Nous tressaillons tous les deux en entendant les paroles de Pierre et Il émet même un léger grondement.
Non, je n’aurais pas dû la laisser mourir ! J’aurais dû faire comme avec Léo, c’est tout. J’ai voulu être respectueux du dégoût de mon amie, voilà où cela nous avait mené. Louis demande alors la raison de cette situation, ce que je ne peux évidemment pas formuler.

Doucement, je m’approche de Léo qui, dague en main, n’est pas rassuré. Est-ce moi ou sa sœur qui l’effraie ? Je ne saurai le dire. Probablement les deux. Arrivé à son niveau, je lève doucement la patte, mimant de m’entailler la peau avant de la porter vers sa bouche. Les sourcils se froncent un instant puis, dans les regards les souvenirs deviennent clairs. Sauf Léo, qui était inconscient, Ils se souviennent du soin que je lui avais apporté. Ainsi, levant toujours la même patte, je me dirigeais vers Alaïs, posant cette fois mon avant-bras sur son ventre et non sur sa bouche.

Je vois… Soupira Pierre.
Il fallait qu’on tombe sur un lycan sensible… Ronchonna Louis.
Sur un lycan amoureux, tu veux dire… Pouffa Léo.

Suffit vous deux ! Pesta Pierre. Dois-je vous rappeler que, même si son dernier choix est malheureux, sans ce lycan sensible ou amoureux, il est plus que probable qu’il soit le seul en vie dans cette pièce en cet instant ?

Il s'ensuit alors une discussion quant à la volonté d’Alaïs de mourir et, de nouveau, je frissonne. Ils décident d’attendre l’arrivée du soleil et que la lycan lui rende le contrôle pour faire selon ses désirs. Sauf que moi, je sais ce qu’elle souhaite, mais je ne peux m’y résoudre.
Je ne peux pas accepter qu’elle meurt par ma faute.

Des chasseurs n’est-ce pas ? Demanda le vieil homme. Je suis chirurgien, j’ai eu à faire avec un certain nombre de vos confrères durant ma longue vie. J’ai déjà vu ce genre de semi-transformation…

Il venait de gagner mon attention la plus totale, à un point tel que je n’avais même pas remarqué que je m’étais approché de lui. Il recula un peu par réflexe, méfiant malgré tout.
Je… De ce que j’ai compris, la transformation doit être confirmée lors de la première Lune… Autrement dit, il faut que le lycan consomme une grande quantité de viande humaine, sans quoi Il se retrouve à être un simple esprit coincé dans un humain. Si elle reste ainsi attachée, peut-être n’aura-t-elle qu’à vivre avec un deuxième esprit, sans avoir ses… Facultés ? C’est en tout cas ce qu’un lycan mourant m’a expliqué.

Ainsi, selon ce vieil homme, il y avait peut-être un espoir…

Il semblerait que c’est parce qu’il y a cette confirmation qu'à leur première transformation, ils sont aussi sanguinaires. Concluait le vieil homme. Alors empêchez là de nous manger, cela règlerait peut-être votre problème.

Qu'il soit sensible, amoureux ou seulement stupide, j'aurais préféré qu'il s'abstienne de me venir en aide ce jour-là. Je déteste me retrouver ainsi prisonnière de mon propre corps… C'est horrible de devoir assister à tout cela, tout ressentir… sans jamais pouvoir réagir et interagir avec l'extérieur. Mais c'est finalement, mon père qui m'offre une réelle opportunité d'en finir… Attendre le lever du jour pour m'exprimer très clairement sur mes choix d'avenir… Il est hors de question de vivre comme ça. Je ne pourrais pas le supporter. Et puis, si je comprends bien, sans l'intervention de Roland, je devrais déjà être morte… Ce ne serait donc qu'un juste retour des choses.

L'intervention du vieil homme attira toute l'attention de l'assistance, celle de L'Autre y compris. Visiblement, se retrouver à ma place, prisonnière d'un corps inutilisable ne lui convient pas du tout. Elle grogne, s'agite… Pour les miens, le chirurgien vient d'allumer une lueur d'espoir… Pour moi, c'est un risque inconsidéré que je me refuse de prendre. Ce ne sont que des paroles après tout et rien ne nous prouve que tout ce qu'il avance est vrai…

Mais pour l'heure… Je ne peux malheureusement pas m'exprimer. Tout ce que je peux faire c'est attendre que le soleil se lève… et l'attente est extrêmement longue. Le vieillard finit par s'endormir sur un banc… Léo aussi. Les premières lueurs de l'aube percent doucement, venant teinter la grande salle de teintes ocres… Je la sens doucement se retirer dans un recoin de mon esprit, toujours aussi énervée mais privée du pouvoir d'agir… Je retrouve mon corps, mes capacités…

La lueur dorée qui brillait jusque là dans mes yeux semble avoir disparu. Mon père m'observe avec compassion tandis que Roland reprend son apparence humaine…

– Comment te sens-tu ? me demande Pierre en venant retirer le bâillon qui me cisaille les lèvres.
– J'ai mal partout…

Forcément, mon corps est plié dans une position des plus inconfortables… Sans parler des liens qui sont beaucoup trop serrés.

