– Oh vraiment ? Quel genre de choses ?
J'éclate de rire.
– Je n'ai pas la moindre intention d'en parler maintenant, le taquiné-je tout en continuant d'observer nos mains liées.

– Tu sais que je suis entièrement à ton service, mon amour.

Mon sourire s'étire tandis qu'il vient doucement s'emparer de mes lèvres. La main dans mon dos glisse sur ma peau et je frissonne…

– Tu triches, je soupire contre ses lèvres avant de lui assurer que nous pourrons rester seuls toute la journée.

– Une journée entière juste avec toi ? Tu me vends du rêve, Mily. Et ça me rappelle vaguement quelque chose…
– J'ai bien compris qu'il n'est pas si aisé de pouvoir jouir de ta présence alors… Autant profiter de ces moments passés ensemble… je dépose un baiser sur sa joue. En prenant tout notre … temps.

Je ferme les yeux alors que ma tête se pose sur son épaule. J'ai encore un peu de mal à réaliser qu'il est bien là, avec moi…

– Je me sens idiot d'avoir attendu aussi longtemps pour venir te rejoindre.
– Tu avais d'autres choses à gérer, je soupire en relâchant sa main pour laisser la mienne parcourir distraitement la peau de son torse. Tu n'as pas à te sentir idiot… Et puis, tu es là, non ?

"– Je n'ai pas la moindre intention d'en parler maintenant", rit-elle.
"– Hmm, dommage. Mais je trouverai bien un moyen de te faire parler", je lui souffle avec un clin d'oeil joueur.

Je note le frisson qui la traverse tandis que ma main remonte sur la peau nue de son dos.
Nos deux corps s'apprivoisent de nouveau, à leur rythme.

"– Tu triches", proteste-t-elle contre mes lèvres.

Et j'éclate de rire.

Puis elle m'annonce que nous ne serons pas dérangés de la journée, et que nous pourrons donc prendre tout le temps que nous voulons ici.

"– J'ai bien compris qu'il n'est pas si aisé de pouvoir jouir de ta présence alors… Autant profiter de ces moments passés ensemble…"

Les mots employés me font sourire.
Je ferme les yeux lorsque ses lèvres se posent sur ma joue.

"– En prenant tout notre … temps."
"– Avec grand plaisir."

Je souris un peu plus.

"– Et si ça peut te rassurer, il n'y a que toi que j'ai envie de faire jouir de ma présence", je ne peux m'empêcher d'ajouter en riant.  

J'appuie doucement ma joue contre sa tête lorsque cette dernière se pose sur mon épaule.

Je lui confie ensuite mes regrets de ne pas être venu la rejoindre plus tôt.

"– Tu n'as pas à te sentir idiot… Et puis, tu es là, non ?"
"– Aussi longtemps que tu voudras de moi", je lui confirme. "Ou du moins, aussi longtemps que le reste du monde voudra bien me laisser tranquille."

Sa main sur mon torse est suffisante pour me distraire et me faire penser à tout autre chose.
Je l'attrape, et vient la poser contre mon coeur.

"– Tu me diras si je peux faire quoique ce soit pour t'aider, vis à vis de... de ta rééducation ?"

J'ai envie de la soutenir dans cette épreuve.  Je me sens toujours autant coupable de ne pas avoir pu être là pour elle à sa sortie de l'hôpital.

– Et si ça peut te rassurer, il n'y a que toi que j'ai envie de faire jouir de ma présence, dit-il en riant.
– Oh tiens, c'est fin dis donc, je pouffe, un peu surprise de l'entendre user de plaisanterie aussi graveleuse. Enfin, je ne l'en tiens pas rigueur, ce sont les blagues les plus simples et celle-ci reste un minimum recherchée. C'est bon, je te l'accorde.

Il évoque ensuite ses regrets concernant la date de ce retour sans cesse repoussée. Je tente alors de te rassurer en rétorquant qu'il n'avait pas à se sentir aussi idiot pour cela. Le plus important reste le moment présent, nous sommes enfin ensemble.

– Aussi longtemps que tu voudras de moi. Ou du moins, aussi longtemps que le reste du monde voudra bien me laisser tranquille.
– Ce qui nous laisse, à vue de nez, jusqu'à mardi prochain, c'est ça? je demande en affichant une mine faussement pensive.

