– Will, s'il te plaît, pour le concours de "à celui qui pisse le plus haut", c'est dehors… soupiré-je de lassitude. Je sais très bien à quoi il joue et ça ne me plaît pas du tout. Rhabille-toi.
–Roh ça va… souffle-t-il en levant les yeux au ciel. Merci chef, pour les vêtements… Et tout le reste.
– Si besoin, je peux aider. J'étais ingénieur avant tout ce merdier. C'est pas une petite pompe qui va me faire peur.

De l'autre côté de la table, Jen roucoule. Je ne vois rien du tout de ce qui se passe en dessous. On ne dirait pas comme ça, mais la jolie rousse sait être discrète… Sa main passa de la cuisse du capitaine à… un peu plus haut. Et elle ne se contenta pas de la laisser poser là, non, bien-sûr. Je ne vois rien de tout cela, je discute simplement des fameuses cabines, aussi, je ne l'entends pas murmurer à son oreille :

– J'aimerais te remercier … correctement… En privé…

–Moi, tant que je ne dors pas avec le chien, tout me va…
– Pourtant, ça te ferait de la compagnie. T'arrête pas de t'en plaindre…
– C'est totalement faux !
– T'as raison, c'est du manque de Lya dont tu te plains, pouffe l'ingénieur avant de vider son assiette et de commencer à débarrasser la table.
– C'est pas bientôt finis tous les deux…

Avec les approches de Jen, j’avais à peine remarqué que Will avait retiré son t-shirt. C’est en entendant Lya pester sur ce sujet que je me tournais vers lui, apercevant ses épaules saillantes, ses bras puissants… Il était impressionnant, je devais le reconnaitre. Il ne me faisait pas peur, loin de là, mais il était impressionnant.

Je détournais la tête alors que Charly me proposait son aide, avouant avoir été ingénieur. Ah ! Oui, ça peut m’intéresser ! Nous pourrons aller plus vite ! Si tu sais démonter, dégraisser, souder, remonter et régler des pièces et des composants, cela sera parfait !

Cette annonce de La Binocle me permet de me soustraire brièvement aux attentions un peu embarrassantes de Jen. Sauf que, cette dernière ne l’entend pas de cette oreille.
Je me raidi brusquement en sentant sa main se poser sur mon entrejambe qu’elle se met à caresser doucement. Je me sens rougir affreusement alors qu’elle me glisse une proposition … clairement coquine à l’oreille.

Je… Je ne sais pas quoi dire, ni quoi faire. Le matin même, je me laissais aller à embrasser Lya qui ne me laisse clairement pas indifférent, mais je n’avais pas prévu de me faire presque sauter dessus par la jeune rousse. Voyant l’ingénieur commencer à débarrasser, je me lève avant qu’il ne soit trop tard et que je devienne imprésentable.

Navré, je vous abandonne, je vais m’allonger encore un peu… Je… Fox dormira forcément une fois avec chacun de vous, c’est un vrai pot de colle. Pour le reste…Il y a bien assez de cabines pour tout le monde. Certaines ne sont pas encore complètement refaites, mais sinon, libre à vous de les choisir. Lançais-je en me dirigeant vers la porte.
Je remarque à peine l’échange entre les trois compères et lance un regard…perplexe à la rousse avant de m’éclipser dans ma cabine. Je ne verrouille pas la porte, me contentant de repousser la porte avant de m’allonger.
Je cogite alors. Il ne fait aucun doute que j’ai une véritable attirance pour Lya mais il serait mentir que de dire que Jen ne me fait pas d’effet… Après tout, je ne me serais pas lever au moment où je l’ai fait, cela m’aurait été impossible ensuite, pour cause de…déformation de pantalon…Dirons-nous.

L'attitude de Max me surprend. Je ne l'ai jamais vu aussi raide et encore moins aussi pressé de déguerpir. Je le regarde, un peu surprise, avant de mettre toute la vaisselle à tremper en vue de son nettoyage. Je ne remarque pas les petits pas de Jen dans mon dos, ceux qui la conduisent jusqu'à la cabine du capitaine. Je ne me doute de rien du tout…

La rouquine ne tarde pas à le rejoindre dans cette petite pièce qu'elle verrouille juste derrière elle.

J’étais un peu perturbé, c’est le moins que l’on puisse dire, après ce repas. Je n’avais pas l’habitude que l’on me fasse du rentre-dedans à ce point et cela avait été loin de me mettre à l’aise.
J’essaye de remettre un peu mes idées au clair lorsque ma porte s’ouvre, dévoilant une Jen visiblement décidée. Refermant la porte en la verrouillant derrière elle, je me redresse pour protester mais…



Cela peut paraitre nul de craquer ainsi alors que le matin même, j’embrassais Lya, c’est vrai. Après, cette dernière m’avait plus ou moins repoussé gentiment, j’en déduisais donc que je ne l’intéressais finalement pas tant que ça. Pas sur ce terrain-là, tout du moins.

