On s'en fou du coach. Y'a bien que lui qui s'en fiche. En visant l'or Olympique, Cornelia sait qu'elle doit faire des sacrifices et que les conseils du coach sont autant d'aides précieuses qu'elle doit conserver pour toucher ses rêves du bout des doigts. Alors non, le coach, elle ne s'en fou pas et elle sait que si elle en est là où elle est aujourd'hui, c'est grâce à lui et à ce qu'il a déjà fait avec elle. Un jour, si elle devient championne, ce sera aussi de son fait. Pas seulement de celui du coach qui doit arriver l'an prochain.

"- Ma mère m'a toujours dis... Tu sais ce que tu perds, pas ce que tu obtiens. On verra bien ce qu'elle vaut." elle pousse un soupir. "Papa et maman sont prêts à me payer un coach hors de prix pour 2026 si le coaching à la patinoire n'est pas au niveau." confesse-t-elle. "Alors espérons qu'elle soit vraiment bien."

Elle grimpe en voiture comme il l'y invite, acceptant l'idée d'un kebab sans même chercher à débattre. Ouai, Andy est vraiment un mec en or. Elle espère que Lisa pourra s'en rendre compte. Faudrait qu'elle essaie de savoir un peu ce que la rouquine pense de son meilleur ami. Discrètement. Juste... histoire d'être sûre, de veiller sur lui comme il veille sur elle et... de s'assurer qu'elle ne lui fasse pas de mal. La dernière chose dont elle a envie c'est de voir quelqu'un comme Andy souffrir.

"- C'est pas comparable." elle souffle. "Personne me frappe, moi." qu'elle ajoute dans un soupir léger, sans être sûre qu'il l'ait entendu. "Ma famille m'aime et ils ne me forcent pas à faire du patinage. Je pourrais arrêter si je voulais. Papa aime pas les hockeyeurs mais... J'crois surtout qu'il déteste Sachs. Ils ont fréquenté la même patinoire. Faut croire que Sachs Senior a toujours été un gros con."

Ouai, sa famille l'aime, elle. Alors oui, son frère est une tête en l'air c'est pas nouveau et il a tellement l'habitude qu'elle disparaisse des journées entières qu'il ne s'étonnerait pas de ne pas avoir de nouvelles aujourd'hui mais... Ce n'est en rien comparable à ce qu'elle a aperçu quelques fois chez Sachs, par sa fenêtre. Et encore, elle n'avait eut qu'un léger aperçu, quoiqu'elle l'ignora.

En démarrant, lentement, sûrement, Cornelia reprend doucement des couleurs. Elle reprend son énergie, reprend du poil de la bête. Elle parle de son avenir, de ce qui est prévu pour après le Diplôme. Elle semble prête à accepter aussi de manger gras pour reprendre des forces, reprendre tout ce qu’elle a perdu en essayant d’oublier tout ce qui vient de se passer. Et toi, tu roules. Tu l’écoutes. Tu te diriges vers une adresse que vous connaissez bien, où vous alliez de temps en temps pour oublier un instant, les contraintes et les sacrifices que vous faisiez pour ce sport que vous aimez tant.

Tu grimaces et manques de piler quand tu entends la révélation sur Sachs, une chance que tu sois à un feu rouge.

- Non ?! Sans déconner ?

Que tu demandes, sans conviction, sans y croire. Le petit con de Sachs est un enfant maltraité ? Tu te ronges un ongle, te disant que tu demanderas plus à Lisa, qui, elle, doit sûrement être au courant. Même si, bien sûr, tu ne remets pas en question la parole de ta meilleure amie. Elle vit en face, littéralement. Enfin, à côté. Les fenêtres sont proches. Tu soupires et secoues négativement la tête.

- Putain. Père de l’année… Entre lui et c’lui de Lisa qui s’est barré… J’crois qu’on a pas à se plaindre des nôtres.

Tu grognes un peu et te retiens d’insulter ces hommes d’un coup, que tu connais mal. Mais par principe… Tu soupires et te gares finalement devant le fast-food. Tu accompagnes ensuite ton amie à l’intérieur, lui faisant changer d’avis en parlant des photos que tu avais reçus de Lisa, priant pour que ça suffise pour lui changer les idées. Tu n’as d’ailleurs pas vu le temps passer qu’il était déjà presque l’heure de partir quand vous aviez fini. Tu l’as alors raccompagné chez elle, remarquant l’absence de voiture devant les Sachs. Tu as essayé d’ignorer, embrassant ta meilleure amie sur le front en lui souhaitant bonne nuit.

