaque fois. Tu ne sais toujours pas par quel miracle les événements se sont enchaînés pour que tu sois là, avec deux valises à la main et la rouquine à tes côtés. Tu souris un peu quand elle te répond pour le voyage et arrive à ta voiture en ouvrant directement le coffre.

- J’suis sûr que tu vas vouloir te jeter sous une douche fraîche chez toi.

Que tu réponds quand elle te dit que le voyage a été long. Tu te prépares à fermer le coffre, pouvoir leur ouvrir les portières et prendre la route quand tu bug un instant quand Lisa appelle sa mère. Tu te retournes un instant, voyant bien que vous étiez seul. Attend ? Depuis quand ? Tu fronces les sourcils et regardes la jeune adolescente, légèrement en panique.

- Comment ça, on a dû la semer ? On marchait pas vite. Si ?

Tu regardes autour, partout. Non… Nul trace de Julia. Mais merde ? Tu prends la main de Lisa et hoches la tête. Ne pas paniquer, prendre les choses en main et faire ce que ta propre mère aurait fait. Agir étape par étape.

- Ok… On se sépare pas et on fait demi-tour. Elle doit bien être quelque part. Essaye de l’appeler.

Tu es là, au milieu de ta chambre qui est parfaitement rangée. Tu essayes de comprendre comment tu en es arrivé là, sac dans le dos, papiers d’identité et billet d’avion à la main. Tu te souviens du discours de ton père ce fameux matin où tu avais appris à la fois pour ta sœur et pour le stage de gardien à Washington. Tu ne sais même pas comment et pourquoi il avait choisi ce lieu. Peut-être pour la distance, pour t’éloigner un peu d’ici. Ou alors c’était le plus réputé et le plus cher. Tu ne sais pas, avec ton père, c’était soit l’un, soit l’autre.

- AAYDEN ! ON VA Y ALLER !

Que tu entends du rez-de-chaussée. Tu soupires, reconnaissant la voix de ton frère aîné. Tu secoues la tête, répondant en hurlant aussi que tu arrivais avant de jeter un regard vers ton balcon. Mais rien. Il n’y avait personne de ce côté-là. Tu serres les dents en te remémorant les derniers messages échangés avec la brune en face. Froid. Du moins, tu avais essayé d’être froid alors qu’elle te lançait des piques, te remettant à la gueule ce que tu lui avais balancé il y a quelques années. Elle n'avait pas oublié. Et tu voyais bien qu’elle t’en voulait encore pour ça.

Tu soupires et descends alors pour saluer rapidement ta mère qui semblait déjà à moitié endormie sur le canapé, un verre de vin blanc à la main. Elle avait à peine répondu quand tu lui avais dit au revoir et avait ensuite suivi Arthur qui était en train d’essayer de ranger ta valise dans le coffre de sa voiture avec l’aide de votre père. Les voyant galérer, tu voulais aider, mais on t’a bien fait comprendre que non. Tu avais alors lèves les yeux aux ciels avant de te retourner une dernière fois, observant la façade de la maison et… Instinctivement, tu t’es tourné vers la maison des Hardt.

Tu écarquilles les yeux, voyant la petite silhouette de la patineuse qui se dessine sur son propre balcon. Tu souris, presque tout de même heureux de la voir. Tu déglutis lorsque tu comprends que son regard est tourné vers toi. Tu te mords l’intérieur des joues et lèves un peu la main pour la saluer. Mais la voix de ton père te ramène à la réalité et tu l’abaisses rapidement, honteux. Tu lances un regard désolé à l’adolescente avant d’entrer dans la voiture de ton frère, sans saluer ton père. Tu grimaces alors que tu entends à peine ce qui est dit et tu commences à voir le paysage défiler en silence.

