Pour l'heure, Max semble avoir compris le besoin que j'ai d'avancer doucement. Ce doit être frustrant pour lui, mais il le respecte ce rythme lent que je lui impose bien malgré moi. La fuite est pourtant tellement plus simple. Personne ne lui reprocherait d'abandonner, certainement pas moi. Je sais très bien que, un jour ou l'autre, je recommencerai forcément à le repousser, à être méchante… Ce n'est pas totalement volontaire. J'aimerais vraiment trouver une autre méthode pour tester la solidité des autres… Leur volonté, leur courage, leur "amour". Parce qu'il en fallait une bonne dose pour tolérer mes travers. Je ne suis même pas sûre d'en être moi-même capable, probablement pas.

En tout cas, pour l'instant, je n'éprouve aucunement l'envie de le repousser. Je ne veux pas être méchante non plus… Je veux juste profiter de ce petit moment de paix. Je sais qu'il ne durera pas. Sans doute parce que, à un moment ou à un autre, je viendrai le gâcher.

En attendant, je lui rends son baiser, le faisant durer un peu plus longtemps que le précédent. Je n'essaie pas de l'inviter à quoi que ce soit de plus, seulement de lui faire comprendre que je l'accepte.

– On peut ? Vraiment ? demandé-je, surprise par sa proposition. Les autres ne risquent pas de s'inquiéter ? L'endroit n'est pas trop exposé ?

Enfin, logiquement, dans un lieu aussi reculé, peu de chance de tomber sur les motards. Ils préfèrent longer les routes et, ici, mis à part de vieux chemins de randonnée laissés aux bons soins de la nature, il n'y a rien. Cela me rassure un peu et… Je meurs d'envie de voir à quoi peut bien ressembler un coucher de soleil sur le lac. Malgré mes inquiétudes, cette possibilité de rester m'enchante sincèrement. Et pour le lui prouver, je viens me blottir dans ses bras. Rien de plus. Un simple câlin qui achève de m'apaiser.

Elle revient chercher mes lèvres pour un baiser plus long que celui que je lui ai donné. Non seulement plus long, mais également symbolique, ce baiser est le premier qu’elle vient chercher elle-même. J’ai toujours été l’initiateur de nos baisers, celui-ci est le premier qui émane d’elle. Aussi, à peine ses lippes rencontrent-elles les miennes que je ferme les yeux pour me laisser frissonner de ce petit plaisir.

A l’issue de ce long baiser trop court, c’est la définition même d’un bon baiser que d’être trop court, elle s’interroge sur la réelle possibilité de passer la nuit ici. Elle s’inquiète pour les autres, de l’endroit, bref, de tout ce qui pourrait aller de travers.

On doit être à cinq-cents mètres du bateau, à tout casser et, nous sommes en liaison radio avec Charly au besoin. On va les prévenir, qu’ils ne s’inquiètent pas de ne pas nous voir revenir et on fera un point radio régulier. Quant à l’exposition de l’endroit… Je regardais tout autour de moi.

Je ne peux pas te promettre que cela ne représente aucun risque, mais les axes routiers sont assez loin d’après la carte et la végétation est plutôt dense, par précaution, nous ne ferons pas de feu, mais j’ai de quoi chauffer le repas tout de même. Mis à part quelques insectes, je doute que l’on craigne grand-chose. Répondis-je alors qu’elle venait se blottir contre moi.
Je refermais mes bras autour d’elle pour répondre à son câlin, heureux que l’idée de rester ici cette nuit paraisse lui plaire à ce point. En revanche, il y a le risque non négligeable de dormir ensemble, je risque d'être tenté de te prendre dans mes bras ! Supposais-je, taquin, avant de lui tapoter le bout du nez de mon doigt.

On a encore quelques belles heures de soleil devant nous et, je t’avoue que je piquerais bien une tête, pas toi ? Demandais-je alors.