Il s'agit peut-être d'une plaisanterie, cela ne m'empêche pas de pointer du doigt son emploi du temps surchargé. Je sais que nous serons trop rapidement amenés à nous séparer de nouveau et ce, pour une durée toujours plus indéterminée. J'en ai conscience et je l'accepte. Ça fait partie du package après tout…

– Tu me diras si je peux faire quoique ce soit pour t'aider, vis à vis de... de ta rééducation ?

Je fronce légèrement les sourcils… Je sais bien qu'il est plein de bonnes volontés, mais je n'ai absolument pas envie de le voir s'impliquer dans cette partie de ma vie.

– Rien. Tu ne peux rien faire et je ne veux pas que tu fasses quoique ce soit, je rétorque calmement. Tu es mon copain, même si je n'aime pas ce mot parce que je le trouve ridicule. Mais tu n'es ni mon chauffeur, ni mon assistant et encore moins mon infirmier… Je sais que c'est beaucoup demander, mais je ne veux pas que tu te mêles de ça. C'est suffisamment difficile pour moi pour que j'ai, en plus, à supporter tes regards compatissants.

J'espère ne pas le vexer avec cette réponse, mais je préfère être claire avec lui.

– S'il te plaît, ne t'inquiètes pas pour moi… En tout pas, pas plus que nécessaire. Je vais bien, d'accord ?

"– Ce qui nous laisse, à vue de nez, jusqu'à mardi prochain, c'est ça?"
"– Jusqu'à bien plus longtemps, j'ose espérer", je marmonne. "Jeff et Camille savent que je suis avec toi pour les prochaines semaines. Et je peux parfaitement travailler de chez toi, pour avancer sur ces nouvelles chansons. Donc il n'y a aucune raison qui pourrait me forcer à quitter Castine avant les fêtes."

... En-dehors d'une aggravation de l'état de Peter, bien entendu. Mais je n'ai guère envie d'y songer.

J'espère très sincèrement que je ne me trompe pas, et que rien ne viendra troubler nos retrouvailles. Du moins, au moins jusqu'à la fin de l'année.
J'ai envie de profiter au maximum de cette période en compagnie d'Emily.
Je veux rattraper tout le temps perdu, et continuer d'apprendre à la connaître dans un quotidien simple, sans être perturbé par ma carrière.

Lorsque je demande à Emily si je peux l'aider d'une quelconque manière vis à vis de sa rééducation, je dois bien admettre que sa réponse n'est pas celle à laquelle je m'attendais.
Je l'écoute pourtant attentivement, faisant de mon mieux pour me mettre à sa place. Il est vrai que je n'aurais pas nécessairement envie d'avoir quelqu'un sur mon dos, constamment en train de vérifier si je vais bien.

"– S'il te plaît, ne t'inquiètes pas pour moi… En tout pas, pas plus que nécessaire. Je vais bien, d'accord ?"
"– Et moi qui allait te proposer de te masser le dos tous les soirs..." j'ironise. "Non pas que ça me dérangerai. Au contraire."

Puis je reprends un air plus sérieux.

"– Je t'aime, tu sais ?", je lui réponds doucement. "Je comprends bien que tu n’aies pas envie que je te suive à la trace ou que je te surprotège. Mais je ne suis pas non plus venu là juste pour réchauffer ton lit, Emily. Tu es ma compagne. Nous sommes en couple."

Je me tais un instant, le temps de mettre de l'ordre dans mes pensées.

"– Je sais que tu as l'habitude de vivre seule, de ne rendre de comptes à personne. Mais j'ai besoin que tu me fasses une place dans ton quotidien, dans ta vie."

Je lui caresse la joue avant de reprendre.

"– Je ne me mêlerai pas de tes séances de kiné ou de tout le reste. Mais sache juste que je suis là, si tu as besoin de moi."

Je réalise bien qu'elle a l'habitude de tout gérer seule, de n'avoir besoin de personne - en-dehors peut-être de Lucy pour la conduire, même si cela n'est que temporaire.
Mais je meurs d'envie qu'elle me fasse une place auprès d'elle.