Pourtant, au milieu du chemin, Arthur te tend son téléphone pour que tu puisses donner des nouvelles à Lisa. Tu as froncé les sourcils, pensant à un piège, mais au visage de ton frère, il semblait étrangement sincère. Il semblait tout aussi blasé que toi du comportement de votre père. Tu ne te souviens plus très bien de son monologue, mais tu comprenais qu’il était plutôt, lui aussi, en désaccord avec la querelle envers les voisins. Il n’a rien rajouté de plus pendant le reste du trajet jusqu’à te déposer à l’aéroport, avertissant que ce sera lui aussi qui viendra te chercher au retour. Tu le salues rapidement avant d’enregistrer ta valise et de déambuler dans l’aéroport, apprenant un petit retard de ce dernier. Évidemment.

Pourquoi la journée semblait…

- Aayden !

Hein ? Cette voix ? Tu te retournes rapidement et écarquilles les yeux en reconnaissant la femme qui venait vers toi, toute bronzée, toute souriante.

- Julia ? Mais qu’est-ce que..

Tu n’as pas le temps de finir ta phrase qu’elle te prend dans ses bras. Tu souris, la serrant contre toi. Un peu de réconfort et d’amour dans cette matinée de merde finalement. Elle t’embrasse la joue et tu souris, essayant de ne pas pleurer, heureux de la voir ici.

- Mais pourquoi vous...
- Oh ! On venait d’arriver avec Lisa quand Andrew est venu nous chercher… On a avancé et… je me suis perdue.

Tu clignes des yeux rapidement, essayant de comprendre la situation. Tu plisses les yeux, sachant très bien que la presque quadragénaire est la dernière personne capable de se perdre. Tu te souviens d’une balade dans un Walmart avec elles, où tu tenais la main de Lisa et vous aviez réussi à faire les courses sans vous perdre, suivant la mère célibataire qui vous avait guidé d’une main de maître. Non, il y a autre chose. Et son regard pétillant te fait sourire. Elle a compris.

- Vous les avez perdus ?
- Oui.. Ou alors j’ai marché moins vite, qui sait…

Qu’elle répond en te faisant un clin d’oeil. Tu souris et te pinces les lèvres.

- Ah… Oui… Je vois…

Vous rigolez doucement, sachant sûrement sans les mots de quoi il s’agissait. Oui, donc Julia l’avait bien fait exprès de ralentir pour partir ailleurs, laissant ton amie seule avec Myers. Tu pouffes un peu avant qu’elle ne pose sa main sur ton bras, inquiète. Ah, instinct maternel qui revient. Tu souris.

- Mais et toi ? Tu n’es pas en stage ?
- Mon avion a un peu de retard, mais j'ai ma carte d’embarquement, donc ça devrait pas tarder.
- File alors. Et donne nous de tes nouvelles. A ton retour, tu es le bienvenu à la maison, tu le sais ça ? Ne t’en fais pas, je dirais à Lisa que tu étais là.

Qu’elle rajoute en te caressant la joue. Tu hoches la tête, la remerciant avant de la reprendre dans tes bras une dernière fois. Tu soupires avant de pouvoir passer pour rejoindre la partie autorisée qu’aux voyageurs. Tu fais un grand coucou à Julia avant de lui faire signe de se retourner. Tu avais cru reconnaître la silhouette de Myers courant vers elle. Mais c’est trop tard pour que tu puisses saluer Lisa… Tu soupires doucement, un peu triste pour ça. Tu te concentres alors de nouveau sur ton chemin, casque sur tes oreilles… Ces deux semaines vont être longues..

”- J’aurais bien aimé la piscine de Denden mais, écoute, son père a décidé d’être un parfait connard comme d’habitude et de l’envoyer à l’autre bout du pays. Donc je me contenterais de la mienne, hein.”

Ce ne serait pas de refus, en fait. D’accord, elle n’a peut-être pas de piscine olympique, elle, mais elle a de quoi survivre à la chaleur estivale et c’est déjà très bien, elle ne va pas s’en plaindre. De quoi presque lui permettre de se croire encore aux Fidji, en fermant les yeux. Le pied total. Même si elle aurait préféré pouvoir passer du temps avec son meilleur ami et que la déception est bel et bien là, de l’avoir loupé à cause de son foutu père, elle sait qu’elle doit prendre son mal en patience et que, le mieux à faire, c’est de ne pas trop y penser, même si l’idée de le voir plus rapidement que prévu lui titille l’esprit. Seattle n’est jamais qu’à cinq heures d’avion et une centaine de dollars, après tout.