– Tu as tout entendu ?
– Oui, absolument tout, je rétorque.

Il s'apprête à me libérer lorsque je l'arrête.

– Je ne veux pas courir le moindre risque, papa… je souffle Tue-moi, maintenant.

Si le vieux a raison, le vrai danger est passé Alaïs ! Dis-je tandis que je nouais une nappe autour de ma taille, veillant bien à ce que rien ne dépasse. Il suffirait de t’attacher avant la tombée de la nuit à la prochaine pleine Lune et on serait fixé… Je te surveillerai, ainsi, personne ne sera jamais en danger… Arguais-je en m’avançant.

Je t’en prie ! Si le chirurgien a raison, tu pourras reprendre ta vie ! Suppliais-je. Et si… Et s’il a tort, alors on fera comme tu l’entends… Mais il faut tenter !

C’est alors qu’Il me prit, une nouvelle fois, complètement au dépourvu.

Rouquine ! C’est Moi ! Dit-Il directement dans la pensée de la jeune-femme. Tu peux croire les paroles du vieillard. Il ne nous dit pas tout, mais, à l’odeur, je sais qu’il a longtemps vécu avec mes semblables.

Je jetais un coup d’œil au vieil homme qui ronflait sur son banc. J’avais été tellement focalisé sur la jeune femme que je n’avais pas remarqué les odeurs dont Il parlait.

L’idée du gamin est intelligente Alaïs, cela vaut le coup d’essayer avant de prendre une décision définitive… Affirmait Pierre qui n’avait clairement pas envie de faire ce que lui demandait sa fille.
Comme personne ici d’ailleurs.

La confiance aveugle que j'avais autrefois placée en lui n'existe plus aujourd'hui. Je ne veux pas de son aide et encore moins celle de son loup. Je n'ai pas la moindre envie de l'écouter, de le croire.

– Fermez-la, je soupire, épuisée.

Comment peut-il imaginer que de partager mon corps avec cette idiote de louve puisse être seulement acceptable. Elle gronde toujours en moi… Je la sens ruminer, bouger comme un animal en cage. Jamais nous ne pourrons être en phase, elle et moi… Ce n'est certainement pas une vie. Pas la mienne en tout cas.

– Je ne veux pas de son aide, dis-je en tentant de me redresser sans grimacer.
– Lïs …Il t'a tout de même sauvé la vie…
– Ah oui ? Et regarde-moi maintenant !
– Lïs …Je comprends ton point de vue, vraiment… Mais tu as peut-être une chance alors…
– "Peut-être", oui. Et vous vous basez sur les paroles d'un vieux fou et les ressentis d'un lycan…
– Oui ! Si cela peut m'éviter de tuer ma propre fille de mes mains alors oui, je croirais aveuglément à tout ce qu'ils ont à dire !

Évidemment… En soi, je peux parfaitement le comprendre. Ma demande est tout de même atroce et je sais qu'il n'en ressortira pas indemne mais… À qui d'autre puis-je demander un tel service ?

– Nous serons fixés dans un mois… Peux-tu au moins m'accorder ce délai ?
– Je veux votre parole… Si jamais le vieux se trompe, alors vous devrez y mettre fin… Radicalement !

Vous me vexez jeune-fille ! Laissait entendre le vieil homme depuis l’autre bout de la pièce après qu’Alaïs l’a traité de “vieux-fou”.
Pourtant, Pierre su se montrer persuasif. Naturellement, l’argument d’avoir une chance de ne pas tuer sa propre fille était redoutable. Ainsi, il venait de gagner un délai d’un mois en échange de quoi il fallait promettre de l’achever si l’inconnu se trompait.

Tout est de ma faute… Aussi, il est hors de question que Pierre est à souffrir d’être celui qui te tueras si nécessaire… Alaïs, si cet homme se trompe, je… Je te promets de mettre fin à tes jours… Ainsi Pierre, il n’y aura qu’à moi que vous pourrez en vouloir. Annonçais-je d’un air abattu, mais décidé.