J'inverse doucement nos positions, pour que ce soit elle qui soit allongée le dos contre le matelas. Je m'installe entre ses jambes, et pose mes lèvres sur les siennes.
Je suis beaucoup plus réveillé qu'il y a quelques minutes, et je prends le temps de l'embrasser d'une manière bien plus appuyée que précédemment, tout en la serrant contre moi.

Malgré sa plaisanterie, je vois bien que ma réponse l'a heurté. Je conçois parfaitement son inquiétude et son besoin de me soutenir dans cette épreuve, mais c'est quelque chose que je tiens à gérer seule. Du moins… autant que possible. Même si je ne dis rien, j'ai bien du mal à accepter les modifications faites à ma maison… La rampe, la douche… Comme de voir des mains courantes accrochées à mes murs ou que certains meubles ont été déplacés. Je n'aime pas avoir à être conduite, poussée ou soutenue. Je n'aime pas qu'on me dise comment poser mon pied ou tenir mon dos… Je n'aime pas avoir quelqu'un constamment derrière moi à guetter le moment où je vais m'écrouler… Moralement, c'est dévastateur. Alors non, je ne veux pas que l'homme que j'aime fasse la même chose. Je n'ai pas envie qu'il ne voit en moi plus qu'une pauvre petite chose fragile… C'est hors de question.

–Je t'aime, tu sais ? Je comprends bien que tu n’aies pas envie que je te suive à la trace ou que je te surprotège. Mais je ne suis pas non plus venu là juste pour réchauffer ton lit, Emily. Tu es ma compagne. Nous sommes en couple.

Mes sourcils restent froncés, mais cette fois plus par incompréhension que par mécontentement. Je sais tout ça, alors pourquoi me rappeler que nous sommes en couple ? A-t-il peur que je l'oublie ?

– Je sais que tu as l'habitude de vivre seule, de ne rendre de comptes à personne. Mais j'ai besoin que tu me fasses une place dans ton quotidien, dans ta vie.
–Oh…

Cette fois, je comprends mieux.

– Je ne mêlerai pas de tes séances de kiné ou de tout le reste. Mais sache juste que je suis là, si tu as besoin de moi.

La seconde d'après, je me retrouve allongée sous lui, les lèvres appuyées contre les siennes. Je réponds avec tendresse à ce baiser empreint de toutes ces craintes de me voir le tenir à l'écart.

– Tom… Je t'aime, je soupire contre ses lèvres. Tu peux prendre la place que tu veux, la tienne…Et crois-moi, je fais de mon mieux pour ne pas tomber dans mes travers et envoyer chier le monde. Mais… Ma vie, c'est pas ça, j'ajoute en relevant l'une de mes jambes flageolantes pour illustrer mes propos. Ça, c'est une conséquence temporaire à ma propre connerie, rien de plus, rien de moins. En tout cas, c'est ce que je me force à répéter pour éviter de déprimer parce que je ne peux pas vivre ma vie comme avant. Et je n'ai pas envie que l'on me rappelle à quel point je suis faible et malheureuse actuellement. Surtout pas toi…

C'est un sujet sensible que je préfère généralement éviter… Et pour cause, je m'énerve systématiquement lorsqu'on commence à l'évoquer. Mais je refuse de me disputer avec lui, surtout pas pour ça. Je sais qu'il m'aime et qu'il ne veut que mon bien.

– Je suis prête à te donner la place que tu désires Tom… Tant que cela ne touche pas à cette partie là.

Elle répond à mon baiser, puis reprend la parole. Et je me redresse sur mes coudes, tout en faisant de mon mieux pour garder une expression parfaitement neutre tandis qu'elle expose son point de vue vis à vis de sa situation actuelle.

Lorsqu'elle lève une de ses jambes, mon coeur se resserre, mais je fais de mon mieux pour ne pas montrer à quel point ça me touche.

"– Je n'ai pas envie que l'on me rappelle à quel point je suis faible et malheureuse actuellement. Surtout pas toi…"
"– Tu n'es pas faible", je proteste aussitôt. "Ce n'est pas du tout comme ça que je te vois. Et j'ai envie de te rendre heureuse, Emily."

Puis je la laisse terminer.

"– Je suis prête à te donner la place que tu désires Tom… Tant que cela ne touche pas à cette partie là."
"– Très bien", je soupire.