En la quittant, tu avais une chose en tête, avoir le cœur net sur ce qui se passe réellement derrière les portes de la maison voisine. Lisa sera la solution.

- Pourvu qu’elle rentre rapidement..

Que tu murmures, imaginant le pire à venir pour cet été.

Quelques jours plus tard ~

Rien à faire. Tu n’avais pas osé réitéré l’expérience après ça. Tu ne l’avais pas appelé, pas envoyé de message, la voyant repartir chaque matin avec son frère ou avec Myers pour aller à la patinoire. Tu t’en voulais encore pour la dernière fois et lui parler par message n’avait pas vraiment arrangé les choses. C’était froid, sans issue, possibilité de trouver quelque chose pour attirer son attention. Ou alors parce que tu hésitais trop pour oser, aussi. Tu ne saurais pas dire. Puis il y avait encore Lisa à l’autre bout de la planète, sans son décalage horaire, qui devait sûrement profiter de son séjour que tu ne voulais pas gâcher.

Alors tu as encaissé. Tu t’es défoulé sur la glace avec les autres hockeyeurs, tu t’es défoulé chez toi, à hurler sous l’eau dans ton bain, à pleurer en silence dans le noir, conscient qu’il serait mieux que tu oublies tout ça. Mais c’était presque impossible. Il te suffisait de lever la tête pour la voir passer à se fenêtre, habillée, en serviette, en survêtement, cheveux attachés, détaché, l’air stressée, confiante, anxieuse… Avec les années, tu avais fini par deviner ce qui pouvait se passer selon ses gestes et son quotidien. Mais tu savais aussi qu’à la moindre erreur, elle aussi pouvait tourner la tête pour voir que tu l’observais.

Alors tu as encaissé. Mais cette nuit, tu ne pouvais plus. Tu t’es levé, attrapant ta batte de baseball qui se trouvait sous ton lit, t’habillant en vitesse, ton téléphone en poche et tu es allé sur ton balcon. Trop tard pour que tu puisses prendre la poudre d’escampette par la porte d’entrée, trop tôt pour que tu puisses réveiller Lisa en l’appelant pour dire ce que tu avais sur le cœur. Alors tu t’es contenté d’escalader la barrière et d’atterrir dans le jardin. Comme une vieille habitude, comme si tu savais exactement où atterrir en sautant. Comme si la distance ne te faisait pas peur et comme si, au pire, si tu te faisais mal, tu t’en foutais.

Et tu as couru. Tu as couru vers ce lieu qui te faisait du bien, cette safe zone où tu pouvais hurler sans que personne ne dise rien. L’ancienne déchetterie. Une petite demie heure de marche en hauteur, mais tu connaissais le propriétaire qui te laissait passer par un endroit peu surveillé. Un trou dans un plancher et là… Tu pouvais te défouler. Comme aller à une rage room, sans payer. Tu frappais tout ce qui se trouvait à portée de main, rageant contre toi-même. Tu ne sais pas combien de temps ça a duré, mais tu sais que tu t’es arrêté en sentant vibrer dans ta poche ton téléphone. Qui ? Quoi ?

Tu regardes les notifications et manques de tomber sur le cul en reconnaissant le coeur qui cachait son nom dans ton répertoire. Pourquoi Elle ?

La nuit était tombée depuis un moment et, pourtant, Cornelia ne parvenait pas à trouver le sommeil. Bien que la maison soit silencieuse et que tout le monde dorme déjà, qu'elle aurait dû pouvoir en faire de même, ce n'est pas le cas. Quelque chose la préoccupe, comme depuis plusieurs jours déjà. Le comportement plus qu'étrange de Sachs, ces derniers temps. Sachs qu'elle n'a pas croisé à la patinoire depuis la dernière fois, quand l'un de ses amis et coéquipier a bien faillit l'envoyer tout droit à l'hôpital, ou pire.