En tout cas, la gamine devait être sacrément en rogne lorsque la Lune s’est pointée ! Lançait le vieillard.

Ce crétin l’a embrassé ! Lança Léo. Il réfléchit alors, haussant les sourcils. Mais, pourquoi dites vous cela ?

Le vieux nous offrait un grand sourire mystérieux. Lors de leur première pleine Lune, les lycans, leur partie loup, se focalise sur la dernière émotion forte de l’humain. Elle était en colère depuis longtemps, cela a donné cette espèce de peste complètement marteau. Expliquait-il avant de pointer le doigt vers moi. Qui avez-vous vu mourir lors de votre pleine Lune pour systématiquement sauver les autres ? J’en ai vu des lycans, mais vous, vous êtes un cas à part.

Je fronçais les sourcils, croisant les bras sur ma poitrine. Comment cela, je suis à part ? Je ne fais pas assez de catastrophes selon vous ? Grognais-je.

Habituellement, l’humain et le loup sont deux êtres différents, ils se partagent, si je puis dire, un seul corps offrant deux apparences, mais généralement, ils vivent chacun de leur côté. Par ailleurs, c’est souvent l’esprit du loup qui domine celui de l’homme après quelques Lunes et une transformation complète. Mais vous… Vous vivez ensemble, l’un pour l’autre, comme deux frères. Votre loup est de votre côté et il partage vos valeurs pour la vie des Hommes, raison pour laquelle il arrive à communiquer par geste, raison pour laquelle il sait parler en silence, n’est-ce pas jeune-fille ? Demanda-t-il à Alaïs.

Il reniflait, renâclait. Comment ce vieux type savait qu’Il avait communiqué avec la rouquine ?

Ce type de lien, je ne l’avais jamais vu sur un loup d’une dizaine d’années. Que ce soit vous ou que ce soit votre loup, sauver votre prochain est un réflexe, c’est donc que c’est un besoin que vous avez éprouvé très fortement lors de votre première Lune. D’où ma question, qui avez-vous vu mourir cette nuit-là ? Votre père ?

J’étais paumé. Nous étions perdus ! Comment savait-il pour la communication par l’esprit ? Comment savait-il pour notre âge ? Comment savait-il tout cela ? Pourtant, toutes ces questions ne faisaient que me donner envie de répondre pour en apprendre plus.

Leur mère… Répondis-je alors en indiquant Alaïs et ses frères du doigt. Son épouse… Ajoutais-je en montrant Pierre. J’ai vu son assassin et la colère, l’impuissance que j’ai ressentie m’ont fait changer… Je l’ai mis en pièce mais… Mais il était trop tard pour faire quoi que ce soit pour elle après…

Je vois, c’est donc cette frustration qui fait qu’aujourd’hui, vous refusez de laisser quelqu’un mourir, même s’il s’agit d’un vieil homme en fin de vie suffisamment stupide pour ne pas regarder où il met les pieds.

Alors, il se levait soudain, lançant que la journée allait être splendide et sortie de l’auberge.

Drôle de personnage ! Susurrait-Il tandis que je l’observais passer.

Sachez, demoiselle, que je ne suis pas fou et que, le moment venu, j’attendrai des excuses ! Dit-il à la rouquine avec un grand sourire avant de sortir.

La porte se refermait derrière lui, me laissant avec une impression étrange et complexe.

J’ai rien compris ! Lança Léo avant de prendre la chope du vieux.

Je n'écoute que très distraitement leur conversation tandis que Pierre me débarrasse de ces fichus cordages qui me brûlent la peau. J'en ai assez… Je suis épuisée, affamée et toujours aussi en colère. Je ne saurais dire de qui, entre Elle et moi, est la plus en colère en réalité. Je sens sa frustration, elle est bien différente de la mienne et ce n'est pas parce qu'on lui a refusé un repas. Pourquoi alors ? Aucune idée. Pour l'heure elle rumine et moi… Je ne suis pas vraiment disposée à écouter qui que ce soit.

Je prends simplement le temps de m'étirer avant de monter dans ma chambre dans l'espoir de pouvoir enfin me reposer… Enfin, en espérant que les pensionnaires de l'auberge ne profitent pas de mon sommeil pour tenter de me tuer … En soi, cela ne me dérange pas spécialement, cela réglerait même plusieurs soucis. Mais je crains trop de voir l'Autre réagir à ma place. Je ne tiens pas à avoir une mort sur ma conscience.