Je termine la vaisselle en compagnie de Charly et de Will qui prennent grand soin de me raconter leurs dernières aventures. Je suis plutôt heureuse de constater que la chance a longtemps été de leur côté, contrairement à moi. Aucun de nous n'a remarqué l'absence de Jen, du moins jusqu'à ce que la vaisselle soit entièrement essuyée et rangée.

–Elle doit être avec le capitaine, à tous les coups.
–Un nouveau mec à ajouter à son tableau de chasse… ajoute Will, d'un air blasé. C'est Jen quoi…

Au début, je n'y crois pas vraiment. Après tout, il y a encore quelques heures, Max a affirmé qu'il lui fallait plus qu'une nouvelle passagère pour oublier que la première lui plaisait. Juste quelques petites heures…

Puis je me souviens que je ne suis qu'une moins que rien. Qu'une fille inintéressante au possible… Une fille blessée, souillée et indécise. C'est sur que comparée à Jen, je fais bien pâle figure…

Alors je ne dis rien et me contente de descendre… Quand je passe devant sa cabine, j'entends des bruits étouffés… Des bruits qu'il ne peut clairement pas faire tout seul.

Je suis fixée. S'il s'intéressait à moi, c'était uniquement parce que j'étais la seule femme dans les parages. Je reste là un moment, le regard vide. J'écoute sans trop savoir pourquoi. Je dois être là depuis un bon moment puisque la porte finit par s'ouvrir et je tombe nez à nez sur une Jen aux joues rouges et à la peau nue.

– Lya ! Tu m'as fait peur, bon sang !

Je me doute… Ma présence ici n'a rien de très normale… Mon regard se pose sur l'homme à l'arrière. Je souris… Étrange comme réaction non. Le genre de rictus qui ne peut signifier que : "Tu vois, j'avais raison."

– Je peux faire quelque chose pour toi ?

Je pince mes lèvres en secouant la tête. C'est déjà fait … Alors je m'éloigne doucement pour regagner ma propre cabine.

Ce serait mentir que de dire que je ne venais pas de passer un moment…délicieux… Jen avait un côté fougueux que j’avais rarement rencontré et qui n’était pas déplaisant.
Notre affaire faite, elle se lève, s’exposant pleinement nue à ma vue, avant de sourire, les joues encore rouges de plaisir, et de se diriger vers la porte de ma cabine.
Je suis un peu dans le vague du plaisir, brusquement arraché à mon nuage lorsque j’entends la rouquine s’exclamer quant à la présence de Lya.

Je me redresse soudainement, comme un môme surprit à faire une bêtise, ne pensant même pas à tirer le drap à moi. Dans ma tête, j’ai le réflexe débile de vouloir me justifier, mais, croissant le regard de la blonde et son sourire, cela me coupe toute parole.
Tandis que Jen demande si elle peut faire quelque chose pour Lya, cette dernière secoue la tête avant de partir. La rouquine hausse les épaules avant de disparaitre à son tour, fermant la porte derrière elle.

Je me retrouve donc, seul et nu, sur mon lit, avec cet énigmatique sourire de Lya. Il y avait comme de la tristesse ou de la résignation dedans. Si c’était lié à ce que je venais de faire avec Jen, cela ne faisant aucun doute, je n’arrivais pas à comprendre cette sorte de déception…
Il me semblait pourtant que, le matin même, mon baiser ne l’avait pas enchanté et que, même si elle ne m’avait pas clairement rejeté, elle n’avait pas spécialement démontré un désir de retenter. Certes, elle avait dit que je ne lui déplaisais pas, mais entre dire cela et envisager quelque chose, il y a tout un monde, non ?

Ensuite, elle m’avait parlé de “l’effet Jen”, comme si je devais de toute façon m’attendre à tomber dans ses griffes et…
Oh !
Merde !

Je me pris la tête dans les mains, me remémorant ce que j’avais alors dit à Lya. Je l’avais assuré qu’il fallait un peu plus qu’une nouvelle femme pour que j’oublie que la première me plaisait…Et je venais de passer un agréable moment, à peine quelques heures après.

Mais quel con !

Je m’habille en vitesse, passant un jean et un t-shirt, avant de sortir en verrouillant ma porte. Je me dirige vers la cabine de la blonde, frappe et entre sans attendre avant de refermer derrière moi.

Lya ! Commençais-je avant que toute idée de ce que je pouvais dire ne s’envole… Je l’observais juste, le temps d’essayer de comprendre vraiment où j’en étais moi-même.

Quand j'arrive dans ma cabine, je ne sais pas vraiment quoi faire… Si j'avais des affaires à moi, sans doute les aurais-je entassé dans un sac. Je voudrais partir mais je n'ai nulle part où aller et je ne suis toujours pas en état pour prendre la fuite. C'est un peu con…

Mais en même temps, pourquoi je me prends la tête ? Parce qu'un énième mec m'a pris pour une idiote ? Je le sais pourtant, il n'y a pas de créature plus décevante sur cette terre. Je ne devrais même pas lui en vouloir. Après tout, il n'a fait que combler ce foutus besoin qui le tiraillait tant et si bien qu'il en était venu à "s'intéresser" à moi. Pauvre de lui …

Je soupire un bon coup avant de m'asseoir sur ma couche. J'ai besoin de réfléchir, de prendre du recul… Ce que, évidemment, Mad Max ne me laisse pas faire puisqu'il débarque dans ma cabine avant de fermer la porte.