Fixant son plafond, elle pousse un soupir avant de se lever pour ouvrir la fenêtre donnant sur son balcon. Peut-être qu'un peu d'air frais lui ferait le plus grand bien. Peut-être qu'un peu d'air frais lui permettra de dormir. Mais elle arrête son geste au moment d'ouvrir la porte comme elle aperçoit Aayden sur son propre balcon, enjambant celui-ci, une batte à la main. Ses sourcils se froncent. Elle tourne sa tête vers l'horloge qui lui confirme ce qu'elle sait déjà. Il est tard. Trop tard pour sortir en douce dans la nuit avec une batte de baseball. Mais elle ne dit rien, ne l'appelle pas et n'ouvre sa fenêtre qu'au moment où l'homme n'est plus dans son champ de vision. Avançant sur le balcon, elle se penche et le regarde disparaître à l'horizon, surprise.

Qu'est-ce qu'il vient de se passer ? Elle n'en sait rien. Elle ne peut pas s'expliquer cette fuite nocturne, encore qu'il aurait bien des raisons de fuir sa famille mais... Ce n'est pas de ça qu'il s'agit ici. Elle rentre dans sa chambre, attrape son téléphone et se ravise. Andy dort de ces heures, elle ne peut pas le réveiller. A moins qu'il parle à Lisa. Auquel cas il n'a pas besoin qu'elle le dérange maintenant. Avec ses seize heures d'avance sur New York, les fenêtres de temps permettant à Andy de discuter avec la demoiselle sont assez réduites. Elle aime autant ne pas l'amputer d'un de ces moments.

Poussant un soupir, elle s'installe sur le balcon, dans la fraîcheur de la nuit. Elle attend. Quoi ? Elle ne sait pas vraiment. Mais elle attend tout de même. Jusqu'à finalement prendre son téléphone et taper un message qu'elle ne réfléchit pas vraiment.

De à Sachs

T'es au courant que c'est Batman le héro nocturne, pas Batteman ?

Ton cœur déconne dans ta poitrine. Tu essayes de relire, vérifier que tu n’as pas rêvé de tout ça. Tu cherches un pneu pour te poser, laisser la batte par terre à tes pieds et tu plisses les yeux en baissant la luminosité de ton écran en relisant. Non. Tu n’es pas en train d’halluciner. Elle était bel et bien en train de t’écrire. À toi. Toi et toi seul. Tu serres les dents et redresses la tête en réalisant où tu étais. Tu étais là, dans la nuit, assis sur un pneu de voiture à moitié pété, seul, au milieu de verre cassé et du plastique usé à son paroxysme.

Ta batte de baseball fétiche qui t’a permis d’évacuer trop d’émotion à la fois à tes pieds qui est là, intacte après toutes ces années à frapper dans n’importe quoi. Et tu es là, portable à la main, à relire un message avec un peu d’humour, écrit à un horaire dérisoire, avec un nom caché. Tu te pinces les lèvres, essayant de réfléchir à ce que tu pouvais répondre, mais l’euphorie te fait rire. Oui. Tu ris. Tu te mets à rire doucement en baissant la tête, incapable de t’arrêter. Tu te redresses doucement avant de passer une main sur ton visage. Tu te mords la lèvre et l’intérieure de la joue avant de tapoter frénétiquement sur ton clavier.

De Sachs à

J'aurais jamais cru être comparé à Batman. De ton point de vue, j'pensais plus être le Joker.

Tu oses. Tu oses rebondir sur sa référence en jouant avec la dualité de votre relation actuelle. Oui. Tu es bien conscient de tout ça. Depuis le temps. Tu soupires un instant, regroupant tes genoux pour poser tes bras, ton menton dessus. Tu fermes les yeux pour reprendre un peu ton inspiration, ton calme. Aidé par le silence du lieu, tu revois ton téléphone et commence à écrire un autre message. Tu déglutis, craignant de la possible réponse que tu pourrais avoir à la question que tu demandes. D’ailleurs, il faudrait peut-être que tu rentres. Tu réfléchis un peu avant de te relire avant d’appuyer sur envoyer.

De Sachs à

J't'ai réveillé en partant? Désolé. J'pensais avoir éteint toutes mes lumières.

C’est fait. Tu peux enfin te lever, reprendre ta batte et prendre le chemin inverse. Tu es à peu près calmé… Enfin, tu le crois. Pourtant, tes pieds ne veulent plus avancer. Tu es là. La tête figée sur l’écran blanc, ta main gauche sur le manche, le pouce de ta main droite qui tapote nerveusement ta coque de téléphone. Tu attends.

