Dans l’intimité de la chambre à coucher, Edward n’était pas le seul être meurtri par ce qui laissait se présager. La jeune femme souffrait tout autant, avant même qu’il n’ait prononcé le moindre mot à ce sujet. Elle savait, et il aurait préféré qu’il n’en soit rien. Il aurait aimé la protéger de tous ces maux, de ne pas être une entrave à sa réussite et ses projets d’avenir. Edward souhaitait seulement l’aimer et constamment l’exhorter à devenir une meilleure version d’elle-même. Comme elle avait … savait si bien le faire avec lui dès les prémices de leur cohabitation. Seulement, ses détracteurs étaient devenus ceux d’Angelica à l’instant même que leur relation avait été dévoilée au grand jour. Elle n’était plus simplement l’influenceuse bien-être, elle avait eu le malheur de tomber amoureuse de celui qui était constamment décrié dans la presse locale. Donc quand Angie lui demandait de se taire quand il lui assurait être parfaite, il abdiquait dans un murmure « Tout ce que tu voudras La Mia Luce ». Parce que c’était probablement la dernière demande qu’il pourrait honorer jusqu’à la fin de leur histoire. Ce soir, tout ce qu’elle exigerait de lui, elle l’obtiendrait. Parce qu’il lui était et lui resterait entièrement dévoué, cœur et âme. Parce que durant ces quelques heures encore, Angelica n’était qu’à lui et à lui seul. Parce que quand il continuerait de penser à elle, la désignant dans ses pensées comme l’amour de sa vie, quelques années plus tard, Angie serait probablement devenue celle d’un autre homme. Un homme qui parviendra probablement à l’aimer tout au plus à moitié de ce qu’il avait pu ressentir pour elle au cours de ces quelques mois que la Vie leur avait offert… Quelques heures durant, la jolie rousse était sienne et il était sien. Il voulait par conséquent lui offrir une nuit inoubliable, afin qu’elle n’oublie jamais la sensation de ses mains sur sa peau, de l’osmose unique de leurs deux corps, de cette alchimie indéfinissable qui les unissait au quotidien.

Quelques secondes plus tard, elle vint nicher son visage dans son cou, moulant son corps au sien. « -je ne peux imaginer aucun homme à part toi dans ma vie… » souffla Angie, amorçant lentement la conversation qu’ils devaient avoir, même si elle n’en avait pas la moindre envie. « -tu… tu ne me dois pas d’explication. » elle caressa son torse tout en parlant. « -et je ne t’en veux pas… » au cas où il se poserait la question. « -j’ai compris en voyant ton visage que tu ne partageais pas la joie des autres… » elle avait mal, elle se mordit la lèvre inférieure pour éviter de se laisser gagner par les émotions. « -on aura été heureux pendant quelques temps… » c’était déjà ça… non ?

L’exaltation qui suivait naturellement la jouissance se dissipa aussitôt que la jolie rousse prit parole. Quelques mots suffirent pour que le bien-être qui s’était emparé de lui quelques secondes ne disparaisse au profit d’une atroce souffrance qui lui martela le cœur comme jamais auparavant. Angie venait de lui confirmer qu’elle connaissait d’ores et déjà le dessein de leur avenir… Et il était funeste. La gorge nouée, Edward se contenta de lui prêter seulement une oreille attentive. Une part de lui fut soulagé par les propos de la jeune femme qui comprenait sa décision sans même qu’il ait besoin de s’exprimer à ce sujet. Leur séparation n’en serait pas moins douloureuse… Ses yeux s’embuèrent de larmes au moment même où elle évoqua leur bonheur éphémère, tandis qu’elle luttait, elle aussi, contre ses émotions… Son front se blottit tout contre le sien « Tu m’as rendu heureux comme jamais je n’aurais pu l’espérer … » murmura-t-il d’une voix brisée « Je voulais partir, tu sais… » et déglutit avec difficulté « Pour nous. Parce que ça aurait été le début … d’une nouvelle page de notre histoire… Seulement… Après que … ». Il s’autorisa un instant pour tenter de reprendre contenance. En vain. Il décida toutefois de poursuivre d’une voix nouée par le chagrin « J’ai consulté tes réseaux sociaux… Après que Flynn en ait parlé… En voulant que je reste, Ava m’a juste offert une porte de sortie pour te libérer de mon emprise… ». Il recula légèrement son visage pour croiser ses prunelles d’émeraudes, et caressa sa joue du bout des doigts « Tu te souviens… Je ne serais jamais une entrave à ta carrière… Tu as tout fondé de tes mains… Je… Je ne peux pas tout détruire parce que tu as eu le mal… » et se pinça les lèvres « Parce que tu m’aimes… ». Il retira sa main de la joue d’Angie pour se pincer l’arête du nez, retenant les larmes qui menaçaient de couler, et finit par quitter les draps brusquement « C’est trop dur… » et enfila rapidement son jean, pour s’éclipser aussitôt jusqu’à la terrasse où il se servit un verre de bourbon japonais qu’il ingurgita d’une traite. Il s’autorisa un second verre tout en s’approchant de la rambarde qui le séparait du vide, puis se retourna précipitamment pour lancer le verre contre la baie vitrée dans un grondement de colère. Ce dernier se brisa sous l’impact, répandant le liquide ambré à même le sol, parsemé d’éclats de verre. Après des années à réprimer constamment ses émotions, il lâchait finalement prise ce soir, dans la pénombre de la nuit…