”- Tu veux venir ? Si… Si t’as rien de prévu ?”

Arrivant à la voiture, elle aide Andy à charger leurs affaires avant de se retourner pour prendre le sac de sa mère, sans trouver cette dernière derrière elle, derrière eux. L’appelant, Lisa fronce les sourcils, répétant son nom, avant de supposer qu’ils ont dû la semer. Sa mère est pourtant du genre à ne pas trop se traîner et ne se perd jamais. Mais pour une fois… Elle a dû s’arrêter pour regarder un truc et ils ne l'ont pas vu. Rien de bien grave, rien de dramatique mais, bon…

”- Je vais voir si elle me répond. Mais je reste avec toi. Elle dit toujours de ne pas s’éparpiller et que, quand on se perd, on doit simplement rester là où on est. Je pense que si on refait le chemin en sens inverse, on devrait facilement la retrouver. Elle a dû s’arrêter pour regarder un truc dans une boutique, je pense.” assure Lisa, en plaquant son téléphone contre son oreille.

Sa mère ne répond pas, n’ayant peut-être pas encore remarqué que les patineurs ne sont plus avec elle. Lisa pousse un soupir. Ils n’ont plus qu’à essayer de la retrouver, dans l’immensité de l’aéroport. Rangeant son téléphone dans sa poche, s’étant assuré que la sonnerie soit activée, elle tourne la tête vers Andy et hésite, un instant. Ce serait bien de ne pas le perdre lui aussi dans le grand hall de l’aéroport mais, elle ne sait pas. Elle hésite, avant d’oser prendre sa main. Elle a les joues rouges, se faisant.

”- Autant éviter une deuxième disparition.” prétexte-t-elle, parce que c’est la vérité et pour cacher que, lui tenir la main, elle en crevait d’envie, dans un autre contexte.

Le coffre de la voiture refermé, ils refont le même chemin qu’ils ont déjà emprunté, scrutant la foule dans l’espoir d'apercevoir le visage de Julia. Andy étant plus grand, c’est lui qui finit par repérer l’élégante quadragénaire à laquelle il adresse un signe avant de courir, Lisa sur ses talons. Et son cœur qui tambourine dans sa poitrine n’a rien à voir avec cette course, comme son corps est plus qu’entraîné pour le cardio. Non. Si son cœur bat aussi vide, jusqu’à le sentir pulser dans sa main, c’est parce que, bon sang, Andy est avec elle.

Quand enfin ils arrivent à hauteur de sa mère, leurs mains mettent quelques instants à se séparer, Lisa assurant à la rouquine qu’elle leur avait fait peur, à disparaître comme ça. Et elle ne parle pas d’elle seulement, car Andy lui aussi a semblé s’inquiéter pour elle, bien qu’ils savaient tous deux qu’elle ne pouvait pas être loin. La retrouver la soulage néanmoins et, quand elle va pour tourner les talons, son regard accroche une silhouette, dans l’espace réservé aux voyageurs.

”- Mais c’est…”

Non ! C’était donc lui qui avait retardé sa mère ? Et elle ne l’avait pas vu ? Lisa déglutit. Ce n’est pas possible. Elle n’est quand-même pas passé à côté de lui sans qu’ils ne se voient ? C’est possible, bien sûr, il y a tellement de monde dans l’aéroport que, perdus dans la foule, ils ont pu ne pas se voir. Mais cette idée l’attriste. Elle avait eu une chance, une occasion, de le serrer dans ses bras avant qu’il ne s’envole, entre leurs deux voyages. Une occasion qu’elle avait manqué et qui fait naître une boule dans sa gorge.

”- Denden !”