Le comparer à Batman ? Non, elle ne l'a pas... Elle a seulement dit, enfin, sous-entendu, qu'il se soit trompé. Elle n'a pas voulu dire... Elle fronce les sourcils devant la réponse qu'il lui a faite et à laquelle elle ne s'attendait pas. Lui, Batman ? Elle semble pensive quelques secondes, secoue la tête, puis tape une réponse qu'elle envoie rapidement.

De à Sachs

Note que ce n'est pas ce que j'ai dis. Mais maintenant qu'tu l'dis... riche, asocial, en colère... On pourrait s'y tromper.

Batman, rien que ça. Non, ce n'était... rien de plus qu'un jeu de mots. Elle fronce les sourcils et fixe la fenêtre d'en face, bien qu'elle sache parfaitement que la pièce est vide. Et... Il a répondu rapidement, d'ailleurs. Alors... Où est-ce qu'il a bien put aller ? En fait, ça ne la regarde pas du tout. Mais ça ne l'empêche pas de se poser la question malgré tout. Elle détourne le regard, le fixe de nouveau sur l'écran du téléphone qui vient de vibrer.

De à Sachs

Non, j'arrivais pas à dormir. T'as rien fait.

Pour une fois, efface-t-elle au dernier moment, avant d'envoyer son message. Inutile de mordre quand, de toute évidence, il se comporte plutôt bien. Elle fixe de nouveau la fenêtre de sa chambre, le décor qu'elle peut en apercevoir. Depuis quand, diable, parlait-elle normalement avec Aayden Sachs ? Tout ça n'avait... rien de naturel. Et pourtant, il était surprenant de constater que ça semblait l'être, malgré tout leur passif.

Tu souris. Tu te remets à sourire comme un idiot en voyant ses réponses. Tu te mords de nouveau la lèvre quand tu lis la comparaison. Pourtant, tu te voyais plus comme le Joker… Cet antagoniste déchiré… Ou l’Épouvantail, se nourrissant de la peur des autres et de la sienne. Tu pouffes un peu et tapes une dernière fois mollement contre le pneu qui t’avait servi de chaise et commence alors à faire le chemin du retour vers la maison. C’était peut-être mieux au final. Tu t’étais assez défoulé, tu pouvais en silence prendre une douche et aller te coucher… Ou non.

Pourtant, tu demandes. Tu oses lui demander, parce que tu avais peur d’un coup que ton escapade nocturne l’a dérangé dans son rythme de sommeil. Oui, tu n’as rien fait, mais ce serait de bonne guerre qu’elle t’en veuille un peu, tout de même. Donc tu demandes. Mais tant mieux si tu n’es pas la cause de tout ça. Pourquoi, pourquoi diable t’aurait-elle alors envoyé ce message plutôt que d’aller se reposer, oublier et se recoucher ? Tu ne sais pas.

De Sachs à

Toi aussi ?

Que tu demandes avec innocence. Pourquoi tu n’avais pas dormi, c’était clair. Tu étais en pleine phase où ton cerveau n’arrivait pas à suivre, trop occupé à cogiter après tout ça. Tu continues d’avancer, tranquillement, prenant ces rues que tu connaissais tant. Tu te mords la lèvre et inspires doucement avant de t’arrêter un instant, observant le ciel. Tu soupires un peu, reprenant le chemin en baissant la tête.

De Sachs à

Tu sais pourquoi ?

Oh, toi, tu sais. Cauchemar, angoisse, peur… Ton imagination qui faisait son bonhomme de chemin alors que tu pensais vraiment devoir finir l’été dans cet état, l’envie de finir sous la couette pour le restant de tes jours sans demander ton reste à personne. Tu te grattes un peu la tempe, plaçant ta batte sur ton épaule, la retirant, jonglant un peu avec, plus pour que ton cerveau soit occupé qu’autre chose.

De Sachs à

J’peux y faire quelque chose ?

Est-ce qu'elle sait pourquoi elle n'arrivait pas à dormir ? En fait, pas vraiment. Elle a imaginé que c'était peut-être à cause de la chaleur, mais peut-être pas. Peut-être que son esprit est juste incapable de s'apaiser ces derniers temps, qu'il est trop focalisé sur tout ce qui s'est passé ces dernières semaines. Depuis le jour où Sachs a décidé de la porter sur ses épaules pour rentrer chez eux, il semble que plus rien ne soit normal. Que plus rien ne tourne normalement. Il y a encore quelques semaines, l'homme ne lui adressait jamais la parole sinon pour provoquer, critiquer, piquer. Et maintenant, il semblait qu'il soit un autre homme. Ce n'était pas possible de changer comme ça. Pas possible de se réveiller un matin en décidant de ne plus être le petit con que l'on a toujours été, sans rechuter. Elle ne peut pas le croire. Elle ne peut pas croire qu'il n'y ait rien de préoccupant là-dedans. Pas croire qu'il ne soit pas nécessaire de se méfier. Elle est au contraire convaincu que c'est ce qu'elle soit faire. Se méfier. S'attendre à ce que le coup vienne, tôt ou tard. Parce qu'il vient toujours.