Max confirme simplement mes pensées. Il semble évident que notre parfaite sécurité ne peut être garantie. C'est le cas partout, même à bord du bateau. Si l'on prend quelques précautions, comme le fait de ne pas allumer de feu, on devrait passer une nuit plutôt tranquille. Fermant les yeux tout contre lui, je me contente de grogner… C'est une réponse comme une autre après tout.

– Ça, ça ne me pose pas de problème, rétorqué-je sous entendant que je ne suis certainement pas prête à franchir un autre cap pour l'instant. Et puis, je n'ai pas pris de couverture et je n'ai pas non plus d'oreiller. Je suis sûre que tu sauras jouer ce rôle, le taquiné-je à mon tour, mimant l'intention de mordre le doigt qui vient de toucher mon nez.

Il nous reste effectivement du temps avant que le soleil ne se couche. Aussi, il propose d'aller nous baigner. Il est vrai que l'endroit s'y prête et j'en avais sincèrement envie… Mais un autre problème se pose alors. Premièrement, je n'ai pas vraiment de vêtement de rechange. Ce qui ne poserait pas le moindre problème si le fait de me baigner en sous-vêtements ne me dérangeait pas. Il a déjà vu mes jambes, ce n'est pas le soucis. En revanche, la partie supérieure, il ne l'a jamais vue… Et celle-ci est, par endroits, profondément marquée par des années de sévices. Je n'ai pas vraiment le cœur à lui exposer tout ça à la figure pour l'instant.

– Sans moi. Je préfère regarder le paysage, réponds-je en souriant. Et puis, après tu vas t'inquiéter pour ma jambe…

Je dois pouvoir faire la couverture ! Affirmais-je d’un air coquin, parfaitement conscient qu’elle m’imaginait probablement plus en oreiller. Je caressais sa lèvre du doigt après avoir “fui” la morsure, proposant alors d’aller se baigner. Je vois son regard se poser sur l’eau avant qu’elle ne rejette l’idée, arguant préférer regarder le paysage et supposant que je risque de m’inquiéter pour sa jambe.

Nan, maintenant que je l’ai ausculté, je sais qu’elle peut résister à une baignade ! Pouffais-je en quittant la chaleur de ses bras. Je retire alors chaussures et chaussettes avant de me débarrasser de mon t-shirt et de mon short de course. Ne portant désormais plus qu’un caleçon bleu pâle, je me tournais vers elle.

Alors, un air malicieux au visage, je passe un bras derrière ses épaules, l’autre sous ses jambes pour la soulever de terre… avant de foncer dans le lac, quatre mètres plus loin. Je me retrouve, de l’eau jusqu’à la taille, tenant Lya à quelques centimètres des flots, un sourire joueur aux lèvres.
Tombera, tombera pas ? Gloussais-je.

– Ton humour est carrément douteux … Tu le sais, n'est-ce pas ? dis-je en affichant une moue boudeuse en voyant son air taquin.

J'aurais dû me douter, en le voyant se déshabiller, qu'il avait une idée derrière la tête. J'aurais dû, oui… Mon excuse, il l'avait envoyée bouler comme son t-shirt. Il ne s'en soucie pas le moins du monde et m'assure que ma jambe peut bien résister à une baignade… Ma jambe, peut-être, mais pas moi… Enfin, c'est surtout l'après baignade qui m'inquiète. Sauf que ça, il n'en sait rien, évidemment. Lui, il cherche simplement à s'amuser. Alors, bien-sûr, je peste lorsque mes pieds décollent du sol. Je m'agrippe à son cou pour ne pas chuter tandis qu'il fonce vers l'étendue d'eau…

– S'il te plaît… Non, le supplié-je, sincèrement inquiète. Je ne veux vraiment pas…

Je ne tiens pas à jouer le rôle de la rabat-joie de service, mais j'insiste… Et comme je ne tiens pas spécialement à ce qu'il joue la provocation, je prends sur moi.