Peu importe que sa voix résonne dans le hall de l’aéroport, tandis qu’elle avance jusqu’aux vitres qui la séparent de l’espace réservé aux voyageurs prêts à embarquer. Peu importe que quelques voyageurs se retournent vers elle, certains la jaugeant du regard avant de poursuivre leur route. Peu importe que ces gens la prennent pour une folle. Ils ne comprennent pas la tempête intérieure qui l’anime, malgré le calme apparent de sa silhouette. Ils ne voient pas l’humidité qui a envahit ses yeux et cette envie furieuse de le rejoindre, de passer ces portiques de sécurité, pour le serrer dans ses bras avant qu’il ne décolle. S'assurer qu’il va bien. Lui transmettre un peu de courage et l’assurance que tout va bien, avant qu’il ne s’envole.

Main dans la main, vous voilà en train de sillonner l’aéroport en long et en large. Tu ne remarques rien pour le moment, râlant intérieurement de ne pas avoir fait plus attention à ce qui se passait derrière toi. Tu grimaces, serrant la main de Lisa fermement dans la tienne, de peur de la perdre elle aussi. Tu t’en voudrais et tu ne voudrais pas recevoir un coup de crosse dans la gueule au retour du goalie, s’il l’apprenait. Et Dieu sait qu’il l’apprendra d’une manière ou d’une autre. Alors tu ne perds pas de vue cet objectif, tout ne cherchant dans la foule une tête rousse.

Rien aux arrivés. Tu secoues la tête, alors que l’endroit se vide doucement. Vous décidez alors de partir de l’autre côté, celle des départs. Ce serait étrange qu’elle soit par là, mais sait on jamais, et c’est l’endroit où le plus de boutiques sont ouvertes. Tu grimaces un peu, paniquant doucement, le cœur battant avant de remarquer de profil la mère célibataire.

- Là !

Que tu dis à Lisa victorieux, alors que tu remarques qu’elle dit au revoir à quelqu’un. Tu t’approches, lâchant la main de Lisa pour qu’elle parle avec cette dernière. Tu secoues la tête, soulager tout de même de l’avoir retrouvé avant de suivre son regard, porté sur la vitre de sécurité, séparant l’aile des départ et les voyageurs avant de tilter. C’était donc ça. C’était donc lui qu’elle avait vu.

- Lisa…

Que tu essayes d’avertir avant de voir l’adolescent se tourner d’elle-même, reconnaissant la tête blonde qui sortait du lot, un sac à dos noir dans la main et un casque sur les oreilles. Elle se jette vers les vitres, sans avertir. Tu regardes Julia, un peu perdue alors que cette dernière te fait signe de suivre sa fille. Tu grimaces et approches un peu, voulant tout de même lui laisser un peu d’intimité. Tu souris, voyant que le gardien avait aussi remarqué son amie de son côté, se rapprochant de la vitre à son tour pour poser une main dessus. Il sourit, tu souris. Vous n’entendez pas ce qu’il dit, mais fait comprendre qu’il doit partir et qu’il appellera la patineuse dès qu’il sera à Washington. Tu lui fais signe quand il t’aperçoit, approchant ensuite de la rouquine, posant tes mains sur ses épaules en murmurant.

- Lisa… Viens…

Vous reculez, il recule de son côté, levant le pouce dans votre direction et commence à rejoindre les autres voyageurs. Tu soupires, comprenant la soudaine frustration qui doit naître dans l’esprit de l’adolescente dans tes bras et lui caresse le dos.

- Hey… Ça va aller… On pouvait pas savoir qu’il partait maintenant…

Quand elle aperçoit Aayden, dans la foule des voyageurs sur le départ, son monde s'arrête de tourner quelques minutes. Focalisée sur la silhouette du goalie, Lisa sent une boule se former dans sa gorge alors que son regard reste fixé sur lui et qu'elle approche de la vitre, comme hypnotisée, appelant le jeune homme qu'elle aurait tant voulu serrer dans ses bras  et qu'elle vient de manquer. Elle déglutit. Il se retourne, malgré son casque sur les oreilles, la repérant à son tour avant d'approcher de la vitre sur laquelle il pose sa main, au même endroit qu'elle a posé la sienne. Seul ce bout de verre les sépare alors et l'espace d'un instant, Lisa a l'impression de le sentir disparaître. De sentir sa main contre la sienne.

