Non, je suis très sérieux ! Probablement plutôt 500 que 400 d'ailleurs. Après, chaque photo ou presque est doublée ou triplée. D'où le travail de tri a faire ensuite.

Je souris à sa description du bar. Je viendrai tester en semaine et en week-end alors ! Sans appareil photo cette fois. Tentais-je de plaisanter. Il faut dire que j'avais retenu la leçon.
Par la suite, elle commence à me raconter son parcours musical, les instruments qu'elle a appris et a quel âge, jusqu'à s'arrêter brusquement en me signifiant d'oublier.

Tu pouvais continuer, ça ne me dérange pas, au contraire. Dis-je alors qu'elle me montrait la carte mémoire, me demandant combien il y avait de photos d'elle. Par chance, nous étions de nuit, aussi la luminosité devait probablement masquer la rougeur qui était venue s'installer sur mes joues.

Je dirais, entre 50 et 70 de toi seule, plus 40 environ de la scène et du “public”. Je pense qu'il y en aura forcément au moins une qui te plaira, mais on peut les regarder ensemble, si tu veux.

– Waouh… Ça doit prendre un temps monstre, je rétorque en souriant.

Je suis un tout petit peu impressionnée par sa patience, mais hors de question de l'avouer à voix haute.

Je lui parle ensuite très brièvement du bar et de cette ambiance qui me plaît tant. Je pourrais la décrire durant des heures, mais j'aime mieux préserver ses oreilles. Personne n'a envie d'entendre les synonymes de génial et de démentiel.

–Je dirais, entre 50 et 70 de toi seule, plus 40 environ de la scène et du “public”. Je pense qu'il y en aura forcément au moins une qui te plaira, mais on peut les regarder ensemble, si tu veux.
– Tu plaisantes ? je demande, surprise. Je ne suis même pas sûre qu'il en existe autant de moi depuis ma naissance …

Ouais, on n'est pas trop "photos" dans la famille. C'est pas comme si on aimait figer les souvenirs dans le temps.

– Honnêtement ? Je n'ai pas très envie de les regarder. Je ne doute pas de ton talent de photographe… Mais je ne m'entends pas suffisamment avec le modèle pour avoir envie de la voir en dehors du miroir.

En vrai, le premier tri va vite. Il s’agit d’écarter celles qui sont mal centrées, un peu floues ou autre. Le plus long, c’est le travail de sélection, quand, sur 300 photos, tu dois en choisir 10 ou 20. Là, je peux y passer facilement 10 ou 12 heures, oui.

Finalement, son sourire me rassurait un peu, moi qui pensais qu’elle me faisait plus ou moins la tête. Alors, lorsqu’elle me demande le nombre de photos d’elle, elle semble estomaquée. J’eu un petit sourire, qui disparut bien vite alors que l’on entrait dans l’immeuble. En effet, elle venait de m’avouer ne probablement pas regarder les photos que j’avais prise d’elle, arguant ne pas spécialement aimer le modèle.

Oh ! D’accord… Répondis-je en tentant de masquer ma déception. D’ailleurs, je peux te reprendre la carte ? J’ai pas réfléchi tout à l’heure, mais il y a une partie de mon travail dessus. Je le récupère et je te redonne la carte avec juste ce qui te concerne. J’en ai plein, donc au pire, ça te fera une carte mémoire. Concluais-je en haussant les épaules.

Je te promets que tu vas voir au moins quelques-unes de mes photos ! Pensais-je tandis que je déverrouillais la porte de l’appartement. Comme souvent, lorsqu’il passait la soirée avec sa copine, Alex finissait la nuit chez-elle, ainsi que l’indiquait le mot posé sur la table basse.

J’avais disparu dans ma chambre avec la carte et j’avais alors immédiatement sélectionné les quatre plus belles photos que j’avais prise d’elle. L’une, notamment, la montrait en plein service, un plateau en main, un sourire amusé et le regard taquin, tourné de trois-quart vers l’arrière. L’ondulation de sa tignasse donnait du mouvement à la photo, de même que le léger flou d’arrière-plan. Il était impossible de ne pas la voir radieuse, pleine de vie et vivant à fond ce qu’elle faisait. Sur cette photo, il était plus qu’évident qu’elle kiffait.

Ainsi, les quatre photos légèrement retouchées, je les ai imprimées et glissées dans une enveloppe, avec la carte mémoire, inscrivant son prénom. Alors, je posais l’enveloppe sur son lit en allant prendre ma douche.

Je vois bien que mes explications ne lui conviennent guère. Je ne peux pas lui en vouloir après tout, je viens de refuser de regarder les photos qu'il a prises de moi… Néanmoins, je préfère dire les choses telles qu'elles sont plutôt que de mentir en inventant une excuse qui sera forcément mauvaise. C'est pas mon genre…

Alors quand il me demande de lui rendre la carte, je m'exécute sans discuter. Elle est à lui après tout. Arrivée à l'appartement, je me rends vite compte que nous sommes seuls. Alex a visiblement décidé de passer la soirée chez Lise, pour être plus tranquilles, je suppose. Je laisse donc Matthew a ses affaires et file sous la douche. Je n'ai plus qu'à enfiler mon pyjama et libérer la salle de bain pour lui laisser la place.