Cette conversation, Angie aurait pu la remettre éternellement. Parce qu’elle n’avait pas la moindre envie de l’avoir. Et pourtant, ils ne pouvaient pas rester silencieux. Ils devaient se parler. Le sexe ne faisait pas tout. Ils venaient de s’offrir l’un à l’autre un peu comme un cadeau d’adieu. Pour avoir un merveilleux souvenir de leur osmose. Cependant, ils devaient ouvrir ce dossier douloureux. Alors elle tenta de mettre des mots sur tout ça. Elle lui fit comprendre qu’elle savait. Et surtout qu’elle ne lui en voulait pas. Qu’elle comprenait. Même si c’était horriblement douloureux. « -je sais… » souffla la jeune femme comme pour l’aider. C’était difficile pour lui comme pour elle. Elle aussi aurait aimé que la politique ne soit qu’un mauvais souvenir, ou appartienne aujourd’hui au passé d’Edward. Qu’ils soient libres de vivre ensemble, de construire autre chose. Qu’il puisse renouer avec sa passion pour la photo… Elle écouta la suite, et elle ferma les paupières avec douleur. « -je déteste quand tu dis ces mots. » parce que pour elle, s’était du grand n’importe quoi. « -je ne suis pas sous ton emprise. Je n’ai jamais été ta prisonnière. » non jamais. Elle était lucide. Elle savait bien que ce qui se déroulait sur les réseaux sociaux n’était pas arrivé ainsi. Mais elle était fautive. C’était Angie qui avait proposé de révéler leur relation, c’était elle qui avait dit que cela n’avait pas d’importance. Et pourtant, ça en avait. Sa relation avec Edward était en train de faire couler son entreprise. En tout cas sa popularité. Elle était prête à faire autre chose, à se réinventer, mais elle n’était pas seule. Flynn aussi… C’était même plus compliqué psychologiquement pour lui. Même s’il n’était pas sur le devant de la scène. Cette entreprise qu’ils avaient construit ensemble… il le regardait prendre l’eau, impuissant. Subissant les décisions d’Angelica.

Mais ce soir, c’était elle qui subissait de plein fouet tout cela. Avec Edward, ils étaient en train de mettre fin à leur histoire, dans une tentative désespérée… Est-ce que mettre un terme à leur relation ferait du bien à l’entreprise d’Angie ? Elle en doutait fortement. Le mal était fait… On allait encore parler d’eux dans les journaux. Parce qu’ils se séparaient. « -ce n’est pas ta faute… » répondit la jeune femme. Ce n’était pas à cause de son amour. C’était la stupidité des gens qui détruisait peu à peu ce qu’elle avait construit. « -Eddy attends… » souffla la jeune femme alors qu’il venait de sortir du lit de manière précipité. Pourtant, elle le laissa partir, restant seule dans les draps qu’ils venaient de froisser. La jolie rousse se mordit les lèvres, puis les larmes furent plus forte que sa volonté. Lorsqu’elle entendit un choc, elle se leva rapidement, enfila une robe de chambre et fila jusqu’à la terrasse. Elle s’empressa de vouloir rejoindre Edward et marcha sur un morceau de verre brisé, ce qui la fit hurlé de douleur. Elle chercha à sa s’asseoir rapidement, le pied en sang.