– Il y a des choses que je ne veux pas que tu vois… Pas encore. Ça peut te paraître stupide, mais c'est comme ça… Donc, s'il te plaît, repose-moi…

Evidemment, elle proteste, elle grogne tout en s’accrochant à mon cou pendant que je la trimbale jusqu’à la flotte. Convaincu de ne rien faire de plus que de la taquiner et que, au pire, elle sera mouillée et que ce n’est pas bien grave, je suis surpris lorsqu’elle couine presque pour que je l’épargne. Sur le coup, mes sourcils se froncent, à la recherche d’un problème éventuel.

Je la tiens fermement contre moi alors qu’elle évoque des choses qu’elle ne veut pas que je vois, pas encore du moins. Il ne faut pas être très malin pour comprendre que, sous ses habits, d’autres marques se cachent. Des traces d’un passé houleux, qu’elle se sera infligée elle-même ou qu’on lui aurait laissé. Soit c’est cela, soit c’est un tout autre problème d’ordre physique.

Aussi, je hoche la tête avec un sourire compréhensif, faisant donc demi-tour pour la ramener sur le bord du lac. Pas de soucis Lya, je comprends ! Annonçais-je en me voulant rassurant avant de la poser sur le bord. Je lui lançais un sourire avant de monter sur la digue et de m’élancer pour faire un beau plongeon. J’avais toujours été très à l’aise dans l’eau, aussi mon plongeon était assez précis. En revanche, je n’avais jamais nagé en caleçon et, pour cause, ce dernier me fut arraché à l’instant même où je traversais la surface de l’eau.
Ce type de sous-vêtement n’était définitivement pas adapté à ce genre d’activité, contrairement à d’autres.

Lorsque j’émerge, je me sens particulièrement couillon en voyant mon habit flotté nonchalamment en direction de la digue.

Je lui suis tout particulièrement reconnaissante de ne pas insister et surtout de ne pas me poser la moindre question. Il y a certainement des choses que nous aurons à évoquer, plus tard. Mais ce n'est ni l'endroit, ni le moment. Je retrouve la terre ferme, enfin presque puisque je trouve refuge sur la digue, tandis qu'il retourne s'ébattre dans l'eau.

Je le regarde plonger…. Et remarque que son caleçon remonte à la surface bien avant lui… Il aurait probablement dû garder son short… Le morceau de tissu, propulsé par les vagues provoquées par le plongeon de Max, vogue tranquillement vers moi. Je me penche pour le ramasser avant de lancer un regard amusé dans la direction de l'homme nu qui barbotait, l'air gêné.

– Alors euh… Je pense que tu as perdu un petit quelque chose, lui dis-je en agitant le linge. Tu attrapes ?

Je lui lance alors son dû, veillant à viser correctement.

– J'espère qu'elle est bonne, ce serait dommage que tu attrapes froid, pouffé-je avant de retourner m'asseoir.

Je finis néanmoins par m'allonger. Le ciel est plutôt beau vu d'ici. Je suis presque tentée de m'endormir tant je me sens à mon aise.

J’éclate de rire lorsque la blonde me regarde, amusée, mon caleçon en main.

J’en ai bien l’impression. C’est un peu embarrassant, je crois que le karma me puni d’avoir envisagé de te jeter à l’eau ! Pouffais-je alors qu’elle me demandait de réceptionner le vêtement. Vas-y !

Le tissu trempé vol en projetant des gouttes un peu partout avant d’atterrir juste devant moi, m’aspergeant au passage. Je le brandissais en signe de victoire avant de l’enfiler.
Elle est bonne oui, un vrai régal ! Avouais-je. Je me mettais alors à nager tranquillement, regrettant qu’elle ne puisse pas en profiter elle aussi. Je comprenais sa difficulté, elle avait déjà fait de nombreux pas aujourd’hui et, celui-ci devait être terriblement difficile à franchir.