Elle voudrait le prendre dans ses bras, mais elle ne le peut pas et, en elle, c'est une vraie tempête émotionnelle qui se lève et que seule la présence d'Andy à ses côtés apaise. Là, tout de suite, elle en veut au père Sachs, soupçonnant presque qu'il l'a fait exprès. Il en serait capable. Ce n'est pas comme s'il l'appréciait. Il ne fait que la tolérer, parce qu'il n'a pas le choix. Mais elle est trop proche de son fils, et va trop dans le sens de ce dernier, pour qu'il puisse ne pas la détester au même titre que les autres. Peut-être aussi parce qu'il se doute qu'elle sait ce qu'il fait, quel genre de sale type il est. Il serait bien capable d'envoyer son fils dans l'état de Washington pile lorsque sa meilleure amie rentre, juste pour l'éloigner de Lisa encore quelques jours. Pour l'éloigner des Sachs en premier lieu, bien sûr, mais sûrement d'elle aussi. Ouai. Elle sait qu'il pourrait. Elle sait que c'est ce genre de connard là.

Il parle mais ils ne peuvent rien entendre au travers de la vitre et Lisa sait qu'il ne l'entendait pas non plus si elle parlait. Alors elle se contente d'un hochement de tête en comprenant ce qu'il dit, en comprenant qu'il l'appellera plus tard mais que, pour l'heure, il doit y aller. Et ses yeux s'humidifient plus encore. Je t'aime fort dit-elle sans parler, espérant qu'il pourra le lire sur ses lèvres alors qu'elle articule exagérément, exprès.

Andy pose ses mains sur ses épaules et la fait reculer, caressant son dos pour essayer de la réconforter, affirmant qu'ils ne pouvaient pas savoir que Den serait là. Elle sait. Elle sait mais elle n'en a pas moins mal. À quelques minutes près… seulement quelques minutes… Elle déglutit et se laisse prendre dans les bras du jeune homme à ses côtés, le laissant la soutenir alors qu'elle garde son regard sur la silhouette qui s'éloigne.

”- Encore quelques minutes. S'il te plaît…” souffle-t-elle pour Andy.

Tu souris doucement, la voyant aussi détruite. Tu soupires, souriant un peu au blond de l’autre côté alors que ce dernier commence à partir de son côté, rejoignant sa porte d’embarquement pour aller dans son avion, avec le reste des voyageurs. Tu tiltes un peu, le voyant s’aligner, non pas avec le reste, mais avançant, sans crainte, sur la ligne des premières classes. Ah oui. Son père peut se le permettre ? Quoi que, vu qu’il est capable de l’envoyer à l’autre bout du pays pour deux semaines dans un stage sportif tous frais payés… Ouais, il peut lui donner une place en première.

Tu soupires et embrasses Lisa sur la tempe pour la rassurer, continuant de lui caresser le dos et le bras, la gardant contre toi. Tu ne peux pas faire plus, à moins de bloquer l’aéroport, faire arrêter l’avion et déchirer le billet de stage du gardien. Oui, dis comme ça, on dirait que tu pourrais faire ça pour revoir le sourire sur le visage de la rouquine. Mais les conséquences derrière… Peut-être pas de Sachs directement, mais le père… Vu ce que tu avais appris de ce dernier… Il valait mieux attendre que le hockeyeur soit majeur pour l’envoyer balader. Tu souris doucement, murmurant.

- Il est parti… Aller vient…

Que tu dis en venant face à elle pour la prendre dans tes bras, la berçant pour qu’elle puisse reprendre ses esprits. Tu croises le regard de sa mère qui te sourit tristement. Tu ne sais pas combien de temps, tu restes là, à réconforter l’adolescente, alors que tu la sens contre toi, vidée, exténuée, en colère, frustrée. Et tu peux facilement comprendre pourquoi. Si tu avais été à sa place, tu aurais sûrement tapé la vitre pour dire au revoir à Corny, l’histoire de la voir avant son départ. C’est comme ça. Tu comprends ce lien qu’il y a entre eux… Tu le jalouses un peu, mais tu le comprends…

- Ça va mieux ?