De à Sachs

Je ne sais pas trop. La chaleur, peut-être.

Ou peut-être que c'est bien sa faute à lui, indirectement. Peut-être que c'est totalement à cause de lui qu'elle ne peut pas dormir, mais pas en raison du fait qu'il soit sorti ce soir, seulement en raison de ses actions des dernières semaines. Andy lui affirme qu'il ne faut pas s'alarmer, que peut-être Aayden veut juste se racheter, mais c'est bizarre de l'imaginer. De l'envisager. Elle ne sait pas trop. Elle ne sait pas trop à quoi elle doit s'attendre mais c'est étrange. Et quand l'homme demande s'il peut y faire quelque chose, elle hésite.

De à Sachs

Je sais toujours pas à quoi tu joue...

Elle envoie son message, reportant son regard sur la façade faisant face à sa fenêtre. Elle ne sait toujours pas à quoi il joue et c'est précisément cela qui occupe ses pensées ces derniers temps. Il ne l'a pas habitué à tout ça. Il ne l'a pas habitué à être autre chose qu'un imbécile. Elle ne sait pas gérer ça.

De à Sachs

Je veux dire... Personne ne change d'un coup comme ça, dans la nuit. T'as toujours été un crétin et maintenant tu serais gentil ? Juste... Comme ça ? Un jour ça t'as pété ?

La chaleur qu’elle te dit. Possible. Les nuits sont plus douces, plus fraîches. Est-ce vraiment ça ? Alors que tu reprends ta marche, tu essayes d’y réfléchir. La chaleur. Oui, l’été est là, la patinoire n’ouvre que pour les licenciés du club, les entraînements, les sportifs qui vont bientôt aller en université ou vous, en club, toujours au lycée. Tu soupires, voulant lui répondre avant de te figer en voyant la suite des messages. Tu serres les dents et soupires. Tu soupires et secoues la tête en reprenant le chemin vers la maison. Tu y es presque. Tu seras rentré dans quelques minutes.

Minutes que tu allonges en cherchant la réponse à tout ça. À quoi tu joues ? À quoi tu joues avec elle ? Qu’est-ce qui te prends ? Cela fait juste des semaines que tu t’étais rendu compte que l’envie de lui parler, la taquiner était peut-être juste pour attirer son attention. Peut-être que tu l’as toujours aimé d’une certaine manière, incapable de l’exprimer correctement au vu de ce que te disait ton père et de ton incapacité de dévoiler tous tes sentiments. Peut-être que ce n'était que ça. Alors, non, tu ne jouais pas spécialement, tu essayais juste de l’approcher doucement, l’apprivoiser comme on le ferait avec un animal blessé.

Mais c’est d’autant plus dur quand on a été le bourreau de tout ce mal. La méfiance est de mise. Logique. Tu avances, trouvant une réponse correcte dans ta cervelle de moineau débile et hyperactif. Tu secoues la tête, continuant à avancer avant de voir le nouveau message. Bon dieu, comment lui expliquer ?

De Sachs à

J’comprends que tu te méfies, j’t’en veux pas pour ça.

Bien au contraire.

De Sachs à

J’ai peut-être compris que ça servait à rien c’te guerre débile qui ne concerne que nos paternels… Et pas nous.

Demi vérité. Mais vérité quand même.

De Sachs à

J’sais bien que j’ai été un crétin et j’m’en veux...

Tu t’en veux parce que maintenant tu t’en mords les doigts. Parce que ton coeur est en train de souffrir de tout ça. Alors que peut-être il n’y a pas d’espoir… Mais tu voudrais y croire un peu.