Alors que je nage sur le dos, je peux la voir s’allonger. C’est exact que le ciel est beau en cette saison. Clair et lumineux, quelques rares nuages effilochés le parcourant. Au bout de quelques minutes, je sors du lac pour venir m’asseoir près d’elle en veillant à ne pas l’arroser.

Lya, si je m’installe sous cet arbre, là-bas, et que je ne regarde pas vers le lac, je serais assez loin pour ne rien voir… Cela te permettrait d’en profiter aussi. Proposais-je en souriant, sincèrement désireux qu’elle puisse pleinement profiter de cette excursion.

Je me sens parfaitement bien, allongée là sous ce magnifique ciel bleu. Une légère brise souffle et vient me caresser la peau. Les clapotis de l'eau m'apaisent, jouant le rôle des percussions tandis que les oiseaux jouent des cordes. À dire vrai, je ne bougerai pour rien au monde… Sauf si le ponton vient à s'écrouler, bien-sûr. En attendant, je savoure simplement l'instant.

Lorsque Max vient me rejoindre, je l'accueille en souriant avant de me redresser. Il est trempé, sa peau est couverte de chair de poule. Il me propose alors de s'éloigner pour que je puisse me baigner à mon tour. Et si sa proposition me touche, je ne peux pas m'empêcher d'afficher une mine dubitative.

– C'est bon, tu n'as pas à faire ça. On devait passer ce moment ensemble après tout je me penche légèrement afin de donner un coup d'épaule dans la sienne. Et puis j'ai déjà pris un bain tout à l'heure. J'ai eu ma dose.

Je ne me rends pas compte que, naturellement, je me suis mise à chuchoter. Le calme s'installe de nouveau et je me sens toujours aussi bien… Et puis, au loin…Je vois deux petites formes sortir du bois. D'abord inquiète que nous ayons affaire à une menace, je me fige un instant… Jusqu'à ce que je réalise qu'il s'agit en réalité d'une biche et de son petit, venus s'abreuver. Je suis surprise de leur venue. Après tout, jusque là, nous n'étions pas discrets pour un sous. D'ordinaire, ce genre de créatures se montrent beaucoup plus méfiantes, mais pas aujourd'hui. Alors je les observe, longuement, la tête appuyée sur l'épaule mouillée de Max.

Là, tout de suite, je pourrai mourir en paix.

Je ne peux m’empêcher de sourire à sa réponse. Il est évident que je préfère passer mon temps avec elle plutôt que loin d’elle, mais je tenais à lui faire cette proposition.

Je voulais juste que tu ne te prives pas, mais je préfère largement rester avec toi ! Avouais-je en souriant alors qu’elle me mettait un coup d’épaule. En parlant tout bas, elle annonce que, de toute façon, elle s’est déjà baignée et que cela lui suffit amplement ainsi. À l’évidence, même si elle changeait d’avis, le lac ne s’envolerait pas.
Nous restons alors ainsi, côtes-à-côtes, tandis que le calme et le silence de l’endroit nous fait promesse de secret sur ce moment perdu dans les arcanes du temps. Elle se tient là, juste à côté de moi et cela me suffit, tout simplement.
Après un temps, du trafic dans les buissons nous alerte tous les deux et, alors que je cherche déjà mon arme des yeux, une tension nous gagne.

Une biche et son faon, ou sa bichette, émergent alors pour venir boire dans les eaux calmes du lac. C’est sûr, maintenant qu’il n’y a plus ce couillon d’humain qui barbote, les eaux sont calmes. Mes lèvres s’étirent alors que je me détends, Lya venant même poser sa tête sur mon épaule. D’un geste lent, je l’enveloppe d’un bras pour la tenir contre moi comme dans un cocon d’affection.

Les animaux ont filé depuis un petit moment à présent, mais nous n’avons pas bougé. Le ciel s’assombrit lentement et je suis parcouru d’un frisson. N’ayant aucune envie de lâcher la blonde, je grogne en retirant malgré tout.
Je vais m’habiller, après, je te propose de voir quel alcool contient mon sac ? Proposais-je joie.