Que tu oses demander, essayant de croiser son regard.

Elle reste comme ça de longues minutes sans bouger, à simplement regarder son meilleur ami s'éloigner d'elle et souffrir de ne pas l'avoir vu plus tôt, souffrir de ne pas l'avoir repéré dans la foule alors qu'elle aurait pu le serrer entre ses bras, entre leurs vacances respectives, si tant est que leurs voyages puissent être considérés comme tels.  Elle aurait voulu qu'ils aient au moins quelques jours pour se remettre de leur séparation mais, alors que le ciel n'avait pas voulu les leur accorder, elle devrait se contenter de prendre son mal en patience et de ces quelques instants volés, à observer la silhouette de l'homme qui s'éloigne si loin d'elle.

Quand il quitte son champ de vision, la demoiselle revient contre la vitre, posant sa main dessus de nouveau alors que ses yeux laissent tomber quelques larmes et elle observe le mouvement des voyageurs qui entraînent Denden si loin d'elle. Il est parti. Ce n'est que pour quelques jours mais, pour elle, quelques jours sont terribles. Plus qu'elle ne peut supporter. Même si elle sait qu'il ne l'abandonne pas de son plein grès, elle a du mal à ne pas appréhender. À ne pas sentir son coeur battre la chamade dans sa poitrine. Les au revoir sont toujours pour elle quelque chose de terrible. Quelque chose d'affreux. Elle le sait, sa mère le sait et... Denden aussi, le sait. C'est peut-être pour ça, d'ailleurs, qu'il n'a pas prévenu qu'il était dans l'aéroport à l'heure où elle devait arriver. Pour lui epargner ça. Pour ne pas la voir souffrir. Pour ne pas risquer de faire demi-tour, devant sa détresse. S'il n'y avait pas eu sa mère et Andy près d'elle, peut-être qu'il n'aurait pas pu avancer.

Andy, d'ailleurs, affirme que Den est parti à présent et qu'il n'y a plus rien à faire jusqu'à son retour. Elle hoche la tête. Elle sait. Elle sait qu'à partir de maintenant, elle devra attendre pour le voir, pour le presser contre elle. Et c'est difficile. C'est difficile mais Andy vient se placer face à elle pour la bercer, passer une main dans son dos et la soutenir, tant bien que mal, restant ainsi le temps nécessaire pour qu'elle se calme finalement, avant qu'il ne demande si elle va bien. Elle hoche la tête.

"- Tu... Tu viens à la maison, alors ?" souffle-t-elle. "Pour... La piscine..."

Histoire que le niveau de cette journée soit relevé, même si elle avait fait une proposition auparavant, avant... Tout ça.

La voir ainsi, les larmes sur les joues, la colère dans le regard … Ton coeur ne le supporte pas. Alors tu essayes de la réconforter, lui faire comprendre que tu étais là, malgré tout. Que si elle avait besoin d’en parler, tu serais une oreille attentive, prêt à encaisser sa rage contre le père Sachs, prêt à la réceptionner dans sa chute émotionnelle. Et tu es donc là, à la bercer dans tes bras comme tu pouvais, lui murmurant que tout ira bien. Un lourd sentiment d’impuissance t’envahit, comme si en partant, le blond avait emporté la joie de vivre de la jeune adolescente.

Et toi, là, tu te sens incapable pour le moment de lui rendre à sa juste valeur. Tu te sens incapable de lui offrir ce qu’elle mérite vraiment. C’est peut-être ça qui te fais si peur en fait, qui t’empêches de pouvoir te donner une chance avec elle. Ce qu’il lui offre lui, est certes purement de l’amitié, mais tu sais qu’il pourrait être prêt à soulever des montagnes et des rivières pour elle que tu te sens pas à la hauteur de tout ce qu’il pourrait entreprendre. Pourtant, tu es soutenu. Tu es soutenu par ta propre meilleure amie et le goalie aussi.