Lorsque je m'apprête à déplier le canapé, je suis surprise de trouver une enveloppe posée sur l'un des coussins… Une enveloppe avec mon prénom écrit dessus. Cette histoire de photos m'est totalement sortie de la tête, et, sur l'instant, je n'y pense absolument plus… Voilà pourquoi je suis si surprise de découvrir trois clichés avec moi comme modèle.

À quel moment me suis-je assise ? Je n'en sais rien, mais je me retrouve installée sur le canapé, les quatre photos étalées devant moi. Elles sont belles, personne ne peut le nier. On y voit aisément le talent du photographe … Mais bon sang ce que je suis mal à l'aise de voir ça. Pourquoi exactement… Je n'en sais rien. Je ne me comprends pas toujours… Mais, je ne sais pas c'est… bizarre.

Lorsqu'il sort de la salle de bain, je m'empresse de rassembler les clichés et de les remettre dans leur enveloppe. Je le retrouve alors dans le couloir, le pli en main.

– T'es du genre têtu toi, je me trompe ? lui dis-je en souriant tout en agitant l'enveloppe sous son nez. Je sais que tu es talentueux Matthew, tu n'avais à faire ça pour me le prouver. Tiens, je lui rend son enveloppe et retourne aussitôt dans le salon pour finir de préparer mon couchage.

Non, tu as raison, je suis du genre têtu. Confirmais-je en lui rendant son sourire, le mien étant un brin espiègle, malgré le fait qu’elle me rendait les clichés. Un modèle qui plaît, ça éveille le talent ! Lançais-je alors qu’elle regagnait déjà le salon.

Le lendemain, samedi, je me levais à 8h, ayant encore un peu de tri à finaliser avant d’envoyer les clichés à l’agence. Ceci fait, je me suis mis à mes exercices de musculation. Il faisait toujours assez chaud en journée, aussi étais-je en nage, dans la cuisine, ouvrant le frigo pour y prendre la bouteille d’eau gazeuse que je m’étais mise au frais.

Une fois douché, je m’étais armé de mon appareil et j’étais allé faire un tour qui m’avait occupé… Jusqu’à 18h.
Je m’étais de nouveau douché et je m’étais habillé pour retourner au Blue Bar. Un jean, mes santiags et une chemise bleu clair. Ma veste en cuir et j’avais pris la route du bar. Je voulais pouvoir profiter pleinement de l’ambiance du lieu et puis je devais donner à Jade la clé USB contenant ses photos ainsi que le t-shirt prêté par Will.

Je passais la soirée à profiter de la musique, lançant un sourire à Hailey lorsqu’elle passa non loin. Laex était là aussi, avec Lise. Il m’informa qu’il était passé prendre ses affaires pour son voyage et qu’il ne repasserait probablement pas avant son départ dimanche soir.
Je trouvais même l’occasion de danser un peu sur une reprise de U2.

Une fois les clients sur le départ, j’insistais auprès de la patronne pour payer un coup à toute l’équipe.
Après tout, si j’avais livré 387 photos dans les temps, c’était grandement grâce à eux. Je pouvais bien payer un coup.

Ayant rendu son t-shirt au jeune homme, j’attendais Hailey pour rentrer.

Le samedi soir, l'ambiance est toujours un peu plus électrique. Je ne sais pas ce qui provoque ça, mais les gens consomment plus que d'ordinaire et sont surtout beaucoup plus bruyants.

Mon plateau en main, je passe de table en table pour prendre les commandes ou livrer les consommations. Martin, l'un des videurs, a dû intervenir auprès de Jill, l'une des serveuses parce qu'un client s'est montré beaucoup trop entreprenant. Heureusement, l'incident est rapidement clos et personne ne semble impacté par ce dernier. Tant mieux, tout le monde déteste voir une soirée dégénérer.

Le groupe de ce soir ne fait que des reprises. Ils sont loin d'être mauvais, mais je préfère toujours entendre des nouveautés, pas des choses que l'on peut chanter entre potes pour délirer… Mais bon, les gens sont contents et, au fond, c'est bien ça le principal.

À la fin de la soirée, il nous faut encore tout nettoyer. Je suis rincée…

– Les gens sont vraiment des porcs, lance Grâce en récupérant une culotte abandonnée du bout de son balai.
– Super… Faut brûler le manche maintenant, grimacé-je tout en continuant de nettoyer mes tables.

De l'autre côté de la salle, près du bar, la plupart des employés se sont agglutinés autour du comptoir. Visiblement, quelqu'un a eu l'idée de payer une tournée… Et je suis surprise de constater que ce quelqu'un, c'est Matthew.