Lui qui avait toujours fait abstraction des dires de l’opinion publique, les laissant le médire avec indifférence, se laissait aujourd’hui dicter sa conduite par ses détracteurs afin de protéger nulle autre que l’influenceuse. Angelica s’était évertuée à construire son empire, surmontant tous les obstacles, l’un après l’autre, jusqu’à ce fameux contrat qui avait bouleversé leurs existences à jamais. Sans ce morceau de papier, elle n’aurait jamais été témoin de la déchéance de son entreprise et aurait poursuivit son ascension sans entrave. Seulement, elle avait serré sa main ce fameux soir sur le toit de l’Elyisum, sans se douter un instant que cette rencontre allait mené à la plus belle, mais aussi la plus douloureuse des histoires d’amour. La leur. Aujourd’hui, bien qu’Edward ne regrettait pas une seule seconde de leur histoire, que cela soit les éclats de voix ou de rires, il en venait parfois à souhaiter que tout cela ne soit qu’un mirage et qu’elle ne soit jamais tombée amoureuse de lui. Ainsi, elle ne subirait pas les affres de ses décisions politiques et mènerait sa vie comme si de rien n’était… Une pensée qui lui était affreusement douloureuse, et pourtant, pas moins dénouée de vérité. « Sans ce contrat, tu ne verrais pas ta société sombrer. Tu continuerais d’être pleinement heureuse… » murmura-t-il tout en caressant subtilement sa joue de ses doigts. « Je l’avais prédit, et pourtant, j’espérais me montrer un peu plus chaque jour … seulement … » et se tut sur ces mots un instant. Il avait nuit à sa carrière professionnelle, à son épanouissement et aujourd’hui, ça leur coûtait tout ce qui leur restait, soit l’amour qu’ils se portaient l’un à l’autre « Si je n’étais pas moi… Si je n’avais pas été cet homme-là … » et décida de quitter précipitamment les draps, s’éclipsant promptement de la chambre sans attendre. À maintes reprises, il s’était retrouvé confronté à ce moment dans le fil de ses songes, mais bien que douloureux, il n’avait jamais envisagé que cela puisse être aussi difficile.

Sans surprise, le premier verre ingurgité dans la hâte n’inhiba pas le moindre de ses ressentiments, les laissant même s’exprimer davantage, de telle sorte que la colère s’imprégna de lui et qu’il en vint à jeter, dans un geste de rage, son verre à l’autre bout de la terrasse. Il se brisa au contact de la baie vitrée, disséminant les débris sur le sol, au milieu du liquide ambré hors de prix qui jonché dorénavant le seuil de la terrasse. Il venait de mettre un terme à des années de répression de ses sentiments dans un élan de colère incontrôlé. Il était lassé de constamment enfouir ce qu’il éprouvait. Ce soir, il n’en avait plus la force… Le cri de douleur d’Angie le reconnecta bien vite au réel et sans attendre, se précipita jusqu’à elle, passant un bras sous ses genoux et l’autre sous ses bras, la soulevant comme si elle était une demoiselle en détresse « Je suis là. Je m’occupe de toi » et la déposa délicatement sur le rebord du canapé, à l’intérieur de la pièce de vie. Il s’agenouilla devant elle, et se saisit de son pied pour constater la plaie ensanglantée. Lentement, il osa un regard en sa direction « Tu vois… Je ne sais te faire que du mal… » conclut-il péniblement, avant de se redresser « Attends-moi ici, je reviens ». Son absence ne dura pas plus d’une minute ou deux, revenant avec le nécessaire de premier secours qu’il gardait toujours précieusement dans la salle de bain depuis le jour où sa nièce s’était tranchée la main avec le couteau de cuisine en tentant de préparer une tarte aux pommes avec Iris. Un souvenir d’un autre temps, d’une autre vie.