Pour plus de précautions, je verrouille la porte derrière moi avant de m'effondrer sur mon lit. Je me sens si vide et malgré tout si… mal. Et pourtant ce sentiment là n'est pas nouveau. Il est même sacrément familier à force de me tenir compagnie depuis… Une bonne douzaine d'années. Au fond, la folie de l'Autre n'a rien à envier au mal qui me ronge depuis bien longtemps maintenant. Un mal si profond que je suis bien incapable de me souvenir de ce qu'est la joie… Je ris, bien-sûr, mais différemment d'autrefois. Et je commence à me demander si cette envie de mourir est si nouvelle que ça…

Probablement pas.

"J'ai essayé," me dit-elle sans rien ajouter. J'ai beau l'interroger sur ces propos, elle se contente de répéter "J'ai essayé"...

A-t'elle essayée de le provoquer pour le pousser à me tuer ?

Je me réveille plusieurs heures plus tard avec l'intention de travailler, mais la tenancière me fait bien comprendre qu'elle préférerait me voir quitter l'auberge. Pierre a beau protester, néanmoins, il est bien évident que cette pauvre femme a eu la trouille de sa vie et ce… à cause de moi. Je ne cherche donc pas à me défendre et me contente de récupérer mes affaires. Je peux très bien m'installer dans la grotte qui m'a servi d'abri jusqu'à la pleine Lune.

Ce pseudo isolement me fera le plus grand bien. Les miens savent parfaitement où me trouver… Pierre vient même installer des chaînes en prévision de la prochaine Lune, histoire de limiter les risques. Vivre dans une grotte en plein hiver n'est peut-être pas la meilleure des idées, mais grâce à l'Autre, le froid n'a plus aucun sur moi. S'il y a bien un avantage à cette possession, c'est bien cela.

Alaïs libérée, nous l’avions laissée se replier dans sa chambre. J’avais alors rattrapé le vieil homme à l’extérieur. Je voulais comprendre, savoir d’où il connaissait tout cela et, surtout, avoir la certitude que l’espoir était tangible et non juste vaguement probable.

L’expérience, mon jeune ami, c’est la clé de tout ce qui régit notre monde ! Avait-il simplement répondu, accompagnant sa phrase d’un sourire chargé de malice.

Aussi étonnant que cela puisse paraitre, si les gens m’esquivaient, on ne m’avait pas demandé de quitter les lieux dès forme humaine retrouvée. Tout le monde avait eu extrêmement peur, mais, si le loup immense avait fait des dégâts et avait crié très fort, c’était de la jeune femme que la population avait eu le plus peur.
La raison m’échappait complètement, car, elle n’avait, finalement, rien fait à personne. Elle n’avait même pas abimé une chaise.

Je laissais passer deux jours avant d’aller en direction de la grotte. Pierre était venu y installer des chaines alors que mon amie s’y était terrée. J’attendais un jour de plus avant de m’approcher. Je ne savais pas quoi dire, je ne savais pas quoi faire, je ne savais même pas si je pouvais faire quelque chose.
Il était même probable qu’elle ne veuille pas me voir.
Aussi avais-je prévu de simplement venir pour être présent.

Alaïs ? Je peux ? Avais-je demandé doucement en passant l’entrée de la grotte.

La solitude ne m'a jamais dérangée, bien au contraire. Après tout, je ne suis que très rarement seule et vivre avec autant d'hommes peut parfois être épuisant. Léo a la fâcheuse tendance à combler le vide et le silence en parlant de tout et de n'importe quoi. Il peut passer des heures à décrire une épée aperçue chez un forgeron simplement pour tromper l'ennui. Louis préfère fredonner, souvent le même air entendu dans une taverne… Pierre est le plus discret, mais sa présence paternelle reste imposante. Il nous surveille, même à nos âges et ne se prive pas de nous réprimander lorsqu'il le juge nécessaire.

J'avais deux autres frères, Alfred et Hugo, mais ces derniers sont morts lors d'une attaque de basilic, il y a de ça plusieurs années. Ils étaient bien plus âgés que moi et chassaient avec Pierre alors que je n'étais encore qu'une petite fille collée aux jupes de sa mère. Je n'ai donc plus vraiment de souvenirs d'eux, mais leur mort plane encore au-dessus de nous.

J'espérais donc que cet isolement me permettrait de me recentrer un peu sur moi… Sur ma situation, sur mon avenir… Malheureusement pour moi, l'Autre est presque aussi bavarde que Léo. Elle parle sans cesse de nourriture… Sa colère est toujours aussi importante si bien qu'elle prend régulièrement plaisir à m'envoyer des images de sang et de viscères… Surtout lorsque je parviens, enfin, à m'endormir.