Parce qu’en croisant son regard, tu a cru comprendre qu’il savait. Il souriait, comme s’il te faisait confiance, te laissant entre tes mains la personne la plus précieuse au monde à ses yeux. Une légère pression vient sur tes épaules alors qu’elle finit par se retirer, essayant de te répondre malgré l’émotion. Tu souris alors, jetant un regard à sa mère qui hoche elle aussi la tête. Tu tends alors la main vers Lisa, comme une invitation et répond simplement :

- Ce sera avec joie.

Bien sûr, tu prendras le temps de prévenir ta mère sur le chemin, qu’elle n’envoie pas ton père et ton frère te chercher en urgence avec une alerte disparition ou enlèvement sortie de nulle part. Mais tu acceptes, sans réfléchir, au moins pour lui permettre de sourire, ne serait-ce que pour cette journée.

Quand Andy avait accepté de venir chez Lisa pour profiter d'une après-midi à la piscine, bien que celle-ci soit moins impressionnante que celle, quasi olympique, des Sachs, Lisa avait porté ses mains à ses joues pour les essuyer, espérant que son mascara était suffisamment waterproof pour ne pas lui donner des airs de panda. Elle ne s'était même pas rendu compte, jusque là, qu'elle pleurait. Elle ne s'était pas rendu compte, avant ce moment, que sa peine avait été aussi expressive et elle se mord doucement la lèvre, en craignant... Quoi donc ? Elle ne savait pas très bien. Mais elle avait peur, quelque part, que cette émotion évidente la prive des maigres chances qu'elle ne pensait même pas avoir avec Andy mais qu'Aayden semblait croire qu'elle avait.

"- Cool!" affirme-t-elle alors, lui adressant un sourire qui n'atteint qu'à peine ses yeux.

Elle réalise, seulement, qu'elle n'a pas demandé son autorisation à sa mère et ce par deux fois, déjà, mais elle sait aussi que Julia Hampton n'est pas le genre de maman à lui refuser d'inviter ses amis chez elles, plus encore quand elle est dans un tel état émotionnel, ce qui reste relativement rare. En fait, c'était toujours pour Aayden - à cause de son père- ou à cause de son propre père, autrefois, quand elle essayait encore de nouer un contact et que ses lettres lui revenaient sans avoir été ouvertes. C'était le genre de choses qui la dévastaient et qui provoquaient son besoin d'être entourée. De n'être surtout pas seule. De ne pas se sentir abandonnée.

Rejoignant la voiture du jeune homme, Lisa ouvre la porte arrière dans l'idée de laisser le siège passager avant à sa mère qui, pourtant, le refuse, proposant cette meme place à sa fille qui, protestant tout d'abord, finit par capituler et se glisse alors aux côtés du jeune homme, attachant sa ceinture en lui adressant un nouveau sourire qui, cette doit, illumine fugacement son regard.

"- Tu as l'adresse ?"

Évidemment, il l'a. Aayden n'a pas fait les choses à moitié quand il s'est occupé de briefer Andy pour le remplacer à l'aéroport. Comme quoi le goalie est capable de ne rien oublier, par moment. Mais il faut dire aussi que Lisa n'est pas n'importe quoi ni n'importe qui dans son esprit.

La voiture file et, bientôt, arrivée chez elle, Lisa s'inquiète de savoir s'il a de quoi se baigner avant de disparaitre dans sa chambre pour se préparer, y jetant sa valise qu'elle s'occupera de ranger plus tard mais ouvre pour en sortir un maillot bleu roi qu'elle s'empresse d'enfiler.


Lisa encore dans sa chambre, Julia observe le jeune homme, un léger sourire sur ses lèvres. Elle le connait de loin, bien sûr, et parce que Lisa a déjà parlé de lui pas mal de fois, se croyant sûrement discrète sans l'être. Aujourd'hui, il est encore plus évident qu'elle ne s'est pas trompé sur certaines choses qui ont éveillé ses soupçons jusqu'ici. Se préparant un café elle lui en propose un et lui adresse un sourire.

"- Merci Andrew. D'être là pour elle, je veux dire."