Sans mot dire, Edward retira le morceau de verre délicatement, non sans lui adresser quelques coups d’œil, s’assurant qu’elle ne souffrait pas outre-mesure, et s’empressa de désinfecté la plaie à l’issue, toujours avec une douceur infinie dans ses gestes. Après plusieurs minutes de silence, il finit par dire « Je suis désolé… Je me suis laissé emporter par la colère. Je n’ai pas pensé que je pourrais… te blesser ». Ce qui était pour le moins ironique au vu de leur situation personnelle. Tout en continuant de prendre soin de sa blessure, Edward reprit parole sans oser le moindre regard à son attention « J’imaginais que l’on aurait une jolie maison tous les deux, dans laquelle on se disputerait au sujet de la couleur du papier peint, et on finirait par faire l’amour au milieu des bâches de peinture… Je voulais que tu portes mon nom, que tu deviennes ma femme jusqu’à ce que la mort nous sépare. Ce sont bien ça les vœux, n’est-ce pas ? » et réprima un petit rire triste « Je t’aurais appris à danser la valse, puis tu m’aurais enseigné le yoga… ». Sa gorge se noua de nouveau sur ses mots et releva péniblement ses prunelles azurées et embuées de larmes sur elle « Je ne veux pas qu’on se quitte Angie et pourtant, j’ai la sensation que c’est la seule chose à faire … Je ne veux pas que dans cinq ou dix ans, quand tu seras lassée de moi et de mes humeurs massacrantes, tu regrettes qu’on ne se soit pas séparés à ce moment-ci, au moment où tu aurais pu encore sauver ton bébé… ».

Angie n’avait pas la moindre envie de s’énerver ou d’élever la voix, même si l’entendre dire ce genre de chose… Quand est ce qu’il allait comprendre qu’elle n’avait pas subit leur rencontre et encore moins leur relation ?! « -ne commence pas à dire ce genre de chose s’il te plais. » demanda la jolie rousse, le cœur lourd, la voix nouée. « -qui te dit que j’étais pleinement heureuse avant toi ? » il n’en savait rien. Il ne s’était sans doute jamais posé la question. « -tu n’es pas responsable de tout ça. » elle était catégorique. Il n’était en rien fautif. « -si tu n’étais pas toi, je ne serais pas tombée amoureuse et nous n’aurions pas vu notre histoire… » et elle n’avait pas de regret là-dessus. Jamais elle ne regretterait de l’avoir aimé. Jamais.

La conversation était difficile, douloureuse surtout. Et Edward décida d’y mettre un terme en quittant le lit et la chambre. Angie lui laissa quelques minutes. Elle ne voulait pas qu’ils se quittent ainsi, en le laissant rongé par les remords. C’était impensable pour elle. C’était la porte ouverte à la dépression et une lente descente aux enfers. C’était hors de question qu’elle le laisse s’infliger cela. Lorsqu’elle entendit un bruit étrange, elle se précipita pour le rejoindre et marcha sur du verre brisé. Cela lui tira un cri de douleur et de surprise. Elle fut rapidement soulevé du sol par Edward. « -ça va aller, c’est rien. » elle ne s’était pas tranchée toute la plante du pied. Un peu de désinfectant et un léger bandage et tout irait bien. « -si c’est pour dire des absurdité, je préfère encore que tu ne dises rien. » répondit Angie, avant de faire de l’ironie. « -je comptais pas vraiment partir en balade. » elle avait mal, mais ce n’était rien comparé à ce qui se passait dans son cœur.

Elle le laissa s’occuper de la blessure, sans le quitter des yeux une seule seconde. Elle tenait tellement à lui… Angie l’écouta lorsqu’il décida d’enfin prendre de nouveau la parole. « -Eddy… » souffla la jeune femme. « -si je n’avais pas la fâcheuse manie de marcher pieds nus, ça ne serait pas arrivé. » pourquoi s’obstinait il à se faire du mal ? Elle l’écouta, le cœur gros, mais elle parvint à sourire parce que c’était beau. « -je dirais : et au-delà. Parce que la mort n’arrête pas l’amour. » elle lui sourit avec douceur. Elle se passa les deux mains sur le visage en écoutant la suite. « -ne fais pas ça. » lui demanda la belle rousse. « -ne malmène pas notre histoire et nos sentiments. Je t’en prie. » elle ne voulait pas qu’ils se quittent ainsi. « -j’aurai adoré pouvoir construire ce futur avec toi… je nous imaginais déjà… » elle se pinça les lèvres et entoura le visage d’Edward de ses deux mains : « -je veux que tu m’écoutes attentivement. Tu peux faire ça pour moi ? » elle voulait surtout qu’il assimile ce qu’elle allait lui dire : « -jamais je ne regretterais notre histoire. Que mon entreprise survivre ou non. » elle lui sourit : « -et je ne me serais jamais lassée de toi. »