Ça ne me plaît pas particulièrement, mais je sens bien qu'il est inutile de protester pour le moment. Je ne suis pas venu ici pour me disputer avec elle.
J'ai simplement envie de profiter de sa présence.

Je me penche pour l'embrasser une nouvelle fois, et laisse mes lèvres s'égarer quelques instants sur sa mâchoire, puis son cou.

"– Des pancakes, ça te dit ?" je lui propose pour changer de sujet. "Je présume que tu as tout ce qu'il te faut dans ton frigo tout neuf ?"

Je dois admettre que je commence à avoir faim.
Je n'ai pas beaucoup mangé, la veille.

Je roule sur le côté et sors du lit pour aller fouiller dans ma valise à la recherche d'un t-shirt et d'un pantalon de jogging.

"– Je peux même t'apporter le petit déjeuner au lit, si tu veux ?" je souris après m'être habillé.

Appuyé dans l'encadrement de la porte, je prends quelques secondes pour l'observer avec tendresse. J'aime la voir ainsi, en pyjama, les cheveux emmêlés, avec cet air encore à moitié endormi.

Je n'aime pas ce genre de conversation. Elles touchent beaucoup trop aux émotions et celles que je ressens ont tendance à être plutôt explosives depuis quelque temps. Je préfère donc éviter de communiquer sur le sujet, pas alors que je ne l'ai pas vu depuis des semaines.

– Des pancakes, ça te dit ?
– Ça me dit carrément même ! je m'écrie tout en me redressant à sa suite.
–Je présume que tu as tout ce qu'il te faut dans ton frigo tout neuf ?
– Euh… Peut-être ? Il faut quoi pour préparer des pancakes ? je demande, un peu honteuse. Sans doute a-t-il compris à présent que je ne sais absolument pas cuisiner. Je suis même incapable de me faire cuire un œuf, c'est dire…
– Je peux même t'apporter le petit déjeuner au lit, si tu veux ?

Je pouffe avant de m'asseoir sur le bord du lit.

–Non, non… J'aimerai t'aider plutôt, lui dis-je en essayant de me lever … Oui bon, il va me falloir quelques essais supplémentaires, il faut un peu de temps à mes jambes pour comprendre qu'elles sont encore en vie. Je te rejoins tout de suite, j'annonce en souriant. J'ai l'habitude, t'en fais pas.

Après quelques essais infructueux, j'arrive finalement à tenir sur mes béquilles. Je n'ai plus qu'à le rejoindre dans la cuisine pour m'asseoir sur l'une de mes nouvelles chaises de comptoir.

– Alors, dis-moi tout. Est-ce qu'il y a tout ce qu'il faut ? Qu'est-ce que je peux faire ?

J'éclate de rire en la voyant autant emballée à la simple mention de pancakes. Visiblement, j'ai visé juste.

"–Je présume que tu as tout ce qu'il te faut dans ton frigo tout neuf ?"
"– Euh… Peut-être ? Il faut quoi pour préparer des pancakes ?"

Je pouffe gentiment.

"– Rien d'extravagant, je t'assure. Ta maison sent le pain d'épice. Je suppose que Lucy en a cuisiné ? Il y aura donc tout ce qu'il faut pour de simples pancakes."

Elle refuse que je lui apporte son petit-déjeuner au lit. Et je suis témoin de ses efforts pour essayer de se lever.
C'est très compliqué pour moi de rester là à la regarder faire. Je sais pertinemment qu'elle n'a pas envie que je l'aide. Elle risque même de très mal le prendre.
Je m'avance vers elle, mais je me fige lorsqu'elle me sourit.

"Je te rejoins tout de suite. J'ai l'habitude, t'en fais pas."

J'aquiesce sans un mot, et je lui souris simplement avant de partir à la découverte de la cuisine.
J'avais pu observer les changements par les biais de nos appels vidéos, mais voir ces derniers en vrai est bien différent.
Je suis presque surpris de constater que ce frigo existe bel et bien... et même qu'il y a de la nourriture dedans !
Cette constatation m'arrache un éclat de rire. Je m'étais habitué à voir Emily acheter son repas chaque jour. Ça doit la changer !

