J'ai 35 ans et je vis à Paris, rue Frédéric Sauton -(5e arrondissement), France. Dans la vie, je suis propriétaire d'une librairie et je m'en sors comme je peux, au vu des restrictions.... Sinon, je suis célibataire mais je ne suis jamais seul bien longtemps.
Les prunelles bleutées du libraire s'écarquillèrent lorsqu’Helene démentit ses pensées. Il aurait pourtant juré ne pas avoir prononcé cette phrase à voix haute. Il avait tellement craint qu’elle ne veuille plus le voir… l’avait-elle ressenti ? Ou l’avait-il pensé si fort qu’il n’avait pas réalisé l’avoir annoncé à voix haute. Quoi qu’il en soit, sa réponse lui fit piquer un fard… honteux d’avoir laissé échapper ses pensées sans aucun filtre. Ou alors était-ce le fait qu’elle lui dise avec conviction qu’il était important pour elle ?
Je n’aurais pas voulu quelqu’un d’autre. Lucien sentit son cœur s’emballer de manière totalement incontrôlable. Son estomac se tordit, et le battement de son palpitant se fit ressentir jusque dans ses tempes. Il avait tellement refait la scène devant chez Helene pour essayer de comprendre ce qu’il avait pu faire de mal… et si finalement ce n’était qu’un immense malentendu ? Partagé entre le soulagement, et un drôle de sentiment qui lui donnait la nausée, tout en inondant son corps d’une douce chaleur. Il n’aurait laissé personne d’autre prendre sa place, ce soir-là.
Lucien avait été absent pendant longtemps, mais il pouvait penser avec fierté qu’il avait été là dans un moment où elle avait eu besoin de lui.
Sa main vint frôler la sienne, une nouvelle fois, provoquant un énième sursaut dans sa poitrine. Il devait être épuisé, il fallait qu’il se repose où alors il risquait d’y passer. “Je serai toujours là.” Articula-t-il avec un léger bégaiement, hypnotisé par les yeux clairs de la docteure.
Il eut soudain une terrible envie de se rapprocher pour la prendre dans ses bras, la serrer contre lui. Cette envie n’avait rien de comparable avec les étreintes de Louise, qu’il faisait pour la réconforter. A cet instant, c’est comme si Lucien avait besoin de réconfort pour lui-même. Il freina cette drôle de pensée, rougissant de plus belle.
Bon sang mais quelle mouche l’avait piqué ?
Évidemment, comme si cela n’était pas suffisant, Louise choisit cet instant exactement pour revenir dans la pièce. Elle ne manqua pas leurs mains enlacées timidement, et leurs regards liés. Elle esquissa un sourire attendri, son cœur rempli d’amour alors qu’elle voyait le visage rougissant de Lucien. C’était la première fois qu’elle le voyait aussi proche d’une femme… d’une autre femme qu’elle. Un pincement au cœur, tout de même, la heurta quelques instants, puis elle se concentra sur ses deux amis.
S’ils restaient ici, ils ne parleraient pas avec sincérité… pas devant elle. “Je vais devoir vous mettre à la rue avant le couvre-feu, mes chers amis. Même si l’envie de vous kidnapper pour vous garder pour moi est très tentante.” Dit-elle avec assurance, tandis que Lucien et Helene quittaient leur contact physique, surpris par l’arrivée de la femme à la chevelure flamboyante.
“Oui, il se fait tard. Merci Louise.” Dit Lucien en la prenant dans ses bras. Son amie l’étreignit avec force, ce qui n’aida pas à Lucien à redescendre de ses émotions. Elle l’avait forcément vu. Qu’allait-elle se dire ? Elle fit de même avec Helene, oubliant complètement qu’elle n’était pas tactile -après tout, elle choisissait bien ses têtes, ricana-t-elle intérieurement.
Lucien et Helene se retrouvèrent dans la cour de l’immeuble quelques minutes plus tard, l’un devant l’autre. Il n’avait pas envie de la quitter, pas après cette discussion, mais il n’arrivait plus à dire quoi que ce soit non plus pour la retenir. Les mains moites, et le regard baissé de honte, il resta immobile quelques secondes, espérant qu’une intervention divine le sortirait de là.
J'ai 33 ans et je vis là où me mène mes recherche, partout dans le monde. Dans la vie, je suis Docteure en médecine, tératologie et biologie et je m'en sors bien. Sinon, grâce à ma chance-malchance, je suis mariée sur le papier, mais je me considère divorcée
Alors qu’elle démentait ses pensées, Helene croisa le regard surpris du libraire, ce même regard qu’elle croisait lorsque, enfant, elle répondait aux questions qui ne lui étaient pas adressés. Cet étonnement qu’elle avait vu dans le reflet, celui pour qui elle venait de pénétrer l’intimité. Lucien ne lui renvoyait pas cette même sensation. La surprise, oui, celle d’avoir ses pensées dévoilées et celle de sa réponse. Elle-même ne s’était pas attendue à lui dévoiler aussi sincèrement ce qui se cachait au fond d’elle. La médecin était tant habituée à dévoiler les secrets des autres, si peut les siens, que sa propre sincérité la surprenait.
Tout comme Lucien, ses joues rosirent, son cœur s’emballa. Elle serra un peu plus fort la main du libraire, comme pour s’assurer que tout ceci était bien réel, qu’il n’allait pas s’évaporer et elle se réveiller. Pourtant il était bien là, face à elle, les yeux plongés dans les siens. Les mots qu’il prononça firent s’entrouvrir ses lèvres, de stupeur et de plaisir. Une émotion délicieuse, qui ne put complètement effacer la pointe d’angoisse au fond de son cœur. Ce faible souffle glacé qui apportait avec elle le doute, la crainte, la douleur, l’abandon. De douloureuse expérience de son passé, qu’elle essayait de dépasser.