C'est donc son nouveau jeu, celui de me priver de sommeil. Je l'entends rire dans mes cauchemars, plus particulièrement lorsqu'elle me force à la regarder tuer les membres de ma famille… À mon réveil, elle sifflote négligemment, comme un enfant qui vient de commettre une "bêtise" volontaire en essayant de faire comme si de rien n'était.

– Si seulement tu pouvais être en face de moi, lui dis-je en grognant.
– Ah oui ? Pourquoiiii ?
– Je prendrais un plaisir énorme à te faire subir tout ce que tu t'amuses à me montrer…
– Hm… Arrête, tu me fais frissonner.
– Espèce de garce diabolique…

Elle éclate de rire.

– Tiens… Y'a une personne très intéressante qui approche.
– La ferme…
– Quoi ? C'est pas trop tôt… Ils commençaient à me manquer. Surtout l'humain.
– Ouais… Bah c'est pas mon cas.
– Menteuse, siffle-t-elle avant de se remettre à rire.

–Alaïs ? Je peux ?
– Je ne vois même pas pourquoi tu poses la question puisque tu n'en fait qu'à ta tête, je soupire en me relevant. Que puis-je faire pour toi ?
– Moi je sais.
– Mais tu vas la fermer oui ! je gronde.
– Roh allez… Juste un petit peu…
– Bref… Que veux-tu ?

L’accueil est à l’image de la météo, glacial. Je n’en suis cependant pas surpris, après tout, elle a des raisons de m’en vouloir. A vrai dire, j’aurais été plus que surpris si elle m’avait accueilli à bras ouverts et avec le sourire.
Je ne me sentais pas véritablement en droit d’être vexé après qu’elle ai annoncé que je n’en faisais qu’à ma tête, même si cela me fit soupirer.

Alors que j’allais répondre, elle haussa le ton brusquement en me demandant de la fermer. Je me figeais sur place, surpris puisque je n’avais encore rien dit.
Pas à toi qu’elle parle ! M’annonça-t-Il, venant à mon secours.
Je la trouvais, renfrognée dans un coin avant qu’elle ne se relève. Elle paraissait épuisée, ce que j’imaginais parfaitement lié à des nuits agitées.

Elle corrigea ses paroles en me demandant ce que je voulais, confirmant par la même occasion que ce n’était bel et bien pas à moi qu’elle demandait de ne plus parler.

Je venais voir comment tu allais, savoir un peu comment tu vivais ces derniers jours… Je sais que ce n’est pas évident et…

Aller ! N’ai pas peur, au pire elle te râlera dessus… Me lançait-Il

Je voulais que tu saches que je suis là si tu as envie de parler de ton ressenti, de tes sentiments ou de tes pensées. J’ai été totalement mal habile la dernière fois, mais je suis là pour t’écouter si tu en ressens le besoin Alaïs.

J’étais resté à distance pour ne pas envahir son espace. Je ne savais pas trop que dire, encore moins que faire. Aussi, j’avais opté pour une démarche qui consistait à la laisser venir à moi si elle le souhaitait.
Sinon, si elle voulait rester seule, alors je repartirais probablement.

– Comment je vais ? pouffé-je avec amertume. Mais je me porte à merveille, voyons.
– Va donc lui faire un gros câlin, il n'attend que ça…

Je ferme les yeux en poussant un profond soupir. J'aimerais tellement qu'elle se taise… Pour de bon. Discuter devient de plus en plus pénible avec l'Autre pour mettre son grain de sel au milieu de mes conversations. Je suppose que c'est totalement volontaire de sa part. Si discuter devient compliqué, alors je n'ai plus qu'à m'isoler davantage.

– Je n'ai pas vraiment envie de parler, Roland…
– Alors fait autre chose. Je suis sûre que ça te ferait un bien fou ! S'exclame-t-elle avant d'éclater de rire.
– Je voudrais juste qu'elle disparaisse pour de bon.
– Compte là-dessus.
– C'est vraiment difficile de cohabiter avec elle.

Et voilà qu'elle m'envoie des images extrêmement déplacées avant de partir dans une sorte de fou rire démentiel qui m'empêche de pouvoir entendre quoique ce soit. Par instinct – et même si c'est inutile– je me couvre les oreilles dans l'espoir de ne plus l'entendre.

– J'en ai vraiment marre, putain !