– T'es encore là ? je demande, sincèrement étonnée de le trouver encore ici. Je te pensais parti avec Alex… Enfin, en même temps que lui quoi.
– Il voulait parler photo! Tu veux boire un truc ? me lance Jade. C'est lui qui offre.
–Hm… Non, merci. J'aime autant terminer ici et rentrer, je suis vannée.
– Bof, t'as déjà fait le plus gros. Vas-y si tu veux. Je peux finir.
– Oh bah non, j'ai commencé alors…
– Rentre chez toi, blondinette. Tu bosses suffisamment comme ça, t'inquiète pas. À mardi !
– Elle me fout dehors ou je rêve ? chuchoté-je à Matthew. Bon, c'est pas plus mal… Je meurs de faim et je pourrais peut-être espérer m'acheter un burger sur la route ! Tu rentres avec moi ou tu restes ici ?

Euh ! Oui ! Répondis-je, aussi surpris de sa question qu’elle de ma présence.
J’assiste ensuite à un échange pour le moins amusant entre Hailey et Jade, cette dernière insistant largement pour que la jeune-femme rentre chez-elle.

Je crois bien, en effet. Pouffais-je en réponse à sa question. Abdiquant finalement, elle avoue avoir faim et envisager d’acheter un hamburger avant de me demander si je l’accompagne ou si je traîne encore un peu au bar.

Je viens avec toi, je t’attendais. On se prendra à manger sur la route.

Après avoir salué l’équipe du bar, nous quittons les lieux sous cette nuit fraîche de la fin d’été. Je la guide, via un léger détour vers une petite sandwicherie qui, selon moi, fait les meilleurs burgers du quartier.
Il n’y a que ceux d’Alex que je trouve meilleurs. Avouais-je en souriant.

Une fois rendu à l’appartement, nous n’avons plus qu’à nous installer sur le canapé pour manger nos burgers.

Tu as déjà tiré le portrait à quelqu’un ? Demandais-je après avoir débarrassé les boites de nos repas. Ca te dirais d’essayer ? Proposais-je.

La journée – que dis-je – la semaine a été particulièrement longue et autant dire que la fatigue commence à s'installer tranquillement. Je suis heureuse que le Blue Tiger ferme ses portes le dimanche. Ce n'est absolument pas le cas des autres bars du coin et je m'estime chanceuse de travailler dans celui-ci, surtout après une soirée comme celle-là.

Bref. Une fois le ventre plein, je n'ai qu'une seule envie : dormir ! Il est pas loin de deux heures du matin après tout. Alors je nettoie la table basse que nous venons d'utiliser pour manger, bien décidée à déplier mon lit… même si techniquement rien ne m'empêche d'utiliser celui de mon frère, déjà bien à l'horizontale, lui… Pourtant – et contre toute attente non attendue – voilà que Matthew m'interpelle avec une drôle de question :

–Tu as déjà tiré le portrait à quelqu’un ?
–Euh… J'ai refait le portrait de Peter Bottelo au secondaire, mais je suppose que ce n'est pas la même chose, plaisanté-je en m'étirant.
– Ça te dirait d’essayer ?
– Tu sais, si tu as besoin de photos pour le boulot, suffit de demander hein. Je ne vaux pas un photomaton, mais je me débrouille.

Je me marre à sa plaisanterie sur ses travaux au secondaire avant de lui proposer d'essayer de faire un portrait. Elle me dit alors que, si j'ai besoin de photos pour le travail, elle peut se débrouiller.

Oh ! Ce n'était pas pour le travail. C'est histoire de te montrer, si cela t'intéresse. Qu'on prenne un moment demain pour le faire.

Je bâille avant de regarder l'heure.

C'était une idée pour faire un truc ensemble qui puisse être amusant. Dis-je en l'aidant à mettre le canapé en lit.
Si toutefois ça te dit de passer un peu de temps avec moi. Pouffais-je.

Je suis surprise de l'entendre me dire qu'il ne s'agit pas d'un service, mais d'une proposition pour… passer du temps ensemble. C'est étrange tout de même, non ? Qui voudrait se coltiner la petite sœur agaçante de son colocataire ? Je suis même certaine qu'il a beaucoup mieux à faire avec cette histoire de tris de certaines de photos. Je n'ai pas envie d'être un boulet…

– Alex ne t'en voudrais pas de ne pas passer plus de temps avec moi, tu sais, lui dis-je tout en retirant les coussins devenus inutiles. Je suis grande, je sais m'occuper toute seule sans déranger personnes, je t'assure.

Je lui souris tout en récupérant les draps posés dans le coin.

– Si besoin, je peux même déserter l'appartement quelque temps… Si jamais tu veux recevoir une fille ou simplement rester tranquille. J'ai plein de choses à faire.

Enfin, "plein"... J'ai ma lessive à faire ainsi que quelques courses. Il faut également que je commence à regarder les annonces pour les appartements à louer. Je ne voudrais pas m'imposer plus que nécessaire. Surtout en sachant qu'Alex m'a proposé de rester jusqu'au retour de son colocataire… Colocataire rentré plus tôt que prévu.

– Je ne voudrais pas m'imposer et je suis trop vieille pour être encore considérée comme une "responsabilité".