Elle pose son téléphone en poussant un soupir dans la nuit noire et se masse les tempes en même temps. Il faut attendre plusieurs minutes pour que le téléphone vibre, annonçant une réponse. Elle n'ose pas regarder tout de suite. Elle ne sait pas à quoi elle peut s'attendre avec lui. Elle ne sait pas ce que son message peut contenir. Alors elle attend en observant son téléphone dont l'écran finit par s'éteindre pour se rallumer à peine quelques secondes plus tard. Un deuxième message. Alors cette fois, elle attrape son téléphone, le déverrouille et jette un regard au premier message. Il trouve normal qu'elle se méfie et ne lui en veut pas pour ça. Encore heureux. Ce n'est pas comme s'il avait quelque chose à dire de toute façon. Ce n'est pas non plus comme si elle en avait quelque chose à faire qu'il lui en veuille ou pas.

Il évoque la débilité de cette guerre qui a été entamée par leurs pères, nourrie par ces derniers et qu'ils ont continué d'entretenir eux-mêmes toutes ces années. Elle principalement pour lui répondre, parce qu'il avait été sans aucun doute le plus impliqué les deux là-dedans, du moins au début. Il faut dire que son père avait certainement été du genre à l'endoctriner sur la question. Certainement été bien plus rageux que monsieur Hardt. Non pas que son père soit particulièrement plus intelligent que Sachs Senior car il n'avait pas arrêté cette guerre, mais...

De à Sachs

T'as compris ça tout seul ou c'est Lisa qui te l'a fait comprendre ?

À moins qu'il se soit rendu compte que, Lisa étant une patineuse elle aussi, cette guerre à la con lui faisait du mal à elle aussi. Peut-être que c'était bien la seule raison qui avait poussé Sachs au cesser-le-feu. Réaliser enfin que sa meilleure amie était impactée par toute ces conneries. Qu'elle avait eu pendant des années à ménager la chèvre et le chou, le cul entre deux chaises. Jamais elle ne pourrait imaginer que c'est bien le mal qu'il lui a fait, à elle, qui le rend honteux.

Un pied après l’autre, tu t’avances dans la nuit, éclairé par ton téléphone comme seule source de lumière entre chaque lampadaire. Un pied après l’autre, tu approches enfin des rues familières qui sont parallèles à celles qui donnent sur la maison familiale. Un dernier regard vers les façades avant de sentir ton téléphone vibrer dans ta main. Tu baisses le regard vers l’écran et soupires un peu à la question. Tu tapotes ton pouce contre la coque, réfléchissant doucement aux bons mots à employer. Ta psy pourrait être fière de toi, tient. Prendre le temps avant d’agir sous l’impulsivité. Peut-être que les cachets font effet après tout.

De Sachs à

J’l’ai compris tout seul. J’ai mis du temps, mais j’ai juste ouvert les yeux en fait.

*Tu m’as ouvert les yeux.*

Que tu penses très fort sans le rajouter dans ton message. Tu aimerais bien. Mais c’est encore trop tôt pour espérer la paix complète avec elle. C’est encore trop tôt pour croire l’approcher aussi facilement que le fait Lisa ou Myers. Tu inspires un peu avant d’envoyer un second message avant de ranger ton téléphone dans la poche de ta veste.

De Sachs à

J’pourrais pas expliquer pourquoi… Tu ne comprendrais pas.

Tu profites alors de zipper ta poche et de passer par-derrière pour arriver dans ton jardin. Tu approches de ton balcon, évalues la distance dans la nuit et lances en premier ta batte de baseball, mais tu t’écartes avant de la recevoir sur la tête en soupirant. Ouais, non, on recommence. Tu réévalues un instant, reculant de nouveau et lance ta batte qui passe entre deux barreaux, atterrissant sur le carrelage. Au moins ça de fait. Tu fais un peu craquer ta nuque avant de commencer à escalader par la fenêtre du rez-de-chaussée pour atteindre ton balcon. Tu mets un peu de temps, cherchant au toucher les prises.

Dans le noir, c’est jamais simple, mais au moins, tu arrives sans tomber, sans encombre, à ton balcon. Tu peux alors ouvrir la baie, qui n’était pas verrouillée et range la batte sous le lit. Tu retournes dehors, conscient que tu n’arriverais pas à dormir de suite et soupires, venant te poser contre la barrière. Tu redresses la tête, pensant la voir sur son lit, dans sa chambre ou autre, mais… Mais non. Tu te redresses, surpris, en voyant qu’elle était aussi sur son balcon. Tu te mords la lèvre et souris légèrement, levant la main pour la saluer doucement, peu sûr de toi.