A ce moment, le plaisir était pourtant plus fort. L’envie, puissante de se pencher, de sentir à nouveau les bras de Lucien autour d’elle, sa peau contre la sienne et leur souffle qui se mélange…
L’arrivée de Louise vint rompre cet instant. Helene papillonna des yeux et se détourna du libraire, retirant sa main de la sienne, essayant de dissimuler son visage aux joues rosies et de calmer son palpitant bien trop élevé. « Tu as raison, il est temps de partir. Merci pour ton accueil, comme toujours. » Dit-elle avec une voix plus calme et assuré que ne l’était son esprit. Elle fut surprise par l’étreinte de Louise et par les pensées qu’elle capta. Mais, bien vite, ils se retrouvèrent tous deux dans la cour de l’immeuble.
Une gêne s’était installée entre eux, l’interruption de leur conversation ne leur ayant pas permis de traiter tout ce qu’ils venaient de se dire. « J’espère ne pas t’avoir trop embarrasser chez Louise, ce n’était pas mon intention… Souffle-t-elle en espérant briser le silence et rajouta en souriant. Mais j’espère aussi que nous pourrons reprendre une relation plus saine qu’il y a quelques semaines. Et c’est bien connu, à force d’éviter quelqu’un, on finit par toujours tomber sur cette personne, cela aurait fini par être impossible de te défaire de moi. » Helene avait vraiment l’espoir que ce moment où ils avaient pu se montrer sincère et lever le voile sur ce qui s’était passé ce soir funeste, leur permettrait de rester proche. « Veux-tu un peu de compagnie jusque chez toi ? » Proposa-t-elle à demie-voix, craignant quelque peu sa réponse, bien qu’il soit tout à fait en droit de refuser. Egoïstement, elle ne voulait pas que ce moment s’arrête.
J'ai 35 ans et je vis à Paris, rue Frédéric Sauton -(5e arrondissement), France. Dans la vie, je suis propriétaire d'une librairie et je m'en sors comme je peux, au vu des restrictions.... Sinon, je suis célibataire mais je ne suis jamais seul bien longtemps.
L’intervention divine que Lucien attendait fut en réalité celle de la délicieuse Helene, rompant le silence alors qu’il peinait à garder contenance. L’homme releva les yeux vers son visage, écoutant avec stupeur la britannique s’inquiéter de l’avoir embarrassé. Bouchée bée, Lucien la laissa terminer sa phrase, détailler ses pensées… La plupart du temps, des échanges de regards leur suffisaient à se comprendre. Cela faisait tellement longtemps qu’ils ne s’étaient pas vus… Ressentait-elle le besoin de verbaliser pour ne pas risquer un autre malentendu ?
Lucien sentit un poids dans la poitrine se retirer, lui rendant le souffle plus facile. Il n’aperçut pas le rideau de l’appartement de Louise qui se tirait. Il n’y pensa pas une seconde, même. “Tu ne m'embarrasseras jamais, Helene.” Lui répondit-il avec fermeté. Jamais une telle idée ne lui serait venue, au contraire. Sa présence avait pansé les plaies ancrées dans son esprit suite aux semaines de cavale qu’il avait vécues. “Je… Je n’ai jamais voulu t’éviter.” Nuança-t-il également. Il lui avait laissé l’espace demandé, bien qu’à contrecœur.
Avant son départ pour Marseille, son changement d’identité, Lucien s’était souvent pris à espérer qu’elle passerait la porte de la librairie, qu’elle viendrait prendre le thé avec lui. Et puis… Il comprit. Ses prunelles se teintèrent d’une légère lueur de peine alors qu’il réalisait qu’elle l’avait évité.
Helene lui avait demandé de l’espace… Pourquoi est-ce aussi douloureux de se rendre compte qu’elle avait préféré le garder à distance alors qu’il le savait ? Lucien resta un instant immobile et silencieux, ne sachant quoi lui répondre. Il n’y avait pas de bonne réponse. Il ne pouvait qu’être là si elle avait besoin de lui, et s’effacer quand elle ne voulait pas de sa compagnie.
A cet instant, elle lui proposa la sienne. Lucien, partagé entre sa peine et son envie irrésistible de rester à ses côtés, pinça les lèvres en réfléchissant. A quoi au juste ? Il n’avait aucune envie de décliner. Simplement… il ne voulait pas passer pour un opportuniste, ou la brusquer alors qu’ils se retrouvaient seulement. Il hocha silencieusement de la tête, soulagé d’avoir pu mettre un terme à cette longue distance avec son amie.
Et finalement, il formula tout haut ce qu’il pensait tout bas… “La réponse n’est-elle pas évidente ?” Dit-il la gorge un peu serrée par l’émotion. Lucien lui prit la main, aussi spontanément que c’était surprenant, puis l’entraîna dans son sillage vers la librairie. Paris lui avait manqué. Louise aussi. Helene, c’était maintenant indéniable… Et le chemin de la librairie en sa compagnie, il n’osa même pas y penser tant le paysage ravivait en lui la chaleur de la vie.
“Helene ?” Demanda-t-il à mi-chemin, rompant le silence religieux dans lequel ils marchaient, côte à côte. “Je n’ai pas envie de rentrer. Pas maintenant.” Avoua-t-il avec une touche d’angoisse. Georgette allait le tuer. Tout au mieux, elle le prendrait dans ses bras et mettrait mal à l’aise son amie qui se sentirait obligée de partir pour les laisser discuter.
Ensuite, elle le tuerait.
Pour l’heure, Lucien avait juste envie de vivre, respirer, sentir la chaleur dans sa poitrine alors qu’il marchait aux côtés de la britannique.
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