Conformément à mes suspiçions, il y a tout ce qu'il faut pour cuisiner.
Je termine de rassembler les ingrédients sur le plan de travail quand Emily me rejoint, aidée de ses béquilles.

"– Alors, dis-moi tout. Est-ce qu'il y a tout ce qu'il faut ? Qu'est-ce que je peux faire ?"

Je me penche pour l'embrasser, très amusé par son enthousiasme manifeste.

"– Je peux te laisser mélanger les oeufs ?"

Je nous répartis les rôles, et notre préparation avance rapidement.

Le ton est plus léger et nous discutons sans revenir sur le sujet qui nous a opposé un peu plus tôt.

Je montre à Emily comment faire cuire notre préparation dans une poêle. Et enfin, les premiers pancakes prennent forme.

"– Ma mère m'en cuisinait très souvent lorsque j'étais enfant", je lui confie un peu plus tard alors que nous sommes tous les deux installés autour du comptoir pour déguster notre production.

Les pancakes sont réussies. Et j'ai même déniché une bouteille de sirop d'érable dans un placard.

"– Je n'aimais pas vraiment l'école. C'était sa manière à elle de m'encourager à me lever le matin."

Je souris à ce souvenir.

"– Alors, qu'en penses-tu ?" je reprends en désignant nos deux assiettes.

Je dois dire que je m'amuse énormément, même s'il est clair que je ne suis pas très douée pour ça. Heureusement, s'il me demande de mélanger les œufs, il ne m'invite pas à les casser. Sans quoi je suis certaine que ces pancakes seraient… croustillants. J'ai un peu honte, mais Tom prend vraiment le temps de m'expliquer les choses. Je suis sûre qu'il minimise beaucoup de mes erreurs pour ne pas me froisser.

Qu'importe finalement, le plus important c'est que nous pouvons passer ce temps-là ensemble. Un moment simple et convivial, loin du tumulte que nous avons dû affronter.

– Ma mère m'en cuisinait très souvent lorsque j'étais enfant, me dit-il alors que je m'apprête à prendre ma première bouchée. Je n'aimais pas vraiment l'école. C'était sa manière à elle de m'encourager à me lever le matin.
– Cela semble être une technique efficace, je raille avant de goûter et… Hm… Ché trop bon !

Je lève mes deux pouces en l'air pour le féliciter. Cela fait une éternité que je n'ai pas mangé de pancakes et les derniers ont été préparés par Pearl, l'une des restauratrices du centre ville.

– Je ne me souviens pas si ma mère était une grande cuisinière ou non… Martha en revanche, c'était quelque chose. Je n'ai malheureusement jamais pris le temps d'apprendre avec elle… Je me disais que du temps, on en avait plein… Mais non.

Mes yeux baissés dans mon assiette, je me rappelle tendrement de cette grand-mère unique en son genre.

– Je suis sûre qu'elle t'aurait adoré. Malgré ton métier. Elle en voulait énormément à mon père pour être parti à l'autre du pays avec sa fille unique.

J'éclate de rire à son air ravi, et surtout aux deux pouces qu'elle lève dans ma direction.

"– Je suis content que ça te plaise", je souris.

Et je suis très fier, aussi. J'aime être à l'origine de ce sourire sur ses lèvres.

Elle me parle de sa mère, puis des talents de cuisinière de sa grand-mère Martha.

"– Je suis sûre qu'elle t'aurait adoré. Malgré ton métier. Elle en voulait énormément à mon père pour être parti à l'autre du pays avec sa fille unique."
"– Merci", je murmure avec émotion. "Ça me touche beaucoup. J'aurais vraiment aimé la rencontrer."

J'ai l'impression de ne presque rien connaître de son enfance, et de sa vie en compagnie de ses parents.
J'hésite un instant, puis reprend la parole.

"– Tu ne m'as jamais parlé de ton enfance", je souffle en venant lui attraper la main pour entrecroiser nos doigts. "A l'autre bout du pays... Tu suivais ton père en tournée ?"

Je n'arrive pas à imaginer ce que ça a dû être pour elle.
Et je détourne le regard, conscient d'avoir peut-être franchi une limite.

"– Pardon, c'était indiscret. Je comprendrais, si tu n'as pas envie d'en parler."