Pas seulement d'être venu les chercher, non. Mais d'être là, dans sa vie. De la soutenir. D'être ici pour le bien de Lisa, pour rattraper cette journée qui a bien mal commencée pour elle. De se soucier d'elle et de comment elle va. Elle élargit son sourire.

"- Elle t'aime bien, tu sais." souffle la mère avant de souffler sur son café tandis que la voix de Lisa se fait entendre en même temps qu'on entend son pas léger dans l'escalier.
"- Vous parlez de quoiiiiii ?"
"- De rien ma chérie. De rien. Je vais aller faire les courses et récupérer Lady. Vous faites attention à vous avec la piscine, n'est-ce pas ? Crème solaire et immersion régulière."
"- T'inquiètes pas !" souffle Lisa alors que son coeur s'emballe.

Elle va être seule. Chez elle. Avec Andy. Dans une piscine. Seigneur, si ça ce n'est pas sensé être impressionnant, elle ne sait pas ce que c'est.

Doucement, Lisa reprend ses esprits, se souvenant alors que tu étais là. Tu avais alors dis que tu acceptais pour l’invitation à la piscine. Tu savais qu’elle en avait possiblement besoin après ce qui venait de se passer avec Sachs. Alors, sur le chemin du retour vers ta voiture, tu la reprends contre toi, pour la bercer de nouveau. Au moins le temps qu’elle puisse se reprendre. Être présent pour elle, espérer se rapprocher un peu,. Tu vérifies cette fois que Julia vous suit toujours, pas envie de la perdre une seconde fois. Vous finissez par rejoindre enfin la voiture et leur ouvres les portières avant de t’installer au volant en allumant le gps, souriant à la question de la demoiselle.

- Bien sûr, ma Belle.

Que tu clames fièrement en démarrant tranquillement avant de prendre la route pour les reconduire chez elles, comme il se doit. Tu essayes de les ramener rapidement, évitant les bouchons, connaissant des raccourcis qu’avait soigneusement choisi le goalie quand il t’avait raconté comme accéder à l’aéroport au calme. Comme quoi, le blond avait plus d’un tour dans son sac… Et n’aimait pas les bouchons. Tu trouves par miracle un de tes maillots dans un sac oublié dans ton coffre, une chance pour l’après-midi piscine de prévu. Tu finis de les aider avec les bagages que tu disparais dans les toilettes pour te changer. Tu finis d’aider Julia dans la cuisine avant d’entendre sa voix.

- Hein ? Oh c’est… C’est tout naturel, m’dame Hampton.

Que tu dis en réponse aux remerciements de cette dernière. Tu profites un peu que Lisa ne soit pas encore là pour souffler mentalement, ranger tes affaires et sourit en voyant qu’on te donne un verre d’eau.

- Merci.

Que tu réponds à avant de buguer à ce qu’elle te dit.

- De quoi?

Que tu dis en écarquillant les yeux. Tu as bien entendu ? Elle a dit que Lisa t’aimait bien. Tu manques de lâcher ton verre en voyant la concernée arriver avec son maillot. Tu évites de sortir un oh merde des famille, ne sachant pas si tu devais sourire ou non. Tu te pinces les lèvres et te tournes vers sa mère et la salues avant de la voir partir. Tu rigoles un peu.

- Promis m’made!

Que tu clames avant de poser ton verre, tapote l’épaule de Lisa et souris en allant sauter en bombe dans la piscine. Puis tu t’es amusé à la tremper pour au moins la faire rire, éclaboussant partout autour de vous. Tout ça dans une après-midi au calme, sous le soleil, un goûter royale entre gâteau, bonbon, boissons et autre. Joyeuseté. Tu avais cru mourir sous la tonne de bouffe avant de voir la tête de la pizza, mangée avec les anecdotes de Julia sur l’enfance de Lisa, sur la terrasse. Tu avais au moins pu voir son sourire… Mais tu n’avais pas vraiment eu le courage d’aller plus loin, te contentant te la prendre dans tes bras et la bercer si besoin. Pas de baiser, rien d’autre. Tu n’étais pas encore prêt…

Pas encore..