– Je pense que Jen est allée prendre une douche, lui dis-je d'un ton étrangement neutre. Si tu veux la rejoindre, vas-y…

Sous-entendu : casse-toi. Version polie, bien-sûr vu que je suis chez lui et qu'il m'héberge. Non mais, quelle situation de merde…

A l’évidence, elle n’est pas heureuse de me voir. Derrière le ton neutre avec lequel elle s’exprime, je l’entends clairement m’envoyer promener et, si je ne lui en veux pas, cela ne m’aide pas à y voir clair.

Non, c’est bien toi que je venais voir Lya…

Je croise les bras, l’air un peu dubitatif. Je… J’ai l’impression que tu m’en veux d’avoir…Bref… Il me semblait pourtant que ce matin, tu m’avais repoussé. Je sais ce que je t’ai dit dans l’infirmerie, mais n’ayant eu aucune réaction de ta part…J’en ai déduit qu’effectivement, je ne t’intéressais pas. Du coup, j’ai du mal à comprendre que tu m’en veuilles…

J’avais l’horrible impression de ne pas comprendre ce que je racontais moi-même.

Pourquoi me fais-tu la tête Lya ? Reformulais-je simplement, peut-être plus pour moi que pour elle.

Je l'écoute attentivement, sans rien dire.
Il a l'impression que je lui en veux : non, je n'en veux qu'à moi pour avoir cru qu'il était différent et pour m'être trompée sur son compte.
Il me parle de ce matin, comme s'il s'agissait d'un jour lointain, d'une autre époque…

– Oh, tu ne comprends pas ? J'en suis tellement désolée.

A mon ton volontairement sarcastique, il doit bien comprendre que c'est totalement faux. Est-ce qu'il entend ce qu'il me dit ? Le problème vient-il réellement de moi ? Non… Certainement pas !

– Et que devrais-je comprendre moi, au juste ? Que tu me reproches de ne pas être aussi entreprenante que Jen ? D'éprouver des doutes quant à ta sincérité ? Rassure-toi, je ne doute plus. Je sais que tu n'es pas sincère… Tu voulais juste tremper ton biscuit, c'est chose faite…

Je me lève pour aller me planter devant lui, j'ai la haine contre ce type stupide.

– Tu n'as pas songé que, peut-être, j'avais besoin d'un peu de temps ? Non, bien-sûr …. puisqu'à l'évidence tu ne penses qu'avec ta queue…

Je grimace avant de reculer. Je sens son parfum sur lui et ça me dégoûte. Et puis, j'en ai assez… Je ne veux pas l'écouter me parler comme un gosse capricieux. J'ai passé l'âge. Qu'il aille baiser qui il veut, où il veut, mais qu'il me laisse en dehors de cette histoire.

– Je suis désolée de ne pas être comme elle. De ne pas prendre les mecs pour des mouchoirs à usage unique. De ne pas être aussi sûre de moi. Je suis désolée d'être moi, là avec mes casseroles, mes traumatismes et mes craintes… Mais c'est comme ça. Je ne t'en veux pas, Max… Mais je ne veux plus t'entendre… Alors, maintenant, laisse-moi.

Si elle avait opté pour un ton neutre à mon arrivée, il était maintenant évident qu’elle était en colère. Si j’avais eu faux sur toute la ligne avant, là j’avais raison, elle m’en voulait.
Je demandais simplement à comprendre…
Et bien, je fus servi et même resservi.

Elle semblait penser que je lui reprochais de ne pas être entreprenante, de douter de ma sincérité, que, ce matin, je ne voulais que m’envoyer en l’air. J’allais protester, je ne lui reprochais rien, je cherchais à comprendre et je ne me considérais pas comme n’étant pas sincère, mais je me retiens lorsqu’elle se lève pour me faire face.

Besoin de temps ? Mais… Mes réflexions furent stoppées par la déferlante de colère qui suivit. Elle s’excusait de ne pas être comme Jen, à sauter sur les hommes pour les lâcher ensuite, de ne pas être sûre d’elle, d’être pleine de doutes et de traumatismes. Elle affirmait qu’elle ne m’en voulait pas avant de dire qu’elle ne voulait plus m’entendre, me demandant de la laisser.

Je restais là, immobile face à elle, à cheval entre vexation et colère. Je prenais sur moi cependant, car j’étais conscient que c’était moi qui l’avais blessé.

Je suis désolé, j’ai pensé que je ne t’intéressais pas. Je n’ai pas réfléchi plus loin que cela. Par contre, je pense que tu ne peux pas piétiner ma sincérité sur un seul mauvais choix, je pense avoir démontré un peu mieux que ça qui j’étais.

J’ouvrais la porte et sortais alors.

A mes yeux, vous n’êtes pas comparables elle et toi… Concluais-je avant de fermer la porte et de monter dans la timonerie. Seul, là-haut, je pourrais réfléchir et remettre de l’ordre dans mes idées.